ces petites incommoditez, ces pertes de peu d'importance, qui vous font iournalieres: car par le moyen de ces petites occafions, employees auec amour & dilection; vous gaignerez entierement fon cœur, & le rendrez tout voftre ces petites charitez quotidiennes, ce mal de tefte, ce mal de dents, ceste defluxion, ceste bigearrerie du mary ou de la femme, ce caffement d'vn verre, ce mefpris ou cefte mouë, ceste perte de gands, d'vne bague, d'vn mouchoir, ceste petite incommodité que l'on fe faict d'aller coucher de bonne heure, & de fe leuer matin pour prier, pour fe communier, cefte petite honte que l'on a de faire certaines actions de deuotion publiquement: bref toutes ces petites fouffrances eftas prinfes & embraffees auec amour; contentent extremement la bonté diuine; laquelle pour vn feul verre d'eau a promis la mer de toute felicité à fes fidelles : & parce que ces occafions fe prefentent à tout momēt, c'eft vn grand moyen pour affembler beau25* T. II. coup de richeffes fpirituelles, que de les bien employer. Quad i'ay veu en la vie de faincte Catherine de Sienne, tant de rauiffemēs & d'eleuatios d'efprit, tant de paroles de fapiéce & mefme des predications faites par elle; ie n'ay point douté qu'auec cest œil de contemplation, elle n'eust rauy le cœur de so efpoux celefte; mais i'ay efté efgallement confolé quand ie l'ay veüe en la cufine de fon pere tourner humblement la broche, attifer le feu, apprefter la viande, paistrir le pain, & faire tous les plus bas offices de la maifon, auec vn courage plein d'amour & de dilection enuers fon Dieu. Et n'eftime pas moins la petite & baffe meditation qu'elle faifoit parmy les offices vils & abiects, que les extafes & rauiffemens qu'elle euft fi fouuent, qui ne luy furent peut eftre dōnez qu'en recōpenfe de cefte humilité & abiection. Or fa meditation eftoit telle: elle s'imaginoit qu'apreftat pour fon pere, elle appreftoit pour noftre Seigneur, comme vne autre faincte Marthe, que fa mere tenoit la place de noftre Dame, & fes freres le lieu des Apoftres, s'excitant en cefte forte de feruir en efprit toute la Cour celefte; & s'employant à ces chetifs feruices auec vne grande fuauité, parce qu'elle fçauoit la volonté de Dieu eftre telle. I'ay dit cet exemple, ma Philothee, à fin que vous fçachiez combien il importe de bie dreffer toutes nos actions, pour viles qu'elles foient au feruice de fa diuine majesté. Pour cela, ie vous confeille tant que ie puis, d'imiter cefte femme forte que le grand Salomon a tant louee, laquelle, comme il dit, mettoit la main à chofes fortes, genereufes, & releuees, & neatmoins ne laiffoit pas de filer & tourner le fufeau. Elle a mis la main à chofe forte, & fes doigts ont prins le fufeau; mettez la main à chofe forte, vous exerçant à l'oraifon & meditation, à l'ufage des Sacremens, à donner de l'amour de Dieu aux ames, à refpandre de bonnes infpirations dedans les cœurs : & en fin à faire des œuvres grandes, & d'importace, felõ voftre vocation mais n'oubliez pas auffi vostre fuseau & voftre quenoüille; c'est à dire, pratiquez ces petites & humbles vertus, lefquelles, comme fleurs, croiffent au pied de la croix, le feruice des pauures, la vifitation des malades, le foing de la famille, auec les œuures qui dependent d'iceluy, & l'vtile diligence qui ne vous laiffera point oyfiue; & parmy toutes ces choses là, entrejectez de pareilles confiderations à celles que ie viens de dire de faincte Catherine. Les grandes occafions de feruir Dieu fe prefentent rarement, mais les petites font ordinaires: Or qui fera fidele en peu de chofe, dit le Sauueur mefme, on l'eftablira fur beaucoup. Faites donc toutes chofes au nom de Dieu, & toutes chofes feront bien faites; foit que vous mangiez, foit que vous beuuiez, foit que vous dormiez, |