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n°1, Bigot Préameneu, dans son rapport, et M. Troplong, Tr. de l'Échange). Ce dernier auteur cite Pline rappelant ces temps chantés par Homère et qui étaient ceux de la vieille Rome et de notre moyen âge, comme ils sont encore ceux des peuplades d'une civilisation arriérée, où l'on se procurait au moyen de cuirs, du fer, des esclaves, les objets dont on avait besoin. Il faut donc conclure que l'échange a dû nécessairement précéder la vente dont l'un des éléments principaux est un prix d'argent, origo emendi vendendi a permutationibus cœpit (L. 1, D. De contrah. empt).-V. Pothier, infrà, no 4, la savante dissertation de M. Troplong, eod., no 1 s. 3. Au moment où le code civil a été discuté, l'échange était déjà (1) Voici le texte de Pothier, extrait de son traité du Contrat de vente : ART. 5. Du contrat d'échange et des actes qui y ont rapport. 617. Le contrat d'échange est un contrat par lequel l'un des contractants s'oblige à donner une chose à l'autre, à la place immédiatement d'une autre chose, que l'autre contractant s'oblige de sa part de lui donner. J'ai dit immédiatement; car, si nous convenions ensemble que je vous donnerai telle chose pour un certain prix, en payement duquel vous me donnerez de votre côté une autre chose, cette convention n'est pas un contrat d'échange, mais elle renferme une vente que j'ai faite de ma chose, et une dation de la vôtre que vous me faites en payement du prix de la mienne. 618. Il faut aussi, pour le contrat d'échange, que chacun des contractants compare la valeur de la chose qu'il donne à celle de la chose qu'il reçoit, et qu'il ait intention d'acquérir à peu près autant qu'il donne. Mais si deux amis se donnent mutuellement l'un une chose, et l'autre une autre chose, sans égard à leur valeur, c'est une donation mutuelle qu'ils se font; ce n'est pas un contrat d'échange.

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619. Le contrat d'échange a de la ressemblance avec le contrat de vente. Il tenait lieu de contrat de vente dans les premiers âges du monde, avant qu'on eût inventé l'usage de la monnaie, qui a donné naissance au contrat de vente: c'est pourquoi les Sabiniens pensaient que l'échange était un vrai contrat de vente (L. 1, ff., De contrah. empt.).—L'opinion des Proculéiens, qui décident que le contrat d'échange est différent du contrat de vente, est plus véritable. La principale différence est que, dans le contrat de vente, on distingue la chose et le prix; on distingue entre les contractants, le vendeur et l'acheteur. Au contraire, dans le contrat d'échange, chacune des choses est tout à la fois la chose et le prix; chacun des contractants est tout à la fois vendeur et acheteur (câd. L. 1, § 1; L. 1, De permut.).

620. Quoique le contrat d'échange soit différent du contrat de vente, néanmoins, comme il produit dans chacun des contractants les mêmes obligations de garantie que le contrat de vente produit dans le vendeur, on ne peut disconvenir que le contrat d'échange ne soit un contrat ressemblant au contrat de vente, et tenant de la nature de ce contrat: Permutationem vicem emptoris obtinere non est juris incogniti (L. 2, Cod., De rer. permut (Permutatio vicina est emptioni) L. 2, f., De permut.).

621. Selon les principes du droit romain, l'échange n'était pas un contrat purement consensuel.- La simple convention d'échange par laquelle deux personnes étaient convenues d'échanger une chose contre une autre, tant qu'elle n'avait pas encore été exécutée de la part de l'une des parties, n'était qu'un simple pacte, nudum pactum, qui, selon les principes du droit romain, ne produisait aucune obligation civile; car il n'y avait qu'un certain nombre de conventions qui, sans avoir reçu encore aucune exécution, et sans être revêtues de la forme de la stipulation, produisent une obligation civile; le droit civil leur avait attribué des actions qui leur étaient propres, à cause desquelles on appelait ces conventions contrats nommés.

La vente était du nombre de ces contrats nommés; mais l'échange étant, selon le sentiment des Proculéiens, qui avait prévalu, une convention differente de la vente, n'était qu'un simple pacte, qui, n'étant pas revetu de la forme de la stipulation, ne produisait pas d'obligation civile. Néanmoins si, en exécution de cette convention d'échange, l'une des parties avait donné à l'autre la chose qu'elle avait promis de lui donner en échange, la convention, par ce commencement d'exécution, devenait un contrat innommé, do ut des, d'où naissait une action qu'on appelait præscriptis verbis, par laquelle celle des parties qui avait exécuté de sa part la convention, pouvait contraindre l'autre à l'exécution de la sienne. C'est pourquoi, suivant le droit romain, le contrat d'échange était un contrat reel (L. 1, § 2, ff., De permut.; L. 3, Cod., eod. tit.). — Cette distinction entre les contrats et les simples pactes, n'ayant aucun fondement dans la raison et l'équité naturelle, et étant une pure invention de la politique des patriciens pour rendre difficile la pratique du droit civil, et tenir par la le peuple dans leur dépendance, a été, avec raison, rejetée dans notre droit, comme nous l'avons déjà observé en notre Traité des obligations. C'est pourquoi, parmi nous, la convention d'échange, dés avant qu'elle ait reçu aucune exécution, et aussitôt que le consentement des parties est intervenu, produit de part et d'autre une obligation civile, et elle est un contrat consensuel, de même que le contrat de vente.

Les jurisconsultes romains ont observé une autre différence entre le contrat de vente et le contrat d'échange, qui, paraissant avoir son fondement dans la nature de ces contrats, peut être admise dans notre droit.

un contrat ordinaire formé par le seul consentement, et l'on avait dès longtemps répudié le principe des lois romaines, qui ne voyaient dans la convention d'échange, non revêtue de la forme de la stipulation, qu'un pacte non obligatoire et ne donnant lien qu'à l'action præscriptis verbis. — V. Pothier, ci-dessous, en note, no 621.

4. Aussi, pour que la science, au moment où ce code a été promulgué, soit bien saisie, croyons-nous devoir rapporter cidessous l'article tout entier que Pothier, Traité de la vente (art.5), avait publié sur cettematière (1).-Les points alors controversés sont aussi indiqués par M. Troplong, no 2 et suiv.

