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difent des paroles dans lesquelles ils ne voudroient pas être furpris par leurs peres, leurs meres, leurs maris, leurs femmes, ou leurs Confeffeurs, témoignent en celá qu'ils traitént d'autre chofe que de l'honneur & de la confcience. Notre-Dame fe troubla voiant un Ange en forme hu maine, parce qu'elle étoit feule, & qu'il lui donnoit des extrêmes louanges, quoique celeftes. O Sauveur du monde ! la pureté craint un Ange en forme humaine, & pourquoi donc l'impureté ne craindrat-elle pas un homme, encore qu'il fût en figure d'Ange, quand il la loue d'une maniere fenfuelle & humaine?

CHAPITRE XXI.

Avis & remédes contre les mauvaises

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amitiez.

Ais quels remedes contre cette engeance & fourmiliere de folles amours, de folâtreries, & d'impuretez ? Auffi-tôt que vous en aurez les premiers reffentimens, tournez-vous vite de l'autre côté, & avec une deteftation abfolue de cette vanité, courez à la Croix du Sauveur, & prenez fa couronne d'épines pour en environner votre coeur, afin que ces petits renardeaux n'en approchent pas. Gardez-vous bien de venir à aucune forte

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de compofition avec cet ennemi; ne dites pas, je l'écouterai, mais je ne ferai rien de ce qu'il me dira; je lui prêterai l'oreille, mais je lui refuferai le cœur. O ma Philothée, pour Dieu foiez rigoureufe en de femblables occafions : le cœur & les oreilles s'entretiennent l'un à l'autre ; & comme il eft impoffible d'empêcher un torrent qui a pris fa defcente par le penchant d'une montagne, auffi eft-il difficile d'empêcher que l'amour qui eft tombé dans l'oreille, ne faffe bien fa chúte dans le cœur. Les chevres, felon Alcmeon, haleinent par les oreilles, & non par les nazeaux; il eft vrai qu'Ariftote n'en convient pas, je ne fçai ce qu'il en est, mais je fçai bien pourtant que notre cœur haleine par l'oreille, & que comme il afpire & exhale fes penfées par la langue, il refpire auffi par l'oreille, par laquelle il reçoit les penfées des autres. Gardons donc foigneufement nos oreilles de l'air des folles paroles, car autrement notre cœur en feroit auffitôt empefté. N'écoutez nulle forte de propofition fous quelque pretexte que ce foit, en ce feul cas il n'y a point de danger d'être incivile & rude.

Reffouvenez-vous que vous avez voué votre cœur à Dieu, & que votre amour lui eft facrifié : ce feroit donc un facri lege de lui en ôter la moindre partie : facrifié-le lui plûtôt derechef par mille re

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folutions & proteftations, & vous tenant entre elles, comme un cerfs dans fon fort, reclamez Dieu, il vous fecourera, & fon amour prendra le vôtre en fa protection, afin qu'il vive uniquement pour lui.

Que fi vous êtes déja prife dans les filets de ces folles amours: ô Dieu, quelle difficulté de vous en débaraffer! mettez vous devant fa divine Majefté, connoissez en fa prefence la grandeur de votre mifere, votre foibleffe & votre vanité, puis avec le plus grand effort de cœur qu'il vous fera poffible, deteftez ces amours commencées, abjurez la vaine profeffion que vous en avez faite, renoncez à toutes les promeffes reçues: & d'une grande & très abfolue volonté, arrêtez en votre cœur, & vous refolvez de ne jamais plus rentrer dans ces jeux & dans ces entretiens d'amour.

Si vous pouviez vous éloigner de l'objet, je l'approuverois infiniment : car comme ceux qui ont été mordus des Ser pens ne peuvent pas aifément guerir en la prefence de ceux qui ont été autrefois bleffez de la même morfure: auffi la perfonne qui eft picquée d'amour, guerira difficilement de cette paffion pendant qu'elle fera proche de l'autre, qui aura été atteinte de la même piqueure. Le changement de lieu fert extrêmement pour appaifer les ardeurs & les inquietudes, foit de la douleur, foit de l'amour. Le jeu

ne homme duquel parle S. Ambroise, au Livre fecond de la Penitence, ayant fait un long voiage, revint entierement delivré des folles amours qu'il avoit eu, & tellement changé, que la fotte amoureuse le rencontrant, & lui difant, ne me connois-tu pas ? je suis bien moi-même : Oui, répondit-il, mais moi je ne fuis pas moimême l'absence lui avoit caufe cet heureux changement. Et S. Auguftin témoigne que pour alleger la douleur qu'il eut en la mort de fon ami, il fe retira do Tegafte, où il étoit mort, & s'en alla à Carthage.

Mais qui ne peut s'éloigner, que doit il faire? Il faut abfolument retrancher toute converfation particuliere, tout entre. tien fecret, toute douceur des yeux, tous foûris, & generalement toutes fortes de communications & d'amorces qui peuvent nourrir ce feu infect & fumeux : ou tout au plus s'il eft forcé de parler au compli ce, que ce foit pour déclarer par une har die, courte & fevere proteftation, le divorce éternel que l'on a juré. Je crie tout haut à quiconque eft tombé dans ces pie ges d'amourettes; taillez, tranchez, rompez, il ne faut pas s'amufer à découdro ces folles amitiez, il les faut déchirer : il n'en faut pas dénouer les liaifons, il les faut rompre ou couper, auffi bien les cordons & les liens n'en valent rien. II

ne faut point ménager un amour qui eft fi contraire à l'amour de Dieu.

Mais après que j'aurai ainfi rompu les chaines de cet infame efclavage, encore m'en reftera-t-il quelque reffentiment, & les marques & les traces des fers en demeureront encore imprimées en mes pieds, c'est-à-dire, en mes affections. Il n'en reftera aucun reffentiment, Philothée, fi vous avez conçû autant de déteftation de votre mal comme il merite; car fi cela eft, vous ne ferez plus agitée d'aucun mouvement que de celui d'une extrême horreur de cet infame amour, & de tout ce qui en dépend & vous demeurerez quitte de toute autre affection envers l'objet abandonné, que de celle d'une très-pure charité pour Dieu: mais fi pour l'imperfection de votre repentir, il vous reste encore quelques mauvaises inclinations, procu rez pour votre ame une folitude mentale, felon ce que je vous ai enfeigné ci-devant, & retirez-vous y le plus que vous pourrez, & par mille reiterez élancemens d'efprit renoncez à toutes vos inclinations, niez-les de toutes vos forces; lifez plus qu'à l'ordinaire des faints Livres, confef fez-vous plus fouvent que de coûtume, & vous communiez; conferez humblement & naïvement de toutes les fuggeftions & de toutes les tentations qui vous arriveront pour ce regard, avec votre Di

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