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quel le Saint Père fit une réponse, qui dans l'état où se trouvaient les choses, devenait un document politique, d'une importance telle que nous croyons devoir le reproduire ici :

« C'est avec beaucoup de gratitude, répondit le pape, que je reçois les témoignages d'affectueux dévouement du conseil d'État du seul royaume en Italie qui donne encore l'exemple de l'ordre et de la légalité, choses qui sont pour ainsi dire identiques et qui marchent toujours ensemble. Je prie Dieu, qu'au milieu de l'effervescence des passions, vous conserviez ces deux principes, sans lesquels il n'y a pas d'espoir. Nous bénissons dans toute l'effusion de notre cœur, ainsi qu'ils nous en prient, les membres du conseil d'État. Puissent-ils sans cesse assister de leur énergie et de leur courage un roi bon et pieux qui s'est montré si plein de zèle pour le bien du pays!

>> Nous avons reçu ici l'hospitalité et nous y avons vu tous nos souhaits prévenus, lorsqu'il était si loin de notre pensé d'avoir besoin d'un asile. Aujourd'hui que les passions sont déchaînées et attisées par toute l'Italie, qui peut prévoir le terme de pareille convulsion?

» Beaucoup de gens, il est vrai, parlent d'indépendance, mais fussent-ils dix millions d'hommes ayant cette même pensée, nous sommes sûr que nous n'en trouverions pas deux d'accord sur les moyens d'acquérir cette indépendance. Nous pouvons comparer, avec vérité, l'Italie à un malade accablé par la fièvre, se retournant sans cesse d'un côté sur l'autre pour trouver un soulagement qui le fuit sans cesse.

>> Dieu seul, peut dans sa clémence, porter remède à tant de maux! Prions-le donc humblement de

dissiper les ténèbres qui enveloppent l'humanité, et de faire briller sa lumière dans toutes ses clartés. Vous faites maintenant de nouvelles lois, et de notre côté nous en méditons aussi pour le bien de ces bonnes populations. Avec l'aide de Dieu, leur exécution exacte suffira, car il faut seulement de prudentes modifications et non des changements fondamentaux. »

Cette allocution, indépendamment de sa portée politique, réfutait victorieusement les calomnies répandues avec tant de malveillance, contre le roi des Deux-Siciles, par la haine de la presse démagogique.

Chaque jour le Seigneur envoyait à son vicaire quelques nouvelles consolations; c'est ainsi que le 18 décembre, un détachement de carabiniers commandé par un brigadier, vint se présenter au Saint Père, sollicitant la grâce de rester près de sa personne. Le pape, après y avoir consenti, répondit à ce détachement fidèle:

« Braves soldats, je vous bénis, et quoique vous soyez en petit nombre, je me trouve extrêmement heureux de vous voir près de moi, parce que vous donnez une preuve d'attachement à votre souverain et de fidélité à la cause de la religion.... >>

A cette époque, le Saint Père qui avait déjà fait, ainsi que nous l'avons vu, une première protestation contre les actes accomplis à Rome depuis la sédition qui l'avait obligé de fuir son ingrate capitale, en publia une seconde, dans laquelle il rappelait l'assassinat de son ministre et les excès dont ce crime avait été le signal. Après avoir déploré de nouveau l'ingratitude d'une partie de son peuple, il déclara illégale et sans effet la récente nomination de la junte suprême d'État. En

même temps il frappait de nullité tous les actes qui en émaneraient, et il se référait entièrement à la nomination qu'il avait faite d'une commission gouvernementale (1).

Dans cet état de choses, le ministère usurpateur avait promis aux clubs que la constituante romaine serait définitivement proclamée le 29 décembre; à cet effet, à l'ouverture de la séance de la Chambre des députés, qui eut lieu le 26 du même mois, l'un des ministres, Armellini, donna lecture d'une lettre que la junte avait adressée au cabinet, déclarant que si le ministère et les Chambres ne décrétaient pas immédiatement la convocation de la constituante romaine, la junte elle-même se verrait forcée de prendre l'initiative. Après cette lecture, le ministre prononça un discours, pour démontrer la nécessité de convoquer la constituante, disant que le moindre retard serait un sujet de nouveaux troubles populaires.

