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et encore moins aux menaces d'occupation faites par le général. Malgré ces observations, le commandant autrichien fit occuper militairement les postes de la grande garde et les quatre portes de la ville.

Le cardinal légat fit paraître aussitôt une seconde proclamation plus énergique encore que la première, tandis que, de son côté, le gouvernement supérieur adressait au cabinet de Vienne des réclamations basées sur la religion des traités. Dans cette circonstance, la conduite de Pie IX fut, comme dans toutes celles qui l'avaient précédée, digne de lui. Il obtint bientôt après, de la loyauté du cabinet autrichien, l'évacuation complète de la ville de Fer

rare.

Les membres des sociétés secrètes et les chefs de la jeune Italie profitèrent de cet événement pour activer les préparatifs de leur croisade contre l'Autriche. Ils considéraient avec raison cette puissance comme le principal obstacle à leur rêve d'unité fédérative. Le jour approchait où ils devaient arborer le drapeau qu'ils préparaient dans l'ombre. En attendant, leurs projets n'étaient un secret pour personne; l'Autriche elle-même n'en ignorait aucuns détails, ses agents tenaient dans leurs mains tous les fils de la conjuration, elle suivait pas à pas les progrès du mouvement qui s'organisait contre elle; prête à la lutte, elle était fermement résolue à en subir toutes les conséquences. On en trouve une preuve dans cette remarquable dépêche adressée le 2 août par le prince de Metternich à lord Palmerston :

« L'Italie centrale est en proie à un mouvement révolutionnaire à la tête duquel se trouvent les chefs des castes politiques qui, pendant plusieurs années, ont menacé

les États de la péninsule. En s'abritant sous le couvert des réformes administratives que le souverain pontife a dernièrement accordées, par un motif de manifeste bienveillance pour son peuple, les factieux cherchent à paralyser l'action régulière du pouvoir et se proposent une fin qui pour qu'elle s'accorde avec leurs vues, ne peut se limiter aux États de l'Église, ni aux États de la péninsule.

« Ces chefs veulent un seul et unique chef politique, ou au moins une fédération d'États sous la direction d'un pouvoir central. La monarchie n'entre pas dans leurs desseins; ce qu'ils veulent en Italie, c'est une abstraction d'utopie radicale. En un mot, ces sectes veulent une république fédérative comme elle existe en Suisse ou dans les États d'Amérique.

«L'empereur, notre auguste maître, n'entend pas être une puissance italienne : il se contente d'être chef de son empire. Une portion de cet empire s'étend au-delà des Alpes, il désire le conserver et rien de plus; mais il est résolu de le défendre contre qui que ce soit.... »

A cette première dépêche, le ministre autrichien em joint une plus explicite encore et par laquelle il demande au ministre anglais l'attitude que le gouvernement de la reine de la Grande-Bretagne compte prendre dans les événements qui se préparent, et s'il reconnaît en principe le maintien du traité de Vienne relativement aux territoires de l'Italie.

La réponse de lord Palmerston ne se fit pas attendre, elle est formelle; le gouvernement de Sa Majesté la reine, dit-il, reconnaît que les clauses et les stipulations du traité de Vienne, en tant qu'elles s'appliquent à l'Italie et aux autres États de l'Europe, doivent être maintenues; il

ajoute qu'on ne peut apporter aucun changement et faire aucune modification à ces dispositions sans le concours et sans le consentement de toutes les puissances qui y ont pris part.

Une copie de cette dépêche fut remise aux principaux chefs de la jeune Italie, un soir, qu'ils s'étaient réunis dans un de leurs clubs. L'un d'eux, après en avoir donné lecture à haute voix, s'écria, la colère aux lèvres : « De quel droit les puissances européennes prétendent-elles maintenir les stipulations d'un traité honteux, qui permet aux aigles étrangères d'intercepter une part du brillant soleil de l'Italie ? Le peuple a-t-il été appelé au sein des conférences qui lui rivaient les fers de l'esclavage? a-t-il prêté volontairement ses mains aux anneaux de l'oppression? a-t-il donné son consentement aux déchirures que l'épée de l'Autriche à faites à la carte du plus beau pays du monde ? L'Italie appartient aux Italiens, les Italiens seuls ont le droit de modifier, s'ils le veulent, et de fixer, s'ils en ont le pouvoir aussi bien que la volonté, les clauses des traités de 1815. Savez-vous bien, ajouta-t-il, le cas que les patriotes doivent faire de cette insolente dépêche? le voici. » Et de ses mains crispées il déchira la réponse écrite de lord Palmerston, aux acclamations des conjurés qui s'écrièrent : A bas l'Autriche ! vive l'Italie! Charles Bonaparte fils de Lucien, prince de Canino, se trouvait à cette époque l'un des agents les plus actifs du parti de la jeune Italie. Petit, gros de taille, portant au front, moins la finesse et la dignité, le type des Bonapartes, le prince de Canino, habituellement vêtu de noir, faisant participer le négligé de sa toilette aux désordres de ses idées, remplaçait par une faconde verbeuse et

parfois brillante, la nullité de son intelligence politique. Habile dans l'art de la dissimulation, il avait joué, sous le pontificat précédent, deux rôles diamétralement opposés. Le matin dans les antichambres des cardinaux, le soir dans les conciliabules des sociétés secrètes, il avait exploité par un double jeu les chances du présent et les éventualités de l'avenir. Souvent même on l'avait vu se rendre pieusement au Vatican pour déposer, aux pieds de Grégoire XVI, des hommages que son cœur démentait. Savant naturaliste, bon père de famille, généreux même à l'occasion, il eût fait un excellent citoyen, si. résistant aux prestiges de l'ambition, il s'était rappelé qu'à l'époque où sa famille, errante à travers l'Europe, cherchait en vain, au milieu des ruines de ses trônes, un abri pour reposer la tête, le pape Pie VII l'avait accueillie d'abord dans ses États et avait donné ensuite, à son père, le titre de prince romain. Tel était l'homme que l'on verra bientôt, le premier entre tous, arracher les armes pontificales du palais qu'il devait à la magnificence d'un grand pape.

CHAPITRE II

Manifestations révolutionnaires.

Organisation de la municipalité

romaine. Création de la consulte d'État. - Démonstrations popu

Arrivée de lord Minto à Rome.

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Ses

laires. Ciceruacchio. sympathies pour les révolutionnaires. Journée du 15 novembre. Discours de Pie IX. Ouverture de la consulte d'État. Le bal du prince Torlonia. Sterbini.

sances publiques.

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Réjouis

Le 7 septembre, une grande agitation excitée par les meneurs des sociétés secrètes, se manifesta dans les rues de Rome. Une populace nombreuse et soudoyée par l'or des ennemis du bien public, se répandit par la ville en vociférant des cris de haine et de vengeance contre l'Autriche et contre les prêtres. Trois hommes revêtus de l'uniforme de garde civique semblaient la diriger, c'étaient le prince de Canino, un épicier nommé Galletti, et un Anglais appelé Macbean. Les boutiques se fermèrent sur leur passage; le visage des gens de bien se couvrit d'un voile de tristesse, et la police laissa faire. Cette scène de désordre se prolongea fort avant dans la nuit. Le lendemain, quelques-uns des mencurs furent arrê tés, conduits en prison, et rendus presque aussitôt à la liberté. Fatale indulgence! En temps de révolution, la société qui ne se défend jamais et qui pardonne tou

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