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Les machinistes des chemins de fer attrapent des étoiles, et tondent des chiens, des chats et des coqs noirs à l'insu même de leurs maitres; ils recueillent tout cela et le gardent. L'un de ceux-ci étant tombé malade, fit venir deux popes pour le confesser; l'un de ceux-ci lui ayant demandé quels étaient ses péchés, il leur dit : « Je suis un grand pécheur ; j'ai enlevé des astres du ciel et les ai enfermés pour que la machine coure plus vite ; j'ai tondu aussi des coqs, des chiens et des chats noirs >

UNE NOTE SUR L'ETHNOGRAPHIE.

En communiquant ces traditions ukrainiennes, nous nous permettons de dire quelques mots à propos d'une assertion assez inattendue de M. Michel de Zmigrodzki, insérée dans le IVe fasc. de la Revue des Traditions populaires ; elle pourrait bien passer sans être remarquée si elle n'était pas parue dans une publication si estimée et d'une réputation si sérieuse. M. de Zmigrodzki prétend que la Pologne fait avec la Lithuanie et la Ruthénie une indivisible totalité ethnographique. » Quant à l'Ukraine nous ne savons pas même si nous devons invoquer les témoignages des autorités de la science pour démontrer combien cette opinion est peu fondée, et pour prouver que les Ukrainiens étant complètement distincts des Polonais ne doivent être nullement confondus même avec les Grands-Russiens, avec lesquels et des Biélorusses ils forment la branche orientale de la famille des peuples slaves. C'est un fait constaté d'une manière définitive et indiscutable dans les travaux de Miklosich (Vergleichende Grammatik. 1, 1x), de Schleicher (Beitrage zur vergl Sprachforsch. 1, 22), de Jagic (Archiv fur Slaw. Phil. 1, 508), de Lavrovsky (Obzor zamietchatelnych ossobennostel narietchia malorusskaho srarnitelno s velikorousskim i drougimi slavianskimi nariétchiami, dans le Journal Ministerstva Narod. Prosviéchtchenia 1859, No 6, p. 263), de Bodiansky (Tchtenia v imp. Obchtch Istorii i Drevn. 1858, Iv. 11, 7), de MM. Pypine ei Spasowicz (Hist. des littératures slaves, 1, 310, 311), de M. Talvi. (Historical View of the Languages and Literature of the Slavic Nations, p. 8-9). de M. Hins (La Russie dévoilée au moyen de sa littérature populaire. P. 1883, p. xx-xx1), de M. Hovelacque (La Linguistigue, p. 366-387), de M. Friedrich Muller (Allgemeine Ethnographie, p. 477), de M. Topinard (l'Anthropologie, p 246 et 409), de MM Mayer et Kopernicki (Charakterystyka fizyczna ludnosci Galicyiskiej Krakow, 1885), de M. Diebold (Ein Beitrag zur Anthropologie der Kleinrussen, Dorpat 1884), etc, etc. Mais il nous semble que nous pouvons bien indiquer seulement les ouvrages destinés au grand public, comme Elisée Reclus Histoire de la Russie, p. 25, Géographie Univer V, p. 293 et A. Rambaud où le lecteur trouvera même la critique de la théorie de Duchinski, oubliée du reste depuis assez longtemps déjà dans la science sérieuse. Quant aux Lithuaniens nous n'avons pas besoin d'en parler, puisqu'il est admis par tout le monde savant que ce peuple n'appartient pas même à la famille slave.

TH. VOLKOV.

1 Manjoura Skazki, poslovitzy etc. (Contes, proverbes etc., recueillis dans les gouvernements de Kharkov et d'Ekaterinoslav) dans le Sbornik Kharkovskaho istoriko-filologitcheskaho Obchtchestra (Recueil de la Société de l'histoire et de philologie de Kharkov). 1890, II, p. 143.

LA LÉGENDE DU DIABLE

CHEZ LES BRETONS DU PAYS DE VANNES'

II

DEMELÉS DU DIABLE AVEC LES SAINTS DU PAYS DE VANNES'.

E diable était fort, avait une certaine loyauté; mais il était maladroit et borné.

Il était maladroit. Ainsi, sa mère, un jour, s'étant démis un bras, il voulut le lui rebouter et le cassa.