Dans le contrat de vente, il n'y a que l'acheteur qui soit obligé précisé ment à transférer au vendeur la propriété de l'argent qui fait le prix de vente: Emptor nummos venditoris facere cogitur (L. 11, § 2, f., Act. empt.). Mais le vendeur, lorsqu'il a vendu une chose qu'il croyait de bonne foi lui appartenir, n'est pas obligé précisément à transférer à l'acheteur la propriété de la chose vendue; il s'oblige seulement à le défendre, lorsqu'il sera troublé Hactenus tenetur ut emptori rem habere liceat, non etiam ut ejus faciat (L. 30, § 1, ff., eod. tit.).—Au contraire, comme, dans le contrat d'échange, chaque chose est tout à la fois et la chose et le prix, et chacun des contractants est vendeur et acheteur, chacun d'eux est obligé précisément à transférer à l'autre la propriété de la chose qu'il lui donne. C'est pourquoi celui des contractants qui a reçu la chose qui lui a été donnée en échange, quoiqu'il n'ait encore souffert aucun trouble dans la possession de cette chose, n'est pas obligé, de son côté, de donner celle qu'il a promise, s'il a découvert que la propriété de celle qu'ila reçue ne lui a pas été transférée, et qu'elle n'appartient pas à celui qui la lui a donnée. Tout ce que celui-ci peut prétendre, c'est qu'on lui rende celle qu'il a donnée (L. 1, § 4, ff., De permul.). C'est en ce sens que Pe dius ait alienam rem dantem nullam contrahere permutationem (cád. L. 1, § 3).

622. Dans le contrat d'échange, chacun des contractants ou permutants s'oblige envers l'autre à lui livrer la chose qu'il a promis de lai donner en échange, à le garantir des évictions aussi bien que des charges réelles et des vices rédhibitoires; et s'il ne satisfait pas à son obligation, il est tenu envers lui des dommages-intérêts résultant de l'inexécution, de même que, dans le contrat de vente, le vendeur en est tenu envers l'acheteur.

623. Le copermutant à qui je manque de livrer la chose, ou à qui je défaux de garantie, a le choix ou de conclure contre moi à la condamnation de ses dommages-intérêts, actione utili ex emplo, ou de répéter la chose qu'il m'a donnée en contre-échange (L. 1, Cod. De rer. permut.).— Cette loi faisait néanmoins à cet égard une distinction qui ne paralt fondée sur aucune raison solide; c'est pourquoi je pense que ce choix doit être accordé indistinctement à la partie évincée.

624. Tout ce qui a été dit à l'égard du contrat de vente, touchant les obligations qui naissent de la bonne foi qui doit régner dans ce contrat, et celles qui naissent des clauses sur la contenance ou la qualité des choses vendues, le lieu ou le temps de leur tradition, reçoit une entiere application au contrat d'échange.

625. La chose que chacun des contractants a promis de donner en échange à l'autre est aux risques de celui à qui on a promis de la doser, de même que la chose vendue est aux risques de l'acheteur dans le cotrat de vente; et si elle vient à périr sans le fait ni la faute de celui qu l'a promise, et avant qu'il ait été constitué en demeure de la doncer, ü est libéré de son obligation, sans que celui à qui elle a été promise puss répéter celle qu'il a donnée de sa part; et sans même qu'il puisse dire déchargé de l'obligation qu'il a contractée de la donner, s'il n'y a pa encore satisfait; de même que, dans le contrat de vente, l'acheteur ne peut pas, en ce cas, répéter le prix qu'il a payé, ni en éviter le payement, s'il ne l'a pas encore payé. Les raisons sur lesquelles nous avons établi ce principe à l'égard du contrat de vente (suprà, part. 4) militent également à l'égard du contrat d'échange. Les limitations que nous y avons apportées reçoivent aussi leur application à l'égard du contrat d'échange.

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626. Celui qui a donné des meubles en échange d'autre chose f peut attaquer le contrat, quelque lésion qu'il prétende avoir soufera dans l'estimation desdits meubles : car la règle de notre droit francas, rapportée en l'art. 443 de notre coutume d'Orléans, qui rejette le bestfice de restitution en aliénation de meubles, est une règle génerale q renferme l'échange aussi bien que la vente. Mais celui qui a donat immeuble en échange contre des choses dont la valeur est au dessins do la moitié du juste prix de cet immeuble, doit, de même qu'un vende, être admis à demander la rescision du contrat, si mieux n'aime l'autr copermutant suppléer ce qui manque au juste prix.

627. Il nous reste à observer, au sujet du contrat d'échange, qu lorsqu'il est d'un immeuble contre un autre immeuble, et qu'il est fa but à but, et sans aucun retour en deniers ou en autres choses m lières, il n'est sujet par les coutumes ni aux profits de vente, ni aut trait. S'il y a un retour, celui des copermutants qui a acquis moyensant

L'exposé des motifs du projet de loi relatif à l'échange a été présenté par M. Bigot de Préameneu (1), et M. Faure en a fait le

ce retour, doit le profit de vente pour ce retour, et jusqu'à concurrence de ce retour (Orléans, 13 et 110). A l'égard du retrait, suivant le droit le plus commun, le retour en deniers ou autres choses mobilières n'y rend le contrat d'échange sujet que lorsque le retour excède la moitié de la valeur de l'héritage pour lequel on a donné ce retour. Il y a néanmoins à cet égard une grande variété dans les coutumes.-V. notre Traité des retraits, qui sert d'appendice à celui-ci, part. 1, chap. 4, art. 3, §1. 628. Lorsque l'échange est d'un héritage contre des meubles, il donne, de même que le contrat de vente, ouverture aux profits seigneuriaux et au retrait: il est à cet égard réputé contrat équipollent à vente; autrement rien ne serait plus facile que de déguiser tous les contrats de vente sous l'apparence de tels échanges, en fraude des seigneurs et des lignagers.

629. Il ne faut pas omettre un des principaux effets de l'échange; c'est que la chose que je reçois en échange de celle que j'ai donnée se subroge de plein droit à celle que j'ai aliénée, et elle prend à sa place les qualités extrinsèques que celle-ci avait, et qu'elle a perdues par l'aliénation que j'en ai faite. De là cette règle: Subrogatum capit naturam subrogati.

Observez néanmoins qu'il faut pour cela que la chose que je reçois en échange soit de nature à être susceptible des qualités de celle que j'ai aliénée. Par exemple, si je reçois une rente constituée en échange d'un héritage qui était un de mes propres paternels, cette rente acquerra bien par la subrogation la qualité de propre paternel de succession qu'avait l'héritage que j'ai aliené, parce qu'il suffit que cette rente soit immeuble pour être susceptible de la qualité de propre de succession; mais elle n'acquerra pas la qualité de propre de retrait qu'avait l'héritage que j'ai aliené, parce que les rentes constituées ne sont pas susceptibles de cette qualité. Si c'est contre des meubles que j'ai échangé mon héritage propre paternel, ces meubles n'acquerront pas la qualité de propres de succession, ni de propres de retrait qu'avait mon héritage, des meubles n'étant susceptibles ni de l'une ni de l'autre de ces qualités.

