pieds, quand vous m'aurez logée dans vos faints Tabernacles: & comme les étoiles du Ciel font repréfentées en la terre, ainfi les hommes de la terre font reprefentez au Ciel en la vive fontaine de la charité divine. L'autre voyant un fleuve. floter, s'écrioit ainfi; Mon ame n'aura jamais de repos, qu'elle ne fe soit abif mée dans la mer de la divinité : qui eft fon origine. Et fainte Françoife confiderant un agreable ruiffeau, fur le rivage duquel elle s'eftoit agenouillée pour prier, fut ravie en extafe, repetant plufieurs fois ces paroles: la grace de mon Dieu coule ainfi doucement & fuavement comme ce petit ruiffeau. Un autre voiant les arbres Heuris foûpiroit: Pourquoi fuis-je le feul défleuri au Jardin de l'Eglife? Un autre. voyant des petits pouffins ramaffés fous leur mere: O Seigneur, dit-il, confervés. nous fous l'ombre de vos ailes. L'autre voiant le Tourne-Soleil, dit; Quand ferace mon Dieu, que mon ame fuivra les attraits de votre bonté? & voiant des penfees de jardin, belles à la vuë, mais fans odeur: Hé! dit-il, telles font mes penfées, belles à dire, mais fans effet ni production.

Voilà, ma Philothée, comme l'on tire les bonnes pensées & les faintes afpirations de ce qui fe prefente dans la varieté de cette vie mortelle. Malheureux,

font ceux qui détournent les créatures de leur Createur pour les porter au peché. Bienheureux font cex qui tournent les creatures à la gloire de leur Createur, & emploient leur vanité à l'honneur de la verité. J'ai accoûtumé, dit S. Gregoire de Nazianze, de rapporter toutes chofes a mon profit fpirituel. Lifés la devote Epitaphe que S. Jerôme a fate de fa Ste Paule; elle eft belle & toute parfemée des afpirations, & des conceptions facrées qu'elle faifoit à toutes fortes de rencontres.

La grande ceuvre de la devotion confifte dans cette exercice de la retraite fpirituelle, & des Oraifons jaculatoires : il peut fuppléer au défaut de toutes les autres Oraifons; mais le manquement de cet exercice ne peut prefque point être reparé par aucun autre moien. Sans lui on ne peut pas bien faire la vie contemplative, & on ne fçauroit que mal faire la vie active; fans lui le repos n'eft quoifiveté, & le travail qu'embarras : c'eft pourquoi je vous conjure de l'embraffer de tout votre cœur, fans jamais vous en départir.

CHAPITRE

XIV.

De la très-fainte Meffe, & comme il la fant ouir.

J

E ne vous ai point encore parlé du foleil des exercices fpirituels, qui çk

le trés-faint, très-facré, & très fouverain Sacrifice & Sacrement de la Meffe, le centre de la Religion Chrétienne, le cœur de la devotion, l'ame de la pieté, le myftere ineffable, qui comprend l'abyfme de la charité divine, & par lequel Dieu s'appliquant réellement à nous, nous communique magnifiquement les graces & Les faveurs.

2. L'Oraifon faite en l'union de ce divin facrifice a une force indicible: de forte, Philothe, que par lui l'ame abonde en faveurs celeftes, comme appuyée fur fon bien-aimé, qui la rend fi pleine d'odeurs & de fuavitez fpirituelles, qu'elle reffemble à une colomne de fumée de bois aromatique, de la myrrhe, de l'encens, & de toutes les poudres du Parfumeur, comme il eft dit dans les Cantiques.

3. Faites donc toutes fortes d'efforts pour affifter tous les jours à la fainte Meffe, afin d'offrir avec le Pretre, le Sacrifice de votre Redempteur à Dieu fon Pere, pour vous & pour toute l'Eglife: les Anges en grand nombre s'y trouvent toujours prefens, comme dit S Chryfoftome, pour honorer ce faint Myftere ; & nous y trouvans avec eux & avec une même intention, nous ne pouvons que recevoir beaucoup d'influences favorables par une telle focieté; les Choeurs del'Eglife triomphante, & ceux de l'Eglife militante fe

viennent attacher & joindreà N. Seigneur en cette divine action pour avec lui, en lui, & par lui, ravir le cœur de Dieu le Pere, & rendre fa mifericorde toute notre. Quel bonheur à une ame,de contribuer devotement par fes affections à un bien fi précieux & fi desirable!

4. Si par quelque neceffité abfolue, vous ne pouvez pas vous rendre prefente à la celebration de ce fouverain Sacrifice d'une prefence réelle, au moins faut-il que vous y portiez votre coeur pour y affifter d'une prefence fpirituelle. A quelque heure du matin, allez en efprit, fi vous ne le pouvez autrement, à l'Eglife, uniffez votre intention à celle de tous les Chrêtiens, & faites les mêmes actions interieures au lieu où vous êtes, que vous feriez fi vous êtiez réellement prefent à l'office de la fainte Meffe en quelque Eglife.

5. Pour entendre, où réellement ou mentalement, la fainte Meffe, comme il eft convenable, 1. Dès le commencement jufques à ce que le Prêtre fe foit mis à l'Autel, faites avec lui la préparation, qui confifte à fe mettre en la prefence de Dieu, à reconnoître vôtre indignité, & à lui demander pardon de vos fautes. 2. Depuis que le Prêtre eft à l'Autel, jufques à l'Evangile, confiderez la venue & la vie de Notre-Seigneur en ce monde, par une fimple & generale confideration. ;. De

puis l'Evangile jufques après le Credo, confiderez la predication de notre Sau veur, proteftez de vouloir vivre & mourir dans la foi & l'obéiffance de fa fainte parole, & dans l'union de la fainte Eglise Catholique. 4. Depuis le Credo jusques au Pater nofter, appliquez votre cœur aux Myfteres de la Mort & Paffion de notre Redempteur, qui font actuellement & effentiellement reprefentez dans ce S. Sacrifice, lequel avec le Prêtre, & avec le refte du Peuple, vous offrirez à Dieu lo Pere, pour fon honneur & pour votre falut. . Depuis le Pater nofter, jufques à la Communion, efforcez-vous de produire mille defits de votre cœur, fouhaitant ardemment d'être à jamais unie à notre Sauveur par un amour éternel.6 Depuis la Communion jufques à la fin, remerciez fa divine Majefté de fon Incarnation, de fa vie, de fa mort, de fa Paffion, & de l'amour qu'il nous témoigne en ce faint Sacrifice, le conjurnant de vous être par lui à jamais propice, à vos parens, à vos amis, & à toute l'Eglife; & vous humiliant de tout votre cœur, recevez devotement la benediction divine que no tre Seigneur nous donne par l'entremise du Prêtre qui eft fon Min stre.

Mais fi vous voulez pendant la Meffe faire votre meditation fur les Myfteres que vous fuivez par ordre de jour en jour