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prendre elle n'a pas été une époque d'oppression et de servitude. Je n'hésite pas à le dire devant cette Chambre; la France a été plus libre, en résultat, pendant la plupart des années de la Restauration, qu'elle ne l'avait été dans presque toutes les époques antérieures; et c'est à l'école de cette liberté que nous avons appris les premiers éléments de cette politique modérée, juste, amie du droit, qui, depuis la révolution de Juillet, a fait le salut de notre pays. Elle le fera définitive

ment.

Oui, messieurs, les deux grands pouvoirs dont je viens de parler sont tombés; ils sont tombés par des fautes auxquelles nous ne sommes point condamnés. Nous avons des écueils dans notre situation, nous avons à lutter contre de grandes difficultés; mais nous sommes en possession des seules armes avec lesquelles on puisse vaincre de tels ennemis; nous sommes en possession des seuls principes de gouvernement avec lesquels on puisse surmonter toutes les difficultés qui nous assiégent.

Nous les surmonterons, messieurs, en dépit de tous les partis extrêmes, en dépit de toutes les alliances, de toutes les associations particulières, quelles qu'elles soient; et le jour, passez-moi l'expression, le jour où l'étrange scandale qui vient de vous être donné à cette tribune, l'étrange scandale de voir discuter, de voir mettre en question l'existence même de votre gouvernement, la validité du serment, du serment prêté sans arrière-pensée, sans restriction, le jour où ce scandale deviendra un danger pour l'ordre social, le jour où ce scandale compromettrait le gouvernement que nous avons fondé, l'ordre que nous avons rétabli et les espérances de notre avenir, ce jour-là je ne sais pas ce que fera la Chambre, mais je suis bien sûr qu'elle réprimera un tel scandale, et qu'elle fera ce qu'il faudra pour le faire cesser. (Mouvement prononcé d'assentiment aux centres.)

LVI

- Chambre des députés. - Séance du 5 mars 1834.

A la fin de la séance du 4 mars et pendant la discussion du projet de loi sur les attributions municipales, M. Eusèbe Salverte demanda à adresser au ministère des interpellations sur les troubles qui avaient éclaté, à Paris, les 21, 22 et 23 février précédents. Un débat s'éleva sur l'étendue, les conditions et les formes du droit d'interpellation. J'y pris part en réponse à MM. Mauguin et Odilon Barrot.

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M. GUIZOT, ministre de l'instruction publique. Messieurs, j'entends dire qu'il s'agit ici d'une question de Chambre. Sans doute, et c'est pour cela que je viens prendre part à la discussion. Quand il s'agit des droits de la Chambre, quand il s'agit de l'ordre de ses délibérations, en ma qualité de député, en ma qualité de ministre du roi, j'y suis aussi intéressé que personne.

Je ne conteste en aucune façon, messieurs, le droit d'in

terpellation. Je n'examine pas non plus quel usage particulier on veut en faire en ce moment. Mais je crois que les principes qu'on essaye de poser sont destructifs des droits de la Chambre et du bon ordre de ses discussions. Sous le nom de droit d'interpellation on essaye de ressusciter ce qui a été proscrit par le règlement de la Chambre, ce qui a été reconnu contraire à toute bonne discussion, les motions d'ordre. Si le droit d'interpellation était reconnu et exercé dans toute l'étendue qu'on essaye de lui attribuer, les motions d'ordre seraient pleinement rétablies, et vos débats livrés à toutes leurs chances. Il n'y a qu'un moyen de l'empêcher, messieurs, c'est de maintenir le principe qu'a posé hier M. le président.

Je prie la Chambre de se rappeler comment le droit d'interpellation a été introduit parmi nous. Il s'est présenté comme une conséquence, comme un démembrement, si je puis ainsi parler, du droit d'initiative. Le droit d'initiative ayant été attribué par la Charte de 1830, d'abord comme droit collectif à la Chambre, ensuite, comme droit individuel, à chaque membre de la Chambre, il a bien fallu régler ce droit-là comme tous les autres; il a bien fallu régler de quelle manière chaque membre de la Chambre exercerait ce droit personnel, comme le disait tout à l'heure l'honorable préopinant, de soumettre à la Chambre une proposition quelconque, et d'en faire l'objet d'une délibération.

C'est ce que vous avez fait par votre règlement quand vous avez exigé le renvoi des propositions dans les bureaux, et l'approbation de deux ou trois bureaux au moins pour que la proposition devînt l'objet des délibérations de la Chambre.