Il est évident que la chose que je reçois en échange de celle que j'ai donnée, ne peut recevoir par cette subrogation d'autres qualités que celles que cette chose avait, et telles qu'elle les avait. C'est pourquoi, si j'ai acquis un héritage en échange d'une rente constituée, qui était un de mes propres paternels, cet héritage aura bien la qualité de propre paternel de succession qu'avait cette rente, mais il n'aura pas la qualité de propre paternel de retrait, quoiqu'il soit de nature à être capable de cette qualité; car, étant subrogé à une rente constituée, il ne peut pas acquérir la qualité de propre de retrait, que la rente n'avait pas et ne pouvait avoir.

Il est encore évident que la chose que je reçois en échange ne peut acquérir par la subrogation que les qualités extrinsèques qu'avait la chose que j'ai donnée, et qu'elle perd par l'aliénation que j'en fais; telles que sont les qualités de propre d'une telle ou d'une telle ligne. Mais la subrogation ne peut faire passer les qualités de féodal et de censuel qu'avait l'héritage que j'ai aliéné, à celui que j'ai reçu à la place; car ce sont des qualités intrinsèques, qui ne peuvent passer d'un héritage à l'autre.

Il en est de même des charges d'hypothèque, de substitution et autres semblables qui seraient sur l'un des heritages échangés : elles demeurent sur cet héritage, nonobstant l'aliénation que j'en ai faite, et elles ne pas sent pas à celui qui m'est donné en contre-échange. Si celui-ci devient aussi hypothéqué à mes créanciers, c'est par une autre raison, qui est que je leur ai bypothequé tous mes biens présents et à venir.

(1) Exposé des motifs de la loi relative à l'échange, par le conseiller d'Etat Bigot-Préameneu (séance du 8 vent. an 12).

1. Legislateurs, le plus ancien des contrats est l'échange. Si l'imagi nation pouvait se figurer les temps où le droit de propriété n'était pas encore établi, on ver ait les hommes se prêtant des secours mutuels, l'un aidant l'autre de sa force, lorsque l'autre Taidait de son adresse, et faisant ainsi l'echange des avantages qu'ils avaient reçus de la nature. - Le droit de propriéte ayant attribué à chacun exclusivement le produit de son travail, et la civilisation ayant multiplié avec les besoins les divers genres d'ouvrages, aucun n'a pu embrasser tous ces divers genres de travaux pour fournir à tous ses besoins sans l'echange, le droit de pro prieté eût eté en vain établi; c'est à l'échange qu'il faut attribuer et les premiers degrés et les progrès de la civilisation. La multiplicité tou jours croissante des echanges a fait rechercher les moyens de les rendre plus faciles telle a été l'origine des monnaies, que tous les peuples ont prises pour un signe représentatif de la valeur de tous les travaux et de toutes les choses qui peuvent être dans le commerce. Les metaux qui servent de monnaie peuvent aussi être un objet direct d'échange, parce qu'ils ont par eux-mêmes une valeur intrinsèque fondée sur l'emploi qu'on en fait en bijoux ou en meubles, et encore plus sur le besoin qu'en ont tous les peuples pour en faire leurs monnaies. Lorsqu'à ce titre, et revêtus des empreintes qui servent de garantie au public, ils sont mis en circulation, on les considère moins comme marchandise que comme signe reTOME XIX.

:

rapport au tribunat (2). Les travaux des deux orateurs ne sont, comme on verra, que la reproduction en d'autres termes des

présentatif des valeurs et comme instrument d'échange; et les transports de propriété qui se font ainsi pour de la monnaie, ont été, dès les temps les plus reculés, désignés par le nom de ventes.

2. Les échanges faits par le moyen des monnaies et distingués sous le nom de vente, parurent aux législateurs romains d'une telle importance pour l'ordre social, qu'ils mirent le contrat de vente dans la classe des contrats nommés à l'exécution desquels la loi contraignait les parties, el ils laissèrent les échanges au nombre des contrats consensuels, des simples pactes, dont l'exécution fut d'abord livrée à la bonne foi des contractants et pour lesquels il n'y eut ensuite, pendant plusieurs siècles, d'action civile que quand ils avaient été exécutés par l'une des parties. 3. Ces divers eff ts donnés par la jurisprudence romaine à la vente et à l'échange ont fixé l'attention sur les différences dans la nature de ces deux contrats. Ces differences ne sont point essentielles, puisque des deux sectes entre lesquelles se divisaient les jurisconsultes, celle des Sabiniens soutenait que l'échange était un vrai contrat de vente. Il fut reconnu par la loi première (ff., De contrah. emptione) que l'échange ne doit point être confondu avec la vente; que dans l'échange on ne peut pas distinguer celle des choses échangées, qui est le prix de celle qui est marchandise au lieu que dans la vente, celui qui livre la marchandise est toujours, sous le nom de vendeur, distingué de celui qui, ne livrant que la monnaie ou le prix pécuniaire, est appelé acheteur. Aliud est pretium, aliud mera, quod in permutatione discerni non potest uter emptor, uter venditor sit (L. 1, f., De contrah. empt.).

:

4. La vente et l'échange ne diffèrent pas seulement dans leur dénomination; ces contrats ont encore quelques effets qui ne sont pas les mêmes. Dans l'une et l'autre, les deux contractants sont obligés de livrer une chose; mais dans l'exécution de cet engagement il y a une différence entre la vente et l'échange. Dans la vente, celui qui achète doit livrer le prix consistant en une somme d'argent, et cette obligation a les effets suivants Le premier, que toutes choses pouvant se convertir en argent, il suffit qu'il soit possible à l'acheteur d'en réaliser le prix en vendant lui-même tout ce qu'il possède, pour que l'acheteur ait le droit de l'y contraindre. Le second effet est que la proprieté de ce prix est transferée au vendeur par le seul fait du payement, sans qu'il reste exposé à aucune éviction. Emptor nummos venditori facere cogitur (L. 2, § 2, ff., act. vend.). De son côté, le vendeur doit aussi livrer la chose vendue; mais lorsque c'est un corps certain et déterminé, il est possible que la propriété en soit avec fondement réclamée par une tierce personne; le vendeur doit alors être garant, et l'obligation de transmettre cette propriété ne pouvant plus s'accomplir, il est tenu par l'effet de la garantie de restituer le prix, de rembourser les frais et de payer les dommagesintérêts.

