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les bancs de cette Chambre, tantôt à ce banc des ministres où nous sommes encore aujourd'hui.

Nous avons, messieurs, traversé ces quatre années dans des situations bien différentes: ministres ou non ministres, nous avons soutenu la même politique, professé les mêmes principes, défendu les mêmes intérêts. Nous sommes convaincus que ces principes, ces intérêts sont ceux de la majorité des Chambres, qu'ils sont ceux de la majorité des électeurs, qu'ils sont ceux de la France. Si donc on veut en rendre quelqu'un responsable, si on veut faire peser ce qu'on appelle une accusation sur la tête de quelqu'un, la nôtre est ici, nous sommes prêts, nous prenons tout à notre compte. (Sensation. Très-bien! très-bien!)

Après ces mots d'accusation, on a parlé d'adresse. Messieurs, il ne m'appartient pas d'exprimer à ce sujet aucune opinion, aucune intention; la Chambre en comprendra, je n'en doute pas, les motifs. Mais toute occasion que saisira cette Chambre, dans les formes constitutionnelles, dans les limites constitutionnelles, pour manifester son opinion, pour exercer son influence légitime sur les affaires du pays, je me hâte de dire que nous nous en féliciterons, quel qu'en soit le résultat. (Tres-bien!)

M. MAUGUIN. J'avais demandé à MM. les ministres de nous dire s'ils sont encore ministres, et s'ils ne le sont plus, de nous dire pour quel motif le cabinet est dissous.

Voilà les questions que j'ai adressées; M. le ministre de l'instruction publique vient de dire à cette tribune, que maintenant il ne pourrait point développer la vérité tout entière, que leurs explications seraient gênées, qu'elles ne pourront être franches et libres que lorsque les positions seront nettes et fixes.

J'accepte cette réponse des ministres, parce que si l'attaque est libre, il faut que la défense le soit également. Il en résulte donc pour nous la nécessité de reporter la discussion à un autre jour. Je proposerai donc un nouvel ajournement à la Chambre.

M. VIENNET.-Je demande la parole.

M. MAUGUIN.La délibération ne peut finir, la discussion ne peut finir que de trois manières ou par un ordre du jour, ou par une proposition de vote, ou par un ajournement. Un ordre du jour, je crois que ce n'est pas le cas. Une proposition de vote, je ne sais pas si la Chambre y est préparée; dès lors vient nécessairement le troisième parti, un ajournement. Je crois que cet ajournement ne peut nuire à la Chambre en aucun cas. 1 prouve sa sollicitude, il indique qu'elle n'abandonne pas les intérêts du pays, qu'elle les voit, et qu'elle supplie la couronne d'y pourvoir promptement. Voilà, je crois, le sens secret d'un ajournement, et c'est pour cela que je le propose.

M. le ministre de l'instruction publique.-Je n'ai, quant à ce qui me concerne, aucune objection à faire contre l'ajournement. (Rires à gauche.)

Je demande pardon aux honorables membres qui rient, mais ils n'ont pas compris ce que j'ai voulu dire, c'est que je n'ai aucune objection à ce que la discussion soit remise, soit à jour fixe, soit après la formation du cabinet; je serai prêt à reprendre les interpellations et les explications au moment où je croirai pouvoir dire tout ce qui est nécessaire.

M. ODILON BARROT.-Messieurs, lorsqu'à la suite de ces interpellations et du débat qu'elles ont amené, MM. les ministres ont déclaré qu'ils n'avaient pas de réponse à faire, quant à présent, sur les causes de la situation actuelle du ministère, assurément j'ai bien pressenti d'avance que la discussion ne pourrait pas aller plus loin, et que peut-être même elle se terminerait sans conclusion. C'est un résultat, je le déclare, qui est déplorable; chacun a sa responsabilité ou directe ou morale vis-à-vis du pays, et je crains que le silence même de la Chambre dans des circonstances aussi graves n'engage plus qu'on ne le pense cette responsabilité même devant nos commettants. C'est pour cela que, faisant abnégation de tout intérêt d'opposition, j'avais déclaré à cette tribune que j'appuyerais toute manifestation de la Chambre,

