Images de page
PDF
ePub

les acclamations de la victoire se feront entendre, et la France n'aura plus d'ennemis à craindre que ceux qu'elle nourrissait dans son intérieur.

Prise d'Oneglia. - Maîtres du pied des Alpes depuis le lac de Genève jusqu'à la Méditerranée, les Français menaçaient d'envahir incessamment le Piémont. Les événements de la guerre civile à Lyon et dans le midi de la France avaient arrêté les projets d'une invasion ultérieure dans les États du roi de Sardaigne, et réduit les troupes réparties en Savoie et dans le comté de Nice à l'état de défensive, par les détachements qu'elles avaient été obligées de fournir pour l'intérieur. La réduction de Lyon, la prise de Toulon, venaient de rendre aux armées des Alpes et d'Italie les forces qui en avaient été tirées pour ces deux opérations, et déjà ces armées auraient repris l'offensive, si le roi de Sardaigne n'eût appelé à son secours un corps autrichien, qui vint, comme nous l'avons déjà rapporté, renforcer l'armée sarde avant même que le gouvernement conventionnel n'eût pensé sérieusement à faire rentrer Toulon sous sa domination. On a vu que les premières tentatives de l'armée austro-sarde pour une diversion utile à la cause des alliés et des royalistes du Midi avaient échoué en Savoie et dans le comté de Nice. L'hiver avait forcé ces troupes de prendre leurs quartiers en Piémont.

Telle était, au mois d'avril 1794, la position de l'armée austrosarde sa droite se prolongeait sur les hauteurs en avant et au delà du petit Saint-Bernard, sa gauche sur le Tanaro, et le centre à Saint-Dalmazzo, en avant de Coni.

Du reste, la cour de Turin s'occupait avec activité des mesures nécessaires pour commencer la campagne avec succès. 15,000 jeunes gens avaient été appelés aux armes; soixante bataillons de milices s'organisaient dans les provinces, et vingt escadrons devaient augmenter la cavalerie sarde, déjà nombreuse. Une escadre anglaise croisait dans les mers de Toscane et de Gênes.

L'armée française dans le comté de Nice, renforcée par une grande partie des troupes employées au siége de Toulon, avait

déjà pris, des l'année précédente, le nom d'Armée d'Italie, et le général Dumerbion la commandait en chef.

Depuis longtemps le Comité de salut public méditait la conquête d'Oneglia, seule place qui restât au roi de Sardaigne pour communiquer avec l'île de ce nom et les Anglais, ses protecteurs. Oneglia était en outre l'asile de tous les corsaires et petits bâtiments de guerre des alliés, qui interceptaient de ce point la communication entre Marseille et Gênes. Le général Dumerbion reçut l'ordre d'entreprendre cette expédition, que commanda le général Masséna.

Pour parvenir par terre jusque sous les murs d'Oneglia, il était indispensable de traverser quelques lieues du territoire génois, au milieu duquel ce port est enclavé. Les commissaires conventionnels auprès de l'armée d'Italie firent la demande du passage sur les terres de Gênes au gouvernement de cette république; mais ils essuyèrent un refus des Génois, qui ne voulaient pas s'attirer l'inimitié des autres puissances belligérantes. Cette difficulté, qui aurait arrêté tout autre gouvernement, et qui serait devenue au moins l'objet d'une longue négociation, fut tranchée par les commissaires conventionnels. Le refus des Génois fut considéré comme un vieux préjugé qui n'était plus en harmonie avec les idées révolutionnaires. Les commissaires de la Convention promirent, dans une proclamation qu'ils adressèrent au peuple génois, que les Français. ne commettraient envers lui aucune hostilité, et respecteraient de la manière la plus absolue sa neutralité. « La présence des soldats républicains, disaient les commissaires, ne doit point inquiéter les Génois. Les Français, en guerre avec les tyrans, qui ont follement conçu l'idée de les asservir, sont les amis du peuple. Les Génois trouveront dans chaque défenseur de la liberté un frère, un ami ardent et sincère, comme chaque Français trouvera en eux des hôtes bienveillants et humains. >>

