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les cours, tribunaux, municipalités, tous les savants et les personnes instruites du royaume à adresser au garde des sceaux tous les renseignements et mémoires de nature à faire connaître, dans toutes les provinces de France, la forme des élections, ainsi que le nombre et la qualité des électeurs et des élus.-Cet acte provoqua de nouvelles luttes entre le parlement, la cour et les chefs de la noblesse. L'opinion publique s'exprima par de nombreux écrits, et prépara ou plutôt assura le triomphe des idées nationales. Le roi, n'osant ou ne voulant pas se prononcer résolument, décida, par un arrêt du conseil d'État, du 5 oct. 1788 (V. Droit constit., p. 276), la convocation au 3 nov. suivant, d'une assemblée de notables « pour délibérer uniquement sur la manière la plus régulière et la plus convenable de procéder à la formation des états généraux de 1789, à l'effet de quoi S. M. leur fera communiquer les différents renseignements qu'il aura été possible de se procurer sur la constitution des précédents états généraux, et sur les formes qui ont été suivies pour la convocation et l'élection des membres de ces assemblées nationales. » Les formes de la convocation et de l'élection n'auraient donné lieu qu'à des recherches de légistes; recherches qui ont été faites de nouveau, il y a quelques années, avec autant de soin que de succès dans deux ouvrages spéciaux du plus grand intérêt, l'Histoire des états généraux et des institutions représentatives en France, par M. Thibeaudeau; et l'Histoire des états généraux en France, par M. Rathery. Mais les bases mêmes de l'institution étaient mises en question; des discussions solennelles et fort vives eurent lieu dans les conseils de la couronne, et les résultats en furent publiés dans un rapport au roi, du 27 déc. 1788 (V. Droit constit., p. 277). Il y est décidé que le nombre des députés de chaque bailliage devra être proportionné à sa population; que le tiers état doit envoyer un nombre de députés égal aux députés des deux autres ordres réunis; enfin que chaque ordre ne sera pas astreint à ne choisir des députés que dans son ordre, et qu'aucune restriction ne doit être apportée à la liberté du choix.-La couronne, par ces décisions, dépassait de beaucoup le parlement qui, après avoir demandé la convocation des états, voulait qu'on s'enfermât dans les formes surannées de 1614; mais elle ne voulut pas abandonner la division en trois ordres son obstination fut vaincue par la force révolutionnaire de l'assemblée à peine réunie, ainsi que nous l'avons rappelé ci-dessus, no 17.

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La consultation officielle ordonnée par le roi eut pour résultat le règlement du 24 janv. 1789, pour l'exécution des lettres de convocation (V. Droit const., p. 281). Cetacte qu'on a appelé notre première loi sur les élections, que d'autres ont même nommé charte électorale, accuse hautement l'imperfection de l'ancienne division administrative de la France, les vices des diversités provinciales, des prééminences féodales, des priviléges de corporation. Malgré tous ces défauts, inhérents à l'ordre défectueux de l'ancienne existence sociale, on voit que le système le plus généralement suivi pour les élections avant 1789, contenait le germe et présentait plusieurs des caractères du suffrage universel à plusieurs degrés. — Le règlement du 24 janv. 1789 est analysé dans les termes suivants par M. Edmond de Beauverger, dans un intéressant article intitulé : Études sur la représentation nationale (Revue de législation, de M. Wolowski, 1850, t. 2, p. 5 et suiv.): « On admit comme circonscriptions les bailliages et sénéchaussées, c'est-à-dire tous les siéges auxquels la connaissance des cas royaux était attribuée, avec distinctions de ceux qui avaient, en 1614, député directement ou conjointement. Les deux premiers ordres votaient non-seulement en raison de la qualité d'ecclésiastique ou de noble, mais par suite de la possession des bénéfices ou des fiefs; en sorte que cette possession, répétée dans plusieurs bailliages, autorisait à voter dans chacun, et que les femmes, les mineurs jouissaient du droit de se faire représenter. Le troisième ordre, nouvellement appelé à se choisir autant de représentants que les deux autres reunis, dut former de premières assemblées où les titres d'admission étaient la qualité de Français, l'âge de vingt-cinq ans, le domicile, l'inscription au registre des impositions, et qui se fractionnaient, dans les grandes villes, suivant le nombre des corpo

(1) Dans les villes, un député pour cent électeurs incorporés; le double pour les corporations d'arts libéraux, de négociants et d'armateurs, ainsi que les babitants non incorporés; dans les campagnes, deux par deux

rations. A ces assemblées appartenait le droit de rédiger ce premier cahier de doléances et de nommer des députés (1) pour porter ces cahiers aux assemblées générales dans les bailliages principaux. Là, les nobles de vingt-cinq ans en personne, ainsi que les ecclésiastiques à bénéfices, les mandataires des possesseurs de fiefs, non présents, le reste du clergé et le tiers par leurs élus, devaient choisir les députés chargés de représenter aux états les trois ordres de chaque bailliage, en y portant des cahiers définitifs, spécialement rédigés par chacun. »

57. L'assemblée nationale ayant, au bout de quelques jours, succédé aux anciens états, l'uniformité territoriale ayant remplacé les anciennes provinces, et une nation de citoyens s'étant élevée sur les ruines des anciens ordres, cette organisation électorale ne pouvait plus subsister. Toutefois, il en resta quelque trace dans les degrés d'élections, dans la division des élections en assemblées primaires et en assemblées électorales. - La première loi

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que la constituante rendit sur cette matière, c'est le décret du 22 déc. 1789, relatif à la constitution des assemblées primaires et des assemblées administratives; il pose en principe que la nomination des représentants à l'assemblée nationale sera faite par département, et que les représentants ne pourront être regardés comme les représentants d'un département particulier, mais comme les représentants de la totalité des départements, c'est-à-dire de la nation entière. Le décret statue sur quatre objets d'une haute importance: il change la division territoriale du royaume; il pose les bases d'un système électoral; il crée des administrations de département et de district; il règle les attributions respectives de ces administrations. L'assemblée nationale, voisine encore des traditions de l'ancienne monarchie, conserva, en l'harmonisant avec les nouveaux principes d'égalité, les deux degrés d'élection pour la nomination des représentants; elle fixa les conditions de l'électorat et de l'éligibilité, posa des règles pour la tenue des colléges électoraux, et introduisit des principes qui n'ont pas cessé d'être en vigueur dans notre régime représentatif. Le 8 janv. 1790, intervint une instruction sur l'exécution de la nouvelle loi. Des lois partielles intervinrent ensuite : celles du 29-30 janv. 1790 sur le serment et les suppléants; du 2-3 fév. 1790 sur le vote, les bulletins, le serment; du 26 fév.4 mars 1790 sur le lieu des assemblées électorales; du 12-20 août 1790, qui contient le commentaire des différentes parties de la loi du 22 déc. 1789.