Il était borné. Il eut des démêlés avec presque tous les saints du pays de Vannes, il en sortit

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Un jour saint Mathurin semblait garder des vaches sur une grande lande de Quistinic lorsqu'un marchand de pommes vint à passer. Il était accompagné de son domestique qui conduisait une charretée de pommes. « Donnez-moi une pomme, dit l'enfant au marchand, et je vous dirai une chose. >> « Oui, oui, reprit le marchand, tu veux avoir une pomme; tiens en voici une: « Fermez toujours votre porte à clé, répartit l'enfant, et vous << saurez qui entrera chez vous. » Belle affaire, dit le mar

chand en riant; je sais cela depuis longtemps.

Il passa de nouveau avec une charretée de pommes; l'enfant lui en demanda encore une, lui promettant de lui dire une chose.

1 V. le t. vI. p. 166.

Saint Mathurin, prêtre dans le diocèse de Sens vers l'an 388. Il est patron de la paroisse de Quistinic, dans le diocèse de Vannes, et en grande vénération dans la région. Il est l'objet de plusieurs légendes bien connues.

Tu veux manger toutes mes pommes, mon petit; mais elles me coûtent de l'argent. » Il lui en donna encore une cependant; car il avait bon cœur. Après l'avoir remercié, l'enfant lui dit : « Ne pariez jamais que lorsque vous êtes certain de gagner. » Tes secrets sont connus de tout le monde, petit gars; merci quand même, car ton intention est bonne.

Le marchand repassa une troisième fois et le petit pâtre accourut encore demander une pomme, en faisant la même promesse que les deux premières fois. Le marchand se mit à rire.

- Avec tes prétendus secrets, tu mangeras certainement toutes mes pommes. En voici une encore; mais ne m'en demandes plus, car je ne t'en donnerai plus d'autres. « Merci, dit <«<le petit, «Ne passez jamais trois fois de suite devant une « personne sans lui demander son nom. »

Le marchand fit à peine attention à ce que lui disait l'enfant. Arrivé à la maison, le marchand dit à son domestique : « Conduis le cheval à l'écurie, donne-lui du foin d'abord et de l'eau chaude ensuite; car il a chaud. »

Lorsque le garçon fut porter de l'eau chaude au cheval, il en trouva un autre à l'écurie, mangeant du foin avec le sien; mais il était si maigre qu'il ne tenait pas debout.

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A qui ce vilain cheval? Mets-le bien vite hors de l'écurie. Au même moment se présente le propriétaire du cheval.

- Votre bête fait souvent carême, parrain, car elle est bien maigre.

Telle qu'elle est, elle court encore mieux que la vôtre.
Ah dam! ça non!

Parions sept écus contre le meilleur morceau de chez vous que, sur ce cheval, j'irai boire une bolée de cidre à Hennebont et que je serai de retour ici, à Quistinic, avant vous.

En route, de suite, cria le marchand de pommes, piqué par

ce défi.

Ils se mirent en route ensemble. Le marchand de pommes avait un beau cheval, un bon coursier. L'inconnu avait un cheval si maigre, si petit, qu'il lui fallait ployer les jambes pour ne pas toucher la terre avec les pieds. Le marchand néanmoins n'avait pas encore fait un quart de lieue que l'autre avait déjà bu sa bolée de cidre à Hennebont, et était de retour. Il avait affaire au diable en personne. Il se rappelle alors les paroles du

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pâtre : « Fermez toujours votre porte à clé et vous saurez qui entrera chez vous, » el « Ne pariez que lorsque vous êtes certain de gagner. »

A son retour; le diable réclame son morceau.

-

— Quel morceau prendrez-vous, dit le marchand.

Votre femme, répondit le diable.

Le marchand trembla de tous ses membres et devint pâle comme un linge.

Il aurait voulu parler alors au berger; mais « il ne lui avait pas demandé son nom. » Il alla sur la lande où il l'avait trouvé et se mit à l'appeler Berger, berger; mais le berger ne paraissait pas. Cependant, ce berger qui lui avait donné de si sages avis aurait peut-être pu le tirer de cette mauvaise affaire.

