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Stichert
2-19-32
25694

DU POËME ÉPIQUE.

LE

poëme épique est celui où l'on célèbre une action héroïque qu'on embellit d'épisodes, de fictions et d'événemens merveilleux. Le poëme épique diffère de la tragédie, en ce que dans celle-ci le poëte fait agir les personnages, et que dans celui-là il raconte seule

ment les actions.

Si l'on n'avait égard qu'à l'étymologie du mot épique, tous les poëmes où le poëte parle lui-même, raconte les choses, et ne fait parler les personnages de son poëme qu'en rapportant ce qu'ils ont pu dire dans les occasions où il les suppose, et dans les situations où il les met, seraient des poëmes épiques; mais l'usage ne permet de donner ce nom qu'à un poëme dont le sujet est grand, instructif, grave, sérieux, qui ne renferme qu'un seul événement principal, auquel tous les autres *

doivent se rapporter, et cette action principale doit s'être passée dans un certain laps de temps qui est à-peu-près celui d'une année. (1)

L'histoire est agréable et utile; mais la poésie, en fixant l'histoire, lui donne un point de vue plus attrayant; c'est-à-dire, qu'en retranchant ce que l'histoire peut avoir d'irrégulier, et en y ajoutant des traits plus hardis, elle la rend capable de produire de plus grands effets pour l'instruction et pour le plaisir.

de

(1) On sent qu'il ne peut y avoir là-dessus d'autre règle que celle que prescrit sagement Aristote, ne point offrir à l'esprit plus qu'il ne peut embrasser. Dès qu'on a statué que l'action devait être une, elle doit nécessairement avoir des limites. Celle de l'Iliade et de l'Odyssée dure moins de deux mois; celle de l'Énéïde à-peu-près un an, ainsi que celle de la Jérusalem délivrée. On peut aller au-delà ou rester en-deçà, selon le besoin et les convenances. Ce qu'il ya de plus essentiel à observer, c'est de ne mettre entre le point d'où l'on part et le terme où l'on va, qu'un espace distribué de manière à ne pas faire languir l'action ni refroidir le lecteur.

LA HARPE.

C'est d'après ce principe qu'Homère composa son Iliade. Madame Dacier porte son aveugle prévention jusqu'à dire que cet illustre poëte s'éleva tout-à-coup, sans aucun modèle, à la perfection de la poésie et du poëme épique. Si cela était, Homère serait un des plus grands prodiges qu'on pût imaginer. Tel est le génie de l'homme, qu'il tâtonne long-temps avant de bien rencontrer, et qu'il ne parvient à avoir les véritables idées du bon et du beau, qu'après avoir passé successivement par bien des

erreurs.

Après nos livres sacrés et ceux des philosophes indiens et chinois, les plus anciens qui nous soient parvenus, sont les poëmes d'Ho mère, car il ne nous reste que quelques fragmens d'Orphée et de Linus qui l'ont précédé, ainsi que de plusieurs autres poëtes grecs dont les auteurs font mention, sans parler de ceux dont les noms se sont perdus avec les ouvrages. Homère n'était pas même le premier qui eût entrepris de chanter la guerre de Troye, et employé la mythologie dans ses poëmes. On

sait que toutes les histoires, les actions mémorables, les principes de morale, tout, jusqu'aux lois, était écrit en vers; que les Grecs n'avaient pour historiens et pour théologiens que des poëtes, et que ce ne fut que quatre cents ans après Homère et Hésiode, que l'on écrivit l'histoire en prose. Homère n'est que le plus ancien des poëtes grecs dont les ouvrages aient résisté aux injures du temps, et il n'est le plus ancien, que parce qu'il a sans doute mieux réussi que ceux qui l'avaient précédé, et qu'il a écrit dans un siècle où sa langue avait atteint sa plus grande pureté.

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Quoi qu'il en soit, Homère est le premier des poëtes épiques connus et son Iliade doit être regardée comme une des plus belles productions de l'esprit humain. Son Odyssée n'a pas la même beauté; mais elle eût suffi pour immortaliser tout autre que lui, quoi qu'en aient pu dire Perrault, La Motte et madame Dacier.

Cent vingt ans après Homère, Hésiode se rendit célèbre par son esprit et par ses vers ; il

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