plus d'ardeur. Il inftitua à Annecy en 1610. l'Ordre de la Visitation, affifté de la Baronne de Chantal quien fut la premiere Religieufe, & qui gouverna cet Ordre plufieurs années avec un fuin & un zele infatigable & mourut à Moulins en 1641.Notre illuftre Prelat a compofé plufieurs Ouvrages pleins d'une fainte onction; fon Introduction à la Vie Devote a operé mille converfions & a été traduite en plufieurs langues, même les plus barbares. Il mourut à Lion le 23 Decembre 1622., agé de 55. ans. Sa vie eft fi remplie de belles actions qu'il eft difficile d'en faire l'abregé, neanmoins quelques perfonnes de pieté ont fouhaité qu'on mit ici le jour de fa naiffance, & celui de fa mort, fa Beatification, & fa Canonifation, avec le jour qu'on fait fa Fête. Le Pape Alexandre VII. le Beatifia en 1659. & àla folicitation du celebre Mr. Godeau Evêque de Vence, le même Pape le mit au nombre des Saints en 1669,& ordonna qu'on en celebreroit la Fête le 29 Janv Son facré Corps a été porté à Annecy & fonCoeur fait aujour d'hui le tréfor des Religieufes du prem. Monaftere de la Vifitation de Lion.

INTRODUCTION

A LA VIE DEVOTE. PREMIERE PARTIE, CONTENANT LES AVIS ET exercices requis pour conduire l'ame dès fon premier defir de la vie devote, jufques à une entiere refolution de l'embraffer.

CHAPITRE PREMIER. Defcription de la vraie Devotion. Ous afpirez à la devotion, très chere Philothée, parce qu'étant Chrétienne, vous fçavez que c'elt une vertu extremement agreable à la divine Majefté. Mais d'autant que les petites fautes que l'on commet au com mencement de quelque affaire, s'augmen tent infiniment dans la fuite, & font prefque irreparables à la fin, il faut avant A

toutes chofes que vous fçachiez ce que c'eft que la vertu de devotion: car d'autant qu'il n'y en a qu'une vraie, & qu'il y en a une grande quantité de fauffes & vaines, fi vous ne connoiffez qu'elle est la vraie, vous pourriez vous tromper, & vous amufer à fuivre quelque devotion impertinente & fuperftitieuse.

Arelius peignoit toutes les faces des images qu'il faifoit, à l'air & reffemblance des femmes qu'il aimoit : & chacun peint la devotion felon fa paffion & fantaisie. Celui qui eft adonné au jeûne, fe tiendra pour bien devot, pourvû qu'il jeûne, quoique fon cœur foit plein d'inimitiez; & n'ofant point tremper fa langue dans le vin, ni même dans l'eau par fobrieté, il ne feindra point de la plonger dans le fang du prochain, par la medifance & la calom nie. Un autre s'eftimera devot, parce qu'il dit une grande multitude d'oraifons tous les jours, quoiqu'après cela fa langue se fonde toute en paroles fâcheufes, arrogantes & injurieufes parmi fes domeftiques & voifins. L'autre tire fort volontiers l'aumône de fa bourfe, pour la donner aux pauvres; mais il ne peut tirer la douleur de fon cœur, pour pardonner à fes ennemis. L'autre pardonnera à fes ennemis; mais il ne fera jamais raifon à fes creanciers qu'à vive force de Justice. Tous ces genslà font vulgairement tenus pour devots &

ne les font pourtant nullement. Les gens de Saül cherchoient David en fa maifon : Michol ayant mis une ftatue dedans un lit, & l'ayant couverte des habillemens de Da vid, leur fit accroire que c'étoit David même qui dormoit malade. Ainfi beaucoup de perfonnes fe couvrent de certai nes actions exterieures appartenantes à la fainte devotion : & le monde croit que ce font gens vraiment devots & fpirituels: mais en verité ce ne font que des ftatues & fantômes de devotion.

La vraie & vivante devotion, ô Philo. thée, prefuppofe l'amour de Dieu; je dis plus, elle n'eft autre chofe, qu'un vrai amour de Dieu; non pas toutefois un amour : tel quel car en tant que l'amour divin embellit notre ame, il s'appelle grace, nous rendant agreables à fa divine Majefté; en tant qu'il nous donne la force de bien faire, il s'appelle charité; mais quand il eft parvenu jufques au degré de perfe&tion, auquel il ne nous fait pas feulement bien faire, mais nous fait operer foigneufement, frequemment, & promp tement, alors il s'appelle devotion. Les autruches ne volent jamais, les poules volent pefamment, toutefois baffement & ra rement: mais les aigles, les colombes, les hirondelles volent fouvent, vîtement, & hautement: ainfi les pecheurs ne vo lent point en Dieu, ils font toutes leurs

courfes en la terre & pour la terre. Les gens de bien qui n'ont pas encore atteint la devotion, volent en Dieu par leurs bonnes actions; mais rarement, lentement & pefamment; les perfonnes devo tes volent en Dieu frequemment, promp tement & hautement. Enfin, la devotion n'eft autre chofe qu'une agilité & vivacité fpirituelle, par le moyen de laquel le la charité fait les actions en nous, ou nous par elle promptement, & affectionnément; & comme il appartient à la charité de nous faire generalement & univerfelle ment pratiquer tous les Commandemens do Dieu, il appartient auffi à la devotion de nous les faire faire promptement & dili gemment. C'eft pourquoi celui qui n'ob. ferve tous les Commendemens de Dieu, ne peut être eftimé ni bon, ni devot, puifque pour être bon, il faut avoir la cha rité; & pour être devot, il faut avoir outre la charité, une grande vivacité & promptitude aux actions charitables.

Et d'autant que la devotion confifte en certain degré d'excellente charité, non feulement elle nous rend prompts, actifs & diligens à l'obfervation de tous les commandemens de Dieu: mais outre cela, elle nous provoque à faire promptement & affectionnement le plus de bonnes œuvres que nous pouvons encore qu'elles ne foient aucunement commandées, mais feulement