58. La constitution du 3 sept. 1791 maintient la même organisation générale, mais en modifiant dans un sens libéral les conditions de l'électorat et de l'éligibilité. Elle établit un corps législatif permanent, composé d'une chambre renouvelée, de plein droit, tous les deux ans. En conséquence elle veut que, pour former l'assemblée nationale législative, les citoyens actifs se réunissent tous les deux ans, le second dimanche de mars, en assemblées primaires dans les villes et les cantons. Elle définit le citoyen actif, les conditions pour le devenir et les causes qui font perdre cette qualité. Les citoyens, réunis en assemblées primaires, nomment des électeurs, dans des proportions déterminées avec le nombre des citoyens actifs domiciliés dans la ville ou dans le canton; des conditions de cens différentes selon la population des villes et l'habitation à la campagne; les électeurs nommés en chaque département se réunissent pour élire le nombre de représentants attribué à leur département, et des suppléants pour les cas de mort ou de démission; les représentants et suppléants sont élus à la pluralité absolue des suffrages, et ne peuvent être choisis que parmi les citoyens actifs du département. Tous les citoyens actifs peuvent être élus; sont néanmoins exclus les ministres et autres agents révocables, les employés de la maison du roi, certains fonctionnaires financiers, les administrateurs et officiers municipaux, et les commandants des gardes nationales; les fonctions judiciaires sont incompatibles avec celles de représentant pendant toute la durée de la législature. Les représentants nommés dans les départements ne sont pas les représentants d'un département particulier, mais de la nation entière, et il ne peut leur être donné aucun mandat. Les assem

cents feux et trois au-dessus de deux cents, etc. Ces nombres devaient être réduits, et les cahiers discutés dans d'autres assemblées préparatoires.

blées primaires et électorales ne peuvent faire autre chose que les élections. Tous les deux ans, il est dressé dans chaque district des listes par cantons des citoyens actifs, et la liste de chaque canton y est publiée et affichée. Les réclamations pour omission ou pour indue inscription sont jugées sommairement par les tribunaux. La liste sert, pour la prochaine assemblée primaire, pour tout ce qui n'aura pas été rectifié par des jugements. Les assemblées électorales vérifient la qualité et les pouvoirs de ceux qui s'y présentent, sauf décision définitive par le corps législatif. Tel est le résumé des principales dispositions des sect. 2, 3 et 4 du chap. 1, tit. 3, de la constitution de 1791.

59. La constitution démocratique du 24 juin 1793 confie à l'élection directe du peuple entier la nomination des députés, des administrateurs, des tribunaux de tous les degrés. Les élections sont annuelles. Inutile d'insister davantage, cette loi ayant été suspendue presque immédiatement par l'établissement du gouvernement révolutionnaire.

60. La constitution du 5 fruct. an 3, qui laisse une immense importance à l'élément électif, rétablit l'élection à deux degrés. Elle appelle à voter dans les assemblées primaires tous les citoyens qui ont, dans le même canton, un domicile acquis par la résidence pendant une année; elle règle le nombre et le mode d'opération de ces assemblées; elle veut qu'elles se réunissent pour accepter ou rejeter les changements à l'acte constitutionnel, pour faire les élections qui leur appartiennent d'après la constitution; elles s'assemblent de plein droit chaque année, et procèdent, selon qu'il y a lieu, à la nomination des membres de l'assemblée électorale, du juge de paix et de ses assesseurs, du président de l'administration municipale du canton ou des officiers municipaux dans les communes au-dessus de cinq mille âmes et dans les communes d'une population inférieure ; des assemblées de communes nomment le maire et les adjoints. Toutes les élections se font au scrutin secret. Des peines sont prononcées contre tout citoyen légalement convaincu d'avoir vendu ou altéré un suffrage. Chaque assemblée primaire nomme un électeur

amené et fait accueillir cette organisation. En voici les principaux éléments.

