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tale & fpirituelle, en la reprefentation de ces Mysteres, ou bien de confiderer que les chofes fe font en votre propre efprit: mais cela eft trop fubtil pour le commencement, & jufques à ce que Dieu vous éleve plus haut, je vous confeille, Philothée de vous tenir en la basse vallée que je vous montre.

CHAPITRE V.

Des Confiderations, feconde partie de la

Méditation.

A Près l'action de l'imagination, s'en

fuit l'action de l'entendement, que

nous appellons meditation, qui n'eft autre chofe qu'une, ou plufieurs confiderations faites, afin d'émouvoir nos affections en Dieu, & aux chofes divines : en quoi la meditation eft differente de l'étude & des autres pensées & confiderations, lef quelles ne fe font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins & intentions, comme pour devenir fçavant, pour en écrire ou pour en difputer. Ayant donc enfermé votre efprit, comme je dis, dans le fujet que vous voulez mediter, ou par l'imagination, fi le fujet eft fenfible; ou par la fimple propofition s'il eft infenble, vous commencerez à y faire des confiderations, dont vous verrez des exemples tout for

mez

mez dans les meditations que je vous ai données. Si votre efprit trouve affez de goût, de lumiere & de fruit fur l'une des confiderations, vous vous y arrêterez fans passer plus avant, faifant comme les abeilles, qui ne quittent point la fleur tandis qu'elles y trouvent du miel à recueillir. Mais fi vous ne rencontrez pás felon votre fouhait dans l'une des confiderations, après avoir un peu marchandé & effayé, vous pafferez à un autre; mais allez tout doucement & fimplement en cet ouvrage fans vous y empreffer.

CHAPITRE VI

Des Affections & Refolutions, troifilme partie de la Meditation.

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A Meditation répand des bons mouvemens dans la volonté, ou partie affective de notre ame, comme font l'amour de Dieu & du prochain, le defir du paradis & de la gloire, le zele du falut des ames, l'imitation de la vie de Notre-Seigneur, la compaffion, l'admiration, la réjouiffance, la crainte de la dif grace de Dieu, du Jugement & de l'enfer, la haine du peché, la confiance en la bonté & mifericorde de Dieu, la confufion pour notre mauvaise vie paffée : & en ces affections notre efprit doit s'épancher & s'étendre le plus qu'il lui fera poffible. F

Si vous voulez être aidée en cela, prenez en main le premier tome des Meditations de Dom André Capilia, & voyez fa Preface car il y montre la maniere avec laquelle il faut étendre fes affections; & plus amplement le Pere Arias dans fon traité de l'Oraison mentale.

Il ne faut pas pourtant, Philothée, s'arrêter tant à ces affections generales, que vous ne les convertiffiez en des réfolutions fpéciales & particulieres pour votre correction & amendement. Par exemple, la premiere parole que Notre-Seigueur dit fur la croix, répandra fans doute une bonne affection d'imitation en votre ame, à fçavoir le defir de pardonner à vos ennemis & de les aimer. Je dis que cela eft peu de chofe, fi vous n'y ajoûtez une refolution particuliere en cette forte. Je ne me piquerai donc plus de telles paroles facheufes, qu'un tel & une telle, mon voifin, ou ma voifine, mon domestique ou ma domeftique, difent de moi, ni de tel & tel mépris qui m'eft fait par celuici, ou par celui-là: au contraire je dirai & ferai telle & telle chofe pour le gagner & adoucir; ainfi des autres. Par ce moyen, Philothée, vous corrigerez vos fautes en peu de tems, au lieu que par les feules affections vous le ferez tard & difficilement.

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CHAPITRE VII.

De la conclufion & bouquet spirituel.

Enfin, il faut conclure la meditation

par trois actions, qu'il faut faire avec le plus d'humilité que l'on peut. La premiere, c'est l'action de graces, remer ciant Dieu des affections & refolutions qu'il nous a données, & de fa bonté & mifericorde, que nous avons découvertes au myftere de la meditation. La feconde, c'eft l'action d'offrande, par laquelle nous offrons à Dieu fa même bonté & mifericorde, la mort, le fang, & les vertus de fon Fils, & avec elles nos affections & refolutions.

La troifiéme action, eft celle de la fup plication, par laquelle nous demandons à Dieu, & nous le conjurons de nous communiquer les graces & les vertus de fon Fils, & de donner la benedition à nos affections & resolutions, afin que nous les puiffions fidelement executer: enfuite nous prions pour l'Egife, pour nos Pafteurs , nos parens, nos amis & autres, employans à cela l'interceffion de NotreDame, des Anges, & des Saints. Enfin, j'ai remarqué qu'il faloit dire Pater nofter & l'Ave Maria, qui eft la priere genetale & neceffaire de tous les Fideles.

j'ai ajoûté à tout cela qu'il faloit cueillir

un petit bouquet de devotion : & voici ce que je veux dire. Ceux qui fe font promenez dans un beau jardin, n'en fortent pas volontiers fans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les flairer, & tenir le long de la journée: ainfi notre efprit ayant difcouru fur quelque mystere par la meditation, nous devons choifir un, ou deux, ou trois points que nous aurons trouvez plus à notre goût, & plus propres à notre avancement, pour en reffouvenir le refte de la journée, & les flairer fpirituellement. Or cela fe fait fur le lieu même auquel nous avons fait la meditation, en nous y entretenant ou promenant folitairement quelque tems après.

CHAPITRE VIII.

Quelques avis très-utiles fur le sujet de la Meditation.

L faut fur-tout, Philothée, qu'au fortir de votre meditation, vous reteniez les refolutions & deliberations que vous aurez prifes pour les pratiquer foigneufement ce jour-là. C'eft le grand fruit de la meditation, fans lequel elle eft bien fouvent, non feulement inutile, mais nuifible: parce que les vertus meditées & non pratiquées, enflent quelquefois l'efprit & le courage, nous perfuadans que nous fommes tels que nous avons refolu & de

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