5. Dans l'échange, il s'agit d'objets mobiliers ou immobiliers qui sont livrer de part et d'autre; chaque contractant ne peut donc aussi être contraint de livrer la chose méme dont il n'est pas propriétaire, et d'en maintenir la possession s'il l'a ivrée. Mais alors quelle est l'espèce de garantie que l'équité peut admettre? L'objet déterminé, qui n'a été promis ou livré que pour un autre objet déterminé, ne peut pas être effectivement remplace par une somme d'argent. Il est donc juste que si l'un des copermutants a déjà reçu la chose à lui donnée en échange, et s'il prouve ensuite que l'autre contractant n'est pas propriétaire de cette chose, il ne puisse être forcé à livrer celle qu'il a promise en contre-échange, mais seulement à rendre celle qu'il a reçue. Il est également juste que celui qui est évincé de la chose qu'il a reçue en échange, ait le choix de conclure à des dommages-intérêts, ou de répéter sa chose, 6. La rescision pour cause de lésion a été admise dans le contrat de vente d'immeubles en faveur du vendeur. Il était nécessaire de maintenir une règle dictée par des sentiments d'humanité; c'est le moyen d'empecher que la cupidité n'abuse du besoin, qui, le plus souvent, forces vendeur à ces alinations. Ce genre de réclamation n'a point été admis au profit de l'acheteur : c'est toujours volontairement qu'il contracte. S'il donne un prix plus considérable que la valeur réelle, on peut présumer que c'est par des considérations de convenance que lui seul pouvait apprécier; qu'ainsi le contrat doit à cet égard faire la loi. Les motifs qui ont fait rejeter, à l'égard de l'acheteur, l'action en rescision de vente d'immeubles pour cause de lésion, l'ont aussi fait ex lure dans le contrat d'échange. Il est également l'effet de la volonté libre et de la convenance des copermutants. Chacun d'eux est d'ailleurs a la fois vendeur et acquéreur. Il y aurait donc contradiction, si dans le contrat d'échange l'action dont il s'agit etait admise, lorsque dans le contrat de vente elle n'a point été accordée à l'acheteur. - Telles sont les observations particulières dont le contrat d'échange est susceptible: on doit d'ailleurs lui appliquer toutes les règles prescrites par le contrat de vente.

(2) Rapport fait au tribunat, par le tribun Faure, au nom de la section de législation, sur la loi relative à l'échange (séance du 14 vent. an 12). 7. Tribuns, après vous avoir présenté l'analyse motivée du projet de loi relatif à la vente, il me reste à vous entre enir du projet relatif à l'é65

principes formulés par Pothier.- La loi décrétée le 7 mars 1804
ÉCHANGE.-S2.
<a ête promulguée le 1'7; elle forme le titre 7 du liv. 3 c. civ. (1).
5. Parmi les législations étrangères, quelques-unes renfer-
ment des principes identiques à ceux que nos lois ont établis ;
d'autres les ont modifiés, ou s'en sont écartées d'une manière
plus ou moins absolue. On en parlera dans le cours de cet article.
§2.- Nature et forme de l'échange.
'de la vente.

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En quoi il diffère

6. L'échange est un contrat commutatif, c'est-à-dire que
chaque partie s'engage à donner une chose qu'elle regarde comme
P'équivalent de celle qu'on lui donne (c. civ. 1104). C'est aussi un
contrat synaltagmatique par lequel chaque partie doit, comme
dans la vente, transférer à l'autre la proprieté. A cet égard, le
code civil a rejeté le principe de la loi romaine, d'après laquelle
il suffisait que l'echangiste livrât à son coéchangiste l'objet échangé
et qu'il lui en procurât une jouissance paisible (V. Pothier, su-
prà, p. 512, en note, no 621, et M. Troplong, no 3).
obligations des copermutants sont réciproques.
tivement semble correspondre à cette idée de la loi romaine que,
Les
Le mot respec-
dans l'échange, on ne peut reconnaître quel est le vendeur et
P'acheteur (L. 1, D., De contrah. empt.).
prussien en a une disposition expresse. Dans le contrat d'échange,
- Au reste, le code

-

change; celui-ci doit former le titre 7 du livre 3 du code civil. Le contrat d echange differe seulement du contrat de vente en ce que, dans le dernier, l'une des parties donne à l'autre une somme d'argent pour avoir l'objet qu'elle desire; tandis que dans le premier chacune des deux parties donne et reçoit une chose particuliere, autre que de l'argent. tinction prouve qu'il est impossible que l'échange n'ait pas précédé la vente: ce dernier contrat ne peut pas être plus ancien que la création des - Celte dissignes monétaires, et l'on a dit avec beaucoup de raison que la vente n'é tait qu'un échange perfectionné. les mêmes pour les deux contrats aussi le projet actuel ne contient-il Les règles sont presque en tout point qu'un très petit nombre de di-positions. Ce qu'on aurait ajouté n'eût été que la répétition de celles contenues dans le projet relatif à la vente, ou de celles consacrées par la loi sur les obligations conventionnelles en général. S'il est dit, art. 1703, que l'échange s'opère par le seul consentement, de même que la vente, c'est pour avertir que le législateur n'admet point la subtilité de la loi romaine, d'après laquelle la convention d'échange ne produisait aucune obligation civile, tant qu'elle n'avait pas été consentie par l'un des contractants : elle était qualifiée de contrat innommé. La vente, au contraire, produisait une obligation civile sans avoir reçu encore aucune exécution: elle était au rang des contrats nommes. Le projet se borne à prévoir trois cas: 1° le cas où l'un des copermutants a donné ce qui ne lui appartenait point, et où l'autre n'a encore rien livré; 2° Le cas de l'éviction; 30 Celui de la lésion.

-

8. Il décide d'abord que si une chose est donnée à titre d'échange par celui qui n'en est pas le propriétaire, la partie qui l'a reçue n'est pas obligée de livrer l'objet promis en contre-échange. La restitution de l'objet reça éteint toute obligation. En effet, les parties n'ont contracté que pour acquérir l'une et l'autre la propriété de ce qu'elles se donneraient respectivement, et non pas pour acquérir une simple possession qui ne pourrait se convertir en propriété qu'après le temps nécessaire pour la prescription, ou par la vente qu'en ferait le véritable propriétaire lui-même. 9. Quant à l'éviction, le projet décide que le copermutant, évincé de ce qu'il trent à titre d'échange, a droit à des dommages et intérêts; la juslice en arbitrera le montant. Aime-t-il mieux répéter sa propre chose? on ne peut se dispenser de la lui rendre : c'est à lui d'opter. La loi lui laisse le choix du parti qui lui conviendra le mieux.

