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que leurs lèvres blanchissent d'écume et que leurs yeux devinssent sanglans 1. L'assemblée nationale était en butte aux diatribes des pamphlétaires et souvent n'était pas mieux traitée que la cour. Loustalot enseignait que le peuple a le droit de révoquer ses représentans, et demandait qu'on usât promptement de ce droit (Révolutions de Paris, n° 11). Marat n'aperçoit qu'un moyen de sauver la France; c'est d'expulser avec ignominie les députés corrompus; mesure qui, selon lui, réduira l'assemblée au quart de ses membres. Mais, bientôt, il veut davantage : L'assemblée, s'écrie-t-il, a lâchement abandonné les intérêts et les droits de la nation; que la nation révoque l'assemblée après avoir annulé ses décrets (Ami du Peuple, n° 9 à 17).

D'accord pour exciter des troubles, les agitateurs n'avaient pas tous le même but. Quelques-uns espéraient mettre en fuite la famille royale et décider la nomination d'un lieutenant général du royaume. Des hommes fougueux, tels que Danton et Santerre, étaient secrètement unis aux commensaux du duc d'Orléans. Les autres voulaient s'emparer du roi, l'amener et

1 Dans quelques salons, la haine se manifestait sous des formes différentes. Bien des gens souriaient en répétant ce calembour: Pour sauver la France, il faudrait un maréchal de Turenne (tue reine).

2 On trouve à ce sujet une anecdote curieuse dans les Mémoires de la Fayette. « Un jour (c'était peu après le 14 juillet), en passant à cheval près du district des Cordeliers, ce général fut invité à s'y rendre. L'assemblée était nombreuse, une partie de la salle pleine de gardes françaises. Après les applaudissemens ordinaires, le fameux Danton, président et orateur de la séance, informa la Fayette que, pour récompenser le patriotisme des braves gardes françaises, le district avait arrêté de demander qu'on rétablit leur régiment, et qu'on en donnât le commandement au premier prince du sang, le duc d'Orléans. On ne doutait pas, disait-il, de l'assentiment du commandant général, à un projet si patriotique. Le tout accompagné des complimens du président et des acclamations de l'assemblée.

La Fayette se trouvait pris au piége. Son exorde fut très précautionné; mais il parvint, graduellement à dégoûter du projet les citoyens et les gardes françaises eux-mêmes. Le complot, qui avait ses racines ailleurs, fut complétement déjoué. » Tom. II, p. 272.

le retenir dans la capitale. De ces deux projets révolutionnaires, le second offrait le plus de moyens pour réunir de nombreux partisans: il était le seul dont on osât parler hautement; il était le moins compliqué et le plus propre à flatter l'orgueil de la populace souveraine.

Les démagogues, pour servir leurs desseins, pouvaient toujours compter sur d'imprudens amis du trône. Le repas des gardes du corps (1er octobre), dout on a tant parlé, était ce que les agitateurs auraient pu imaginer de plus utile pour hàter l'explosion populaire. Il semble que tout avait été disposé de manière à rendre le roi et la reine responsables de ce qui se passerait et de ce qu'on dirait s'être passé dans cette réunion militaire. La salle de spectacle du château fut accordée aux gardes du corps pour y donner un festin aux officiers du régiment de Flandre. Cette salle était réservée aux fêtes d'apparat; les deux dernières avaient eu lieu pour le mariage du comte d'Artois et pour l'arrivée de l'empereur Joseph II. Les spectateurs étaient nombreux; des femmes de la cour garnissaient les loges. La reine parut avec le Dauphin à cette fète; le roi lui-même, au retour de la chasse, y fut entraîné. La musique fit entendre l'air très-significatif : 0 Richard! ô mon roi, l'univers t'abandonne! et l'enthousiasme alla jusqu'au délire. Des propos contre l'assemblée nationale se mêlèrent aux cris de Vive le roi. Nul doute que la calomnie ait mis une exagération cruelle dans ses récits. Il est faux que la cocarde tricolore ait été foulée aux pieds; mais elle fut insultée par се fait que des femmes détachèrent leurs rubans blancs, en firent des cocardes et les distribuèrent. Les jours suivans, elles en distribuaient encore, dans la galerie de Versailles, et disaient: C'est la bonne, la seule triomphante. Nous avons vu Louis XVI, aux jours de sa puissance, mécontent de ses courtisans, n'oser leur défendre des plaisirs qu'il blàmait : il était le même encore; il voyait avec inquiétude prolonger ces démonstrations chevaleresques, et n'osait interdire de distribuer

dans son palais, une cocarde différente de celle qu'il portait. Des étourdis, qui n'étaient pas tous des jeunes gens, parnrent dans les promenades et les rues de la capitale avec des cocardes noires. Ces cocardes furent arrachées, ceux qui les portaient furent poursuivis et battus. En général, les gens si prompts à se montrer avec jactance sont des aventuriers qui veulent se faire un titre aux faveurs d'un parti, qu'ils servent cependant fort mal. Si leur parti conspire, pourquoi le compromettent-ils en donnant l'éveil? et, s'il ne conspire pas, pourquoi troublent-ils en son nom la tranquillité publique?