Le général Dumerbion, pour donner le change aux AustroSardes, fit emporter le champ de Fougasse, et fit forcer tous les postes aux environs de Breglio, tandis qu'une forte division, traversant le territoire génois, parut, le 7 avril, devant la ville d'Oneglia. Les Piémontais, instruits de la marche des Français, avaient occupé et fortifié le poste de Sainte-Agathe,

point très-important pour défendre les approches de la ville. Sainte-Agathe est une hauteur escarpée et de l'accès le plus difficile. Les Français trouvèrent le moyen de conduire de l'artillerie à travers les rochers et les précipices les plus effrayants, et d'établir des batteries pour foudroyer les retranchements élevés par les Piémontais. Le poste de Sainte-Agathe fut forcé après une assez courte résistance, et les troupes qui l'occupaient prirent la fuite. Les Français entrèrent dans Oneglia, qu'ils trouvèrent abandonnée par la plus grande partie de ses habitants. Épouvantés par la terreur que leur inspirait le nom français, les citoyens d'Oneglia croyaient voir des cannibales dans les soldats républicains; mais la conduite que ces derniers tinrent dans la ville après leur entrée, dissipa bientôt l'injuste prévention des habitants; et quelques jours suffirent po r faire revenir dans leurs foyers la presque totalité de ceux qui les avaient abandonnés sur des craintes aussi exagérées.

La nouvelle de ce beau fait d'armes arriva à Paris, en même temps que le récit du combat de Belver, dans lequel le général Dagobert arracha aux Espagnols une position formidable où l'ennemi avait ajouté aux difficultés du terrain des retranchements hérissés d'artillerie. Ce succès suivi de la prise d'Urgel dont il se rendit maître, pendant la nuit, fut le dernier qu'obtint le général Dagobert. L'expédition qu'il venait de faire avait redoublé sa fièvre, et il regagna Puycerda dans un tel état de faiblesse, qu'il ne quitta plus le lit, où il se mit en arrivant. Il mourut dans cette ville le 21 avril, à l'âge de soixante-quinze ans. Le général Dagobert était entré fort jeune au service; il avait fait la guerre de Sept ans. Il ne laissa pour héritage que les exemples de sa valeur et du désintéressement le plus rare. Sa pauvreté était telle, que les officiers se cotisèrent pour payer les frais de ses funérailles. La Convention décréta que son nom scrait inscrit sur une colonne dans le Panthéon.

Prises d'Ormea, Garessio, etc. L'occupation d'Oneglia par les Français ne fut que le prélude de nouveaux succès en Piémont. Le général Masséna s'était porté sur Loano, et s'en était emparé. Il marcha ensuite sur Ponte-di-Nave, sur le Tanaro.

Ce point important était défendu par 2,500 Autrichiens, aux

ordres du général Mercy-Argenteau, et par des retranchements garnis d'artillerie. Il fallait, pour y parvenir, traverser un terrain difficile, mais qui ne pouvait arrêter l'impétuosité française. Les retranchements de Ponte-di-Nave furent emportés après quelque résistance, et les Autrichiens culbutés sur Ormea et Garessio. Ces deux villes ne tardèrent pas à être occupées, et le général Masséna fit, à Ormea, 400 prisonniers. On trouva dans les deux places des magasins bien approvisionnés en vivres et en munitions, quarante barils de poudre, douze pièces de canon fondues sous le règne de Louis XIV, et trente mille fusils.

Prise du Mont-Valaisan et du petit Saint-Bernard. Les dernières opérations des Français dans le Piémont n'étaient qu'un prélude à un plan d'attaque générale sur toute la ligne sarde, depuis le Faussigny jusqu'au comté de Nice. Les Piémontais s'étaient fortifiés sur divers points, de manière à rendre difficile l'agression méditée. Au milieu des neiges éternelles, ils avaient élevé des redoutes formidables, et les avaient hérissées de canons, transportés à grandes peines sur des points presque inaccessibles..

