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l'empereur d'Autriche, dans sa lettre à ce prince. >> Attendu que, pour réaliser ce bien, nous croyons indispensables d'exécuter les délibérations adoptées par la Chambre des députés, concernant l'indépendance italienne, notre ferme résolution de mettre en pratique ces délibérations, n'est autre chose qu'une franche adhésion aux vœux des représentants du peuple. Nul ne doutera de notre pleine adhésion au programme du 5 juin, accueilli avec tant d'enthousiasme par les Chambres délibérantes. La convocation d'une constituante à Rome et la rédaction d'un acte fédératif, sont des principes et des maximes que nous trouvons formulés dans le vœu d'une diète à Rome, destinée à discuter les intérêts généraux de la patrie commune.

» Aujourd'hui qu'à ce vou, à cette maxime fondamentale, vient se joindre l'assentiment du prince qui désire aussi en soumettre la décision aux Chambres, du souve rain que l'Italie entière a salué comme l'initiateur de sa liberté et de son indépendance, notre cœur palpite à l'idée de la proximité du moment où il est donné d'espé rer voir naître enfin ce pacte fédéral qui respectant l'existence des États isolés et laissant intacte leur forme de gouvernement, servira à assurer la liberté, l'union et l'indépendance de l'Italie. Cette œuvre aura sa perfection, à notre avis, alors que s'y associeront la gloire de Rome et le nom réservé du pontife.

» Nous nous présentons avec ce programme devant le peuple et les Chambres. Si le peuple nous accorde sa confiance, nous ferons tous nos efforts pour continuer de la mériter. Les Chambres vont être appelées à nous prouver si elles nous accordent leur confiance; et il

nous est permis de l'espérer si leurs principes politiques continuent d'être aujourd'hui ce qu'ils ont été par le

passé.

» Signé : C. E. MUZZARELLI, président, GALETTI, STERBINI, LUNATI. »

Ce programme, remarquable par la modération de sa forme, déplut aux démagogues qui auraient voulu y trouver les assurances d'une politique plus incisive, plus tranchée. Les journaux avancés, se méprenant également sur l'habilité qui avait présidé à la rédaction de ce document politique, ne l'acceptèrent qu'avec froideur et restriction; l'un d'eux, même, plus sévère ou plus impatient, ne craignit point d'insérer, contre ses anciens amis, ces deux lignes, expression exacte de la vérité: « Nous manquons d'hommes vraiment libéraux, énergiques et capables, » et de fait, ces hommes qui s'étaient fait du cadavre du ministre Rossi un marche-pied au pouvoir, ne connaissaient de la liberté que la licence, de l'énergie que la furcur et de la capacité que la ruse.

Comme il arrive toujours entre révolutionnaires, le lendemain de la victoire, une scission profonde s'était déjà opérée entre les ministres et les principaux chefs du cercle populaire qui s'étaient vus frustrés dans leurs espérances et leurs désirs ambitieux. L'un d'eux surtout, qui avait pris la plus grande part à la journée du 46 novembre, le prince de Canino, mécontent de se trouver en dehors du pouvoir, crut pouvoir mieux l'affaiblir en se montrant plus violent que lui.

En attendant, Sterbini, plus directement désigné au point de mire du prince désappointé, se retrancha dans l'élément socialiste pour y trouver un point d'appui qu'il

n'aurait pu trouver ailleurs. Fermant sa raison aux enseignements que les ateliers nationaux de France mettaient sous ses yeux, il émit la proposition d'organiser le travail, et en même temps faisant acte de soumission à l'autorité du cercle populaire dont il mendiait le patronage, il l'invita à désigner, pour chaque quartier de la ville, deux citoyens formant une commission de travail chargée de se concerter sur les moyens les plus rapides d'en procurer au peuple.