10. Enfin, si l'un des copermutants est lésé, quelque considérable que soit la lésion, il ne peut faire rescinder 1 contrat. rapport au contrat de vente, que la rescision pour cause de lésion était On a remarqué, par admise uniquement en faveur du vendeur, jamais en faveur de l'acheteur. On se rappelle la raison de cette différence disposé de sa chose à vil'prix que par l'effet d'un besoin urgent qui l'a Souvent le vendeur n'a force de s'immoler à la cupidité d'un acbeteur impitoyable. L'humanité de la loi vient le consoler de l'insensibilité de l'homme. 'prétend avoir fait un trop grand sacrifice pour son acquisition, ne peut exciter le même intérêt. Ce n'est pas par besoin qu'il a contracté, c'est L'acheteur, qui parce que l'objet qu'il a cru devoir acquérir était à sa convenance. Or celte convenance seule suffit pour ajouter au prix réel un prix d'affection, qui ne peut avoir de tarif aux yeux de la loi. sur l'acheteur est parfaitement applicable à chacun des copermutants En · matière d'échange il ne s'agit point de se procurer une somme d'argent Ce qui vient d'être dit - L'échange n'est jamais le résultat de la détresse. Si celui qui dispose à ce titre é ait dans le besoin, il vendrait et n'échangerait pas Le motif qui a fait admettre la rescision en faveur du vendeur n'est donc null ment applicable à ceux qui disposent à titre d'échange. Puisque dans le contral

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ce qu'il donne, et comme acheteur pour ce qu'il accepte (part. chacun des deux copermutants est regardé comme vendeur pour tit. 1, art. 364; V. M. Anthoine de Saint-Joseph, Concord, des codes étrangers avec le code civil). V. aussi Pothier, suprà, n° 619 et disc. des orateurs, n° 3, 6, 10, et ve Enregistr., nos 3194 et suiv., 3200, 3205, 3181 et suiv.-L'échange peut constituer un acte de commerce.-V. ce mot no 27.

7. C'est avec la vente que l'échange présente la plus grande affinité, permutatio vicina emptioni (L. 2, f., De rer. permut.). Aussi le code civil, art. 1707, a-t-il déclaré communes à l'échange les règles de la vente auxquelles il ne fait pas exception. Mais il en diffère: 1° en ce que, dans celle-ci, il n'y a qu'une chose vendue et qu'un prix, tandis que dans l'échange il y a deux choses dont chacune peut être considérée comme le prix de l'autre; consiste point en argent, mais dans une chose donnée en contre2o En ce que le prix de l'échange ne échange; et il a été jugé que lorsqu'un immeuble a été rendu moyennant tant de pièces de vin que les parties ont estimées en argent, cette estimation ne fait pas du contrat une vente, et ne confère pas à l'acquéreur le droit de se libérer en payant la vaéchange ne peut être assimilé à un prix de vente (Turin, 10 juill. leur des vins, mais bien les vins en nature (Cass. 25 therm, an 13)(2). Et que l'immeuble donné à l'échangiste en contre

d'échange chacun des objets est tout à la fois la chose et le prix, chacun des contractants n'est-il pas aussi tout à la fois vendeur et acheteur? La confusion de ces deux qualités ramène nécessairement à la règle générale; car la faveur que l'on alléguerait sous la première qualité serait repoussie par l'exclusion résultant de la seconde. 11. Ici le projet de loi se réfère pour tous les autres cas aux disposi tions du contrat de vente. sur le contrat d'échange. Ici se terminent également les observations gesse des dispositions de ce projet les rendait dignes de trouver place dans La section de législation a pensé que la 62le code; elle m'a chargé de vous en proposer l'adoption. (1) En voict le texte : fit. 7, de l'échange. 1702. L'échange est un contrat par lequel les parties se donnent res pectivement une chose pour une autre. 1705. L'échange s'opère par le seul consentement, de la même manière V. n 1, 3, 5, 7. que la vente.

1704. Si l'un des copermutan's a déjà reçu la chose à lui donnée en échange, et qu'il prouve ensuite que l'autre contractant n'est pas propriétaire de cette chose, il ne peut pas être forcé à livrer celle qu'il a promise en contre-échange, mais seulement à rendre celle qu'il a reçue. — V.

nos 5,8.

1705. Le copermutant qui est évincé de la chose qu'il a reçue en échange, a le choix de conclure à des dommages-intérêts où de répéter sa chose. - V. no 5, 9.

1706. La rescision pour cause de lésion n'a pas lieu dans le contrat d'échange. V. nos 6, 10.

1707. Toutes les autres règles prescrites pour le contrat de vente s'ap pliquent d'ailleurs à l'échange. (2) Espèce: vend, an 4, vente par Rué-Saget au sieur Bouthier d'un vignoble Late (Rue-Saget C. Bouthier.) — Par acte public du 22 nant une vache livrée de suite, et cent quatre-vingts pièces de va là 5.000 livres.vrables dans six années, à la charge de l'intérêt à raison d'une piece pour vingt sans retenue. Une clause de l'acte évaluait la vache et ( vin en nature par l'acquéreur, jusqu'au terme fixé pour l'acquillement da Les interêts, stipulés 5 p. 100, sont exactement pay prix principal. A l'échéance de ce terme, demande da vendeur en deli vrance des cent quatre-vingts pièces de vin en nature. —L'acquéreur offre de payer la somme de 5 000 livres, à laquelle le vin a été évalué par une clause particulière du contrat. payer le vin en nature.— Appel.— Arrêt infirmatif de la cour de Lyon. Cette cour s'est fondée notamment sur ce que l'acte du 22 vend, an 4 fut Jugement qui le condamse à passé dans un temps où il n'existait aucun signe monétaire pro re à dé terminer un prix certain payable à long terme; que le seul moyen de stipuler un prix de cette espèce était donc de le fixer en denrées, en égard a leur valeur au temps du contrat; que, dans le contrat du 22 vend. an4 le vin fut la denrée que les parties prirent pour terme de comparis afin de déterminer le prix certain dont elles étaient convenues, qu'i eurent soin en même temps d'évaluer 5,000 livres le vin et autres es qui furent destinés à représenter le prix dont il s'agit; qu'ainsi l'un de vait tenir pour assuré que Rue Saget n'avait pas eu l'intention de vender son vignoble plus de 5,000 livres valeur réelle; qu'enfin la veuve but thier ne laissait au vendeur aucun prétexte de se plaindre en lui ofrani de deguerpir le domaine, s'il ne consentait pas à accepter la somme

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1819, aff. Tribaudino, V. Privil.; V. aussi, sur ce point, Pothier, suprà, p. 512, note, no 626, 628 s., Disc. des orat., p. 513, note, no 3); 3° En ce que chacun des contractants est à la fois vendeur et acheteur (V. no 6, et Enregistr. 3198 et suiv.). Quant aux analogies entre l'échange et la vente, elles sont nombreuses (c. civ. 1707). Le code du grand-duché de Bade porte (art. 1702) que le payement des arrhes n'altère pas le caractère de l'échange. C'est là un principe qui serait sans doute suivi sous notre code. Au surplus, d'après l'art. 799 du code du canton de Berne, un acte de vente dans lequel le prix n'a pas été exprime ou evalué en argent, constitue un contrat d'échange.