de quelque côté qu'elle vînt, qui aurait pour objet de porter remède à cette situation et de la faire cesser. M. le ministre est monté à cette tribune, et je lui en demande bien pardon, mais, par une équivoque qui n'est guère dans les habitudes de son esprit et de sa discussion, il a transporté la question sur un terrain tout à fait étranger; il nous a parlé des cinq années qui se sont écoulées depuis la révolution de Juillet; il nous a parlé du système du ministère, système auquel se serait associée la majorité parlementaire. C'est une bien vieille tactique et qui a trop souvent réussi au ministère, de déplacer la question et de substituer une discussion générale à une question spéciale. Il ne faut cependant pas que ce débat se termine sans que nous rappelions en définitive quels sont les termes de la question, de la question unique qui vous est aujourd'hui posée. A trois mois de distance, sous votre ministère, il s'est manifesté une interruption subite dans les pouvoirs ministériels; il a été proclamé que le ministère était en dissolution avant même qu'on eût quelque certitude, quelque probabilité même, de la reconstitution d'un autre ministère. Il a été porté par là un grave dommage au pays, à la constitution, à la sécurité publique, à la confiance dans nos institutions, à la dignité des pouvoirs parlementaires et de cette Chambre.

Eh bien! je ne demande pas mieux que d'ajourner l'instruction sur ce grand débat, puisque les ministres ne croient pas pouvoir, dans ce moment-ci, concilier leur devoir envers la couronne avec leur devoir vis-à-vis du pays et de la Chambre. Il faut donc se résigner. Nous n'aurons eu que la douloureuse consolation de faire, autant qu'il était en nous, notre devoir. Pour le reste, à qui de droit la responsabilité.

M. le ministre de l'instruction publique.-Messieurs, l'honorable préopinant n'a pas seul ici le privilége de faire son devoir. Nous croyons le faire tous, lui, en parlant, nous, en nous taisant, et en ajournant, au moment où nous pourrons tout dire, les explications qu'on nous demande.

Je ne monte donc à cette tribune que pour relever encore

une assertion inexacte. On pourrait inférer de ce que vient de dire l'honorable préopinant, que c'est nous qui empèchons que ce débat n'ait une conclusion positive. Je croyais avoir indiqué moi-même que je n'avais pour mon compte aucune objection à voir la Chambre manifester sa pensée et exercer sa légitime influence. (Très-bien! très-bien!)

Je ne mets donc aucun obstacle à une conclusion légitime, constitutionnelle, de ce débat. Quant à l'ajournement, ce n'est pas non plus, comme l'honorable préopinant le sait bien, ce n'est pas pour éluder la discussion, c'est, au contraire, pour la rendre plus complète, plus satisfaisante, que je demande qu'elle soit remise jusqu'au jour où elle sera vraiment possible. Je ne m'oppose en aucune façon à un ajournement ainsi entendu.

LXV

Chambre des députés.

-

Séance du 14 mars 1835.

Après la reconstitution du cabinet sous la présidence du duc de Broglie, M. Mauguin lui adressa de nouvelles interpellations sur les causes qui l'avaient tenu, pendant trois semaines, en état de dissolution, et sur les maximes qui avaient présidé à sa réorganisation.

M. GUIZOT, ministre de l'instruction publique.-M. le président, je demande la parole.

Messieurs, je remercie l'honorable préopinant de la gravité et de la précision qu'il a apportées dans ce débat; mais je ne puis accepter la forme insolite qu'il a voulu lui donner.

M. MAUGUIN, de sa place.—Je remarque qu'il n'y a ici rien d'insolite on pose ordinairement des questions verbales; elles s'effacent des esprits; c'est pour qu'elles ne s'effacent pas que je les ai portées par écrit.

M. le Président.-Ce n'est pas pour faire la question que l'orateur me l'a transmise.

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