C'est, je le répète, comme conséquence, comme démembrement de ce droit d'initiative et de proposition faite par un membre, que le droit d'interpellation a été introduit dans la Chambre, sur la demande de l'honorable M. Mauguin; seulement, par tolérance pour la facilité, pour la promptitude des débats, la Chambre a permis que ce genre de propositions, ce droit d'interpellation fût dispensé de quelques-unes

des conditions que votre règlement attache au droit d'initiative. La Chambre n'a pas exigé que la proposition d'interpellation fût toujours renvoyée dans les bureaux et soumise à leur examen. Elle n'a pas même exigé que l'interpellation aboutît à un vote formel, qu'elle eût pour objet une proposition expresse, et qui devînt le sujet des délibérations de la Chambre chose que, pour mon compte, je trouve pleine d'inconvénients. Il est étrange qu'on puisse occuper longtemps la Chambre d'une discussion, sans qu'elle aboutisse à une délibération formelle, sans que la Chambre manifeste son opinion et son vœu d'une manière positive. Sous ce point de vue donc, je crois, pour mon compte, que l'usage qu'on a fait du droit d'interpellation est contraire au bon ordre des discussions, et je souhaiterais que toute interpellation aboutit nécessairement à un vote, à une résolution de la Chambre. Je crois qu'alors la Chambre serait pleinement dans son droit, et chaque député aussi. Quoi qu'il en soit, la différence qui s'est introduite entre le droit d'initiative et le droit d'interpellation est double par la première, il n'y a pas de renvoi dans les bureaux, la discussion peut avoir lieu sans cet examen préalable; par la deuxième, il n'y a pas de résolution nécessaire. Mais si, après cette double modification apportée au droit d'initiative en faveur du droit d'interpellation, vous allez plus loin; si vous reconnaissez que le droit d'interpellation est étranger, supérieur à toute juridiction de la Chambre, que tout député peut faire entendre à la Chambre, sans la consulter, telles choses qu'il lui conviendra, ouvrir telle discussion qu'il lui plaira, je le demande à tous ceux qui ont quelque expérience des assemblées, n'est-ce pas là le rétablissement pur et simple des motions d'ordre, la destruction de tout ordre dans les délibérations?

On dit que faire le contraire, c'est soumettre le droit d'interpellation à la majorité: mais, messieurs, tout, dans cette Chambre, n'est-il pas soumis au contrôle de la majorité! Aux extrémités. Non! non!

M. MAUGUIN.

Je demande la parole.

M. le ministre de l'instruction publique. Le droit de parler, le droit de discuter est bien, sans aucun doute, le premier droit et le plus individuel du député; cependant il est soumis au contrôle de la majorité; la majorité ferme la discussion quand elle le juge convenable. (Murmures aux extré mités.)

M. LAFFITTE. C'est une tyrannie.

M. le ministre de l'instruction publique.-Ce n'est point une tyrannie; la majorité écoute et ferme la discussion, et la clôture de la discussion n'est autre chose qu'une limite apportée au droit de parler à cette tribune. Le droit de parler, de discuter, quelque sacré qu'il soit dans son principe, quelque étendu qu'il soit dans son exercice, n'est donc pas illimité. Il est placé, je le répète, sous le contrôle de la majorité, et elle exerce ce contrôle tous les jours, soit en refusant la parole, soit en fermant la discussion. Si vous reconnaissiez le principe contraire, si vous admettiez un droit individuel qui fût affranchi du contrôle de la majorité, il lui serait supérieur, et le pouvoir de la Chambre disparaîtrait devant celui d'un seul membre.

Cela est tellement impossible, messieurs, que dans tous les précédents invoqués sur le sujet même qui nous occupe, le droit de la Chambre de permettre ou d'empêcher l'interpellation a été formellement reconnu par les orateurs euxmêmes qui font des interpellations, et par l'honorable membre qui a introduit lui-même le droit d'interpellation dans cette enceinte. Je demande à la Chambre la permission de lui rappeler purement et simplement les paroles prononcées, dans deux ou trois occasions, par l'honorable M. Mauguin lui-même. La Chambre verra qu'il reconnaissait que la première chose à faire était de demander à la Chambre la permission d'interpeller le gouvernement. C'est dans ces termes mêmes, je le répète, dans les termes de permission que M. Mauguin a parlé et les voici :

« Je saisirai cette occasion pour prévenir la Chambre que mon intention est de demander jeudi à M. le ministre des

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