Les personnes auxquelles la constitution reconnaît la qualité de citoyens désignent, dans chaque arrondissement communal, dix d'entre eux qu'ils croient les plus propres à gérer les affaires publiques; il en résulte une liste de confiance, contenant un nombre de noms égal au dixième du nombre des citoyens ayant droit d'y coopérer : c'est dans cette première liste communale que doivent être pris les fonctionnaires publics de l'arrondissement. Les citoyens compris dans les listes communales désignent un dixième d'entre eux: il en résulte une seconde liste départementale, dans laquelle doivent être pris les fonctionnaires publics du département. Les citoyens portés dans la liste départementale désignent pareillement un dixième d'entre eux : il en résulte une troisième liste, qui comprend les citoyens de ce département éligibles aux fonctions publiques nationales. L'inscription sur une liste d'éligibles n'est nécessaire qu'à l'égard de celles des fonctions publiques pour lesquelles cette condition est expressément exigée par la constitution ou par la loi. Le sénat conservateur est composé de quatre-vingts membres, inamovibles et à vie, âgés de quarante ans au moins. La nomination d'un sénateur se fait par le sénat, qui choisit entre trois candidats présentés par le corps législatif, par le tribunat et par le premier consul; il ne choisit qu'entre deux candidats, si l'un d'eux est proposé par deux des trois autorités présentantes : il est tenu d'admettre celui qui serait proposé à la fois par les trois autorités. Le sénat élit sur la liste nationale les législateurs, les tribuns, les consuls, les juges de cassation et les commissaires à la comptabilité. Les trois consuls sont nommément désignés par la constitution; deux consuls sortant, également désignés, se réunissent avec le second et le troisième consul et nomment la majorité du sénat, qui se complète ensuite lui-même par voie d'élection. Le tribunat est composé de cent membres, âgés de vingt-cinq ans au moins, renouvelés par cinquième tous les ans. Le corps législatif est composé de trois cents membres, âgés de trente ans au moins; ils sont renouvelés par cinquième tous les ans. Il doit toujours s'y trouver un citoyen au moins de chaque département. Le tribunat discute les projets, le corps législatif les vote sans discussion. Toutes ces dispositions sont contenues dans les tit. 1, 2, 3 de la constitution. Le système des listes fut critiqué bientôt par Bonaparte lui-même, et quand le consulat à vie obligea à remanier la constitution, le sénatus-consulte du 16 therm. an 10 rétablit les colléges électoraux, en leur donnant des attributions assez étroites pour que le pouvoir exécutif y eut toujours l'influence prédominante. D'après ce sénatus-consulte, chaque canton a une assemblée de canton, chaque arrondissement a un collège d'arrondissement, chaque département un collége électoral de département. L'assemblée de canton se compose de tous les citoyens domiciliés dans le canton; elle désigne deux candidats pour la place de juge de paix, et deux pour chaque place de suppléant du juge de paix du canton; dans les. villes de cinq mille âmes, elle présente deux candidats pour chacune des places du conseil municipal, qu'elle choisit sur la liste des cent plus imposés du canton. Elle nomme au collège électoral d'arrondissement le nombre des membres qui lui est assigné, en raison du nombre de citoyens dont elle se compose; elle nomme au. collége électoral de département le nombre de membres qui lui est attribué. Les membres des colléges électoraux doivent être domiciliés dans les arrondissements et départements respectifs. - Les colleges électoraux d'arrondissement ont un membre sur cinq cents habitants, sans que leur nombre puisse excéder deux cents ni être moindre de cent vingt; les colléges électoraux de département ont un membre sur mille habitants, sans que leur nombre puisse excéder trois cents, ni être au-dessous de deux cents. Les membres des colléges électoraux sont à vie, sauf la perte de leur place, prononcée par les colléges s'ils ont été dénoncés au gouvernement comme coupables d'un acte contraire à l'honneur ou à la patrie.---Pour former les colléges électoraux de | département, il est dressé dans chaque département une liste des six cents plus imposés; l'assemblée de canton choisit dans cette liste. L'art. 27 du sénatus-consulte accorde au pouvoir exécutif une intervention directe dans le corps électoral, et la faculté de faire lui-même, en tout temps, des électeurs. Voici le texte de cet

à raison de tant de citoyens. Les membres des assemblées électorales sont nommés chaque année, et ne peuvent être réélus qu'après un intervalle de deux ans. Pour être nommé électeur, il faut avoir la qualité de citoyen et être propriétaire, usufruitier, locataire ou fermier d'un bien d'une valeur graduée selon la population. L'assemblée électorale se réunit chaque année pour procéder exclusivement aux élections qui se trouvent à faire. Ces assemblées élisent, selon qu'il y a lieu, les membres du corps législatif, les membres du tribunal de cassation, les hauts jurés, les administrateurs de département, les présidents, accusateur public et greffier du tribunal criminel, les juges de tribunaux civils. Il y a incompatibilité entre la qualité de membre du corps législatif et l'exercice d'une autre fonction publique, excepté celle d'archiviste de la République. Chaque département nomme à raison de sa population. Les représentants sont ceux de la nation entière, et il ne peut leur être donné aucun mandat. Les deux conseils sont renouvelés tous les ans par tiers, et des restrictions sont apportées à la rééligibilité. Le corps législatif est permanent. Pour être élu membre du conseil des Cinq-Cents, il faut avoir trente ans accomplis et être domicilié en France depuis dix ans. Nul ne peut être élu membre du conseil des Anciens s'il n'a quarante ans accomplis, s'il n'est marié ou veuf, s'il n'est domicilié en France depuis quinze ans avant l'élection. Les dispositions que nous venons d'analyser se trouvent dans les titres 3, 4 et 5 de la constitution. Une loi du 25 fruct. an 3, rendue au rapport de Daunou, règle la tenue et la police des assemblées, le mode d'élection. La loi du 5 vent. an 5 renferme, sous forme d'instruction, un commentaire tres-développé de la constitution et de la loi du 25 fructidor. La loi du 6 germ. an 6 contient des dispositions sur la tenue des assemblées, le mode d'élection, etc.

61. La constitution du 22 frim. an 8 accorda très-largement le droit de citoyen (V. ci-dessus, no 20). Quant aux droits électoraux, elle établit un système nouveau, très compliqué, qui plaçait, en apparence, l'élection partout, mais qui ne lui attribuait que des résultats indirects et presque nuls. Il conduisait à remettre le choix des membres du corps législatif à un corps nommé par le pouvoir exécutif. Les excès de l'anarchie ont

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article: « Le premier consul peut ajouter aux colléges électoraux d'arrondissement dix membres pris parmi les citoyens appartenant à la Légion d'honneur ou qui ont rendu des services. Il peut ajouter à chaque collége électoral de département vingt citoyens, dont dix pris parmi les trente plus imposés du département et les dix autres soit parmi les membres de la Légion d'honneur, soit parmi les citoyens qui ont rendu des services. Il n'est point assujetti, pour ces nominations, à des époques déterminées. » — Les colléges électoraux d'arrondissement présentent au premier consul des candidats pour chaque place vacante au conseil d'arrondissement, et deux citoyens pour faire partie de la liste sur laquelle les membres du tribunat doivent être choisis. Les colléges de département présentent des candidats au conseil général du département et deux citoyens pour former la liste sur laquelle sont nommés les membres du sénat. Les colléges électoraux d'arrondissement et de département présentent chacun deux citoyens domiciliés dans le département, pour former la liste sur laquelle doivent être nommés les membres de la députation au corps législatif.-V. du reste v° Droit constit.

Il fut rendu, le 19 fruct. an 10, un arrêté contenant règlement pour l'exécution du sénatus-consulte relativement aux assemblées de canton, aux colléges électoraux, etc.-Le 29 vend. an 11, intervint un avis du conseil d'État sur les élections de domicile pour l'exercice des droits politiques, sur la durée des assemblées de canton, etc.-La constitution impériale de l'an 12 conserve l'ensemble du système électoral de l'an 10; elle admet de droit dans les colléges de département les grands officiers, commandeurs et officiers de la Légion d'honneur, et les légionnaires dans les colléges d'arrondissement. Le 13 mai 1806, intervint un règlement sur la composition et la tenue des colléges électoraux.

