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<< ou aux bêtes féroces, ou en le laissant entraîner par << les eaux du Gange. La plupart de ces cruautés furent « encore commises sollennellement, en présence des Eu« ropéens, à la dernière fête indostane donnée dans l'île « de Sangor, au mois de décembre 1801 (1). »

On sera peut-être tenté de dire: Comment l'Anglais, maître absolu de ces contrées, peut-il voir toutes ces horreurs sans y mettre ordre? Il pleure peut-être sur les bûchers, mais pourquoi ne les éteint-il pas ? Les ordres sévères, les mesures de rigueur, les exécutions terribles, ont été employés par le gouvernement ; mais pourquoi ? toujours pour augmenter ou défendre le pouvoir, jamais pour étouffer ces horribles coutumes. On dirait que les glaces de la philosophie ont éteint dans son cœur cette soif de l'ordre qui opère les plus grands changements, en dépit des plus grands obstacles ; ou que le despotisme des nations libres, le plus terrible de tous, méprise trop ses esclaves pour se donner la peine de les rendre meilleurs.

Mais d'abord il me semble qu'on peut faire une supposition plus honorable, et par cela seul plus vraisemblable: C'est qu'il est absolument impossible de vaincre sur ce point le préjugé obstiné des Indous, et qu'en voulant abolir par l'autorité ces usages atroces, on n'aboutirait qu'à la compromettre, sans fruit pour l'humanité (2).

(1) Voy. Essais by the students of Fort William Bengal, etc. Calcutta, 1802.

(2) 11 serait injuste néanmoins de ne pas observer que, dans

Je vois d'ailleurs un grand problème à résoudre: ces sacrifices atroces qui nous révoltent si justement ne seraient-ils point bons, ou du moins nécessaires dans l'Inde ? Au moyen de cette institution terrible, la vie d'un époux se trouve sous la garde incorruptible de ses femmes et de tout ce qui s'intéresse à elles. Dans le pays des révolutions, des vengeances, des crimes vils et ténébreux, qu'arriverait-il si les femmes n'avaient matériellement rien à perdre par la mort de leurs époux, et si elles n'y voyaient que le droit d'en acquérir un autre? Croirons-nous que les législateurs antiques, qui furent tous des hommes prodigieux, n'aient pas eu dans ces contrées des raisons particulières et puissantes pour établir de tels usages? Croirons-nous même que ces usages aient pu s'établir par des moyens purement humains? Toutes les législations antiques méprisent les femmes, les dégradent, les gênent, les maltraitent plus ou moins.

La femme, dit la loi de Menu, est protégée par son père dans l'enfance, par son mari dans la jeunesse, et

les parties de l'Inde soumises à un sceptre catholique, le bûcher des veuves a disparu. Telle est la force cachée et admirable de la véritable loi de grâce. Mais l'Angleterre, qui laisse brûler par milliers des femmes innocentes sous un empire certainement très doux et très humain, reproche cependant très sérieusement au Portugal les arrêts de son inquisition, c'est-àdire quelques gouttes de sang coupable versées de loin en loin par la loi. EJICE PRIMÒ TRABEM, etc.

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par son fils dans la vieillesse ; jamais elle n'est propre à l'état d'indépendance. La fougue indomptable du tempérament, l'inconstance du caractère, l'absence de toute affection permanente, et la perversité naturelle qui distingue les femmes, ne manqueront jamais, malgré toutes les précautions imaginables, de les détacher en peu de temps de leurs maris (1).

Platon veut que les lois ne perdent pas les femmes de vue, même un instant : « Car, dit-il, si cet article est « mal ordonné, elles ne sont plus la moitié du genre << humain, elles sont plus de la moitié, et autant dé fois « plus de la moitié, qu'elles ont de fois moins de vertu « que nous (2). >>>

Qui ne connaît l'incroyable esclavage des femmes à Athènes, où elles étaient assujetties à une interminable tutelle; où, à la mort d'un père qui ne laissait qu'une fille mariée, le plus proche parent du mort avait droit de l'enlever à son mari et d'en faire sa femme; où un mari pouvait léguer la sienne, comme une portion de sa propriété, à tout individu qu'il lui plaisait de choisir pour son successeur, etc. (3)?

(1) Lois de Menu, fils de Brahma, trad. par le chev. William Jones. Works, tom. III, chap. XI, no 3, p. 335, 337.

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- ibi.

(2) Plat. de Leg. VI, Opp. tom. VIII, p. 310, Οσῳ δὲ ἡ θήλεια ἡμῖν φύσις πρὸς ἀρετὴν χείρων τῆς ἀρρένων, του οὕτω διαφέρει προς τὸ πλέον ἢ διπλάσιον εἶναι.

(3) La mère de Démosthènes avait été léguée ainsi, et la for

T. V.

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Qui ne connaît encore les duretés de la loi romaine envers les femmes ? On dirait que, par rapport au second sexe, les instituteurs des nations avaient tous été à l'école d'Hippocrate, qui le croyait mauvais dans son essence même. La femme, dit-il, est perverse par nature: son penchant doit être journellement réprimé, autrement il pousse en tots sens, comme les branches d'un arbre. Si le mari est absent, des parents ne suffisent point pour la garder: il faut un ami dont le zèle ne soit point aveuglé par l'affection (1).

Toutes les législations en un mot ont pris des précautions plus ou moins sévères contre les femmes; de nos jours encore elles sont esclaves sous l'Alcoran, et bêtes de somme chez le Sauvage: l'Evangile seul a pu les élever au niveau de l'homme en les rendant meilleures ; lui seul a pu proclamer les droits de la femme après les avoir fait naître, et les faire naître en s'établissant dans le cœur de la femme, instrument le plus actif et le plus puissant pour le bien comme pour le mal. Eteignez, affaiblissez seulement jusqu'à un certain point, dans un pays chrétien, l'influence de la loi di

mule de cette disposition nous a été conservée dans le discours contre Stéphanus. (Voy. les Commentaires sur les plaidoyers d'Ismus, par le chev. Jones dans ses œuvres, tom. III, in-4o, pag. 210-211.)

(1) Hippocr. opp. cit. Van der Linden, in-8°, tom. II, p. 911.ibi.

Έχει γὰρ φύσει τὸ ἀκόλαστον ἐν ἑαυτῇ.

vine, en laissant subsister la liberté qui en était la suite pour les femmes, bientôt vous verrez cette noble et touchante liberté dégénérer en une licence honteuse. Elles deviendront les instruments funestes d'une corruption universelle qui atteindra en peu de temps les parties vitales de l'état. Il tombera en pourriture, et sa gangreneuse décrépitude fera à la fois honte et hor

reur.

Un Turc, un Persan, qui assistent à un bal européen, croient rêver: ils ne comprennent rien à ces femmes,

Compagnes d'un époux et reines en tous lieux,
Libres sans déshonneur, fidèles sans contrainte,
Et ne devant jamais leurs vertus à la crainte.

C'est qu'ils ignorent la loi qui rend ce tumulte et ce mélange possibles. Celle même qui s'en écarte lui doit sa liberté. S'il pouvait y avoir sur ce point du plus et du moins, je dirais que les femmes sont plus redevables que nous au Christianisme. L'antipathie qu'il a pour l'esclavage (qu'il éteindra toujours doucement et infailliblement partout où il agira librement) tient surtout à elles: sachant trop combien il est aisé d'inspirer le vice, il veut au moins que personne n'ait droit de le commander (1).

(1) Il faut remarquer aussi que si le Christianisme protége la femme, elle, à son tour, a le privilége de protéger la loi

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