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LIVRE II

ÉTUDE DES MOTS

LIVRE II.

ÉTUDE DES MOTS.

62. De même que tous les êtres qui existent sur la terre sont rangés dans trois classes: les animaux, les végétaux, les minéraux, tous les mots de la langue française sont rangés dans dix classes : le nom, l'article, l'adjectif, le pronom, le verbe, le participe, la préposition, l'adverbe, la conjonction, l'interjection. Tous les mots que nous prononçons en français rentrent dans une de ces espèces et sont ou des noms, ou des adjectifs, ou des verbes, etc..; nous ne pouvons pas en employer d'autres.

63. Ces dix espèces de mots différents, dont la réunion forme la langue française, sont comparables aux différentes parties qui composent le corps humain; aussi les grammairiens appellent-ils ces dix sortes de mots les parties du discours, c'est-à-dire les parties de la langue. Nous allons successivement les passer en

revue.

Sauf l'article que les Romains ne connaissaient pas, nous avons reçu du latin toutes nos autres parties de discours.

CHAPITRE I.

DU NOM OU SUBSTANTIF.

64. Le nom ou substantif est un mot qui sert à nommer des personnes ou des choses.

Le nom s'appelait chez les grammairiens romains nom substantif (nomen substantivum), c'est-à-dire nom qui désigne la nature, la matière, la substance d'un objet (par exemple, bois, pierre, etc.) par opposition au nom adjectif (nomen adjectivum, nom qui s'ajoute à....), mot qui ajoute en effet au nom substantif l'idée d'une qualité (blanc, noir, etc....). Les grammairiens français ont abandonné, bien à tort, ces dénominations; ils ont donné au mot nom le sens de l'expression nom substantif, employant ainsi un terme qui a un sens général, pour exprimer une idée particulière. Dire nom et adjectif au lieu de nom substantif et nom adjectif est à peu près aussi illogique que de dire un cheval pour un cheval noir et un blanc pour un cheval blanc. Mais l'usage est trop bien établi aujourd'hui pour qu'on y puisse rien changer.

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65. Il y a deux sortes de noms : les noms propres et les noms communs : le nom propre est celui qui ne convient, qui n'est propre qu'à une seule personne (comme Pierre, Paul, Louis) ou à une seule chose (comme le Rhône, la Loire); le nom commun est celui qui convient, qui est commun à toutes les personnes semblables (comme soldat, marchand, enfant), ou à toutes les choses semblables (comme maison, cour, jardin).

66. Dans les noms, il faut considérer le genre et le nombre.

SECTION I.

DU GENRE DANS LES NOMS.

67. Le genre est la différence, la distinction que l'on fait entre les êtres mâles ou femelles. Il y a en français deux genres: le masculin, qui convient aux hommes et aux animaux mâles (comme le lion, l'homme, le père); le féminin, qui convient aux femmes et aux animaux femelles (comme la mère, la lionne).

Mais, en outre, on a donné par imitation le genre masculin ou féminin à des noms de choses qui ne sont ni måles ni femelles : ainsi le château, le pays, le bois, sont du genre masculin, tandis que la lune, la cour, la grille, sont du genre féminin.

Des trois genres que possédait la langue latine (le masculin, le féminin, le neutre), le français n'adopta que le masculin et le féminin. Disons en quelques mots comment le neutre latin disparut et d'où viennent, en français, nos masculins et nos féminins.

1o Les substantifs latins masculins sont ordinairement restés masculins en français: ainsi les masculins mundus, murus, filius, ont donné le monde, le mur, le fils. Il n'y a qu'une seule exception: ce sont les substantifs abstraits en or, qui sont tous masculins en latin (dolor, vapor, color, terror) et qui sont tous devenus féminins en français (la douleur, la vapeur, la couleur); il n'y a en dehors de cette règle que honneur (honor), amour (amor), labeur (labor), qui sont masculins. Encore honneur était-il féminin au moyen âge, de même que amour (comme le montre le dérivé amourette qui est resté féminin, et les locutions de belles amours, etc....). Ces noms français féminins venant de noms masculins en latin chagrinèrent les latinistes et les pédants du seizième siècle, qui auraient bien voulu pouvoir restituer à nos mots français le genre du latin; c'est ainsi que de labor ils tirèrent le labeur, et qu'ils essayèrent d'imposer à amour le masculin ; cette tentative échoua, mais c'est depuis lors qu'amour subit cette règle bizarre, qui lui donne le genre masculin au singulier, le genre féminin au pluriel.

2o Les substantifs latins féminins sont également restés féminins en français (rosa, la rose; luna, la lune; filia, la fille).

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