8. Si une chose a été cédée à la fois contre une autre chose et une somme d'argent, il y a vente jusqu'à concurrence de cette somme ou soulte; par exemple, si la soulte est de moitié de la valeur de l'immeuble reçu en contre-échange, il y aura vente pour cette moitié; c'est aussi l'avis de MM. Troplong, no 5, et Duvergier, Traite de l'échange, p. 502 (V. encore Pothier, sup., n° 625). Toutefois, cette distinction, si juste qu'elle soit, ne serait le plus souvent qu'une pure théorie, car l'indivisibilité de l'acte, au moins dans l'intention des parties, forcera presque toujours le juge à se prononcer d'après le caractère dominant du contrat, et à admettre ou à repousser la rescision, selon qu'il y aura, à ses yeux, vente ou échange.-V. no 52, et Enreg., nos 3269 s. 9. Et ceci nous amène à rechercher la qualification que doit recevoir l'acte. Est-ce une vente ? est-ce un échange? C'est aussi cette nécessité de se fixer sur la qualification du contrat qui a déterminé sans doute M. Troplong à se prononcer pour l'unité du contrat. Or, la règle qui a prevalu dans notre jurisprudence veut qu'on se détermine d'après ce qui a été fait plutôt que d'après ce qui a été écrit : quod gestum magis quàm scriptum (V. Enregistrement, nos 87, 96, et suiv., 3213, et Obligation; Proudhon, Usufruit, nos 104 et suiv.). - MM. Rigaud et Championnière, Droits d'enreg., t. 1, no 86, veulent qu'on se règle d'après la stipulation, au moins en droit fiscal. Mais, on le sent, cette règle ne saurait être admise: il est plus sûr de se décider d'après le caractère prédominant de l'acte, c'est-à-dire qu'il y aura échange si le prix est inférieur à la chose, et vente si ce prix est supérieur (Conf. Rej. 19 niv. an 13) (1). — M. Troplong, no 5, approuve cette distinction, qu'il développe avec sa richesse ordinaire. M. Duvergier, no 406, suit aussi cet avis, que le code sarde a consacré (art. 1712) en ces termes : « Si cependant il a été convenu que l'un des copermutants serait obligé de payer une soulte en argent, supérieure à la valeur de l'immeuble qu'il a donné en échange, ce contrat sera consideré comme une vente, et celui qui aura reçu la soulte pourra demander la rescision pour cause de lésion.» (V. la concordance des codes de M. Antoine de Saint-Joseph). Le code de la Louisiane se rapproche aussi de cette distinction, qui devra,

loi du 15 fruct. an 5, qui ordonne l'exécution pleine et entière des obligations contractées pendant le cours forcé du papier-monnaie, et par lesquelles on aurait promis de faire des délivrances en grains, denrées, etc.; — Considérant que, par le contrat du 22 vend. an 4, Claude Bouthier, auteur de la défenderesse, s'est obligé de délivrer cent quatrevingts pièces de vin en nature dans le terme de six annees, et d'en payer les intérêts à raison d'une pièce pour vingt;-Que l'évaluation 5.000 l., qui se trouve à la fin de l'acte, et qui se rapporte tant à une vache delivrée au moment même du contrat, qu'aux dites cent quatre-vingts pièces de vin, ne donne point au débiteur la faculté alternative de délivrer le vin en nature, ou d'en payer la valeur sur le pied de 5,000 livres; que cette évaluation étant pure et simple et séparée de toutes les autres clauses de l'acte, n'a évidemment été faite que pour donner une base à la perception d'enregistrement auquel l'acte etait sujet; Que, d'ailleurs, Claude Boutbier n'a jamais prétendu qu'il avait la faculté de payer en numéraire, puisqu'il est constant qu'il a toujours payé les intérêts en nature, et cela mème à des époques où il lui eût éte plus avantageux de payer en numéraire, suivant ladite évaluation de 5,000 livres ; d'où il suit qu'il a regardé lui-même comme absolue l'obligation de delivrer le vin en nature;- Que néanmoins, par son arrêt du 15 therm. an 11, la cour d'appel de Lyon a déchargé la défenderesse de l'obligation de délivrer le vin en nature, en lui donnant la faculté de payer 5,000 liv., et, en cas de refus du demandeur, de forcer celui ci a reprendre la chose dont le vin avait été le prix; qu'en dénaturant ainsi le contrat qui faisait la loi des parties, la cour d'appel de Lyon a manifestement contrevenu aux lois ci-dessus citées; Par ces motifs, casse.

Du 25 therm. an 13.-C. C., sect. civ.-M. Busschop, rap.

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comme on l'a dit, être nécessairement faite par le juge, et dans l'appréciation de laquelle l'intention des parties viendra toujours et en dépit des subtilités du droit, exercer de l'influence sur son esprit. Et nous croyons que c'est pour échapper à cette influence, ainsi qu'aux exigences de la fiscalité, que MM. Championnière et Rigaud ont été conduits à poser leur règle trop inflexible.

10. Le contrat par lequel un meuble est changé contre un immeuble peut être considéré comme un échange; toutefois, les juges doivent apprécier, par la nature du meuble, si les parties n'ont pas voulu éluder les lois sur l'enregistrement et sur la lésion. M. Delvincourt, p. 65, note, propose la règle suivante : Il y a vente, si la chose donnée comme prix est telle que le vendeur pouvait facilement s'en procurer une pareille, comme si la cession d'une pièce de terre était faite moyennant 100 setiers de blé; dans le cas contraire, il y a échange (V. aussi Pothier, suprà, nos 627 et suiv.). - Du reste, M. Troplong, p. 23, dit très-bien qu'il y aurait violation de la loi des parties, si celui qui s'est obligé à livrer cette chose voulait la remplacer par la somme. d'argent qui lui sert d'évaluation.

11. Il ne faut pas confondre l'échange avec la vente suivie d'une dation en payement (V. Enreg., nos 3196, 4405): ainsi, l'on ne pourrait considérer comme échange le contrat par lequel une des parties s'obligerait d'abord à payer le prix de ce qu'elle recevrait et stipulerait qu'elle aurait la faculté de se libérer de la somme due en livrant une chose déterminée, il y aurait vente véritable (V. en ce sens, Pothier, no 617, et M. Duvergier, t. 2, no 404).

