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Après avoir passé en revue ces formidables auxiliaires le journal s'écriait triomphalement : «Jamais l'empereur Napoléon n'a mis sur pied une armée si formidable pour conquérir l'Europe. »>

Tandis que les partis extrêmes et les journaux à leurs gages envenimaient ainsi la question, le souverain Pontife, agissant en sens contraire, protestait énergiquement contre l'occupation de ses États et envoyait au général Welden une commission chargée de ses pleins pouvoirs. Le cardinal Marini, le sénateur prince Corsini, et le comte Guarini, ministre des travaux publics, s'acquittèrent avec succès de la mission que le Saint Père leur avait confiée.

Les événements de la Lombardie et de la Romagne, une ordonnance ministérielle dissolvant les corps francs formés sous le prétexte de la guerre, un décret remettant en vigueur les règlements contre les excès de la presse périodique et le besoin plus que jamais senti de se rattacher au pape, rendirent pour quelques jours à Rome l'apparence de la tranquillité. Si l'ordre n'y régnait pas d'une manière absolue, l'anarchie hurlante, déguenillée, offensant à la fois les oreilles et les yeux, s'était du moins retirée des rues, l'action gouvernementale semblait donner signe de vie.

La résistance du Saint Père, luttant contre les exigences belliqueuses d'une portion de ses sujets, le replaçait momentanément à la tête du mouvement italien, et prêtait une nouvelle chance de succès à la médiation combinée de la France et de l'Angleterre.

Présage trompeur! le calme ne régnait qu'à la sur

face, les éléments du désordre fermentaient dans les bas-fonds de la démagogie.

Ce fut dans ces conditions que le 26 août, la chambre des députés, prorogée au 15 novembre, rendit publiques les propositions suivantes adoptées le 22 en comité secret :

1° Que le souverain Pontife convoque un congrès où les intérêts de l'Italie soient débattus, convenablement représentés dans toute l'étendue de la puissance spirituelle et temporelle de la papauté ;

2o Qu'au nom de Pie IX soit exigée l'évacuation entière des États de l'Église, y compris la forteresse de Ferrare, réservée par un récent traité. Que dans les conventions rélatives au royaume lombard et vénitien, la liberté des peuples et l'indépendance de la nation italienne soient garanties, l'Italie étant rendue à ses limites naturelles ;

3o Que le souverain Pontife intervienne pour rétablir, au moyen de son autorité, entre les Siciliens et les Napolitains la paix ou tout au moins une suspension d'armes qui put servir au triomphe de la cause italienne;

4° Que dans les négociations diplomatiques déjà ouvertes, les représentants des États italiens s'accordent de concert avec les intérêts de l'Italie de manière à produire un premier effet de la ligue et de la diète nationale :

5o Que le gouvernement pontifical s'occupe le plus promptement possible de la conclusion de cette ligue et de la formation de cette diète ;

6° Que l'armée soit organisée et disciplinée, suivant le

mode et le chiffre prescrits par la Chambre, et ce jusqu'à ce que la question italienne soit résolue ;

7° Que le gouvernement s'attache à rétablir par tous les moyens en son pouvoir la confiance réciproque entre le clergé et le peuple ;

8° Que le gouvernemeut et les Chambres s'appliquent pour opérer une réforme financière dans l'état avant l'année 1849;

9° Que l'on fasse justice aux classes inférieures et aux propriétaires, en déchargeant les premières des poids qui pèsent directement sur elles, et que pour les seconds, les taxes soient rendues plus équitables en les appliquant à toute espèce de revenus.