Pendant ce travail de désorganisation, l'auguste et malheureux pontife, gardé à vue par un poste de gardes civiques, dérisoirement décoré du nom de poste d'honneur, voyait resserrer d'heure en heure les liens de sa captivité, car le bruit s'était répandu dans la ville qu'il songeait à recouvrer sa liberté par la fuite. Effectivement quelques personnes dévouées au pape, les membres du corps diplomatique surtout, regardaient cette mesure comme une impérieuse nécessité. Le pape, tout en reconnaissant l'urgence de l'évasion qu'on lui proposait, reculait devant ses conséquences immédiates; ses répugnances augmentaient à l'idée de laisser la ville de Rome à la merci du pouvoir usurpateur; il espérait encore, dans la bonté de son âme, que le prestige de son nom pourrait servir d'égide au salut des uns et de digue aux excès des autres Vaine espérance! la révolution marchait; ses flots, grossis par l'écume d'une populace en délire, débordaient de toutes parts, aucune force humaine n'aurait pu résister à son action envahissante. Cependant, malgré les prières instantes et les sollicitations de son fidèle entourage, le Saint Père hésitait toujours, lorsqu'un soir, le 22 novembre, il reçut une petite

boîte accompagnée d'une lettre conçue en ces termes . « Très-saint Père,

>> Pendant les pérégrinations de son exil en France et surtout à Valence où il est mort et où reposent son cœur et ses entrailles, le grand pape Pie VI portait la trèssainte Eucharistie sur sa poitrine ou sur celle des prélats domestiques qui étaient dans sa voiture. Il puisait dans cet auguste sacrement une lumière pour sa conduite, une force pour ses souffrances, une consolation pour ses douleurs, en attendant qu'il y trouvât le viatique pour son éternité. Je suis possesseur, d'une manière certaine et au- . thentique, de la petite pyxide qui servait à un si religieux, si touchant, si mémorable usage. J'ose en faire hommage à Votre Sainteté! Héritier du nom, du siége, des vertus, du courage et presque des tribulations du grand Pie VI, vous attacherez peut-être quelque prix à cette modeste, mais intéressante relique, qui, je l'espère bien, ne recevra plus la même destination. Cependant qui connaît les desseins de Dieu dans les épreuves que sa providence ménage à Votre Sainteté? je prie pour elle avec amour et foi. Je laisse la pyxide dans le petit sac de soie qui la contenait et qui servait à Pie VI, il est absolument dans le même état que lorsqu'il était suspendu à la poitrine de l'immortel pontife.

» Je garde un précieux souvenir et une profonde reconnaissance des bontés de Votre Sainteté à l'époque de mon voyage à Rome l'année dernière. Daignez encore y ajouter Votre bénédiction apostolique; je l'attends, prosterné à vos pieds.

» PIERRE, évèque de Valence. >> A la lecture de cette lettre, et surtout à la vue de la

précieuse relique qu'elle accompagnait, le pape crut reconnaître un avertissement d'en haut. Alors ses scrupules disparurent devant la volonté de Dieu, il n'hésita plus. De grands obstacles s'opposaient à la fuite du Saint Père, étroitement gardé à vue; d'abord, ce projet ne pouvait être confié qu'à un très-petit nombre de personnes afin d'en assurer le secret; ensuite, sur quel point du globe le pape porterait-il ses pas errants? La politique jalouse des gouvernements ne se disputeraitelle pas le privilége d'abriter sa personne sacrée? Sa présence dans les États qu'il choisirait ne deviendraitelle pas un sujet de craintes et de perturbations? Se jettera-t-il dans les bras de la France ou de l'Espagne? Restera-t-il sur le territoire italien? Telles étaient les questions que s'adressaient secrètement en dehors l'un de l'autre, le duc d'Harcourt, ambassadeur de la France, et le comte de Spaur, ministre plénipotentiaire du roi de Bavière. Un moment il fut décidé que le pape irait à Civita-Vecchia; à cet effet, le duc d'Harcourt s'empressa d'envoyer des ordres au vapeur français, le Ténare, qui se trouvait dans ce port; mais l'opinion du cardinal Antonelli, craignant que la route de CivitaVecchia ne fût occupée par les révolutionnaires, dérangea presque aussitôt cette combinaison. Les difficultés semblaient grandir à chaque instant, on ne savait à quel parti s'arrêter. « Je ne suis qu'une simple femme, dit un matin la comtesse de Spaur à son mari, cependant je voudrais conduire cette affaire à bonne fin. » Le ministre du roi de Bavière se mit à rire, mais le soir même, il lui dit : « Vous rappelez-vous ce que vous m'avez dit ce matin ?

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