62. L'élection politique reparaît sous une autre forme avec la charte de 1814. Le principe est déposé dans l'art. 39 portant que la chambre des députés sera composée de députés élus par les colléges électoraux, dont l'organisation sera déterminée par les lois. En attendant le vote de ces lois, la chambre des députés resta composée, en 1814, des membres du dernier corps législatif ajourné par décret du 31 déc. 1813. L'art. 37 de la charte veut que les députés soient élus pour cinq ans, et de manière que la chambre soit renouvelée, chaque année, par cinquième; le renouvellement partiel, emprunté aux lois antérieures, fut remplacé, malgré la charte, par le renouvellement intégral, ainsi qu'on le verra ci-après.-Pour pouvoir être admis dans la chambre, il faut, aux termes de la charte, art. 38, être âgé de quarante ans et payer une contribution directe de 1,000 fr. Les électeurs doivent avoir trente ans et payer au moins 300 fr. de contributions directes (art. 39). La moitié, au moins, des députés est choisie parmi les éligibles qui ont leur domicile politique dans le département (art. 40).—V. Droit constit.

63. L'acte additionnel aux constitutions de l'empire, donné par Napoléon pendant les cent jours, maintient, art. 27, les colléges électoraux de département et d'arrondissement, conformément au sénatus-consulte du 16 therm. an 10, sauf quelques modifications, dont la plus importante, contenue dans l'art. 33, est celle qui attribue une représentation spéciale à l'industrie et à la propriété manufacturière et commerciale; ces représentants spéciaux sont élus par le collége électoral de département, sur une liste d'éligibles dressée par les chambres de commerce et les chambres consultatives réunies.-Après la seconde restauration, une ordonnance royale du 13 juillet 1815, prononça la dissolution de l'ancienne chambre des députés, et convoqua, d'après le système encore existant, les colléges d'arrondissement et les colléges de département. Elle fit plus: sans tenir compte de la charte, elle permit aux électeurs de voter à vingt et un ans, et aux députés de siéger à vingt-cinq ans; elle modifia encore plusieurs lois, et annonça qu'un grand nombre d'articles de la charte, parmi lesquels figurent ceux qui règlent l'électorat et l'éligibilité,

(1) Ordonnance du roi qui réforme, selon les principes de la charte Constitutionnelle, les règles d'élection, et prescrit l'exécution de l'art. 46 de la charte (25 juill. 1830).

CHARLES, etc.;-Ayant résolu de prévenir le retour des manœuvres qui ont exercé une influence pernicieuse sur les dernières opérations des colléges électoraux; - Voulant en conséquence réformer, selon les principes de la

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seraient soumis à la révision du pouvoir législatif dans la prochaine session. Cette ordonnance amena la fameuse chambre qu'on a qualifiée d'introuvable. Le même esprit qui l'avait fait nommer présida à un projet de loi sur les élections, présenté par : le gouvernement.-Quelque temps après, l'ord. du 5 sept. 1816 déclara qu'aucun des articles de la charte ne serait revisé, prononça la dissolution de la chambre des députés, établit quelques dispositions réglementaires et convoqua, pour les nouvelles élections, les colléges électoraux d'arrondissement et de département. 64. Le moment était venu de faire la législation électorale annoncée par la charte. Le gouvernement la présenta; les tendances essentiellement divergentes des partis donnèrent aux débats une extrême vivacité. Enfin il en sortit la loi du 5 fév. 1817, la première qui régularisa le système électif, et consacra l'élection directe, malgré les efforts de ceux qui trouvaient, dans ces termes de la charte: « les électeurs qui concourent à la nomination des députés,» la possibilité et l'intention de conserver l'élection à deux degrés. Le besoin de régler des difficullés sur l'âge des éligibles et sur l'option en cas d'élections multiples de la même personne, fit rendre la loi du 25 mars 1818. La loi du 5 fév. 1817 avait amené, dans deux renouvellements partiels, des résultats démocratiques qui lui suscitèrent de violents adversaires. Le 20 fév. 1819, le marquis Barthelemy fit à la chambre des pairs la proposition de la modifier; sa proposition fut adoptée. Après une longue résistance, et un changement de ministère, provoqué par cette grave question, le gouvernement, poussé surtout par l'irritation que causa l'assassinat du duc de Berri, fit présenter, par M. Decazes, un nouveau projet de loi électorale. L'opinion publique lui fit un accueil défavorable. Le ministère Decazes ayant été renversé, M. Siméon présenta un autre projet; il rétablissait l'élection à deux degrés; les colléges électoraux d'arrondissement devaient présenter des | candidats, parmi lesquels le collége de département aurait choisi les députés. La discussion fut des plus remarquables, par le nombre des orateurs inscrits, par le talent de ceux qui prirent la parole, par la chaleur du débat, par l'étendue de la controverse qui embrassa et approfondit tous les systèmes, par les émotions de l'opinion publique qui allèrent jusqu'aux démonstratrations séditieuses. Le système proposé ne fut point admis: on adopta celui du double vote, qui consistait à faire voter deux fois les électeurs les plus imposés, réunis en collége de département. Telle est la base de la loi du 29 juin 1820, combinée, pour les dispositions non abrogées, avec celle du 5 fév. 1817. Des instructions ministérielles, du 29 août, du 24 octobre, du 1er et du 17 novembre 1820, en ont dirigé et éclairé l'application. Plusieurs fois agitée et violemment discutée, la question du renouvellement intégral fut tranchée, malgré les termes de la charte, par la loi du 9 juin 1824, conçue en un seul article, ainsi rédigé : << La chambre actuelle des députés et toutes celles qui la suivront seront renouvelées intégralement. Elles auront une durée de sept années, à compter du jour où aura été rendue l'ordonnance de leur première convocation, à moins qu'elles ne soient dissoutes par le roi. » Le système général de l'électorat et de l'éligibilité, établi par la loi du 29 juin 1820, subsista jusqu'à la fin de la restauration.

65. Les dispositions concernant les listes électorales furent modifiées, d'abord par la loi du 2 mai 1827, particulièrement relative à l'organisation du jury, puis par celle du 2 juill. 1828, qui, déterminée par de nombreux abus d'autorité, et par la nécessité, imposée par l'opinion publique, de donner aux droits des citoyens de nouvelles et plus fortes garanties, consacra, pour la première fois, le grand principe de la permanence des listes électorales, et combina un mode de révision et de rectification plus régulier.