Les tribunes où les agitateurs s'étaient rendus en grand nombre pour exercer leurs priviléges de pression, applaudirent cette proposition, qui plaçait les députés dans l'alternative d'opter pour la loi ou pour les conséquences inévitables de l'émeute.

Cependant la majorité de la Chambre, entraînée malgré elle sur un terrain gros de tempêtes se refusait à renier la loi fondamentale mise en péril par un acte qui remettait tout en question : quoique placée sous les cris et sous les menaces des tribunes publiques, elle aborda cette fois franchement la discussion. Quel

(1) N° 6 voir les documents historiques.

ques orateurs, plus résolus que les autres, établirent que la Chambre, imcompétente pour changer les lois de l'État, dépasserait les limites de son mandat, en donnant suite à une proposition contre laquelle ils protestaient d'avance. Ces paroles courageuses, auxqquelles la minorité factieuse et dominatrice n'était point accoutumée, firent éclater l'orage sur les bancs des tribunes publiques. Cet orage devint une tempête. Il redoubla lorsque plusieurs députés ayant déclaré que les délibérations n'étaient plus libres, prirent le parti de se retirer. La Chambre saisit avec empressement l'occasion de cette retraite pour déclarer à son tour que les députés ne se trouvant plus en nombre légal pour voter, la discussion était fermée de droit. Alors l'exaspération des tribunes publiques ne connut plus de bornes; les députés se levant au milieu des sifflets et des huées se dispersèrent à travers les outrages. Un peuple qui comprenait ainsi la majesté de la représentation constitutionnelle, prouvait qu'il était indigne de la liberté !

Les ministres, restés seuls sur leurs bancs, annoncèrent aux clubistes que, dès le lendemain, ils agiraient par eux-mêmes, et qu'en attendant, le projet de la loi proposée serait imprimé.

En voici le texte :

<< Vu les adresses et les manifestations de la capitale et des provinces; vu la note présentée par la junte suprême d'État au ministère et communiquée par celuici à la Chambre des députés ;

>> Considérant qu'attendu le danger d'une scission entre les provinces et d'une dissolution sociale, et aussi

le besoin impérieux de remédier à la détresse des finances, la loi suprême du salut public commande de convoquer la nation pour que, au moyen d'une représentation universelle et munie de tous les pouvoirs, elle manifeste sa volonté et prenne les mesures nécessaires;

>> Sur la proposition des ministres, la Chambre des députés décrète.

>> Une assemblée nationale, qui représentera avec plein pouvoir l'État romain, est convoquée à Rome, etc.»>

Les ministres intrus de Rome, sans tenir compte aucun de la différence qui existait entre deux peuples, dont l'un, depuis un demi-siècle, parcourait toutes les gammes du régime constitutionnel, et dont l'autre en possédait à peine la clef, calquèrent leur projet de constitution sur le modèle de la loi inaugurée récemment en France par les hommes du National.

La junte suprême d'État et les ministres romains, cherchant tous les moyens de régulariser la situation anormale du pays et d'éviter de nouvelles complications populaires, repoussaient la seule solution raisonnable, la soumission au pape et la possibilité du retour du saint pontife qui, le premier, avant le temps peutêtre, avait institué le régime parlementaire et donné le premier essor à la liberté politique. Cette liberté regnait alors si peu à Rome, que pas un seul député, pas un seul journal, n'osèrent proposer cette solution unique qui pouvait mettre un terme à tous les embarras.

En attendant, s'enfonçant de plus en plus dans une série d'illégalités, la junte suprême d'État et le minis

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