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fier qu'ils n'étaient pas des hommes vulgaires, ils publiaient de toutes parts que leurs maîtresses étaient les plus belles personnes qui fussent au monde, et ils obligeaient ceux qui n'en convenaient pas volontairement, de l'avouer ou de risquer leur vie dans un combat singulier.

L'idée des paladins, protecteurs de la vertu et de la beauté des femmes, conduisit à la galanterie. Cet esprit se perpétua par l'usage des tournois, qui, unissant ensemble les droits de la valeur et de l'amour, donnèrent encore à la galanterie une grande importance.

Cette bravoure romanesque des anciens Chevaliers était autrefois la chimère des Espagnols, chez qui il n'y avait pas de cavalier qui n'eût sa dame, dont il devait mériter l'estime par quelque action héroïque. Le Duc d'Albe lui-même, tout grave et tout sévère qu'il était, avait, dit-on, voué la conquête du Portugal à une jeune beauté. L'admirable roman de Don Quichotte est une critique fine, et de cette manie, et de celle des auteurs espagnols à décrire les prouesses et les aventures incroyables des Chevaliers errans.

M. le Comte du Buat dit qu'on trouve dans les Combats judiciaires l'origine de l'attribut essentiel des preux Chevaliers, qui était de protéger les dames et les demoiselles. Dans l'impuissance où elles étaient de se défendre elles-mêmes, les armes à la main, il fallait qu'elles trouvassent un champion, ou elles perdaient leur procès. Les braves se firent tous un devoir d'être leurs champions, autant par galanterie que par humanité

CHAPITRE XXVII.

DES ORDRES ROYAUX DE CHEVALERIE.

(C'est-à-dire, ceux dont la création et les statuts sont dus à nos Souverains.)

L'origine des Ordres de Chevalerie régulièrement institués vient des associations religieuses qui se formèrent en Palestine, telles que celles des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, du Saint - Sépulcre et des Templiers, pour protéger et secourir tous les chrétiens qui venaient d'Occident, afin d'accomplir leurs vœux, et concourir à la défense de la foi. « A l'exemple de ces « personnages dévoués au service de Dieu dans les << fonctions militaires, les Princes, dit le P. Menestrier, << ont institué des Ordres de Chevaliers dévoués à leurs << personnes et à leur service, les engageant par ser<<ment à être leurs hommes-liges, et leur donnant, pour « marque et symbole de ce dévouement, un collier ou << un ruban sur l'épaule, ou une médaille sur la poitrine.>>

Ces Ordres réguliers, institués par les Souverains pour récompenser des services rendus à l'État, soit dans le civil, soit dans le militaire, étaient différens de l'Ordre de Chevalerie dont j'ai parlé précédemment, et Brantôme s'en explique ainsi : « François Ier, ne se vou<< lant pas contenter de l'Ordre de Saint-Michel, vou« lut, à la bataille de Marignan, être Chevalier de

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« Chevalerie par les mains du brave Chevalier Bayard, qui n'étoit que Chevalier de Chevalerie, et non de << l'Ordre encore, comme il le fut après. » Et Castelnau ajoute : « Dans l'ancienne Chevalerie, le titre de Che« valier était un honneur qui ne donnait aucun rang, << mais qui rendait les personnes si considérables, que « cela a donné lieu aux ordres de Chevalerie qui furent «< inventés dans la suite, pour mettre une distinction « entre les Chevaliers, à cause de la quantité qui s'en << était faite dans nos guerres avec les Anglais. >>

« Le premier Ordre royal de Chevalerie, dit Saint་ Foy, qu'il y ait eu en France a été celui des Chevaliers « de Notre-Dame de la noble Maison. Le Roi Jean « l'institua le 6 novembre de l'an 1351: cette noble « maison était son palais de Saint-Ouen, autrement dit Clichy, entre Paris et Saint-Denis. Les Chevaliers « devaient s'y rendre et s'y assembler chaque année, le « 15 août, fête de l'Assomption de la Vierge. On les appelait aussi les Chevaliers de l'Étoile, parce qu'ils

