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Paris.-Impr. de Pommeret et Moreau, 17, quai des Augustins.

DE L'ORIENT

DE

L'ALGÉRIE ET DES COLONIES.

BULLETIN ET ACTES

DE LA SOCIÉTÉ ORIENTALE, ALGÉRIENNE ET COLONIALE DE FRANCE.

Recueil consacré

A LA DISCUSSION DES INTÉRÊTS DE TOUS LES ÉTATS ORIENTAUX,

de l'Algérie et des Colonies françaises et étrangères,

et à l'étude

DE LA GÉOGRAPHIE, DE L'HISTOIRE, DES LITTÉRATURES,

DES SCIENCES, DES RELIGIONS, DES MOEURS ET DES COUTUMES DES PEUPLES DE CES DIVERSES RÉGIONS.

Rédigé avec le concours des Membres de la Société orientale.

TOME QUINZIÈME.

PARIS,

STOR LIBRARY

NEW YOR

AU BUREAU DE LA REVUE, CHEZ JUST ROUVIER, LIBRAIRE,
20, rue de l'École-de-Medecine.

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EMPIRE OTTOMAN.

BUYUKDÉRÉ.

Il n'est pas d'histoire plus belle et plus attrayante à écrire que celle du Bosphore, cet immense fossé creusé entre deux continents, cette voie marine où l'homme s'est joint à la nature pour créer une foule de tableaux dont la multiplicité ne lasse point l'admiration! C'est cette histoire, ou plutôt un fragment de cette histoire que nous essaierons de tracer, en nous inspirant de l'intérêt qu'offre depuis quelque temps cette partie du Bosphore que nous allons décrire, et de l'importance qu'elle peut acquérir.

L'escadre anglo-française se trouve aujourd'hui mouillée dans le golfe de Buyukdéré et échelonnée jusqu'à l'entrée de la mer Noire. La ceinture de collines qui entourent le golfe abrite cette noble escadre contre les tempêtes du nord; ses échos, qui se sont éveillés pour la première fois au bruit des rames du navire des Argonautes, répètent maintenant le sifflet des contremaîtres anglais et français, et sa plage, qui s'est émue aux sons de la lyre d'Orphée, redit aujourd'hui le chant nazillard des chanteurs arméniens!

Le golfe de Buyukdéré forme à la vue, en s'unissant aux vagues qui baignent la rive asiatique, comme un bassin que nous oserons comparer, en vertu du parvis componere magna, à une vaste cour d'honneur précédée d'une longue et large avenue. Où trouver, pour une ville, une plus belle entrée que celle de Constantinople? Avant d'apercevoir les minarets effilés, les palais blancs, les dômes dorés, les tours gardiennes du port et les toits rouges mêlés aux jardins de la ville, il faut, en entrant par la mer Noire, suivre d'enchantement en enchantement cette avenue dont les flots ressemblent XV. Janvier.

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à de larges bandes de moire bleue, entre une double rangée de collines dont la croupe supporte des champs d'acre et d'émeraude, des yalis bariolés et des palais de marbre qui reflètent leur image renversée dans les vagues éparpillées, à chaque instant, en paillettes étincelantes sous l'éperon de mille navires ou la roue des pyroscaphes! Ce long chemin, brillant des tentes. les plus riches sous le rayonnement du ciel oriental, se déroule et se replie en capricieux méandres et forme une suite de tableaux séparés dont nul ne ressemble aux autres et dont on peut, du haut des collines qui dominent le Bosphore, embrasser d'un coup d'œil le splendide ensemble.

Buyukdéré, qui occupe tout l'espace compris entre la prairie aux sept platanes et les premières batteries qui défendent le Bosphore à l'extrémité septentrionale du golfe, échelonne ses maisons sur le quai et a peu de profondeur; car il s'adosse à une longue file de collines situées près du rivage et où les riches propriétaires de ce faubourg suspendent des jardins prolongés sur leur versant. A leur place s'étendaient jadis les immenses jardins des premiers sultans, qui commençaient dans la prairie, où l'on peut voir encore les fondements d'un kiosk impérial, et finissaient au-delà du moderne Buyukdéré.

Au point de vue archéologique, Buyukdéré n'offre pas un grand intérêt et éveille peu de curiosité. Nous n'avons guère à mentionner que le couvent de Tarasius, où Léon l'Arménien exila Procope, femme de Michel Rangabé, et ses deux filles. Il y a plus de trente ans, on découvrit sur la montagne qui s'élève derrière l'ambassade espagnole les fondements d'une église, des statues de marbre et des ustensiles de ménage c'est là, en effet, qu'on voyait l'église dédiée par l'empereur Justinien à Théodose le Tyrien. En fait d'édifices modernes, Buyukdéré, habité par des Francs, des Arméniens et quelques Grecs, compte

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