12. Les règles de la vente s'appliquant à l'échange (c. civ., art. 1707), quand la loi n'établit pas d'exception, il s'ensuit, d'après M. Duranton, t. 16, no 548, que chacun des copermutants, considéré tout à la fois comme vendeur et acheteur, a les actions du vendeur et est soumis aux actions dont est tenu l'acheteur : les droits de l'un et les obligations de l'autre résident en sa personne et passent à ses héritiers (V. Enregistrement, n° 3199). Aussi le réméré peut être convenu dans les échanges comme dans les ventes, soit au profit de l'une des parties seulement, soit au profit de l'une et de l'autre, et avec les conditions et modifications que les parties contractantes jugent à propos d'insérer dans leur contrat, mais sans toutefois qu'elles puissent utilement convenir d'un delai excédant cinq années. Le délai stipulé pour plus de cinq ans serait réduit à ce terme, comme en matière de vente (art. 1707 et 1660 combinés; V. eod., no 3202). — Conformément à ces principes, il a eté jugé : 1° que la clause insérée dans un contrat d'echange d'immeubles, et en vertu de laquelle les parties conviennent que si l'un des échangistes vend le fonds qu'il reçoit, l'autre sera libre de le reprendre, est valable et doit recevoir son exécution (Aix, 14 mai 1813) (2);-2° Qu'une stipulation de cette nature ne peut être

(1) (Garrelon C. Garrelon.)-LE TRIBUNAL ;-Sur le troisième moyen: - Attendu que les lois citées par le demandeur ne parlent que du fonds dotal pendant le mariage, et non des biens dont le pere jouit en vertu de sa puissance paternelle, et qui sont advenus à ses enfants par la mort de leur mère; que, d'ailleurs, le contrat par lequel on donne un fond our un autre, prend la nature de la vente ou de l'échange, suivant que la soulte est au-dessus ou au-dessous de la valeur du fonds pris en échange; que, dans l'espèce, la soulte surpassant de beaucoup la valeur des objets. donnés en échange par Charles Garrelon pour la maison du Boul dur Pont, c'est réellement un achat qu'il fit alors, et qu'il s'ensuit que Pierre, son heritier, n'est pas en droit de réclamer comme dotale une partie de cette dernière maison peut être indivis ble, mais seulement une indemnité pour ses droits, comme le tribunal d'appel l'a équitablement décidé; qu'enfin ce tribunal en jugeant qu'il est établi au procès que le payement de la soulte a été fait en deniers étrangers à Pierre Garrelon, n'a violé aucune loi; Rejette.

Du 19 niv. an 13.-C. C., sect. civ.-MM. Maleville, pr.-Ropérou, rap. (2) Espèce: (Bigonnet C. Martin.) An 13, les sieurs Martin et Escombard font échange de leurs maisons Il est convenu que, si Escombard vend la sienne, Martin et les siens pourront la reprendre aux conditions énoncées dans le contrat. Le cas prévu arrive. Escombard vend sa maison au sieur Bigonnet. Bientôt Martin assigne celui ci et demande son envoi en possession de la maison vendue. Sa demande est accueillie, sauf le recours de Bigonnet contre le vendeur. Sur l'appel, Bigonnet s'efforce de montrer que la convention dont excipe le sieur Martin ne présente qu'un droit de prélation supprimé par les lois des 11 août 1789 el 17 juill. 1793.-Il oppose, en second lieu, que, quand même on pourrait la con

considérée comme constituant un droit de prélation ni un pacte | change?-L'art. 1593 c. civ. met les frais de vente à la charge de rabat soumis, dans son exécution, à la prescription de cinq ans, aux termes de l'art. 1660 c. civ. (même arrêt).—V. Enreg., n° 3199.

13. Si les parties déterminées à faire un échange ne sont pas d'accord sur la valeur de leurs proprietés respectives, elles peuvent convenir qu'un tiers les appréciera et décidera si l'échange aura lieu avec ou sans soulle, et qu'il en fixera la quotité. Dans ce cas, si le tiers chargé de cette mission ne peut ou ne veut pas l'accomplir, l'art. 1592 c. civ., est applicable, et le contrat doit être annulé. - Ainsi, on a décidé que, dans le cas où l'un des experts nommés par les copermutants, pour régler la manière dont se fera l'échange, vient à décéder avant l'expertise, il n'y a qu'un simple projet d'échange, qui ne lie aucun des contractants (Grenoble, 8 nov. 1806) (1). — Conf. M. Tro plong, p. 48.

14. Nous avons vu plus haut qu'aux termes de l'art. 1703, l'échange s'opère par le seul consentement, de la même manière que la vente. C'est en vertu de ce principe qu'il a été décidé que l'opération de change de monnaies est complète du moment où le changeur a reçu les pièces et fixé la valeur. Il ne peut en consequence, lorsque l'opération est ainsi consommée, demander à l'échangiste la restitution de ce qu'il aurait payé à celui-ci au delà de la valeur de ses monnaies (Paris, 11 mars 1833, aff. Sidi-Mohammed, V. Acte de com., no 245).—De là on doit aussi conclure que la chose, que chacun des contractants a promis de donner en échange, est aux risques de celui à qui elle est promise; de même que, dans la vente, la chose est aux risques de l'acheteur. V. en ce sens Pothier, no 625.

15. Du reste, il est à remarquer que le consentement, 1o ne peut émaner que de personnes capables: les incapacités des mineurs, des interdits, des femmes mariées, des prodigues, des établissements publics et de l'État comme propriétaire des biens domaniaux, se retrouvent ici;— 2° Qu'il peut s'exprimer verbalement, ou par lettre missive, ou par acte sous seing privé, ou par acte authentique. Toutefois, il faut un acte notarié pour les échanges contractés avec le domaine de la couronne ou avec l'Étát (décr. 11 juill. 1812, art. 5; ord. 12 déc. 1827, V. Dom. de la cour., nos 15 et 36 s., Dom. de l'État, p. 98, et no 189); —3o Enfin qu'il peut être donné purement et simplement, ou sous condition suspensive ou résolutoire. Si donc un acte d'échange contient des stipulations éventuelles, celui qui les accepte doit, suivant un arrêt, se soumettre à leur résultat (Orleans, 13 juin 1813, aff. Morière C. Thiebault), ce qui ne paraît pas contestable.