Le général Dumas, qui commandait alors l'armée des Alpes, ordonna au général de brigade Basdelaune, qui occupait la Tarentaise, de se porter sur le Mont-Valaisan, et de s'en emparer, ainsi que du petit Saint-Bernard. Basdelaune, après avoir marché pendant deux jours au milieu des neiges et des précipices les plus effrayants, attaqua, le 24 avril, par leur droite et par leur gauche, les trois fortes redoutes du Mont-Valaisan audessus du Seer. Après une défense très-opiniâtre, et malgré le feu d'une artillerie à laquelle ils n'avaient à opposer que leur mousqueterie et leurs baïonnettes, les soldats français emportèrent ces retranchements et forcèrent les Piémontais à une retraite précipitée. La position du Mont-Valaisan est à peu près au même niveau de celle du petit Saint-Bernard qui l'avoisine. Basdelaune fit diriger les canons dont il venait de s'emparer dans les redoutes du Valaisan sur celle de la chapelle du petit Saint-Bernard. Les Piémontais qui occupaient ce poste, ainsi foudroyés par leur propre artillerie, ne purent résister à ses effets meurtriers, et n'attendirent point que les troupes françaises, continuant leur marche victorieuse, vinssent les chasser de cette

dernière position. Le général Basdelaune fit poursuivre les Piémontais à travers les rochers, l'espace de trois lieues; le sang des blessés indiquait, sur la neige, la trace des fuyards, dont on ramassa un grand nombre. Un bataillon du régiment de Boulonnais, les cinquièmes bataillons de l'Isère et de Rhône-etLoire, et deux bataillons de nouvelles levées de la Côte-d'Or, se distinguèrent dans cette expédition, qui fit autant d'honneur à leur courage qu'à leur constance et à leur discipline. Le fruit de ce succès fut la possession de deux des plus importantes positions des Alpes savoyardes. Vingt pièces de canon, plusieurs obusiers, treize pièces d'artillerie de montagne, deux cents fusils et deux cents prisonniers, parmi lesquels se trouva le commandant piémontais, restèrent au pouvoir des Français. La Convention, sur le rapport de son commissaire Gaston, promut le général de brigade Basdelaune au grade de divisionnaire.

Prise de Saorgio, Rocabigliera, Saint-Martin, etc. L'armée d'Italie continuait, dans le comté de Nice, son mouvement offensif. Après la prise de Loano, d'Ormea et de Garessio, la division du général Masséna, qui formait la droite de l'armée, se rapprocha de la division du centre, aux ordres du général Macquart, afin d'aider cette dernière à s'emparer de Saorgio, point important situé dans les montagnes, sur la grande route de Nice à Turin, par le col de Tende. Les Piémontais gardaient ce débouché avec beaucoup de précaution, et avaient établi plusieurs camps et retranchements pour en défendre les approches. Le général en chef Dumerbion, résolu à attaquer Saorgio, fit marcher le général Macquart contre le camp de Raous, tandis que le général Masséna, tournant la position de Saorgio, attaquait le camp des Fourches. Ces deux camps furent forcés après une vigoureuse résistance, et les Piémontais se retirèrent dans les retranchements de la Briga et de Col-Ardente, qu'ils furent obligés d'abandonner. Pendant ce temps, la division de gauche, aux ordres du général Garnier, s'emparait des postes de Rocabigliera et de Saint-Martin, et cherchait à se mettre en communication avec la droite de l'armée des Alpes, par la vallée de Barcelonette. Ainsi les Piémontais furent battus sur tous les points avec une perte considérable. Soixante pièces de canon, une grande quantité de munitions de guerre, environ

« PrécédentContinuer »