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Ce droit d'avoir ou de n'avoir pas les portraits de ses ancêtres, établissait même des catégories dans l'ordre de la noblesse, car ceux qui en avaient s'appelaient nobles, et ceux qui n'avaient que les leurs propres, étaient appelés hommes nouveaux.

Quant aux Chevaliers romains, ils formaient un ordre dans l'Etat, sous le nom d'equester ordo, et tenaient le second rang dans la république : ils durent aux Gracques l'importance dont ils furent investis, parce que ceux-ci en formèrent un ordre distinct, sous le nom de juges (judices), après avoir enlevé au sénat le droit d'administrer la justice. Les Chevaliers devenus juges, acquirent une nouvelle considération. On commença dès lors à les regarder comme un corps respectable; quoique, selon Pline, l'ordre des Chevaliers romains ne fût pas entièrement formé, et qu'il ne fit encore qu'une portion du peuple, mais élevée au-dessus de l'autre par le titre de juge. C'est là, pour ainsi dire, le berceau de l'ordre des Chevaliers romains, qui ne parvint à sa perfection que sous le consulat de Cicéron, qui, se faisant honneur d'y avoir pris naissance, profita de la conjuration de Catilina, pour donner encore plus d'importance à cet ordre.

Les Chevaliers romains, quoique distingués du peuple par le rang rang et par le nom, suivirent toujours, dans le gouvernement, les lois et la discipline du peuple; et les mots senatus populusque Romanus, si fréquens dans les inscriptions et dans les autres monumens, continuèrent de comprendre tous les Romains.

Ovide distingue deux sortes de Chevaliers romains; ceux qui l'étaient par leur naissance, et ceux qui le de

venaient par leur fortune et par leurs services. Ceux qui acquéraient la quantité de biens fixée pour soutenir le grade de Chevalier romain, obtenaient aussi ce titre par la nomination des Empereurs. Ailleurs, il se plaint que sa maîtresse lui préfère un Chevalier romain de nouvelle date, qui s'est enrichi dans le métier des armes, et qui a fait fortune par ses blessures; et, par une vanité commune à la noblesse de tous les siècles et de tous les peuples, il met le privilége de la naissance bien au-dessus de la distinction acquise par le service.

Nous trouvons, sous les Empereurs, des Chevaliers romains de diverses conditions. Les uns servaient entre les Chevaliers prétoriens, ou entre ceux qu'on appelait singulares, et qui faisaient partie de la garde du Prince, d'où ils passaient aux préfectures. Claude leur donnait des postes honorables; et l'ordre de promotion, qu'il avait établi pour eux, était d'abord le commandement d'une cohorte, ensuite celui d'une aîle, enfin le tribunat d'une légion. Galba, proclamé empereur en Espagne, choisit pour sa garde de nuit des Chevaliers romains à qui il donna le nom d'Evocati.

par

A chaque lustre, les censeurs passaient en revue les Chevaliers, en les appelant chacun leur nom; et s'ils n'avaient pas le revenu marqué par la loi pour tenir leur rang, equester census, que quelques-uns fixent à dix mille écus, ou, s'ils menaient une conduite peu réglée, les censeurs les rayaient du catalogue des Chevaliers, leur ôtaient le cheval, et les faisaient passer à l'ordre des plébéiens. On les cassait aussi, mais pour un temps, lorsque, par négligence, leurs chevaux parais

saient en mauvais état.

Lorsqu'ils parvenaient à la dignité de sénateurs, la république leur donnait et entretenait, pour le service militaire, un cheval tout équipé.

La marque de leur ordre était une robe à bandes de pourpre (peu différente de celle des sénateurs), et l'anneau d'or, avec une figure ou emblême gravé sur une pierre, sinon précieuse, du moins de quelque prix.

Quand un Romain avait la noblesse et les biens nécessaires pour être promu à l'ordre de la Chevalerie, il s'adressait au censeur, qui jugeait de ceux qui méritaient de passer à cet honneur, et les faisait inscrire in album equitum, privilége qu'on n'accordait qu'aux seuls Chevaliers romains et non aux étrangers. Le censeur leur donnait un cheval, aux dépens du public; mais ils étaient obligés de l'enharnacher et de le nourrir. Plusieurs auteurs ajoutent qu'on leur donnait encore des demi-piques dorées ou argentées, hasta puræ, avec des boucliers ronds. C'était ordinairement à l'âge de vingt-un ans qu'ils en étaient investis.