Ces propositions furent le dernier acte d'une session si mal employée dans l'intérêt des États romains et celui de l'Italie tout entière. Les députés, animés d'abord de bonnes intentions, attiédis plus tard par les injustes appréciations de la conduite du souverain, avaient fini par s'abandonner au courant de l'opinion publique, égarée elle-même par les déclamations emphatiques; d'une audacieuse minorité, et plus encore par le prestige. qui s'attache aux mots d'indépendance et de nationalité.,

Le 27 août, le souverain Pontife proclamant les vertus héroïques de plusieurs Saints dont il décrétait la béatification, prononça le discours suivant dans l'église de saint Pantaleon :

» Je remercie le Seigneur, qui, dans les temps si difficiles, montre à l'Italie et au monde par de nouveaux exemples, combien il a à cœur le triomphe de sa Sainte Religion, en suscitant des hommes pleins de ferveur, là où la moisson est abondante et le nombre des ouvriers

petit non, ce n'est pas une légère consolation pour nous, de voir des hommes dévoués, depuis tant de lustres, faire de nouvelles conquêtes au profit de l'Église ; cette consolation est d'autant plus grande, que dans cette Italie jusqu'ici si catholique, centre du christianisme, on ose introduire le protestantisme. Ceux qui en sont les fauteurs, tout en se montrant, d'un côté exaltés pour la nationalité italienne, ne répugnent pas d'autre part à l'emploi d'un moyen abominable, qui doit nécessairement la détruire. Et tandis que les Allemands, qui visaient à l'Union chez eux, trouvent qu'un grand obstacle à leurs vœux, provient de la diversité des religions et que parmi eux, les protestants font des projets d'Union. On voit en Italie des hommes, qui, au grand scandale de la religion et un immense détriment politique, prétendent obtenir l'unité du pays en y introduisant la fâcheuse semence, de la séparation de l'unité de la Foi. Voilà où conduit l'aveuglement des passions, prions Dieu, qu'il dissipe ces tenèbres et rassurons-nous au pouvoir des divines promesses que les portes de l'Enfer ne prévaudront pas contre l'Église. >>

Cette harangue qui renferme comme on le voit une allusion aux services rendus par la compagnie de Jésus, prouve clairement que pour arriver à leur but, les ennemis de la société avaient formé une alliance impie avec les ennemis du catholicisme. En effet reniant la foi de leurs pères, les principaux chefs de l'erreur politique, en appelaient à l'erreur religieuse, pour saper plus sûrement les bases de la papauté, et miner les fondements d'une église qui ne saurait périr.

Ainsi que nous l'avons dit, les Chambres, prorogées

le 26 août, devaient se rouvrir le 45 novembre; le souverain Pontife songea à profiter de leur vacance pour s'entourer d'un ministère puissant et fort qui remplacât, par l'intelligence et l'énergie, la faiblesse et le peu d'expérience que le cabinet actuel, apportait au soin des affaires. Pour cela, il ne lui fallait qu'un homme dont l'esprit de sagesse fût au niveau de sa pensée et le dévouement à la hauteur des circonstances: il jeta les yeux sur le comte Rossi, et lui fit proposer la première place dans les conseils du Saint-Siége.

Rossi, quoique touché de la confiance que le pontife lui accordait, hésita; d'un seul coup d'œil il avait mesuré l'énorme difficulté des problèmes qu'il aurait à résoudre comme chef du cabinet pontifical. D'un autre côté, sa qualité de Français devenait un obstacle d'autant plus grand qu'il n'avait jamais voulu faire acte de reconnaissance envers la République de février et que l'autorisation de ce gouvernement devenait indispensable à l'acceptation du poste important qu'on lui proposait. Cependant comme Pie IX insistait, le père Vaures ménagea une entrevue entre Rossi et le duc d'Harcourt, son successeur à l'ambassade de Rome. Après de longs pourparlers, il fut convenu qu'on écrirait à Paris pour obtenir la sanction du nouveau gouvernement, qui la refusa; cependant comme il y avait urgence, le duc d'Harcourt, se fondant sur ce que le pape, comme chef suprême de deux cents millions de sujets catholiques, pouvait avoir le droit de choisir ses ministres dans les États qui relevaient de son autorité spirituelle, conseilla de passer outre, et il écrivit lui-même dans ce sens une seconde fois à son gouvernement. Rassuré sur ce point,

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