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Il sortit de son char, conduisant son amante; Elle entra dans le temple : « Habitons ces beaux lieux, » Dit-elle, dieu charmant ! soupirons-y nos feux; » Donne à ce doux climat une gaîté constante : » Vénus ici préside à des peuples heureux;

» Ajoute à leur bonheur, et règne aussi sur eux. » Pour moi, je sens déjà que mon amour augmente. » Quoi! tu peux être un jour plus aimable à mes yeux ! » Il n'appartient qu'aux dieux dans leur sphère brillante » D'aimer avec excès et d'aimer toujours mieux, » Et de voir leur bonheur passer leur espérance, >> Plus bornés dans leurs vœux que dans leur jouissance. » Sois ici mes amours! sous la voûte des cieux >> On est trop occupé de sa gloire suprême:

» Ce n'est que sur la terre, et dans ces lieux qu'on aime. » Laissons ces insensés à leurs folâtres jeux;

» Tandis que mes soupirs, ma joie et mes pleurs même » Sans cesse te peindront mes transports amoureux. » Elle dit et Bacchus, enchanté de lui plaire,

La mène, en souriant, au fond du sanctuaire.

Un délire divin pénétra dans nos cœurs:

Nous respirions les jeux, les danses, la folie,

Et, le thyrse à la main, le front couvert de fleurs, Nous allâmes nous joindre à la bruyante orgie.

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Mais nos tourmens cruels n'étaient que suspendus: En sortant de ce temple, à nous-mêmes rendus Nous sentions des soupçons la dévorante flamme; Et la sombre tristesse avait saisi notre âme.

Pour annoncer nos maux, il semblait que l'Amour Nous eût fait agiter par l'affreuse Euménide; Nous regrettions Bacchus et son riant séjour; Mais un charme puissant nous entraînait à Gnide.

Je voulais voir Thémire, et craignais cet instant. Je ne retrouvais pas cette ardeur qui nous presse, Alors que, sur le point de revoir sa maîtresse, Le cœur s'ouvre d'avance au bonheur qu'il attend.

« Peut-être je verrai Licas près de Camille, » Dit Aristée: ô dieu! sur ce cœur inconstant » Il pouvait obtenir un triomphe facile! » Peut-être avec plaisir la perfide l'entend.

» Tircis, dis-je à mon tour, a brûlé pour Thémire: » On dit qu'il est à Gnide, et j'en frémis d'effroi. >> Sans doute il l'aime encore! il faudra me réduire » A disputer un cœur que j'ai cru tout à moi.

» Licas pour ma Camille avait fait un air tendre: » Insensé ! j'aurais dû l'interrompre cent fois!

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J'applaudissais, hélas ! aux accens de sa voix : » Il chantait mon amante, et j'aimais à l'entendre. » Thémire devant moi se parait un matin » D'un bouquet que Tircis avait cueilli pour elle : » C'est un don de Tircis, me disait l'infidèle!... » Je devais, à ce mot; l'arracher de son sein.

>> Un jour, Camille et moi, (que je crains ce présage!) » Nous allions à Vénus offrir deux tourtereaux ; » Camille de ses mains vit s'enfuir ces oiseaux... » Vénus ne voulait point de son perfide gage!

>> Sur l'écorce des bois, nos noms par moi tracés, » Attestaient mon amour et celui de Thémire; >> Je me plaisais sans cesse à les lire et relire; » Un matin... ô douleur! je les vis effacés.

» D'un cœur infortuné n'aggrave point la chaîne ; » Camille épargne-moi l'horreur de me venger: » L'Amour devient fureur quand on l'ose outrager; » L'Amour qu'on désespère a le fiel de la haine.

>> Hâtons-nous; et malheur à tout audacieux » Que je verrai parler à l'ingrate que j'aime!

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Quiconque sur Thémire arrêtera les yeux » Mon bras l'immole au temple..a

... aux pieds de Vénus même.» Bientôt nous arrivons près de l'antre fameux ' D'où sortent les arrêts que l'oracle prononce : Tout le peuple roulant à flots tumultueux, Avec un bruit confus attendait sa réponse. Je m'avance: Aristée emporté loin de moi, Aristée est déjà dans les bras de Camille : J'appelle encor Thémire; enfin, je l'aperçoi! Furieux, j'allais dire : Ah! perfide, est-ce toi?..... Mais elle me regarde, et je deviens tranquille. Ainsi lorsqu'Alecto vient troubler l'univers, L'œil éclairé des dieux la renvoie aux enfers.

<< Ah! dit-elle, pour toi j'ai versé bien des larmes! » Le soleil a trois fois parcouru ces climats,

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Depuis que tu nourris mes mortelles alarmes.

» Je disais : Non, mes yeux ne le reverront pas.

Quel noir pressentiment!dieux puissans que j'implore!

» Dieux, tant de fois témoins de nos tendres amours! » Je ne demande point si son cœur m'aime encore: » Je ne veux que savoir le destin de ses jours: » S'il vit, puis-je douter qu'il ne m'aime toujours? » Excuse, m'écriai-je, excuse mon délire! » La sombre jalousie a troublé mes esprits : » J'allais haïr... ô ciel!... mais ma fureur expire; >> Mais après le danger de perdre ma Thémire,

» De ma félicité je sens mieux tout le prix.

» Viens donc sous ces berceaux où l'Amour nous appelle. » Les dieux ont pu tromper, mais non changer mon cœur. » Viens! c'est un crime affreux de te croire infidèle, » Et je veux par ma flamme en expier l'horreur. » Non, jamais des enfers les retraites heureuses, Faites pour le des ombres vertueuses,

repos

Ni les bois de Dodone, et ses chênes sacrés,

Ni ces riches bosquets où sont des fruits dorés, Jamais tous ces beaux lieux n'auraient su me séduire, Autant que le bocage embelli par Thémire. Un satyre nous vit; il suivait follement Une nymphe échappée à son emportement. «Heureux amans, dit-il, vos yeux savent s'entendre! » Vous payez un soupir d'un soupir aussi tendre : » Mais moi, d'une cruelle en vain je suis les pas; » Plus malheureux encor quand elle est dans mes bras.»> Près de nous, une nymphe errante et solitaire, Sentit, en nous voyant, s'humecter sa paupière : Non! c'est, dit-elle, encor pour nourrir mes tourmens,

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