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Si un autre qui m'eût été agréable en eût dit une plus rude, je l'euffe pris en bonne part, je dirai donc, je me fuis relâchée à dire des paroles de couroux contre une perfonne, ayant pris de lui en mauvaise part quelque chofe qu'il m'a dit, non point pour la qualité des paroles, mais parce qu'il m'étoit defagréable; & s'il eft encore befoin de particularifer les paroles, pour vous bien declarer, je crois qu'il feroit bon de les dire: car s'accufant ainfi naïvement, on ne décou vre pas feulement les pechez qu'on a faits; mais auffi les mauvaifes inclinations, coûtumes, habitudes, & autres racines du péché par ce moyen le Pere fpirituel prend une plus entieré connoiffance du cœur qu'il traite, & des remedes qui lui font propres. Il faut neanmoins toûjours tenir couvert le tiers qui aura coöperé à votre peché tant qu'il fera poffible.

Prennez garde à une quantité de pechez, qui vivent & regnent bien fouvent infenfiblement dans la confcience, afin que vous les confeffież, & que vous puiffiez vous en purifier: & pour cet effet, lifez diligement les Ch. 6. 27. 28. 29. 35. & 36. de la 3. Partie, & le Chap. 8. de la 4. Partie. Ne changez pas aifément de Confef feur mais en ayant chofi un, continuez à lui rendre compte de votre confcience aux jours qui font destinez pour cela, lui

difant naïvement & franchement les pechez que vous aurez commis ; & de tems en tems, comme feroit de mois en mois ou de deux mois en deux mois, dites lui encore l'état de vos inclinations, quoique par elles vous n'ayez pas peché: comme par exemple fi vous étiez tourmentée de la trifteffe, du chagrin, ou fi vous êtes portée à la joye, aux defirs d'acquerir des biens, & femblables inclinations.

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CHAPITRE XX. De la frequente Communion N dit que Mithridates Roi de Pont ayant inventé le mithridat, en renforça tellement fon corps, que s'eflayant dans la fuite de s'empoifonner, pour éviter la fervitude des Romains, jama's il ne lui fut poflible de le faire. Le Sauveur a inftitué ce Sacrement très-augufte de l'Euchariftie, qui contient réellement la chair & fon fang, afin que celui qui le man ge, vive eternellement. C'eft pourquoi quiconque en ufe fouvent avec devotion, affermit tellement la fanté & la vie de fon ame, qu'il eft prefque impoffible qu'il foit empoifonné d'aucune forte de mauvaises affections: On ne peut être nourri de cette chair de vie, & vivre des affections de mort; de forte que comme les hommes demeurans au Paradis terreftre pou

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voient ne point mourir felon le corps, par la force de ce fruit de vie que Dieu y avoit mis ainfi ils peuvent ne point mourir fpirituellement par la vertu de ce Sacrement de vie. Que fi les fruits les plus tendres & les plus fujets à corruption, comme font les cerifes, les abricots, & les fraises, fe confervent aifément toute l'année, étant confits au fucre ou au miel: il ne faut pas s'étonner fi nos cœurs, quoique foibles & imbecilles, font prefer vez de la corruption du peché, lorfqu'ils font fucrez & emmielez de la Chair & du Sang incorruptible du Fils de Dieu. O Philothée! les Chrétiens qui feront damnez, demeureront fans replique, lorfque le jufte Juge leur fera voir le tort qu'ils ont eu, de mourir fpirituellement puifqu'il leur étoit fi aifé de fe maintenir en vie & en fanté, par la manducation de fon Corps, qu'il leur avoit laiffé à cette intention. Miferable, dira-t-il, pourquoi êtes-vous morts, ayant à votre difpofition le fruit & la viande de la Vie ?

Je ne blâme, ni ne loue la Communion de tous les jours; mais l'exhorte un chacun & je lui confeille de communier tous les Dimanches, pourvû que l'efprit foit fans aucune affection au peché. Ce font les propres paroles de S. Auguftin, avec lequel je ne blâme, ni ne loue abfolu ment que l'on communie tous les jours:

mais je laiffe cela à la difcretion du perẻ fpirituel de celui qui voudra fe refoudre fur ce point car la difpofition requife pour une fi frequente communion, devant être fort exquife, il n'eft pas bon de le confeiller generalement. Et parce que cette difpofition-là, quoiqu'exquife, fe peut trouver en plufieurs bonnes ames, il n'eft pas bon non plus d'en détourner & diffuader generalement un chacun : mais cela fe doit traiter par la confideration de l'état interieur d'un chacun en particulier. Ce feroit une imprudence de confeiller indiftinctement à tous cet usage fi frequent mais ce feroit auffi impru dence de blâmer aucun pour lui, & furtout quand il fuivroit l'avis de quelque digne Directeur. La réponse de Ste. Cathe rine de Sienne est belle. On lui dit au fujet de fa frequente communion que S. Auguftin ne louoit point, ni ne blamoit l'ufage de communier tous les jours. Et bien, dit-elle, puifque faint Auguftin ne le blâme pas, je vous prie que vous ne Je blâmiez pas non plus, & je m'en contenterai.

Vous voyez, Philothée, que faint Auguftin exhorte, confeille fortement que l'on communie tous les Dimanches ; faites-le donc tant qu'il vous fera poffible. Puifque, comme je prefuppofe, vous n'avez nulle forte d'affection au peché mor

tel,

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XX. tel, ni aucune affection au peché veniel vous êtes dans la vraye difpofition que S. Auguftin requiert, & encore plus excellente; parce que non feulement vous n'avez pas l'affection de pecher, mais vous n'avez pas même l'affection du peché. Deforte que, quand votre Pere fpiri tuel le trouveroit bon, vous pourriez utilement communier encore plus souvent que tous les Dimanches.

Il peut pourtant vous arriver plufieurs legitimes empêchemens, non point de votre côté mais de la part de ceux avec qui vous vivez, qui donneroient occafion au fage conducteur de vous dire que vous ne communiez pas fi fouvent. Par exemple, fi vous êtes en quelque forte de fujetion, & que ceux à qui vous devez de l'obéiffance & de la reverence; foient fi mal inftruits, ou fi bigearres, qu'ils s'in quietent & fe troublent de vous voir fi fouvent communier; toutes chofes confide rées, il fera bon de condefcendre en quel que forte à leur infirmité, & de ne communier que de quinze jours en quinze jours; mais cela s'entend en cas qu'on ne puiffe en aucune maniere vaincre la difficulté. On ne peut pas bien decider ceci en general, il faut faire ce que le pere fpirituel dira, quoique je puiffe dire affurément que la plus grande diftance des communions, eft celle de mois à mois parmi ceux qui veu

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