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confeils, car en cet article confifte l'un des plus affeurez moyens de votre avan cement fpirituel.

Rappellez le plus fouvent que vous pou rez dans la journée, votre efprit en la prefence de Dieu par l'une des quatre fa çons que je vous ai marquée : regardez ce que Dieu fait, & ce que vous faites: vous verrez fes yeux tournez de votre côté, & perpetuellement atachez fur vous par un amour incomparable. O Dieu direz-vous, pourquoi ne vous regarderai-je pas toûjours comme toûjours vous me regardez pourquoi penfez vous en moi fi fouvent mon Seigneur? & pourquoi penfai-je fi peu fouvent en vous ? Où fommes-nous, ô mon ame, notre vraie place, c'est Dieu, & où est-ce que nous

nous trouvons?

Comme les oiseaux ont des nids fur les arbres pour faire leur retraite quand ils en ont besoin, & les Cerfs ont leurs buiffons & leurs forts, dans lesquels ils fe cachent, & fe mettent à couvert, prenant la fraicheur de l'ombre en Eté : ainfi ma Philotée, nos cœurs doivent prendre & choifir quelque place chaque jour ou fur le Mont de Calvaire, ou dans les playes de Notre-Seigneur, ou en quelqu'autre lieu proche de lui pour y faire leur retraite à toutes fortes d'occa fions, & pour fe foulager, & fe recréer

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parmi les affaires exterieures, & pour y être comme dans un fort, afin de se dé fendre des tentations. Bienheureufe fera T'ame qui poura dire en verité à NotreSeigneur vous êtes ma maifon de refuge, mon rempart affuré, mon toit contre la pluye, & mon ombre contre la chaleur.

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Réfouvenez-vous donc, Philothée, de faire toujous plufieurs retraites dans la folitude de votre cœur, pendant que corporellement vous êtes parmi les converfations & les affaires. Cette folitude mentale ne peut nullement être empêché par la multitude de ceux qui font autour de vous; car ils ne font pas autour de votre cœur mais autour de votre corps, de forte que votre coeur demeure lui tout feul en la prefence de Dieu feul. C'eft l'exercice que le Roi David faifoit parmi tant d'occupations, qu'il avoit, comme il le témoigne par mille traits de fes Pleaumes; comme quand il dit: O Seigneur, je fuis toujours avec vous, je voi mon Dieu toujours avec moi, j'ai élevé mes yeux à vous, o mon Dieu qui habitez au Ciel, mes yeux font toujours à Dieu.

Et auffi les converfations ne font pas or dinairement fi ferieufes, qu'on ne puiffe de tems en tems en retirer le cœur pour le remettre dans cette divine folitude.

Les pere & mere de fainte Catherine de Sienne lui ayant ôté toute commodité

du

du lieu, & le loifir pour prier & mediter; Notre-Seigneur l'infpira de faire un petit Oratoire interieur en fon esprit, dans le quel fe retirant mentalement, elle pût parmi les affaires exterieures vaquer à cette fainte & cordiale folitude. Et depuis quand le monde l'attaquoit, elle n'en recevoit aucune incommodité, parce, difoit-elle, qu'elle s'enfermoit dans fon cabinet interieur, où elle fe confoloit avec fon celefte Epoux. Auffi dès-lors elle confeilloit à fes enfans fpirituels de fe faire une chambre dans le cœur, & d'y demeurer.

Retirez donc quelquefois votre efprit dans votre cœur, où féparée de tous les hommes, vous puiffiez traiter cœur à cœur de votre ame avec fon Dieu, pour dire avec David F'ay veillé, & j'ai été femblable an Pelican de la folitude: F'ai été fait comme le chat buant ou le hibon dans les Mazures, & comme le paffereau folitaire au toit. Ces paroles, outre leur fens litteral (qui temoigne que ce grand Roi prenoit quelques heures pour fe tenir folitaire dans la contemplation des chofes fpirituelles) montrent dans leur fens myftique trois excellentes retraites, & comme trois hermitages, dans lefquels nous pouvons exercer notre folitude, à l'imitation de Notre-Sauveur, lequel fur le Mont de Calvaire fut comme le Pelican de la folitude, qui de fon fang fait revi

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vre fes pouffins morts. A fa Nativité dans une étable deferte, il fut comme le hibou dans la mazure, plaignant & pleurant nos. fautes & nos pechez; & au jour de fon AC cenfion, il fut comme le paffereau, fe retirant & volant au Ciel, qui eft comme le toit du monde, & en tous ces trois lieux, nous pouvons faire nos retraites parmi les tracas des affaires. Le bienheureux Elzear, Comte d'Arian en Provence, ayant été pendant long-tems abfent de fa devote & chafte Delphine, elie lui envoya un homme exprès, pour apprendre des nouvelles de fa fanté; & il lui fit réponse: Je me porte fort bien, ma chere femme : fi vous me voulez voir, cherchez-moi en la playe du côté de notre doux Jefus, car c'est-là où j'habite, où vous me trouverez, vous me chercherez ailleurs inutilement. C'eft un Chevalier Chrétien, que celui-là.

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CHAPITRE XIII.

Des afpirations, Oraifons jaculaires, & bonnes penfées.

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N fe retire en Dieu, parce que l'on afpire à lui, & on y afpire pour s'y retirer de forte que l'afpiration en Dieu & la retraite fpirituelle, s'entretiennent Pune & l'autre, & de toutes deux proviennent & naiffent des bonnes pensées.

Afpirez donc bien fouvent en Dieu,

Philothée, par des courts, mais ardens élancemens de votre cœur, admirez fa beauté, invoquez fon aide, jettez-vous en efprit aux pieds de la Croix, adorez fa bonté, interrogez-le fouvent de votre falut, donnez-lui mille fois le jour votre ame, atachez vos yeux interieurs fur fa douceur, tendez-lui la main, comme un petit enfant à fon pere, afin qu'il vous con duife; mettez-le fur votre poitrine, com me un bouquet delicieux: plantez-le en votre ame, comme un étandart; & fai tes mille fortes de divers mouvemens de votre cœur, pour vous donner de l'amour de Dieu, & vous exciter à une paffionnée & tendre dilection de ce divin Epoux.

On fait ainfi les Oraifons jaculatoires, que le grand faint Auguftin confeille fi foigneufement à la devote Dame Proba. Philothée, fi notre efprit s'adonne à la conversation, à la privauté, & à la fainiliarité avec fon Dieu, il fe parfumera tout de fes perfections; cependant cet exercice n'eft point mal-aife car il fe pent entrelacher en toutes nos affaires & occupations, fans les incommoder en aucune façon parce que foit en la retraite spirituelle, foit en ces élancemens interieurs, on ne fait que des petits & courts diver tiffemens, qui n'empêchent nullement, & qui fervent beaucoup à la pourfuite de ce que nous faifons. Le pelerin qui prend un

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