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comme par un miracle, est devenue sensible aux traits de cette pas sion que j'avois toujours méprisée. J'ai trouvé d'abord des raisons pour autoriser ce changement, et je puis l'appuyer de ma volonté de répondre aux ardentes sollicitations d'un père, et aux vœux de tout un Etat; mais, à vous dire vrai, je suis en peine du jugement que vous ferez de moi, et je voudrois savoir si vous condamnerez, ou non, le dessein que j'ai de me donner un époux.

EURYALE.

Vous pourriez faire un tel choix, madame, que je l'approuverois sans doute.

LA PRINCESSE.

choisir?

EURYALE.

Qui croyez-vous, à votre avis, que je veuille

Si j'étois dans votre cœur, je pourrois vous le dire; mais, comme je n'y suis pas, je n'ai garde de vous répondre. LA PRINCESSE. - Devinez pour voir, et nommez quelqu'un. EURYALE. J'aurois trop peur de me tromper.

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Mais encore, pour qui souhaiteriez-vous que je

EURYALE. Je sais bien, à vous dire vrai, pour qui je le souhaiterois; mais, avant que de m'expliquer, je dois savoir votre pensée.

LA PRINCESSE. Hé bien! prince, je veux bien vous la découvrir. Je suis sûre que vous allez approuver mon choix; et, pour ne vous point tenir en suspens davantage, le prince de Messène est celui de qui le mérite s'est attiré mes vœux.

EURYALE, à part. O ciel !

LA PRINCESSE, bas, à Moron. Mon invention a réussi, Moron. Le voilà qui se trouble.

MORON, à la princesse.

Bon, madame. (Au prince.) Courage,

seigneur. (A la princesse.) Il en tient. (Au prince.) Ne vous défaites pas.

LA PRINCESSE, à Euryale.

Ne trouvez-vous pas que j'ai raison,

et que ce prince a tout le mérite qu'on peut avoir?

MORON, bas, au prince. - Remettez-vous et songez à répondre. LA PRINCESSE. - D'où vient, prince, que vous ne dites mot, semblez interdit?

-

et

EURYALE. Je le suis, à la vérité; et j'admire, madame, comme le ciel a pu former deux àmes aussi semblables en tout que les nôtres, deux âmes en qui l'on ait vu une plus grande conformité de sentimens, qui aient fait éclater dans le même temps une résolution à braver les traits de l'amour, et qui, dans le même moment, aient fait paroître une égale facilité à perdre le nom d'insensibles. Car enfin, madame, puisque votre exemple m'autorise, je ne feindrai point de vous dire que l'amour aujourd'hui s'est rendu maître de mon cœur, et qu'une des princesses vos cousines, l'aimable et belle Aglante, a renversé d'un coup d'œil tous les projets de ma fierté. Je suis ravi, madame, que, par cette égalité de défaite, nous n'ayons

rien à nous reprocher l'un à l'autre ; et je ne doute point que, comme je vous loue infiniment de votre choix, vous n'approuviez aussi le mien. Il faut que ce miracle éclate aux yeux de tout le monde, et nous ne devons point différer à nous rendre tous deux contens. Pour moi, madame, je vous sollicite de vos suffrages pour obtenir celle que je souhaite, et vous trouverez bon que j'aille de ce pas en faire la demande au prince votre père.

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LA PRINCESSE. Ah! Moron, je n'en puis plus; et ce coup, que je n'attendois pas, triomphe absolument de toute ma fermeté. - Il est vrai que le coup est surprenant, et j'avois cru d'abord que votre stratagème avoit fait son effet.

MORON.

LA PRINCESSE. - Ah! ce m'est un dépit à me désespérer, qu'uns autre ait l'avantage de soumettre ce cœur que je voulois sou

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LA PRINCESSE.

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Princesse, j'ai à vous prier d'une chose qu'il faut absolument que vous m'accordiez. Le prince d'Ithaque vous aime, et veut vous demander au prince mon père.

AGLANTE. Le prince d'Ithaque, madame?

LA PRINCESSE. Oui. Il vient de m'en assurer lui-même, et m'a demandé mon suffrage pour vous obtenir; mais je vous conjure de rejeter cette proposition, et de ne point prêter l'oreille à tout ce qu'il pourra vous dire.

AGLANTE.

Mais, madame, s'il étoit vrai que ce prince m'aimât effectivement, pourquoi, n'ayant aucun dessein de vous engager, ne voudriez-vous pas souffrir ?... ́

LA PRINCESSE.

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- Non, Aglante. Je vous le demande. Faites-moi ce plaisir, je vous prie, et trouvez bon que, n'ayant pu avoir l'avantage de le soumettre, je lui dérobe la joie de vous obtenir. Madame, il faut vous obéir; mais je croirois que la conquête d'un tel cœur ne seroit pas une victoire à dédaigner. Non, non, il n'aura pas la joie de me braver

AGLANTE.

LA PRINCESSE.

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ARISTOMÈNE.

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LA PRINCESSE, ARISTOMENE, AGLANTE

MORON.