A la fin, saint Mathurin eut pitié de lui et lui apparut en prêtre tel qu'il est dans son église de Quistinic; car c'est lui qui est le patron si connu de Quistinic.

Hé bien! vous n'avez pas voulu suivre mes conseils, aussi vous voilà en une mauvaise affaire.

O grand saint Mathurin, ayez pitié de moi et ne laissez pas ma femme aller avec le diable.

Tranquillisez-vous, votre femme n'ira pas avec le diable, il n'aura pas ce morceau-là.

Saint Mathurin se rend chez le marchand de pommes, fait la femme monter dans le grenier, puis scie le cinquième barreau de l'échelle en le laissant cependant en place.

Le diable arrive bientôt et réclame son morceau.

- Il est dans le grenier, dit saint Mathurin, allez le chercher. Le diable ne se fit pas prier deux fois, il monta dans l'échelle et le barreau scié lui reste en main.

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Ah! dit le saint, vous prenez ce morceau-là, vous ne pouvez en réclamer un autre. La condition du pari est accomplie. Allez-vous-en maintenant.

Ce qui fut dit fut fait et le diable n'eut pour enjeu de son pari qu'un barreau d'échelle....

II

LE DIABLE ET SAINT CADO.

I. Saint Cado vécut à la fin du Ve et au commencement du VIe siècle Il était fils d'un roi de Cambrie; il fonda le célèbre monastère de Laneurvan, vint en Armorique, habita l'île de la rivière d'Etel qui porte aujourd'hui son nom et devint évêque de la ville de Weednor, appelée alors Benaven, en latin Bena Ventæ, dans le comté actuel de Northampton. Il y souffrit le martyre.

II. Le culte de saint Cado fut bien répandu, au Moyen Age, dans la Cambrie et dans l'Armorique. En 1351, eut lieu à Mi-Voie le fameux combat des Trente. Le poète contemporain met sur les lèvres des chevaliers bretons cette belle prière Seigneur saint Cado, notre patron, donnez-nous force et courage afin « qu'aujourd'hui nous vainquions les ennemis de la Bretagne

...

Après leur victoire, il chante avec enthousiasme : « Il n'eût pas été l'ami « des Bretons celui qui n'eût point applaudi dans la ville de Josselin en voyant « revenir les nôtres, avec des fleurs de genêts à leurs casques; il n'eût point été l'ami des Bretons, ni des Saints de Bretagne non plus, celui qui n'eût pas béni << saint Cado, patron des guerriers du pays... qui n'eût pas chanté : au Paradis ◄ comme sur la terre, saint Cado n'a pas son pareil.

«

(Barzaz-Breiz, I, 331).

III. « Les campagnards, dit le chanoine Mahé, racontent bien des historiettes ⚫ de saint Cado, dont ils sont les premiers à rire'. » Nous avons rapporté trois ou quatre seulement de ces nombreuses historiettes.

IV. L'empreinte du pied de saint Cado, laissée sur le pont lorsqu'il glissa, se nomme la glissade de saint Cado. Elle est restée un objet de vénération pour les pèlerins et pour les habitants du pays; on l'a recouverte d'une grille en fer, au-dessus de laquelle on a élevé un calvaire en granit.

V. L'imagerie populaire a reproduit la légende du pont de saint Cado. En 1863, Ch. Oberthur, de Rennes, imprima, pour le compte de Charles Pierret, une image coloriée de 0,30 de haut et de 0,20 de large, représentant, sur un beau pont, saint Cado, vêtu en évêque, donnant un chat au Diable. Cette image a été reproduite en petit, dans la Revue des Traditions populaires en 1888. Charles Pierret est mort en 1877, le bois original de saint Cado a été acheté par Bazouge, imprimeur à Dinan.

Pellerin, imprimeur éditeur à Epinal, a publié une autre image coloriée, de mêmes dimensions que celle de Pierret, représentant aussi saint Cado, vêtu en évêque, donnant, sur un beau pont, un chat au Diable qui voltige autour de lui.

Saint Cado habitait son îlot de la rivière d'Etel et avait de la peine à traverser l'eau pour aller à la grande terre. Le diable y passe un jour; saint Cado le rencontre et lui dit :

Fais-moi un pont pour venir de mon île à Belz.

Essai sur les Antiquités du Morbihan.

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