66. Une des ordonnances du 25 juill. 1830, qui ont causé la chute de la restauration, avait pour objet de réformer les règles d'élection (1). Nous ne la citons que comme document historique. charte constitutionnelle, les règles d'élection dont l'expérience a fait sentir les inconvénients; - Nous avons reconnu la nécessité d'user du droit qui nous appartient de pourvoir, par des actes émanés de nous, à la sûreté de l'Etat et à la répression de toute entreprise attentatoire à la dignité de notre couronne; A ces causes,- Nous avons ordonné, etc. Art. 1. Conformément aux art. 15, 36 et 50 de la charte constitu

La chambre des députés, quoique dissoute par une des ordonnances de juillet, siégea le jour auque! elle avait été convoquée;

tionnelle, la chambre des députés ne se composera que de députés de département.

2. Le cens électoral et le cens d'éligibilité se composeront exclusivement des sommes pour lesquelles l'électeur ou l'éligible seront inscrits personnellement, en qualité de propriétaire ou d'usufruitier, aux rôles de l'imposition foncière et de l'imposition personnelle et mobilière.

3. Chaque département aura le nombre de députés qui lui est attribué par l'art. 36 de la charte constitutionnelle.

4. Les députés seront élus et la chambre sera renouvelée dans la forme et pour le temps fixés par l'art. 37 de la charte constitutionnelle.

5. Les colleges électoraux se diviseront en colléges d'arrondissement et colléges de département. - Sont toutefois exceptés les colléges électoraux des départements auxquels il n'est attribué qu'un seul député.

6. Les colléges électoraux d'arrondissement se composeront de tous les électeurs dont le domicile politique sera établi dans l'arrondissement. -Les colléges électoraux de département se composeront du quart le plus imposé des électeurs du département.

7. La circonscription actuelle des colléges électoraux d'arrondissement est maintenue.

8. Chaque collége électoral d'arrondissement élira un nombre de candidats égal au nombre des député du département.

-

9. Le collége d'arrondissement se divisera en autant de sections qu'il devra nommer de candidats. Cette division s'opérera proportionnellement au nombre des sections et au nombre total des électeurs du collège, en ayant égard, autant qu'il sera possible, aux convenances des localités et du voisinage.

10. Les sections du collége électoral d'arrondissement pourront être assemblées dans des lieux différents.

11. Chaque section du collége électoral d'arrondissement élira un candidat, et procédera séparément.

12. Les présidents des sections du collège électoral d'arrondissement seront nommés par les préfets, parmi les électeurs de l'arrondissement.

13. Le collége de département élira les députés. La moitié des députés du département devra être choisie dans la liste générale des candidats proposés par les colléges d'arrondissement. Néanmoins, si le nombre des députés du département est impair, le partage se fera sans réduction du droit réservé au collége du département.

14. Dans le cas où, par l'effet d'omissions, de nominations nulles, ou de doubles nominations, la liste de candidats proposée par les collèges d'arrondissement serait incomplète, si cette liste est réduite au-dessous de la moitié du nombre exigé, le collége de département pourra élire un député de plus hors de la liste; si la liste est réduite au-dessous du quart, le collége de département pourra élire, hors de la liste, la totalité des députés du département.

15. Les préets, les sous-préfets et les officiers généraux commandant les divisions militaires et les départements ne pourront être élus dans les départements où ils exercent leurs fonctions.

16. La liste des électeurs sera arrêtée par le préfet en conseil de pré

(a) Rapport au roi, justificatif des ordonnances sur la presse et les élections. Sire, vos ministres seraient peu dignes de la confiance dont votre majesté les honore, s'ils tardaient plus longtemps à placer sous vos yeux un aperçu de notre situation intérieure, et à signaler à votre haute sagesse les dangers de la presse périodique. A aucune époque, depuis quinze années, cette situation ne s'était présentée sous un aspect plus grave et plus affligeant. Malgré une prospérité matérielle dont nos annales n'avaient jamais offert d'exemple, des signes de désorganisation et des symptômes d'anarchie se manifestent sur presque tous les points du royaume.-Les causes successives qui ont concouru à affaiblir les resorts du gouvernement monarchique, tendent aujourd'hui à en altérer et à en changer la nature déchue de sa force morale, l'autorité, soit dans la capitale, soit dans les provinces, ne lutte plus qu'avec désavantage contre les factions, les doctrines pernicieuses et subversives, hautement professées, se répandent et se propagent dans toutes les classes de la population; des inquiétudes trop généralement accréditées agitent les esprits et tourmentent la société. De toutes parts, on demande au présent des gages de sécurité pour l'avenir.-Une malveillance active, ardente, infatigable, travaille à ruiner tous les fondements de l'ordre et à ravir à la France le bonheur dont elle jouit sous le sceptre de ses rois. Habile à exploiter tous les mécontentements et à soulever toutes les haines, elle fomente, parmi les peuples, un esprit de défiance et d'hostilité envers le pouvoir, et cherche à semer partout des germes de troubles et de guerre civile. Et déjà, sire, des événements récents ont prouvé que les passions politiques, contenues jusqu'ici dans les sommités de la société, commencent à en pénétrer les profondeurs et à émouvoir les masses populaires. Ils ont prouvé aussi que ces masses ne s'ébranleraient pas toujours sans danger pour ceux-là même qui s'efforcent de les arracher au repos. Une multitude de faits, recueillis dans le cours des opérations électorales, confirment ces données, et nous offriraient le présage trop certain de nouvelles commotions, s'il n'était au pouvoir de votre majesté d'en détourner le malheur. -Partout aussi, si l'on observe avec attention, existe un besoin d'ordre, de force et de permanence, et les agitations qui y semblent le plus contraires n'en sont en réalité que l'expression et le témoignage. · Il faut bien le reconnaltre ces agitations, qui ne peuvent s'accroître sans de grands périls, sont presque exclusivement produites et excitées par la liberté de la presse. Une loi sur les élections, non moins féconde en désordres, a sans doute concouru à les entretenir; mais ce serait nier l'évidence que de ne pas voir dans les journaux le principal

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et, appelée pour faire des lois ordinaires, elle accepta des circonstances la mission de faire une constitution et un roi. La

fecture. Elle sera affichée cinq jours avant la réunion des colléges. 17. Les réclamations sur la faculté de voter auxquelles il n'aura pas été fait droit par les préfets seront jugées par la chambre des députés, en même temps qu'elle statuera sur la validité des opérations du collége.