Madame, je viens à vos pieds, rendre grâce à lamour de mes heureux destins, et vous témoigner, avec mes trans

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ports, le ressentiment où je suis des bontés surprenantes dont vo daignez favoriser le plus soumis de vos captifs.

LA PRINCESSE. Comment?

ARISTOMÈNE.

1

- Le prince d'Ithaque, madame, vient de m'ass rer tout à l'heure, que votre cœur avoit eu la bonté de s'expliqu en ma faveur, sur ce célèbre choix qu'attend toute la Grèce.

LA PRINCESSE.

ARISTOMÈNE.

LA PRINCESSE.

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Il vous a dit qu'il tenoit cela de ma bouche? - Oui, madame.

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- C'est un étourdi; et vous êtes un peu trop cr dule, prince, d'ajouter foi si promptement à ce qu'il vous a d Une pareille nouvelle méritoit bien, ce me semble, qu'on en dout un peu de temps; et c'est tout ce que vous pourriez faire de croire, si je vous l'avois dite moi-même.

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ARISTOMÈNE. Madame, si j'ai été trop prompt à me pe suader....

LA PRINCESSE.

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De grâce, prince, brisons là ce discours; et, vous voulez m'obliger, souffrez que je puisse jouir de deux mome de solitude.

SCENE V. LA PRINCESSE, AGLANTE, MORON.

LA PRINCESSE.

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Ah! qu'en cette aventure, le ciel me traite av ane rigueur étrange! Au moins, princesse, souvenez-vous de prière que je vous ai faite.

AGLANTE. Je vous l'ai dit déjà, madame, il faut vous obéir.

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MORON. Mais, madame, s'il vous aimoit, vous n'en voudri point, et cependant vous ne voulez pas qu'il soit à une autre. C'e faire justement comme le chien du jardinier.

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Non, je ne puis souffrir qu'il soit heureux av une autre; et, si la chose étoit, je crois que j'en mourrois de d plaisir.

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- Ma foi, madame, avouons la dette. Vous voudriez qu fût à vous; et, dans toutes vos actions, il est aisé de voir que vou aimez un peu ce jeune prince.

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Moi, je l'aime? O ciel! je l'aime? Avez-vou l'insolence de prononcer ces paroles? Sortez de ma vue, impuden et ne vous présentez jamais devant moi.

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LA PRINCESSE. Retirez-vous d'ici, vous dis-je, ou je vous e ferai retirer d'une autre manière.

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MORON, bas, à part. Ma foi, son cœur en a sa provision, et.. (Il rencontre un regard de la princesse, qui l'oblige à se retirer.)

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De quelle émotion inconnue sens-je mon cœur atteint? Et quelle inquiétude secrète est venue troubler tout d'un coup la tranquillité de mon âme? Ne seroit-ce point aussi ce qu'on vient de me dire et, sans en rien savoir, n'aimerois-je point ce jeune prince? Ah! si cela étoit, je serois personne à me désespérer! mais il est impossible que cela soit, et je vois bien que je ne puis pas l'aimer. Quoi ? je serois capable de cette lâcheté! J'ai vu toute la terre à mes pieds avec la plus grande insensibilité du monde; les respects, les hommages et les soumissions, n'ont jamais pu toucher mon âme, et la fierté et le dédain en auroient triomphé! J'ai méprisé tous ceux qui m'ont aimée, et j'aimerois le seul qui me méprise! Non, non, je sais bien que je ne l'aime pas. Il n'y a pas de raison à cela. Mais, si ce n'est pas de l'amour, que ce que je sens maintenant, qu'est-ce donc que ce peut être? Et d'où vient ce poison qui me court par toutes les veines, et ne me laisse point en repos avec moi-même? Sors de mon cœur, qui que tu sois, ennemi qui te caches. Attaquemoi visiblement, et deviens à mes yeux la plus affreuse bête de tous nos bois, afin que mon dard et mes flèches me puissent défaire de toi.

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O vous! admirables personnes, qui, par la douceur de vos chants. avez l'art d'adoucir les plus fâcheuses inquiétudes, approchez-vous d'ici, de grâce; et tâchez de charmer, avec votre musique, le chagrin où je suis.

SCENE II.

- LA PRINCESSE, CLIMÈNE, PHILIS

CLIMÈNE chante.

Chère Philis, dis-moi, que crois-tu de l'amour?

PHILIS chante.

Toi-même, qu'en crois-tu, ma compagne fidèle ?
CLIMÈNE.

On m'a dit que sa flamme est pire qu'un vautour,
Et qu'on souffre, en aimant, une peine cruelle.
MOLIÈRE II

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SCENE I. IPHITAS, EURYALE, AGLANTE, CYNTHIE, MORON.

MORON, à Iphitas. - Oui, seigneur, ce n'est point raillerie; j'e suis ce qu'on appelle disgracié. Il m'a fallu tirer mes chausses a plus vite, et jamais vous n'avez vu un emportement plus brusqu que le sien,

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