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CHAPITRE VIII.

Chute du ministre Mamiani.- Nouveau ministère. - Proclamation du souverain Pontife. Menace d'un gouvernement provisoire.- Nouvelle invasion des États Romains. - Mouvement populaire.-Les révolutionnaires à l'ambassade de France. Enrôlements.- Négociations.-- Derniers actes de la Chambre des députés.- Prorogation. - Le comte Rossi ministre.- Courageux efforts. - Désintéressement du clergé et des corporations religieuses -Premiers actes du ministère Rossi. Sinistre projet des sociétés secrètes. — Inter scyphos.— Troubles au Ghetto.- Fermeté de Rossi.- Marche de la révolution en Europe.-Revue des carabiniers. - Arrestation du moine Gavazzi. -Provocation de la presse.- Sanglants préludes.-Répétition d'un drame. Scène lugubre.- Conjuration.

Le 2 août, le comte Mamiani renouvela formellement et irrévocablement sa démission de ministre, après avoir subi un dernier échec dans le rejet de ses propositions belliqueuses.

Après de mûres reflexions le pape, pressé par la rapidité des événements, le remplaçant par un nommé Fabri, ancien exilé libéral, reconstitua son ministère de la manière suivante :

Le comte Lauro Lauri, aux finances;

Le comte Pietro Guerini, aux travaux publics et par intérim à l'agriculture et au commerce; Francesco Perfetti, à la police;

Pasquale de Rossi, grâce et justice;

Et Camillo Gaggiotti, par intérim à la guerre.

Mamiani ne se retira point sans étaler dans le journal qui subissait ses inspirations son propre panégyrique. Porté au ministère non par le choix libre du pape, mais par l'impulsion irrégulière des clubs, il prétendait avoir mis de la mesure dans ses rapports avec le souverain, tandis qu'il s'était constamment trouvé en dissidence avec lui. Pour que le gouvernement constitutionnel soit une vérité, il importe que chaque pouvoir ait le libre exercice de l'autorité que la loi lui confère. Au chef irresponsable appartient le choix des ministres, ce droit est tellement incontestable que dans le pays le plus sagement constitutionnel de l'Europe, en Angleterre, on a vu le souverain le conserver intact, malgré les exigences du parlement.

Le règne de Georges III en fournit un exemple dans la personne du célèbre W. Pitt. Il en est de même quant au droit de paix ou de guerre; le souverain seul dans le régime constitutionnel en est le dépositaire. Mamiani en méconnaissant ce double droit était en rebellion flagrante entre le système politique que la générosité du pontife avait accordé aux exigences des temps. Mamiani en subissant les conditions que les clubs lui imposaient n'était plus, au terme de la loi écrite, l'homme du pouvoir, mais le séide de la révolution il n'était plus le chef responsable d'un gouvernement régulier, mais le jouet d'une faction. Il croyait conduire, tandis que lui-même était poussé par les hommes qui convergeant vers un but unique aspiraient à renverser l'autorité légitime, pour fonder sur les ruines d'un édifice éphémère le règne de la démagogie.

Enfin, après avoir été un mauvais ministre, Mamiani

se posa en méchant tribun, en déclarant à la Chambre. le 5 août, que si le ministère n'était complétement réorganisé le lendemain, il proposerait à ce mal extrême un extrême remède.