L'irritation était d'autant plus facile à exciter dans Paris, que la disette y causait une misère extrême. Des perturbateurs ne négligeaient rien pour accroître l'embarras des subsistances; et les malheureux qui se pressaient en foule, avant le jour, aux portes des boulangers entendaient répéter sans cesse qu'on aurait l'abondance si l'on amenait le roi à Paris. La disette et l'insulte faite à la cocarde patriotique furent les seules causes de soulèvement manifestées par les cris de la multitude, les 5 et 6 octobre, à l'Hôtel de Ville et à Versailles. Deux journalistes, Gorsas et Loustalot, avaient dit, quelques jours après l'arrivée du régiment de Flandre, qu'il était appelé pour faciliter le départ du roi. Cette conjecture avait passé inaperçue; Marat n'en dit pas un mot dans ses feuilles, Marat, qui le jour cherchait des complots, et la nuit en rêvait. Mais, après la catastrophe, plusieurs journaux et un grand nombre de lettres envoyées dans les provinces annoncèrent, comme une révélation, que le mouvement du 5 octobre avait été nécessaire pour prévenir le départ du roi et pour sauver la France. Le 8, les barrières furent fermées; il y eut des arrestations, et le bruit se répandit qu'un complot, dont le but était d'entraîner le roi à Metz, venait d'être découvert, qu'on avait trouvé une liste de gens enrôlés, et même des uniformes. Les poursuites judiciaires ont jeté trop peu de jour sur cette affaire pour que, dans les deux partis, on n'ait pu soutenir avec bonne foi des opi

le retenir dans la capitale. De ces deux projets révolutionnaires, le second offrait le plus de moyens pour réunir de nombreux partisans il était le seul dont on osât parler hautement; il était le moins compliqué et le plus propre à flatter l'orgueil de la populace souveraine.

Les démagogues, pour servir leurs desseins, pouvaient toujours compter sur d'imprudens amis du trône. Le repas des gardes du corps (1er octobre), dout on a tant parlé, était ce que les agitateurs auraient pu imaginer de plus utile pour hàter l'explosion populaire. Il semble que tout avait été disposé de manière à rendre le roi et la reine responsables de ce qui se passerait et de ce qu'on dirait s'être passé dans cette réunion militaire. La salle de spectacle du château fut accordée aux gardes du corps pour y donner un festin aux officiers du régiment de Flandre. Cette salle était réservée aux fêtes d'apparat; les deux dernières avaient eu lieu pour le mariage du comte d'Artois et pour l'arrivée de l'empereur Joseph II. Les spectateurs étaient nombreux; des femmes de la cour garnissaient les loges. La reine parut avec le Dauphin à cette fête; le roi lui-même, au retour de la chasse, y fut entraîné. La musique fit entendre l'air très-significatif : 0 Richard! ô mon roi, l'univers t'abandonne! et l'enthousiasme alla jusqu'au délire. Des propos contre l'assemblée nationale se mêlèrent aux cris de Vive le roi. Nul doute que la calomnie ait mis une exagération cruelle dans ses récits. Il est faux que la cocarde tricolore ait été foulée aux pieds; mais elle fut insultée par ce fait que des femmes détachèrent leurs rubans blancs, en firent des cocardes et les distribuèrent. Les jours suivans, elles en distribuaient encore, dans la galerie de Versailles, et disaient: C'est la bonne, la seule triomphante. Nous avons vu Louis XVI, aux jours de sa puissance, mécontent de ses courtisans, n'oser leur défendre des plaisirs qu'il blâmait : il était le même encore; il voyait avec inquiétude prolonger ces démonstrations chevaleresques, et n'osait interdire de distribuer

dans son palais, une cocarde différente de celle qu'il portait. Des étourdis, qui n'étaient pas tous des jeunes gens, parnrent dans les promenades et les rues de la capitale avec des cocardes noires. Ces cocardes furent arrachées, ceux qui les portaient furent poursuivis et battus. En général, les gens si prompts à se montrer avec jactance sont des aventuriers qui veulent se faire un titre aux faveurs d'un parti, qu'ils servent cependant fort mal. Si leur parti conspire, pourquoi le compromettent-ils en donnant l'éveil? et, s'il ne conspire pas, pourquoi troublent-ils en son nom la tranquillité publique?

L'irritation était d'autant plus facile à exciter dans Paris, que la disette y causait une misère extrême. Des perturbateurs ne négligeaient rien pour accroître l'embarras des subsistances; et les malheureux qui se pressaient en foule, avant le jour, aux portes des boulangers entendaient répéter sans cesse qu'on aurait l'abondance si l'on amenait le roi à Paris. La disette et l'insulte faite à la cocarde patriotique furent les seules causes de soulèvement manifestées par les cris de la multitude, les 5 et 6 octobre, à l'Hôtel de Ville et à Versailles. Deux journalistes, Gorsas et Loustalot, avaient dit, quelques jours après l'arrivée du régiment de Flandre, qu'il était appelé pour faciliter le départ du roi. Cette conjecture avait passé inaperçue; Marat n'en dit pas un mot dans ses feuilles, Marat, qui le jour cherchait des complots, et la nuit en rêvait. Mais, après la catastrophe, plusieurs journaux et un grand nombre de lettres envoyées dans les provinces annoncèrent, comme une révélation, que le mouvement du 5 octobre avait été nécessaire pour prévenir le départ du roi et pour sauver la France. Le 8, les barrières furent fermées; il y eut des arrestations, et le bruit se répandit qu'un complot, dont le but était d'entraîner le roi à Metz, venait d'être découvert, qu'on avait trouvé une liste de gens enrôlés, et même des uniformes. Les poursuites judiciaires ont jeté trop peu de jour sur cette affaire pour que, dans les deux partis, on n'ait pu soutenir avec bonne foi des opi

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