Mais, dans la suite, la plus haute dignité attachée à cet ordre fut celle de Préfet du prétoire. Une loi de Valentinien Ir leur donne rang immédiatement après les Clarissimes.

Divers auteurs ont formé plusieurs classes de Chevaliers romains, et ont rejeté dans la dernière ceux qui, sortis de la classe du peuple et même des esclaves, avaient acheté cette dignité pour arriver au maniement des deniers publics et à l'administration des fermes générales. Arnobe, lib. 4, Adversus gentes, dit à cette

occasion: Pecunia dabat annulos, et priora loca in spectaculis; et Statius, se plaignant de cet abus, disait d'un esclave fait noble et Chevalier :

Mutavitque genus, lavæque ignobile ferrum
Exuit, et celso natorum æquavit honore.

Il est vrai qu'en divers temps l'ordre des Chevaliers déchut beaucoup de son ancienne splendeur. On accordait trop facilement l'honneur de la Chevalerie, et le privilége de porter l'anneau d'or à des personnes de tout état. On sait qu'à la bataille de Cannes, où PaulÉmile perdit la vie, avec quarante mille hommes, se trouva également engloutie toute la fleur de la noblesse et des chevaliers romains, flos equestris ordinis; et qu'Annibal envoya à Carthage trois boisseaux d'anneaux de chevaliers; ce qui a fait présumer qu'une aussi grande quantité de ces insignes n'avaient pu être accordés aux seules familles nobles, mais bien aussi à des hommes de guerre d'extraction plébéienne. C'est des pierres qu'on employait à ces anneaux que nous sont venues toutes les pierres gravées qui font aujourd'hui l'ornement des cabinets des antiquaires.

Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il existait à Rome une classe de Chevaliers qui était formée par les hommes les plus distingués par leur naissance et leur fortune, et qui se consacraient particulièrement et spécialement à la guerre, en maintenant les droits de la république par l'exercice et la profession des armes. Il fallut même que cette chevalerie fût bien estimée parmi ces maîtres du monde, puisque l'empereur Marcien ne crut pas devoir prendre la pourpre impériale, qu'il n'eût

auparavant reçu l'honneur de la Chevalerie; et que Tibère honora de cette dignité Drusus, son fils, ainsi que Titus et Claude Germanicus, ses neveux.

Quand les jeunes Césars étaient faits Chevaliers, ils prenaient le titre de Princes de la jeunesse, parce que c'était dans leur jeunesse que ces Chevaliers étaient armés. Caïus, qui fut adopté par Auguste, est le premier qui fut honoré de ce titre d'honneur.

On qualifiait aussi du titre de Prince des Chevaliers celui que le censeur mettait à la tête du catalogue des Chevaliers: Princeps equestris ordinis dicebatur is, quem censores primo loco scripserant in equitum tabulis, sive catalogo. On donnait le nom d'apprentissage à cette Chevalerie, parce que c'était de ce corps des Chevaliers que l'on passait à celui du sénat, dont les Césars devenaient les Princes quand ils étaient faits empereurs, comme ils avaient été les Princes de la jeunesse, ou du corps des Chevaliers, étant Césars.

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y avait une autre sorte de Chevaliers romains qu'on appelait Equites singulares. L'emploi de ces Chevaliers était d'accompagner l'Empereur à la guerre, et d'être toujours à sa gauche pendant le combat, comme les prétoriens se tenaient à sa droite.

Le cercle perlé et les éperons dorés faisaient la distinction des Chevaliers ès-lettres, et l'anneau d'or celle des Chevaliers d'armes. Caligula leur permit encore de porter des clous d'or sur leur robe; ils devaient pourtant être différens de ceux qui faisaient l'ornement de celle des sénateurs.

Mais, dans la suite et après les douze Césars, la noblesse et la Chevalerie romaines changèrent de face; on

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