Cette déclaration, qui n'était autre chose que la menace d'un gouvernement provisoire, avait été inspirée à l'ex-ministre par la nouvelle qu'un corps de quatre mille Autrichiens, sous les ordres du général Welden, avait de nouveau envahi les légations. Cette nouvelle, dont on ne pouvait contester l'exactitude, fut un nouveau brandon jeté au milieu de l'effervescence populaire. En effet, le soir même de nombreux groupes se formèrent dans le Corso et sur les places où la foule, dans ses jours de colère, a l'habitude de se rassembler. Assez calmes dans le principe, mais prenant bientôt une attitude hostile, les émeutiers insultèrent les promeneurs paisibles qui avaient le tort, à leurs yeux, de porter une figure honnête et des vêtements en bon état. Les voitures qui revenaient du Pincio durent se retirer devant les sifflets et la défense de passer outre ; un prêtre même, stationnant au coin d'une rue, reçut un coup de poignard qui lui traversa les chairs du bras. Restés maîtres du terrain, les démagogues résolurent de se présenter à l'ambassadeur de France pour faire appel à sa générosité et réclamer l'intervention, contre laquelle la langue du Tasse et du Dante n'avait pas eu assez d'anathème, alors qu'elle se croyait de force à remplacer l'épée. Aussitôt la foule, poussant ses clameurs ordinaires, se rendit à flots pressés vers le palais Colonna, résidence du duc d'Harcourt. L'ambassadeur venait de lire dans

un journal du jour, le Contemporaneo, les incroyables lignes qui suivent :

« Ce serait le plus grand de tous les malheurs de voir arriver parmi nous le secours de l'étranger, et cependant nous voici venus à ce point que nos regards se portent avec une anxiété fébrile du côté des Alpes pour voir s'il en descend des phalanges françaises; et notre oreille est tendue écoutant si les premières notes de la Marseillaise se font entendre. Oh! ces phalanges seront terribles! oh! cette Marseillaise sera semblable à l'incendie ! ceux qui l'ont voulu expieront cher leur trahison. >>

C'est sous le coup des impressions produites par cette lecture, que trois députés désignés par la foule furent admis en sa présence et lui demandèrent l'intervention française. La réponse de l'ambassadeur fut digne de lui et de la nation qu'il représentait : « Quoique je sois flatté pour ma nation de la demande que vous me faites, leur dit-il, je commencerai par vous déclarer qu'elle me surprend on ne peut plus. Les diatribes de vos journaux, les discours de vos orateurs ne m'y avaient point préparé. Vous l'avouerez vousmêmes, ils entendaient et signifiaient tout autre chose. Cependant, la France est grande et généreuse; elle oublie facilement. Je ne sais la résolution qu'elle prendra relativement à l'Italic. De mon chef je n'ai donc rien à vous répondre. Seulement si vous faites une pétition et que cette pétition soit signée par des hommes honorables et en assez grand nombre pour représenter les populations romaines, je m'empresserai de l'envoyer à mon gouvernement. »

Les délégués médiocrement satisfaits de cette réponse évasive, quant au fond, mais véhémente par sa forme, descendirent dans la cour du palais et la transmirent à la multitude, qui s'écria quand même : Vive la France! vive le duc d'Harcourt !

Pendant ce temps les ordonnances pour les armements, pour les enrôlements, pour la mobilisation de la garde civique et pour la formation d'un matériel de guerre, se succédaient avec une rapidité qui contrastait avec l'indifférence des masses.

Cependant le ministre de la guerre ne négligeait rien pour les réveiller dans leur inconcevable léthargie. <«<Loin de moi, leur disait-il par une proclamation à la date du 6 août, loin de moi la pensée qu'un esprit dégénéré se soit emparé de vous; s'il en était ainsi, vous devriez être émus à la pensée de nos cités brûlées et détruites, de vos épouses et de vos filles déshonorées, des vieillards et des enfants massacrés. Aux armes donc ! aux armes ! au nom de ce Dieu qui ne peut abandonner à la rage d'un cruel ennemi, un peuple qui défend ses foyers et ses droits. >>

De son côté un journal, l'Época, embouchant la trompette guerrière, rangeait fièrement en lignes sur une de ses feuilles les combattants qu'une partie de l'Italie pouvait mettre à la disposition de la cause de l'indépendance:

Les États romains.

La Toscane

La Lombardie.

600,000 hommes,

300,000 »*

800,000 >>

Total: 1,700,000 >>

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