18. Dans les colléges électoraux de département, les deux électeurs les plus âgés, et les deux électeurs le plus imposés rempliront les fonctions de scrutateurs. La même disposition sera observée dans les sections de collége d'arrondissement composées de plus de cinquante électeurs. Dans les autres sections de collége, les fonctions de scrutateur seront remplies par le plus âgé et par le plus imposé des électeurs. Le secrétaire sera nommé dans les colléges et sections de collége par le président et les

scrutateurs.

19. Nul ne sera admis dans le collége ou section de collége, s'il n'est inscrit sur la liste des électeurs qui en doivent faire partie. Cette liste sera remise au président et restera affichée dans le lieu des séances du collége pendant la durée de ses opérations.

20. Toute discussion et toute délibération quelconques seront interdites dans le sein des colléges électoraux.

21. La police du college appartient au président. Aucune force armée ne pourra, sans sa demande, être placée auprès du lieu des séances. Les commandants militaires seront tenus d'obtempérér à ses réquisitions.

22. Les nominations seront faites dans les colléges et sections de collége à la majorité absolue des votes exprimés. Néanmoins, si les nominations ne sont pas terminées après deux tours de scrutin, le bureau arrêtera la liste des personnes qui auront obtenu le plus de suffrages au deuxième tour. Elle contiendra un nombre de noms double de celui des nominations qui resteront à faire. Au troisième tour, les suffrages ne pourront être donnés qu'aux personnes inscrites sur cette liste, et la nomination sera faite à la majorité relative.

23. Les électeurs voteront par bulletins de liste. Chaque bulletin contiendra autant de noms qu'il y aura de nominations à faire.

24. Les électeurs écriront leur vote sur le bureau, ou l'y feront écrire par l'un des scrutateurs.

25. Le nom, la qualification et le domicile de chaque électeur qui déposera son bulletin, seront inscrits par le secrétaire sur une liste destinée à constater le nombre des votants.

26. Chaque scrutin restera ouvert pendant six heures, et sera dépouilé séance tenante.

27. Il sera dressé un procès-verbal pour chaque séance : ce procès-verbal sera signé par tous les membres du bureau.

28. Conformément à l'art. 46 de la charte constitutionnelle, aucun amendement ne pourra être fait à une loi, dans la chambre, s'il n'a été proposé ou consenti par nous, et s'il n'a été renvoyé et discuté dans les bureaux.

29. Toutes dispositions contraires à la présente ordonnance resteront sans effet. 30. Nos ministres secrétaires d'Etat sont chargés de l'exécution de la présente ordonnance (a).

foyer d'une corruption dont les progrès sont chaque jour plus sensibles, et la première source des calamités qui menacent le royaume.

L'expérience, sire, parle plus hautement que les théories. Des hommes éclairés sans doute, et dont la bonne foi d'ailleurs n'est pas suspecte, entraînés par l'exemple mal compris d'un peuple voisin, ont pu croire que les avantages de la presse périodique en balanceraient les inconvénients, et que ses excès se neutraliseraient par des excès contraires. Il n'en a pas été ainsi, l'épreuve est décisive, et la question est maintenant jugée dans la conscience publique. A toutes les époques, en effet, la presse périodique n'a été, et il est dans sa nature de n'être qu'un instrument de désordre et de sédition. Que de preuves nombreuses et irrécusables à apporter à l'appui de cette vérité! C'est par l'action violente et non interrompue de la presse que s'expliquent les variations trop subites, trop fréquentes de notre politique intérieure. Elle n'a pas permis qu'il s'établit en France un système régulier et stable de gouvernement, ni qu'on s'occupât avec quelque suite d'introduire dans toutes les branches de l'administration publique les améliorations dont elles sont susceptibles. Tous les ministères depuis 1814, quoique formés sous des influences diverses et soumis à des directions opposées, ont été en butte aux mêmes traits, aux mêmes allaques et au même déchaînement de passions. Les sacrifices de tout genre, les concessions de pouvoir, les alliances de parti, rien n'a pu les soustraire à cette commune destinée.

Ce rapprochement seul, si fertile en réflexions, suffirait pour assigner à la press6 son véritable, son invariable caractère. Elle s'applique, par des efforts soutenus, persévérants, répétés chaque jour, à relâcher tous les liens d'obéissance et de subordination, à user les ressorts de l'autorité publique, à la rabaisser, à l'avilir dans l'opinion des peuples et à lui créer partout des embarras et des résistances. Son art consiste, non pas à substituer à une trop facile soumission d'esprit une sage liberté d'examen, mais à réduire en problème les vérités les plus positives; non pas à provoquer sur les questions politiques une controverse franche et utile, mais à les présenter sous un faux jour et à les résoudre par des sophismes. La presse a jelé ainsi le désordre dans les intelligences les plus droites, ébranlé les convictions les plus fermes, et produit, au milieu de la société, une confusion de principes qui se prête aux tentatives les plus funestes. C'est par l'anarchie dans les doctrines qu'elle prélude à l'anarchie dans l'État.

Il est digne de remarque, sire, que la presse périodique n'a pas même rempli sa

charte, rapidement revisée, étendit, dans un sens libéral, les dispositions du droit électoral. Les députés sont élus pour cinq ans (art. 3). Pour être admis dans la chambre, il faut avoir trente ans, et réunir les conditions légales (art. 38); pour être électeur, il faut avoir vingt-cinq ans, et réunir les autres conditions déterminées par la loi (art. 40). Les colléges électoraux et la chambre élisent leurs présidents (art. 41 et 43). – L'une des dispositions finales promet une loi sur la réélection des députés promus à des fonctions publiques. En attendant la loi organique

TIT. 1.

