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naient de la générosité de nos Rois; et, comme dans ce temps le Ministère évangélique occupait tous les momens de ces ecclésiastiques, ils ne pouvaient s'occu

per

des affaires contentieuses et litigieuses qui ressortissaient de leurs possessions territoriales. Ils instituèrent donc les Vidames pour les représenter et les suppléer dans l'administration de la justice temporelle de leurs fiefs; et de là vint le nom de Vice-Domini (ViceSeigneurs), parce qu'ils tenaient la place des Évêques dans leurs seigneuries temporelles.

Les Vidames conduisaient aussi et commandaient les vassaux des évêques à l'armée, sous des bannières aux armes des Évêques ou des Chapîtres; c'est pourquoi ils furent aussi nommés Avoués et Défenseurs des églises. Ils étaient en même temps Magistrats et Officiers militaires.

Il n'y avait qu'un Vidame dans un Évêché, tandis que dans un Comté il y avait souvent plusieurs Vicomtes pour assister le Comte.

A l'instar des Vicomtes, qui firent ériger des fiefs sous le vasselage de leurs Comtes, les Vidames firent ériger leur office en fief héréditaire, relevant des Évêques ou des Églises auxquels ils étaient attachés et dont ils portaient le nom distinctif. Il leur fut permis de s'emparer des terres incultes situées dans les fiefs de l'Évêché ou de l'Abbaye, de les cultiver et de s'en approprier les fruits. Quelques Évêques poussèrent même la générosité jusqu'à leur céder une partie de leurs domaines, sous la seule obligation de la foi et hommage.

Mais, comme certains d'entre eux poussèrent trop loin l'avidité de s'emparer des biens des Églises, dont

ils devaient être les défenseurs et les protecteurs, le concile de Reims ordonna que les Vidames seraient privés de la sépulture ecclésiastique, s'ils exigeaient des églises au-delà de ce qui avait été réglé anciennement.

Parmi les Vidames les plus considérables, on citait ceux de Reims, de Châlons, de Gerberoy, du Mans, de Chartres, d'Amiens, de Laon, d'Esneval, Meaux, Tulles, Arras, Saint-Omer.

Le Vidame de l'Abbaye de Saint-Denis était le Comte de Vexin, qui, avant d'entrer en campagne, allait prendre l'oriflamme de cette Église, et l'y réintégrait aussitôt que la guerre était finie. Louis VI, roi de France, ayant acquis le Vexin, fit de même à l'égard de l'oriflamme, et insensiblement cette bannière marcha de pair avec celle de France. (Il en sera traité dans un chapitre spécial.)

Les Vidames avaient le droit de lever des troupes sous la bannière des Églises dont ils étaient les protec

teurs.

Froissard, en parlant du devoir des Évêques, des Abbés et des Abbesses, se sert de ces termes à l'égard de ces Vidames et Avoués: Ut bonos et idoneos vicedominos et advocatos haberent, et undè cumque fuisset justitias perficerent.

Ces Avoués sont qualifiés OEconomi ecclesiae, Advocati, Patroni et Custodes, dans le canon Volumus, et, dans le canon Diaconum, distinct. 89, cap. consulere de Simonia.

Pasquier donne rang aux Vidames après les Comtes, et dit qu'ils doivent précéder les Vicomtes, parce qu'ils représentent les Évêques.

Dans les Églises métropolitaines, lorsque le Diacre commençait la lecture de l'Évangile, les Seigneurs feudataires de chaque Évêché tiraient l'épée du fourreau, pour témoigner le zèle qu'ils avaient pour la défense des vérités de la religion.

Il n'y avait qu'un Vidame en France qui ne relevât point d'un Évêque, c'était le Vidame d'Esneval, en Normandie, qui relevait immédiatement du Roi.

La Vidamie de Gerberoi était annexée à l'Évêché de Beauvais. L'Évêque était Vidame de Gerberoi et Pair

de France.

Celle de Laon était également une des plus anciennes, et fut concédée par une Charte de Louis-le-Gros, de 1125, à Barthélemy de Vir, Évêque de Laon, à condition que lui et ses successeurs Évêques, ne pourraient mettre ces dignités hors de leurs mains, ou les séparer de leur Église. Après la mort du Roi, le même Barthélemy de Vir, vraisemblablement peu jaloux de la promesse qu'il avait faite au Roi, conféra le Vidamé de Laonnais à un Seigneur du pays, qui se nommait Gérard de Clacy, et dont la postérité n'a cessé de le posséder, jusqu'à ce qu'une des filles de cette maison le porta dans celle de Châtillon.

Pour marque de sa dignité, le Vidame portait une couronne, qui se composait d'un cercle d'or, orné de perles et surmonté de quatre croix patées : ces dernières étaient en mémoire de leur institution, comme étant défenseurs des droits des Églises.

CHAPITRE XV.

DES SÉNÉCHAUX, BAILLIS ET PRÉVOTS.

Le mot Sénéchal vient du mot latin senex et du mot grec axis, primus; d'autres auteurs disent que c'est un mot corrompu, moitié latin, moitié français, qui signifie vieux chevalier.

Les Grands-Sénéchaux de France étaient les plus anciens officiers et les plus considérables de ceux qui ont servi sur la fin de la seconde et dans le commencement de la troisième race de nos Rois, quoique l'on trouve cet office établi sous la première; mais il était alors subordonné aux maires du palais, et sous la seconde, aux Ducs et aux Princes des Français. Ces deux grandes dignités éteintes, celle de Sénéchal devint la première et la plus considérable du royaume; ses fonctions ne furent plus bornées, comme auparavant, à l'administra

tion des revenus de la maison des Rois. Les Sénéchaux commandèrent les armées, rendirent la justice, et curent le premier rang dans la maison royale; et depuis que nos Rois ont commencé à faire signer leurs Chartes par leurs grands officiers, le Sénéchal a toujours signé le premier. M. Bignon, dans ses Notes sur Marculphe, liv. 2, ch. 52, remarque aussi que la dignité de Séné

chal de France fut reconnue la première du royaume sous le roi Philippe Ier, qui régnait en 1060.

Dans les grandes cérémonies, comme au couronnement ou aux cours plénières, le Grand-Sénéchal de France était chargé du service des tables du Roi ; c'était lui qui posait les plats sur la table, et qui avait en général l'administration de tout ce qui concernait la bouche du Prince; et c'est à raison de ce service qu'on l'appela dapifer, mot composé de dapes, dapis, qui signifie un mets, une viande, qu'on sert sur la table dans un repas, et de fero, je porte.

Ce grand officier portait, en outre, dans nos armées, la chappe de Saint Martin, qui fut la première bannière de France, que Clovis adopta après son baptême, et pour laquelle il avait la plus grande vénération. Cette chappe ou manteau, suivant les auteurs du temps, était une peau de brebis (1), qu'on représenta en peinture ou en broderie sur l'enseigne ou bannière nationale.

La dignité de Grand-Sénéchal ou Grand-Dapifer du royaume était héréditaire dans la maison d'Anjou depuis le règne de Lotaire. En 978, Geoffroy, dit Grise-Gonelle, en fut investi, et dans un traité conclu, en 1117, entre Louis-le-Gros et Fouques V, comte de cette maison, il fut arrêté « que dans les cérémonies

(1) Ce qui confirme cette opinion, c'est que, le jour de la Saint-Martin, plusieurs villes de France étaient obligées d'offrir à l'église de Saint-Martin de Tours un certain nombre de peaux d'agneaux, et cette redevance s'appelait le mantel de Saint Martin.

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