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du maître de ce beau féjour. Je fuis fenfiblement 1716. touché des marques que vous me donnez de votre fouvenir; je le ferai beaucoup plus de vous retrouver.

Ornement de la bergerie,

Et de l'Eglife et de l'Amour,
Auffitôt que Flore à fon tour
Peindra la campagne fleurie,
Revoyez la ville chérie

Où Vénus a fixé fa cour.

Eft-il pour vous d'autre patrie ?
Et ferait-il dans l'autre vie

Un plus beau ciel, un plus beau jour,
Si l'on pouvait de ce féjour

Exiler la tracafferie?

Evitons ce monftre odieux,

Monftre femelle dont les

yeux

Portent un poison gracieux;

Et

que le ciel en fa furie,

De notre bonheur envieux,

A fait naître dans ces beaux lieux
Au fein de la galanterie.

Voyez-vous comme un miel flatteur
Distille de fa bouche impure?
Voyez-vous comme l'impofture
Lui prête un fecours féducteur?
Le courroux étourdi la guide,
L'embarras, le foupçon timide,
En chancelant fuivent fes pas.
Des faux rapports l'erreur avide
Court au-devant de la perfide,
Et la careffe dans fes bras.

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Qu'il ceffe de forger des traits

Pour tant de beautés criminelles !

Et qu'il vienne au fond du Marais.
De l'innocence et de la paix
Goûter les douceurs éternelles !

Je hais bien tout mauvais rimeur
De qui le bel efprit baptife
Du nom d'ennui la paix du cœur,
Et la conftance, de fottife.
Heureux qui voit couler fes jours
Dans la molleffe et l'incurie,
Sans intrigues, fans faux détours,
Près de l'objet de ses amours,
Et loin de la coquetterie !
Que chaque jour rapidement
Pour de pareils amans s'écoule !
Ils ont tous les plaisirs en foule,
Hors ceux du raccommodement.
Quelques amis dans ce commerce
De leur cœur, que rien ne traverse,
Partagent la chère moitié ;
Et dans une paifible ivresse,
Ce couple avec délicatesse
Aux charmes purs de l'amitié

Joint les tranfports de la tendresse.

Voilà, Monfieur, des médiocrités nouvelles

pour l'antique gentilleffe dont vous m'avez fait part. Savezvous bien où eft ce réduit dont je vous parle ?

M. l'abbé Courtin dit que c'eft chez madame de 1716. Charoft. En quelque endroit que ce foit, n'importe, pourvu que j'aye l'honneur de vous y voir.

Rendez-nous donc votre préfence,
Galant prieur de Trigolet,
Très-aimable et très-frivolet :

Venez voir votre humble valet
Dans le palais de la conftance.
Les Grâces, avec complaifance,
Vous fuivront en petit collet ;
Et moi leur ferviteur follet,
J'ébaudirai votre excellence
Par des airs de mon flageolet,
Dont l'amour marque la cadence
En fefant des pas de ballet.

En attendant je travaille ici quelquefois au nom de M. l'abbé Courtin, qui me laiffe le foin de faire en vers les honneurs de fon teint fleuri et de fa croupe rebondie. Nous vous envoyons, pour vous délasser dans votre royaume, une lettre à M. le grand-prieur, et la réponse de l'Anacréon du Temple. Je ne vous demande pour tant de vers qu'un peu de profe de votre main. Puisque vous m'exhortez à vivre en bonne compagnie, que je commence à goûter bien fort, il faudra, s'il vous plaît, que vous me fouffriez quelquefois près de vous à Paris.

1717.

LETTRE I I.

A M. LE PRINCE DE VENDOME, (a)

DE

E Sully, falut et bon vin
Au plus aimable de nos princes,
De la part de l'abbé Courtin,
Et d'un rimailleur des plus minces
Que fon bon ange et fon lutin

Ont envoyé dans ces provinces.

Vous voyez, Monfeigneur, que l'envie de faire quelque chofe pour vous a réuni deux hommes bien différens.

L'un, gras, rond, gros, court, féjourné,
Citadin de Papimanie, ·

Porte un teint de prédestiné,

Avec la croupe rebondie.

Sur fon front respecté du temps,
Une fraîcheur toujours nouvelle
Au bon doyen de nos galans
Donne une jeuneffe éternelle.
L'autre dans Papefigue eft né,
Maigre, long, fec et décharné,
N'ayant eu croupe de fa vie,
Moins malin qu'on ne vous le dit
Mais peut-être de Dieu maudit,

Puisqu'il aime et qu'il verfifie.

?

(a) C'est le frère du duc de Vendôme. Il était grand-prieur de France, L'abbé Courtin était un de fes amis, fils d'un confeiller d'Etat, et homme de lettres. Il était tel qu'on le dépeint ici.

1717.

Notre premier deffein était d'envoyer à votre alteffe un ouvrage dans les formes, moitié vers, moitié profe, comme en ufaient les Chapelle, les Desbarreaux, les Hamilton, contemporains de l'abbé, et nos maîtres. J'aurais prefque ajouté Voiture, fi je ne craignais de fâcher mon confrère, qui prétend, je ne fais pourquoi, n'être pas affez vieux pour l'avoir vu.

L'abbé, comme il eft pareffeux,
Se réfervait la profe à faire,
Abandonnant à fon confrère
L'emploi flatteur et dangereux
De rimer quelques vers heureux,
Qui peut-être auraient pu déplaire
A certain cenfeur rigoureux
Dont le nom doit ici fe taire.

par

Comme il y a des choses affez hardies à dire le temps qui court, le plus fage de nous deux, qui n'est pas moi, ne voulait en parler qu'à condition qu'on n'en faurait rien.

Il alla donc vers le Dieu du myftère,

Dieu des Normands, par moi très-peu fêté,
Qui parle bas, quand il ne peut se taire,
Baiffe les yeux et marche de côté.
Il favorife, et certes c'eft dommage,
Force fripons; mais il conduit le fage.
Il eft au bal, à l'églife, à la cour;
Au temps jadis il a guidé l'amour.

Malheureufement ce Dieu n'était pas à Sully; il était en tiers, dit-on, entre M. l'archevêque de..... et

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