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des pouvoirs extraordinaires à des hommes honnêtes, généreux, expérimentés, capables de se mettre à la hauteur des circonstances. Ce serait chose urgente. >> Cette adresse se terminait par l'injonction de convoquer immédiatement, à Rome, l'assemblée constituante italienne.

Sur ces entrefaites, un grand nombre de dignitaires ecclésiastiques et civils, ainsi que des personnages appartenant à la haute société romaine, quittèrent Rome pour se soustraire à l'action de l'autorité usurpatrice. Les bruits d'une réaction prochaine en faveur du pape prenaient chaque jour de la consistance. Les provinces éloignées, Bologne et les légations ne prétaient qu'illusoirement leur concours au gouvernement. Les députés de Bologne, Marco Minghetti, Carlo Bevilacqua, Annibal Banzi, Giorannardi et Pizzoli donnaient leur démission. Plusieurs autres villes rappelaient leurs mandataires. De son côté, le général Zucchi rompait ouvertement avec les autorités démagogiques.

La situation des Romains devenait donc de plus en plus critique; enfin, entraîné par l'implacable logique des révolutions, le parti demagogique, placé entre l'indignation de l'Europe et le ridicule, consomma un nouvel acte de révolte et d'usurpation. En effet, le 11 décembre, le ministère, le Haut-Conseil et la Chambre élective nommèrent une junte d'état gouvernementale pour remplacer le troisième pouvoir. Cette junte gouvernementale ne devait, pour ainsi dire, exister que dans les proclamations démagogiques, puisque le sénateur Zucchini, protestant de sa fidélité au Saint Père, refusa d'en faire partie. Délibérée sous l'action de la

violence, elle avait été votée sous la pression de la peur, car il faut bien le dire, le châtiment commençait pour les députés qui, du jour qu'ils s'étaient crus libres, avaient perdu leur indépendance. Leur fauteuil teint du sang du comte Rossi était pour eux la sellette des condamnés; leur supplice, se renouvelant chaque jour, commençait au bas du fatal escalier, où le meurtre, naguère, s'était posé en libérateur. Chaque jour ils étaient accueillis par des groupes menaçants leur intimant avec hauteur des votes conformes à leur volonté ; chaque jour ils apercevaient dans les tribunes publiques des regards fauves fixés sur eux, et des figures sinistres disposées à leur demander compte, avec le poignard, de ces mêmes votes qu'ils devaient donner publiquement.

Une junte usurpatrice des pouvoirs qui n'appartenaient qu'au souverain, des Chambres opprimées, un ministère débordé par les passions de la rue, un gouvernement plongé dans l'anarchie, la menace de la république, de la boue délayée avec du sang, l'injustice inféodée à la peur, le désordre substitué à la sécurité publique, telle était la situation de Rome, le 14 décembre 1848.

Depuis le départ du pape, Rome était un navire désemparé, naviguant sans voile, sans boussole au milieu des récifs, et n'ayant pour équipage, que des eunuques frappés de cécité.

CHAPITRE XIII.

Nouveaux efforts pour le rappel du pape.-Préliminaires d'une assemblée constituante - Mouvement et désordres. - Proclamation illusoire. Un escamotage.—Démission des principaux chef de la garde civique. Départ des cardinaux.- Divers actes de Pie IX.- Fête religieuse. Le corps diplomatique à Gaëte. Une harangue de Pie IX.-Fidélité d'un détachement de carabiniers.-Seconde protestation pontificale.-Une séance solennelle.-Énergique résolution de quelques députés.- Violences populaires.-Projet de loi relatif à l'assemblée constituante.- Dissolution du parlement romain.-Démission du prince Corsini.-Violation des lois.-La municipalité romaine se retire.-Joies officielles.-Indifférence du peuple.-Cardinal Tosti.-Grandeur d'âme.-Fin de l'année 1848.

Le cardinal Castracane et les autres membres de la commission du gouvernement résidant à Rome, monseigneur Roberti et le Prince Barberini avaient à peine reçu leur nomination, qu'ils s'empressèrent d'écrire à Sa Sainteté, pour lui témoigner leur gratitude et accepter le mandat qu'il leur accordait.

Dans cet intervalle, les ministres intrus avaient fait de nouveaux efforts tendant à rappeler le Saint Père en ses États, pour le salut de Rome et de l'Italie; ils avaient même chargé le marquis Sachetti, l'intendant général des palais apostoliques, de porter au souverain Pontife

une lettre conforme à ce désir; mais pour toute réponse, le secrétaire d'État, cardinal Antonelli, avait remis au marquis Sachetti une copie du motu proprio qui révélait à l'univers les violences faites au Saint Père, et déclarait nuls, illégaux, sans fond ni valeur les actes qui en avaient été la conséquence. De plus, le cardinal y joignit une copie de l'ordonnance suivante, que le pape avait fait remettre au cardinal Castracane:

Ayant égard à la gravité des circonstances présentes, et vu l'article XIV du statut fondamental, Nous prorogeons la session actuelle du Haut-Conseil et du Conseil des députés, Nous réservant de déterminer plus tard le jour de leur nouvelle convocation, et nous ordonnons au cardinal Castracane, président de la commission par nous instituée, le 27 novembre dernier, de faire connaître aux deux conseils cette décision souveraine.

>> Donné à Gaëte le 7 décembre 1848. »

Les événements se précipitaient. Les démagogues, réduits à l'état d'impuissance, récoltaient dans l'anarchie les fruits amers qu'ils avaient semés dans la révolte. En effet, la révolution, se trouvant trop à l'étroit dans la forme politique inaugurée depuis le départ du Saint Père, fit distribuer par ses agents, dans la soirée du 17, un écrit annonçant qu'une démonstration allait avoir lieu auprès du ministère, afin d'obtenir la convocation de la Constituante à Rome. Les patriotes et les hommes de bonne volonté étaient invités à se rendre sur la place du Peuple, rendez-vous général et point de départ de la manifestation. Cinq cents personnes s'y rendirent aussitôt. Puis, à un signal donné, cette troupe, précédée

d'un drapeau du cercle populaire, de deux tambours du corps des carabiniers, se mit en mouvement, à la lueur des torches, pour se rendre au Quirinal, où le cabinet était réuni. Alors une députation, se détachant de la colonne, alla présenter aux ministres l'expression des désirs de la bande. Ceux-ci, qui auraient promis les étoiles du ciel si les révolutionnaires avaient fait une démonstration pour les demander, donnèrent l'assurance que le lendemain il serait fait droit aux justes désirs du peuple. Satisfaite de cette réponse, la manifestation se dispersa. Le lendemain, le ministère venait de publier une proclamation par laquelle il recommandait l'ordre et la tranquilité, déclarant que si le peuple avait le droit de faire des adresses elles devaient être présentées, non point au pouvoir éxécutif, mais aux Chambres, lorsque tout à coup les tambours battent la générale et convoquent la garde civique, qui se porte sur divers points de la ville, afin d'assurer le maintien de l'ordre. Un fort détachement occupe la place de la Chancellerie, où, comme on le sait, la Chambre élective tenait ses séances. Des postes sont placés au pied du grand escalier et à l'entrée des tribunes. De nombreuses patrouilles parcourent tous les abords du palais qu'on disait menacé. Pendant ce temps, le cercle populaire publiait cette proclamation illusoire :

>> Romains,

«Toute démonstration est suspendue. Le cercle populaire national a déjà pris toutes les mesures dans le but de pourvoir au bien du pays. Une députation régulière se rendra aujourd'hui même auprès du ministère: et des Chambres, pour qu'il soit pris une prompte dé

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