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l'héritière de Guienne et de Poitou, il devenait, à l'égard du roi de France, un vassal bien plus puissant que son suzerain. Des vues communes d'intérêt abrégèrent les négociations de mariage entre Aliénor et Henri. Louis le Jeune avait les yeux ouverts sur leurs démarches, et le mystère dont ils les enveloppèrent, ne put en dérober la connaissance au roi. Il fut d'abord frappé de terreur, à la vue de l'abyme qu'il s'était creusé lui-même. Son coeur en fut tellement ulcéré, qu'il lui sembla n'avoir jamais éprouvé d'Aliénor un trait de perfidie plus atroce: comme si cette princesse, par son divorce, ne fût pas devenue maîtresse de disposer de sa personne et de ses biens. Louis ne perd cependant pas tout espoir de rompre ce projet d'alliance. Il renouvelle, avec une espèce de fureur, par ses émissaires, les bruits les plus injurieux, qui avaient pu courir contre Aliénor. L'exagération diminua une partie de l'effet sur l'esprit de Henri, et l'amour lui ferma les yeux sur le reste. Louis en augurait bien autrement, lorsqu'il apprit la célébration du mariage qu'il avait tant redouté. Les époux en avaient hâté les momens, dans la crainte de quelque obstacle imprévu; ils en avaient même supprimé la pompe et les fêtes, qui accompagnent ordinairement de semblables cérémonies.

Le divorce d'Aliénor avec Louis avait été

prononcé le 18 mars 1152; et, le 18 mai suivant, cette princesse épousa Henri. Si elle était descendue d'un trône, elle avait l'espoir de remonter bientôt sur un autre. Son ambition ne tarda

pas longtemps à être satisfaite. Étienne, roi d'Angleterre, mourut en 1154. L'époux d'Aliénor, appelé à succéder à ce monarque, passa de suite avec elle dans cette île, où ils furent couronnés, à Wesminster, par l'archevêque de Cantorbéry. C'est ainsi que le Poitou et la Guienne devinrent des provinces anglaises.

CHAPITRE IV.

1154-1224.

Dans les premières années de son règne, le roi d'Angleterre, Henri II, fait construire le château de Niort.- Conduite déréglée de ce prince. - Aliénor fait révolter ses fils contre leur père. - Son Elle est arrêtée et mise en prison. courage dans l'infortune. Henri lui rend la liberté.

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Elle rentre en possession de son héritage. — Mort de Henri II. — Aliénor, régente d'Angleterre, pendant l'absence de son fils Richard. Diverses négociations importantes. - A la mort de Richard, Aliénor se ressaisit de la Guienne et du Poitou. - Elle donne dans son château de Niort deux chartes, en faveur de Poitiers. Son voyage en Espagne, d'où elle ramène sa petite-nièce, Blanche, de Castille, qui épousa Louis, fils aîné du roi de France.

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Exploit militaire d'Aliénor. · Elle se retire à Fontevrault, où elle donne à la ville de Niort la charte de franche-commune. L'époque de sa mort controversée parmi les historiens. -- Solution de cette difficulté. Acte de barbarie de Jean-sans-Terre.-Soulèvement des barons et des évêques. Ils demandent justice au roi de France. -Jean-sans-Terre est cité à la cour des pairs. - Il y est déclaré coupable; et ses terres, mouvantes de la couronne, sont confisquées. -Philippe-Auguste exécute en grande

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Le vif intérêt, que doit réveiller dans le cœur des Niortais la mémoire d'Aliénor, à qui leurs ancêtres durent les priviléges de franche-commune, impose à l'historien de la ville de Niort, l'obligation de suivre cette princesse à la nouvelle cour, dont elle fit longtemps la gloire et les délices. Elle n'eut pas de peine à se concilier l'affection des Anglais, par les agrémens et les grâces qu'elle savait répandre sur toutes ses actions. Cinq princes et trois princesses sortirent de sa couche féconde. Quel appui pour ses peuples! quels gages de la perpétuité de sa maison sur le trône d'Angleterre! Cette heureuse fécondité semblait devoir lui assurer l'amour d'un époux, à qui elle ne donna jamais le plus léger soupçon d'infidélité. Henri, de son côté, législateur, politique et guerrier, rendit l'Angleterre la première puissance de l'Europe. Dans les premières années de la prospérité de son règne, il s'occupa de mettre les domaines du chef de son épouse, dans l'état le plus florissant, et de les

embellir par des édifices publics. Pour consoler les Niortais de la perte de leur ancien château, il leur en fit construire un autre, dans un goût plus moderne. Il le rapprocha de la rivière, et le plaça vis-à-vis d'un fort (1), qu'il fit élever dans une petite île de la Sèvre. Il y établit le moulin dit du Chateau, pour avitailler la place en cas de siége. La communication avait lieu par un pont de bois, de quarante pieds de longueur, aboutissant des deux côtés à un pont-levis. Au nord-ouest de cette petite forteresse, il y avait un autre pont : on en voit une arche du côté du moulin du Roc.

Il était défendu par deux grosses tours, dont une subsiste encore. C'est par ce pont, que, la garnison du château recevait des renforts, ou faisait des sorties, quand elle était serrée de trop près par l'ennemi. Ce prince, aussi bon père qu'il était roi libéral et magnanime, ne songea, dans toutes ses conquêtes, qu'à la fortune de ses enfans. C'était tout ce que pouvait souhaiter l'ambition d'une tendre mère. Mais elle était épouse, et la jalousie ne manqua pas de lui ouvrir les yeux sur les infidélités de Henri. Ce prince, emporté par la fougue de son tempérameut, détruisit le bonheur de sa maison, et remplit d'amertume sa vie et celle d'Aliénor.

(1) C'est le fort Foucault.

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