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fûré, & votre mal fera corrigé & remedié; vous en ferez allegée & fortifiée en vos af flictions, modérée & reglée en vos confo. lations ayez en lui une extrême confiance mêlée d'une facrée reverence; en forte que la reverence ne diminue point la confiance, & que la confience n'empêche point la reverence: confiez-vous en lui avec le refpect d'une fille envers fon pere; respectezle avec la confiance d'un fils envers fa mere: En un mot, cette amitié doit être for te & douce, toute fainte, toute facrée, toute divine, & toute fpirituelle.

Et pour cela, choififfez-en un entre mille, dit Avila; & moi je dis entre dix mille: car il s'en trouve moins que l'on ne fçauroit dire, qui foient capables de cet emploi: il le faut plein de charité, de fcience & de pru dence; fi l'une de ces trois parties lui manque, il y a du danger; mais je vous dit dere chef, demandez-le à Dieu & l'ayant obtenu, beniffez fa divine Majefté, demeurez fermé & n'en cherchez point d'autres, mais allez fimplement, humblement, & confidemment, car vous ferez un trèsheureux voyage.

CHAPITRE V.

Qu'il faut commencer par la purgation

de l'Ame.

Es fleurs, dit l'Epoux facré, apparoifa fent en notre terre, le tems d'émonder & tailler eft venu. Qui font les fleurs de nos cœurs, ô Philothée, finon les bons defirs? Or auffi-tôt qu'ils paroiffent, il faut mettre la main à la ferpe pour retrancher de notre conscience toutes les œuvres mortes & fuperflues. La fille étrangere pour épou fer l'Ifraëlite, devoit ôter la robe de fa captivité, rogner fes ongles, & rafer fes cheveux: & lame qui afpire à l'honneur du Fils de Dieu, fe doit depouiller du vieil homme, & fe reveftir du nouveau, quit tant le pêché, puis rogner & rafer toutes fortes d'empechemens qui la détournent de l'amour de Dieu: c'eft le commencement de notre fanté, que d'être purgé de nos humeurs peccantes. S. Paul, en un moment fut purge d'une purgation parfaite, comme fut auffi fainte Catherine de Gennes, fainte: Madeleine, fainte Pelagie, & quelques autres: mais cette forte de purgation eft miraculeufe & extraordinaire en la grace, comme la refurrection des morts l'eft en la nature, de forte que nous ne devons pas y prétendre. La purgation & guerifon ordi

ordinaire, foit des corps, foit des efprits, ne fe fait que petit à petit, par progrez d'avancement en avancement avec peine & loifir.

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Les Anges ont des aîles fur l'échelle de Jacob mais ils ne volent pas, ils mon tent & defcendent feulement par ordre d'échelon en échelon. L'ame qui remon te du peché à la devotion, eft comparée à l'Aube, laquelle s'élevant ne chaife pas les tenebres en un inftant, mais petit à petit. La guerifon (dit l'Aphorifme) qui fe fait peu à peu, eft toujours plus affu rée les maladies du cœur, auffi-bien que celles du corps, viennent à cheval & en pofte, mais elles s'en retournent à pied, & au petit pas. Il faut donc être courageufe & patiente, ô Philothée, en cette entreprise. Helas! quelle pitié eft-ce de ces ames, lefquelles fe voyant fujetes à plufieurs imperfections, après s'être exer cées quelque tems en la devotion, commencent à s'inquieter, fe troubler & fe dé courager, laiffant prefque emporter leur cœur à la tentation de tout quitter & retourner en arriere: mais auffi de l'autre côté, n'eft-ce pas un extreme danger aux ames, lefquelles par une tentation contrai re fe perfuadent d'être purgées de leurs imperfections, le premier jour de leur pur gation, fe tenant pour parfaites prefque avant que d'être faites, en fe mettant au B

vol fans aîles? O Philothée, qu'elles font en grand peril de retomber pour s'être trop tôt ôtées d'entre les mains du Medecin. Ha ne vous levez pas avant que la lu miere foit arrivée, dit le Prophête, levezvous après que vous aurez été affis; & lui même pratiquant cette leçon, & ayant été déja lavé & nettoyé, demande de l'être de rechef.

L'exercice de la purgation de l'ame ne fe peut, ni ne doit finir qu'avec notre vie. Ne nous troublons donc point de nos imperfections, car notre imperfection con fifte à les combattre, & nous ne sçaurions les combattre fans les voir, ni les vaincre fans les rencontrer. Notre victoire ne con. fifte pas à ne les fentir point, mais à n'y point confentir.

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Mais ce n'eft pas y confentir, que d'en être incommodé. Il faut bien que pour l'exercice de notre humilité, nous foyons quelquefois bleffé en cette bataille fpiri tuelle: neanmoins nous ne fommes jamais vaincus, que lorfque nous avons perdu, ou la vie, ou les courage. Or les imper fections & pechez veniels ne nous fçau roient ôter la vie fpirituelle, car elle ne fe perd que par le peché mortel. Il refte donc feulement, qu'elles ne nous faffent point perdre le courage. Delivrez-moi, Seigneur, difoit David, de la lâcheté & du découragement: c'eft une heureufe con

dition pour nous en cette guerre, que nous foyons toûjours vainqueurs, pourvû quo nous voulions combattre.

CHAPITRE VI.

De la premiere purgation qui eft celle des pechez mortels.

LA premiere purgation qu'il faut faire, c'eft celle du peché : le moyen de la : faire, c'est d'avoir recours au Saint Sacre ment de Penitence. Cherchez le plus di gne Confeffeur que vous pourrez, prenez en main quelqu'un des petits Livres qui ont été faits pour aider les confciences à fe bien confeffer; comme Grenade, Bruno, Arias, Auger: lifez-les bien, remarquez de point en point en quoi vous avez offense Dieu, à prendre depuis que vous eûtes l'ufage de raifon, jufques à l'heure prefente. Et fi vous vous défiez de votre memoire, mettez en écrit ce que vous aurez remarqué; & ayant ainfi preparé & ramaffé les humeurs peccantes de votre confcience, deteftez-les, & les rejettez par une contrition & un de plaifir auffi grand que votre cœur pourra le fouffrir, confiderant ces quatre chofes : que par le peché vous avez perdu la grace de Dieu, quitté votre part de Paradis, acce pté les peines éternelles de l'Enfer, & renoncé à l'amour éternel de Dieu. Vous voyez, Philothée, que je parle d'une con

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