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fteté au-moins fi elles en ont, elle n'eft pas visible parmi tant de bagatelles. On dit qu'on n'y penfe pas de mal; mais je replique, comme j'ai fait ailleurs, que le diable y en pense toujours. Pour moi je voudrois que mon devot & ma devote fuffent toujours les mieux habillez de la compagnie, mais les moins pompeux & les moins affectez; & comme il est dit aux Proverbes, qu'ils fuffent parez de grace, de bienfeance, & de dignitez. S. Louis dit en un mot, que l'on doit fe vêtir felon fon état en forte que les fages & les bons ne fuiffent point dire, vous en faites trop ni les jeunes gens, vous en faites trop peu. Mais en cas que les jeunes ne veuillent pas fe contenter de la bienfeance, il fe faut arrêter à l'avis des fages.

CHAPITRE XXVI.

Du parler, & premierement comme il faut parler de Dieu.

Es Medecins prennent une grande

d'un homme, par l'infpection de fa langue; & nos paroles font les vrais indices des qualitez de nos ames: Par tes paro les, dit le Sauveur, tu feras juftifié, & par ses paroles tu fera condamné. Nous

portons d'abord la main, fur la douleur que nous fentons, & la langue fur l'amour que nous avons.

Si donc vous êtes bien amoureuse de Dieu, Philothée, vous en parlerez fouvent dans les entretiens familiers que vous ferez avec vos domeftiques, vos amis & vos voisins. Oui, car la bouche du Jufte méditera la Sageffe, & fa langue parlera le Jugement. Et comme les abeilles ne démêlent autre chofe que le miel avec leur petite bouche; ainfi votre langue fera toûjours emmiellée de fon Dieu, & n'aura point de plus grande fuavité que de fentir couler entre fes levres les louanges & les benedictions de fon nom, ainsi qu'on dit de S François, qui prononçant le faint Nom du Seigneur, fucçoit & léchoit fes levres, comme pour en tirer la plus grande douceur du monde.

Mais parlez toujours de Dieu, comme de Dieu, c'eft-à-dire reveremment & devotement non point en faisant la fuffifante, ni la prêcheufe, mais avec l'efprit de douceur, de charité, & d'humilité, diftillant autant que vous fçavez, ( comme il eft dit de l'Epoufe au Cantique des Cantiques) le miel delicieux de la devo tion, & des chofes divines, goutte à goutte, tantôt dans l'oreille de l'un tantôt dans l'oreille de l'autre; priant Dieu au fecret de votre ame, qu'il lui plaife de faire

paffer cette fainte rofée jufques dans le cœur de ceux qui vous écoutent.

Sur-tout, il faut faire cet office angeli que, doucement & tendrement, non point par maniere de correction, mais par maniere d'infpiration; car c'eft merveille combien la fuavité & la douce propofition de quelque bonne chofe, est uno puiffante amorce pour attirer les cœurs.

Ne parlez donc jamais de Dieu, ni de la devotion par maniere d'acquit & d'en tretien, mais toujours avec attention & devotion; ce que je dis, afin que vous évitiez une vanité remarquable qui fe trouve dans plufieurs perfonnes qui font profeffion de devotion, qui à tous propos difent des paroles faintes & ferventes par maniere d'entretien fans y penfer nuilement; & qui après les avoir dites, croient qu'ils font tels que les paroles le témoi gnent; ce qui n'eft pas.

CHAPITRE XXVII. De l'honnêteté des paroles, & du respect que l'on doit aux perfonnes.

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quelqu'un ne peche point en paroles dit S. Jaques, il eft homme parfait. Gar dez-vous foigneufement de dire aucunes paroles deshonnêtes car encore que vous ne les difiez pas avec une mauvaise inten tion, cependant ceux qui les entendent les

peuvent recevoir d'une autre forte. La parole deshonnête tombant dans un cœur foible, s'étend & fe dilate comme une goute d'huile fur le drap, & quelquefois elle faifit tellement le cœur, qu'elle le remplit de mille penfees & de tentations impures. Comme le poifon du corps entre par la bouche, auffi celui du cœur entre par l'oreille, & la langue qui le produit eft meurtriere; car quoique par hazard le venin qu'elle a jetté, n'ait pas fait son effet, aiant trouvé les cœurs des auditeurs munis de contre poison, il n'a pas tenu neanmoins à fa malice qu'elle ne les ait fait mourir. Et que perfonne ne me dife qu'il n'y pense pas; car Notre-Seigneur, qui connoît les penfées a dit, que la bouche parle de l'abondance du cœur. Et fi nous n'y penfons pas mal, le malin efprit neanmoins en penfe beaucoup, & fe fert toû jours fecrettement de ces mauvais mots pour tranfpercer le cœur de quelqu'un, On dit que ceux qui ont mangé de l'herbe qu'on appelle angelique, ont toûjours l'haleine douce & agreable; & ceux qui ont l'honnêteté & la chafteté dans le cœur, qui eft la vertu angelique, ont toûjours leurs paroles pures, civiles & honnêtes. Quant aux chofes incedentes & folles, l'Apôtre ne veut pas feulement qu'on les nomine, nous affurant, que rien ne cor❤ rompt tant les bonnes mœurs, que les mauvais difcours.

Si ces paroles deshonnêtes font dites á couvert, avec affeterie & fubtilité elles font infiniment plus venimeufes: car comme plus un dard eft pointu, plus il entre aifément dans nos corps, ainfi plus un mauvais mot eft fubtil, plus il penetre dans nos cœurs. Ceux qui pensent être galans hommes en difant de telles paroles dans la converfation, ne fçavent pas pourquoi les converfations font faites: elles doivent être comme des effeins d'abeilles, affemblées pour faire le miel de quelque doux & vertueux entretien, & non pas comme un tas de guefpes qui s'affemblent pour fuccer quelque pourriture. Si quelque fot vous dit des paroles meffeantes, témoignez que vos oreilles en font offenfees, ou vous détournant ailleurs, ou par quel qu'autre moien, felon que votre prudence vous l'enfeignera.

C'est une des plus mauvaises conditions qu'un efprit peut avoir, que d'être mocqueur, Dieu haït extremement ce vice, & en a fait autrefois des étranges punitions. Rien n'eft fi contraire à la charité & beaucoup plus à la devotion, que le mépris du prochain. Or la derifion & la mocquerie ne fe fait jamais fans ce mépris; c'est pourquoi elle eft un fort grand peché, en forte que les Docteurs ont raifon de dire, que la mocquerie eft la plus mauvaife forte d'offenfe que l'on puiffe

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