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portaient une étoile sur leur chaperon et sur leur << manteau; il y avait aussi, au centre de l'étoile, un « petit soleil d'or sur un fond d'azur ; chaque Chevalier portait au doigt un anneau autour duquel son nom et << son surnom étaient écrits; ils avaient pour habille<< ment de cérémonie un grand manteau rouge doublé de << menu-vair; sous ce manteau, une soutane ou tunique « blanche qui descer lait jusqu'aux pieds; leurs souliers << étaient d'étoffe d'or. Les principaux statuts portaient « que le Roi Jean, comme inventeur et fondateur de « l'Ordre, en serait le chef, ainsi qu'à l'avenir les Rois,

scs successeurs; qu'aucun des Chevaliers n'entrepren

<< drait un voyage lointain sans en avertir le chef; que

chaque Chevalier jurerait qu'autant qu'il serait en << son pouvoir, il aiderait le chef de ses conseils, ainsi « que d'armes et autres moyens; que celui qui serait « d'un autre Ordre le quitterait pour entrer dans celui«< ci, et que s'il ne le pouvait bonnement quitter, celui« ci serait toujours le premier. La plupart des historiens << disent que cet Ordre était déjà très-avili sous le règne « de Charles V, et qu'il continua de s'avilir au point << que Charles VII, pour l'abolir en quelque sorte, et « pour que personne ne se souciât plus de le porter, le <«< donna, en 1445, au capitaine du guet, et ordonna qu'à l'avenir ses archers porteraient une étoile sur <<< leurs casaques. D'autres soutiennent que Louis d'Or

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léans, fils de Charles V, le portait; que Charles VII, « en 1448, le donna au Prince de Navarre, Gaston de « Foix, son gendre, et que par conséquent cet Ordre << n'était point tombé dans l'avilissement; que d'ailleurs, « dès l'année 1254, dans une ordonnance de St. Louis, <«<le capitaine du guet était qualifié miles gueti; et

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qu'il est très-certain que miles était un titre trèsdistingué. Sans entrer dans cette discussion, je dirai << seulement qu'en étendant, par un des statuts, le « nombre des Chevaliers de l'Étoile jusqu'à 500, le << Roi Jean ôta presque tout l'éclat qu'il voulait donner << à cet ordre, et l'émulation qu'on aurait pu avoir pour << y entrer; qu'aussi ne voyons-nous point que Bertrand Duguesclin, Olivier de Clisson, Tanneguy du Châtel << et d'autres grands hommes, sous les règnes de Char«<les V, Charles VI et Charles VII, en aient été déco« rés: preuve très-certaine qu'ils ne s'en étaient pas

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« souciés. La marque de cet Ordre était une étoile << avec ces mots : Monstrant Regibus astra viam, fai«sant allusion à l'étoile qui conduisit les trois Rois à <<< Bethleem. »

L'ORDRE ROYAL DE SAINT-MICHEL est le premier des Ordres considérés comme de fondation royale; il fut institué le 1er août 1469, à Amboise, par le Roi Louis XI, qui en donna les statuts en soixante-six articles, auxquels il fit encore des additions le 22 décembre 1476. Charles IX en donna de nouveaux en 1565, et Henri III en 1574.

L'Ordre ne devait être composé que de trente-six gentilshommes de nom et d'armes; le Roi en était le Grand-Maître; les Chevaliers ne devaient point être retenus dans d'autres Ordres, à l'exception des Princes étrangers auxquels le Roi se réservait de le conférer.

Les Chevaliers ne pouvaient accepter de service ni de récompense des Princes étrangers sans la permission formelle du Roi; ils devaient professer la religion catholique, apostolique et romaine.

Cet Ordre fut en grande vénération sous Louis XI et ses successeurs, et on y comptait des Rois de Suède, de Danemarck, d'Écosse, l'Empereur Charles-Quint, Philippe II, son fils, et les Rois d'Angleterre, Henri VIII et Edouard VI. « La distinction d'en être, dit Brantôme, était si précieuse et si chère, que l'on a vu plusieurs gentilshommes et seigneurs obtenir plutôt une compagnie de gendarmes que le collier de SaintMichel, même attendre long-temps après; car ce n'était pas le tout de combattre, et de faire quelques petites prouesses, il en fallait faire quantité pour le mériter,

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