-

(1) 19-23 avr. 1831.-Loi sur les élections à la chambre des députés. Des capacités électorales. Art. 1. Tout Français jouissant des droits civils et politiques, âgé de

plus essentielle condition, celle de la publicité. Ce qui est étrange, mais ce qui est vrai à dire, c'est qu'il n'y a pas de publicité en France, en prenant ce mot dans sa juste et rigoureuse acception. Dans l'état des choses, les faits, quand ils ne sont pas entièrement supposés, ne parviennent à la connaissance de plusieurs millions de lecteurs que tronqués, défigurés, mutilés de la manière la plus odieuse. Un épais nuage, élevé par les journaux, dérobe la vérité et intercepte en quelque sorte la lumière entre le gouvernement et les peuples. Les rois, vos prédécesseurs, sire, ont toujours aimé à se communiquer à leurs sujets : c'est une satisfaction dont la presse n'a pas voulu que votre-majesté pût jouir. Une licence, qui a franchi toutes les bornes, n'a respecté, en effet, même dans les occasions les plus solennelles, ni les volontés expresses du roi, ni les paroles descendues du haut du trône. Les unes ont été méconnues et dénaturées; les autres ont eté l'objet de perfides commentaires ou d'amères dérisions. C'est ainsi que le dernier acte de la puissance royale, la proclamation, a été discrédité dans le public, avant même d'être connu des électeurs. Ce n'est pas tout. La presse ne tend pas à moins qu'à subjuguer la souveraineté et à envahir les pouvoirs de l'État. Organe prétendu de l'opinion publique, elle aspire à diriger les débats des deux chambres, et il est incontestable qu'elle y apporte le poids d'une influence non moins fâcheuse que décisive. Cette domination a pris, surtout depuis deux ou trois ans, dans la chambre des députés, un caractère manifeste d'oppression et de tyrannie. On a vu, dans cet intervalle de temps, les journaux poursuivre de leurs insultes et de leurs outrages les membres dont le vote leur paraissait incertain ou suspect. Trop souvent, sire, la liberté des délibérations dans cette chambre a succombé sous les coups redoublés de la presse. On ne peut qualifier en termes moins sévères la conduite des journaux de l'opposition dans des circonstances plus récentes. Après avoir eux-mêmes provoqué une adresse attentatoire aux prérogatives du trône, ils n'ont pas craint d'eriger en principe la réélection des deux cent vingt et un députés dont elle est l'ouvrage. Et cependant votre majesté avait repoussé cette adresse comme offensante; elle avait porté un blame public sur le refus de concours qui y était exprimé; elle avait annoncé sa résolution immuable de défendre les droits de sa couronne, si ouvertement compromis. Les feuilles périodiques n'en ont tenu compte; elles ont pris, au contraire, à tâche de renouveler, de perpétuer et d'aggraver l'offense. Votre majesté décidera si cette attaque téméraire doit rester plus longtemps impunie.

Ce

Mais de tous les excès de la presse, le plus grave peut-être nous reste à signaler. Dès les premiers temps de cette expédition dont la gloire jette un éclat si pur et si durable sur la noble couronne de France, la presse en a critiqué avec une violence inouïe les causes, les moyens, les préparatifs, les chances de succès. Insensible à l'honueur national, il n'a pas dépendu d'elle que notre pavillon ne restat flétri des insultes d'un barbare. Indifférente aux grands intérêts de l'humanité, il n'a pas dépendu d'elle que l'Europe ne restât asservie à un esclavage cruel et à des tributs honteux. n'était point assez par une trahison que nos lois auraient pu atteindre, la presse s'est attachée à publier tous les secrets de l'armement, à porter à la connaissance de l'étranger l'état de nos forces, le dénombrement de nos troupes, celui de nos vaisseaux, l'indication des points de station, les moyens à employer pour dompter l'inconstance des vents, et pour aborder la côte. Tout, jusqu'au lieu du débarquement, a été divulgué comme pour ménager à l'ennemi une défense plus assurée. Et, chose sans exemple chez un peuple civilisé, la presse, par de fausses alarmes sur les périls à courir, n'a pas craint de jeter le découragement dans l'armée, et, signalant à sa haine le chef même de l'entreprise, elle a, pour ainsi dire, excité les soldats à lever contre lui l'étendard de la révolte ou à déserter leurs drapeaux! Voilà ce qu'ont osé faire les organes d'un parti qui se prétend national!

Ce qu'il ose faire chaque jour, dans l'intérieur du royaume, ne va pas moins qu'à disperser les éléments de la paix publique, à dissoudre les liens de la société, et, qu'on ne s'y méprenne point, à faire trembler le sol sous nos pas. Ne craignons pas de révéler ici toute l'étendue de nos maux pour pouvoir mieux apprécier toute l'étendue de nos ressources. Une diffamation systématique, organisée en grand et dirigée avec une persévérance sans égale, va atteindre, ou de près ou de loin, jusqu'au plus humble des agents du pouvoir. Nul de vos sujets, sire, n'est à l'abri d'un outrage, s'il reçoit de son souverain la moindre marque de confiance ou de satisfaction. Un vaste réseau, étendu sur la France, enveloppe tous les fonctionnaires publics; constitués en état permanent de prévention, ils semblent en quelque sorte retranchés de la société civile; on n'épargne que ceux dont la fidélité chancelle; on ne loue que ceux dont la fidélité succombe, les autres sont notés par la faction pour être plus tard sans doute immolés aux vengeances populaires.

La presse périodique n'a pas mis moins d'ardeur à poursuivre de ses traits envenimés la religion et le prêtre. Elle veut, elle voudra toujours déraciner, dans le cœur des peuples, jusqu'au dernier germe des sentiments religieux. Sire, ne doutez pas qu'elle n'y parvienne, en attaquant les fondements de la foi, en altérant les sources de la morale publique, et en prodiguant à pleines mains la dérision et le mépris aux ministres des autels.

Nulle force, il faut l'avouer, n'est capable de résister à un dissolvant aussi énergique que la presse. A toutes les époques où elle s'est dégagée de ses entraves, elle a fait irruption, invasion dans l'État. On ne peut qu'être singulièrement frappé de la similitude de ses effets depuis quinze ans, malgré la diversité des circonstances et malgré le changement des hommes qui ont occupé la scène politique. Sa destinée, est, en un mot, de recommencer la révolution, dont elle proclame hautement les principes. Placée et replacée à plusieurs intervalles sous le joug de la censure, elle n'a

du droit électoral, il intervint, le 12 sept. 1830, une loi transi→ toire destinée à régler le mode à suivre pour pourvoir aux places vacantes dans la chambre des députés. Le même jour, 12 sept. 1830, fut rendue, en accomplissement de la promesse constitutionnelle, une loi sur la réélection des députés fonctionnaires. Enfin la loi générale et définitive qui fixe les conditions de l'électorat et de l'éligibilité, et qui organise l'ensemble du système électoral, tel qu'il a fonctionné pendant tout le règne de LouisPhilippe, est rendue le 19 avril 1831 (1). Elle établit: 1° un cens

vingt-cinq ans accomplis, et payant 200 fr. de contributions directes, est électeur, s'il remplit d'ailleurs les autres conditions fixées par la présente loi.