de l'acheteur. Cette disposition est nécessairement étrangère à un
contrat dans lequel la qualification de vendeur et d'acheteur est
applicable autant à l'une des parties qu'à l'autre, ou plutôt ne peut
être donnée à aucune (V. no 6). Il devient par conséquent équitable
qu'à défaut de toute convention sur ce point, chacun des coper-
mutants supporte la moitié des frais. C'est aussi la disposition de
l'art. 1703 du grand duché de Bade portant que les frais sont
communs aux parties; et tel est l'avis de MM. Troplong, no 43;
Duvergier, t. 2, no 425, et Rolland de Villargues, vo Échange, no 14.
Toutefois, ce dernier auteur pense qu'eu cas de soulte, les frais
qui en résultent sont à la charge de celui qui la paye, mais cela
nous paraît contraire au caractère unitaire et bilatéral de l'acle.
3. Choses qui peuvent être l'objet d'un échange.
17. Toutes les choses qui peuvent être vendues peuvent de
même être échangées : l'art. 1578 du code hollandais en a une
disposition expresse. Ainsi l'on peut échanger: 1o un meuble
contre un autre meuble : c'est le troc dans le langage des al-
faires (V. Enregistrement, no 3207); 2° on peut echanger
un meuble contre un immeuble, ce qui peut être réputé vente,
lorsque l'estimation de ce meuble est facile à faire (V. eod.,
n° 3208); 3° enfin on peut échanger un immeuble contre un autre
immeuble, et c'est là véritablement le contrat d'échange.— Ainsi
une servitude peut être échangée contre un immeuble. Et l'art.
1707 du code du grand-duché de Bade dispose « qu'on peut éga-
lement changer les usufruits. » — Ajoutons que si, sous couleur
d'échange, les parties avaient voulu faire une vente, les juges ren-
draient au contrat son véritable caractère (Conf. MM. Troplong,
p. 18, et Bugnet sur Pothier, V. no 51). — Eufin, d'après le code
autrichien (art. 1046), l'argent en espèces ne peut être l'objet du
contrat d'échange à moins qu'on n'echange des monnaies contre
d'autres monnaies. En effet, la dation d'espèces contre une chose
quelconque constitue une vente.

18. Quoique l'échange ne se fasse d'ordinaire que d'espèce à espèce (et c'est même ce que le code bavarois, liv. 4, ch. 12, appelle échange proprement dit), rien n'empêche d'échanger une chose d'une nature contre une autre chose d'une autre nature: par exemple, un immeuble contre un ou plusieurs meubles d'égale valeur. Le contrat qui contiendrait une telle convention serail, en droit, un véritable échange, et on ne pourrait le qualifier de vente sans sortir des principes de la matière (V. cependant Enregistr., no 3208); c'est ce que M. Troplong, n° 4, exprime d'a près la loi romaine et les docteurs en ces mots : emptio fit pretio, 16. Par qui doivent être supportés les frais du contrat d'é- permutatio fit rebus. Cette doctrine est contraire à l'avis de

sidérer comme une vente à pacte de rachat, l'intimé n'était plus recevable à réclamer l'exercice de cette faculté, puisque, aux termes de l'art. 1660 c. civ., la faculté de rachat ne pouvait être stipulée pour un terme excédant cinq ans, et qu'il s'en est écoulé plus de six depuis le contrat d'échange. - Arrêt.

LA COUR; Considérant qu'aux termes de l'art. 1172 c. civ., toute condition stipulée dans un acte doit être observée, à moins qu'elle ne présente une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou probibée par la loi; Considérant que la faculté que s'est réservée Martin, dans I acte du 19 vent. an 13, n'est dans aucun des cas exprimés par l'article précité; qu'on a mal à propos supposé qu'elle était probibée par la loi, en ce sens qu'elle tendait soit à faire revivre le droit de prélation, soit à tromper le vœu de l'art. 1660 c. civ., qui défend la faculté de rachat pour un terme excedant cinq années; que la clause dont s'agit n'a rien de commun avec le droit connu autrefois sous le nom de prélation, et qui n'était qu'un abus de la puissance feodale, tandis qu'il ne s'agit ici que d'une fa culté consentie par les deux parties intéressées comme condition de l'échange et pour un temps determiné; qu'elle n'offre pas non plus un pacte de rachat proprement dit, mais plutôt une condition résolutoire qui dépend d'un évenement incertain; que, cet événement arrivé, Martin a dû pouvoir user de la faculté qu'il s'était réservée; qu'au surplus, fallût-il même ne voir dans cette clause du contrat qu'un pacte de rachat, il ne s'ensuivrait pas qu'il fallut juger que Martin fût devenu non recevable à l'exercer pour ne l'avoir fait que plus de cinq ans après la date de l'acte dans lequel il avait été stipulé; qu'aux termes de l'art. 2257 c. civ., la prescription ne court qu'à dater du jour où celui à qui on l'oppose a pu agir; que, dans ces circonstances, Martin n'a pu agir qu'après la vente, et qu'il ne peut donc pas être puni de n'avoir pas agi plus tôt; que toute supposition contraire serait d'autant plus inadmissible qu'elle tendrait a établir qu'une action peut se trouver éteinte avant même d'être née; Considé

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rant, enfin, que la cause ne fournit aucun motif de s'écarter de la clause que les parties se sont imposées elles-mêmes, el sous la foi de laqueie elles ont contracté; - Par ces motifs, met l'appellation au neant, etc. Du 14 mai 1813 -C. d'Aix.

(1) (Herit. Félix C. Duchon.)-LA COUR; — Considérant que la convention intervenue entre les parties, le 5 brum. an 3, devant le juge de pais, peut d'autant moins être considérée comme un acte qui les a irrévocablement liées, que cette convention n'a jamais été exécutée, et qu'elle est restée dans les simples projets d un échange; - Considérant, en droi, que le code civil dispose, au liv. 3, tit. 7, de l'échange, art. 1702 et 1703, que l'échange est un contrat par lequel les parties se donnent respective ment une chose pour une autre, et qu'il s'opère de la même maniere que la vente; que si l'on recourt au titre de la vente, art. 1592, on y voit que si le prix a ete laissé à l'arbitrage d'un tiers, et que ce tiers ne veuille ou ne puisse faire l'estimation, il n'y a point de vente; ce qui est conforme à ce qui était prescrit par la loi dernière, au code, De contrah. empt., qui régissait le droit des parties à l'époque de leurs conventions; -Considerant, en fait, que les parties étaient bien dans l'intention de faire un échange pour exonerer le fonds de Duchon de la servitude à laquelle il est soumis, qu'elles avaient bien, dans cet objet, nommé deux experts pour decider comment et dans quelle partie se ferait l'échange projeté, sas l'un des deux etant mort, la convention est restée sans execution, dans les termes d'uo simple projet qui ne peut plus être exécuté que par le consentement mutuel des parties; et l'une d'elles s'y refusant, on ne peut pas ly forcer, puisqu'il n'y a plus dès lors ni échange ni volonté d'echange; --Par ces motifs, met l'appellation et ce dont est appel au néant; ei par nouveau jugement, sans s'arrêter à toutes les demandes, fins et conciesions de Duchon, maintient les héritiers Félix dans le droit de passer avec chars et voitures sur la terre de Duchon, etc.

Du 8 nov. 1806.-C. de Grenoble.

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