autant de fois ressaisi la liberté que pour reprendre son ouvrage interrompu. Afin de le continuer avec plus de succès, elle a trouvé un actif auxiliaire dans la presse départementale qui, mettant aux prises les jalousies et les haines locales, semant l'effroi dans l'âme des hommes timides, barcelant l'autorité par d'interminables tracasseries, a exercé une influence presque décisive sur les élections. Ces derniers effets, sire, sont passagers; mais des effets plus durables se font remarquer dans les mœurs et dans le caractère de la nation. Une polémique ardente, mensongère et passionnée, école de scandale et de licence, y produit des changements graves et des altérations profondes; elle donne une fausse direction aux esprits, les remplit de préventions et de préjugés, les détourne des études sérieuses, nuit ainsi au progrès des arts et des sciences, excite parmi nous une fermentation toujours croissante, entretient, jusque dans le sein des familles, de funestes dissensions, et pourrait par degrés nous ramener à la barbarie.

Contre tant de maux enfantés par la presse périodique, la loi et la justice sont éga➡ lement réduites à confesser leur impuissance.- Il serait superflu de rechercher les causes qui ont atténué la répression et en ont fait insensiblement une arme inutile dans la main du pouvoir, il nous suffit d'interroger l'expérience et de constater l'état présent des choses. Les mœurs judiciaires se prêtent difficilement à une répression efficace. Cette vérité d'observation avait depuis longtemps frappé de bons esprits : elle a acquis nouvellement un caractère plus marqué d'évidence. Pour satisfaire aux besoins qui l'ont fait instituer, la répression aurait dû être prompte et forte: elle est restée lente, faible et à peu près nulle. Lorsqu'elle intervient, le dommage est commis; loin de le réparer, la punition y ajoute le scandale du débat.

La poursuite juridique se lasse, la presse séditieuse ne se lasse jamais. L'une s'arrête, parce qu'il y a trop à sévir, l'autre multiplie ses forces en multipliant ses délits. Dans des circonstances diverses, la poursuite a eu ses périodes d'activité ou de relâchement. Mais zèle ou tiédeur de la part du ministère public, qu'importe à la presse? Elle cherche dans le redoublement de ses excès la garantie de leur impunité. -L'insuffisance ou plutôt l'inutilité des précautions établies dans les lois en vigueur, est démontrée par les faits. Ce qui est également démontré par les faits, c'est que la sûreté publique est compromise par la licence de la presse. Il est temps, il est plus que temps d'en arrêter les ravages.

Entendez, sire, ce cri prolongé d'indignation et d'effroi qui part de tous les points de votre royaume. Les hommes paisibles, les gens de bien, les amis de l'ordre élèvent vers votre majesté des mains suppliantes. Tous lui demandent de les préserver du retour des calamités dont leurs pères ou eux-mêmes eurent tant à gémir. Ces alarmes sont trop réelles pour n'être pas écoutées, ces vœux sont trop légitimes pour n'être pas accueillis. Il n'est qu'un seul moyen d'y satisfaire, c'est de rentrer dans la charte. Si les termes de l'art. 8 sont ambigus, son esprit est manifeste. Il est certain que la charte n'a pas concédé la liberté des journaux et des écrits périodiques. Le droit de publier ses opinions personnelles n'implique sûrement pas le droit de publier, par voie d'entreprise, les opinions d'autrui. L'un est l'usage d'une faculté que la loi a pu laisser libre ou soumettre à des restrictions, l'autre est une spéculation d'industrie qui, comme les autres et plus que les autres, suppose la surveillance de l'autorité publique. Les intentions de la charte, à ce sujet, sont exactement expliquées dans la loi du 21 oct. 1814, qui en est en quelque sorte l'appendice, on peut d'autant moins en douter que cette loi fut présentée aux chambres le 5 juillet, c'est-à-dire un mois après la promulgation de la charte. En 1849, à l'époque même ou un système contraire prévalut dans les chambres, il y fut hantement proclamé que la presse périodique n'était point régie par la disposition de l'art. 8. Cette vérité est d'ailleurs attestee par les lois mêmes qui ont imposé aux journaux la condition d'un cautionnement. Maintenant, sire, il ne reste plus qu'à se demander comment doit s'opérer ce retour à la charte et à la loi du 21 oct. 1814. La gravité des conjonctures présentes a résolu cette question. Il ne faut pas s'abuser. Nous ne sommes plus dans les conditions ordinaires du gouvernement représentatif. Les principes sur lesquels il a été établi n'ont pu demeurer intacts, au milieu des vicissitudes politiques. Une démocratie turbulente, qui a pénétré jusque dans nos lois, tend à se substituer au pouvoir légitime. Elle dispose de la majorité des élections par le moyen de ses journaux et lo concours d'affiliations nombreuses. Elle a paralysé, autant qu'il dépendait d'elle, l'exercice regulier de la plus essentielle prérogative de la couronne, celle de dissoudre la chambre élective. Par cela même, la constitution de l'Etat est ébranlée: votre majesté seule conserve la force de la rasseoir et de la raffermir sur ses bases.

Le droit, comme le devoir d'en assurer le maintien, est l'attribut inséparable de la souveraineté. Nul gouvernement sur la terre no resterait debout, s'il n'avait le droit de pourvoir à sa sûreté. Ce pouvoir est préexistant aux lois, parce qu'il est dans la nature des choses. Ce sont là, sire, des maximes qui ont pour elles et la sanction du temps et l'aveu de tous les publicistes de l'Europe. Mais ces maximes ont une autre sanction plus positive encore, celle de la charte elle-même. L'art. 14 a investi votre majesté d'un pouvoir suffisant, non sans doute pour changer nos institutions, mais pour les consolider et les rendre plus immuablos. D'impérieuses nécessités ne permettent plus de différer l'exercice de ce pouvoir suprême. Le moment est venu de recourir à des mesures qui rentrent dans l'esprit de la charte, mais qui sont en dehors de l'ordre légal, dont toutes les ressources ont été inutilement épuisées.—— Ces mesures, sire, vos ministres, qui doivent en assurer le succès, n'hésitent pas à vous les proposer, convaincus qu'ils sont que force restera à justice. Nous sommes avec le plus profond respect, sire.-Signature des ministres de Polignac, Chantelauze, d'Haussez, de Peyronnet, Montbel, de Guernon-Ranville, Capelle.

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