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Dans le Parlement tenu le 9 décembre 1378, à l'occasion de ce même procès, la Duchesse d'Orléans s'excusa par lettre de ne pouvoir s'y trouver; mais elle assista, en 1386, à l'assemblée des Pairs, et se joignit à ceux qui contestaient au Roi le droit d'être juge dans leurs causes où ce prince était partie. On assure que cette princesse fit paraître plus d'ardeur que les Pairs mêmes à soutenir cette contestation et à s'opposer à la volonté du Roi.

Jeanne, fille de Raymond, Comte de Toulouse, prêta le serment, et rendit, en personne, foi et hommage au Roi, de cette Pairie.

Ducange nous a conservé un jugement de l'an 1220 où l'on voit une femme et sa fille au nombre des JugesPairs d'une cour féodale: Præsentibus et ad hoc vocatis hominibus meis paribus, videlicet D. Willelmo de Brute milite, Johanne Clerico Hugone, clavet de Hovel, sacra Esblousavede et filia ejus majorissa qui pares à me et à Domino suo propter hoc adjurati, judicaverunt.

Mais ces droits des Pairs femelles ne durèrent pas long-temps. On distingua, avec raison, la possession, d'une Pairie de l'exercice des fonctions de Pairs une femme pouvait encore posséder une Pairie; mais elle ne pouvait plus exercer les fonctions de Pair, qui était un office viril, dont la principale fonction consistait en l'administration de la justice.

Nos Rois continuèrent bien à ériger des duchés ou comtés-pairies en faveur des femmes, mais sans leur donner le droit d'exercer personnellement l'office de

Pair.

Le comté de Blois, au mois de juin 1399, fut érigé en Pairie par Charles VI, en faveur de Valentine de Milan, mariée à Louis, Duc d'Orléans.

François Ier, en 1538, érigea le comté de Nevers en Duché-Pairje, dont il honora Marie d'Albret.

Charles IX accorda le même honneur à Sébastien de Luxembourg et à ses hoirs mâles et femelles, lorsqu'en 1569 il décora le comté de Penthièvre du titre de Duché-Pairie. La même année, au mois de septembre, la principauté de Mercœur fut créée Duché - Pairie en faveur de Nicolas de Lorraine, Comte de Vaudémont, et de ses hoirs mâles et femelles.

Le Roi Louis XII, qui n'avait point d'enfant mâle, avait érigé, au mois de février 1505, le comté de Soissons en Pairie. Cette érection se fit en faveur de Claude de France, fille aînée de ce prince, depuis femme du Roi François Ier. Les lettres de cette pairie furent vérifiées au parlement; elles déclarent habiles à la posséder les héritiers de cette princesse, tant mâles que femelles, tant en ligne directe que collatérale.

Il est hors de mon sujet de fournir l'énumération de ces sortes d'érections, qui furent portées à un nombre assez considérable; il me suffira de dire que si les femmes possédèrent, dans la suite, des Pairies, elles cessèrent de faire les fonctions de Pairs, et que le parlement adressa des remontrances au Roi, pour demander à S. M. que ces Pairies fussent éteintes.

Le chancelier d'Aguesseau dit, à l'occasion de ces Pairies féminines: «On commençait alors à rentrer << dans l'ancien esprit de masculinité, qui est pour ainsi, « dire, l'ame des Pairies, et qui avait été comme éclipsé

« par l'abus, toléré pendant plus d'un siècle, << tre les filles aux fonctions de la Pairie. >>

d'admet

Louis XIV, ayant depuis regardé ce genre de pairie comme un abus, décida, dans l'édit de 1711, que cette pairie ne donnerait rang aux maris des femmes qui en hériteraient, que du jour où on leur accorderait de nouvelles lettres-patentes, encore était-il nécessaire que les femmes obtinssent l'agrément du Roi pour leur mariage, sans quoi elles étaient déchues des priviléges de leur pairie. Cet édit de Louis XIV est conforme à l'usage observé dans les onzième, douzième et treizième siècles, au sujet des fiefs dont les filles héritaient : elles ne pouvaient se marier sans le consentement du Roi, lorsque ces fiefs relevaient immédiatement de la couronne, ou sans l'agrément du seigneur qui en avait la mouvance.

CHAPITRE V.

DES DUCS.

La dignité de Duc est une dignité romaine créée par les Empereurs; elle tire son nom des mots ducere, ducendo, dux, qui signifient conduire, commander. Les premiers Ducs étaient les Ductores exercituum, c'est-àdire, les commandans d'armée. Sous les derniers Empereurs romains, les lieutenans des Césars furent ap

pelés Ducs (Duces), ainsi

que

vinces.

les gouverneurs des pro

On trouve treize ducs pour l'empire d'Orient, et douze pour l'empire d'Occident.

Ceux de l'empire d'Orient furent pour la Lybie, l'Arabie, la Thébaïde, l'Arménie, la Phénicie, la Mosie seconde, l'Euphrate et la Syrie, la Scythie, la Palestine, la Ducie, l'Oroshéne, la Mosie première, la Mésopotamie.

Ceux de l'empire d'Occident furent pour la Mauritanie, la Séquanique, la Tripolitaine, l'Armorique, la Pannonique première, la Pannonique seconde, l'Aquitanique, la Valerie, la Belgique première, la Belgique seconde, la Rhétie, la Grande-Bretagne.

Cassiodore fait mention d'un Duc de la Marche Rhéthique (pays des Grisons), et sous le règne de Constantin-le-Grand, on trouve un Duc de la province séquanaise, un Duc de la province germanique, un Duc de Mayence, un Duc de la seconde Belgique, etc., etc. Les Francs, pour flatter le peuple gaulois, accoutumé depuis long-temps à cette forme de gouvernement, divisèrent toute la Gaule en Duchés et en Comtés, et donnèrent le nom tantôt de Ducs, et tantôt de Comtes, aux gouverneurs des provinces. On retrouve encore de ces Ducs sous le règne de Chilpéric 1er, en 572.

Il y avait des Ducs dont le pouvoir était bien plus étendu que celui des autres, car quelques-uns avaient sous leur gouvernement plusieurs provinces, quoiqu'ordinairement chaque Duc ne dût en avoir qu'une. Ils avaient avec eux des Comtes, appelés en latin Comites (compagnons), qui leur étaient donnés pour être comme

leurs adjoints pour rendre la justice; mais, en l'absence des Ducs, ils avaient souvent l'autorité de commander les troupes et les provinces où ils étaient établis. Le Duc et le Comte étaient les deux premiers magistrats de chaque province; le Duc se mêlait plus spécialement des affaires militaires, et le Comte des affaires civiles. Dans la suite ce fut un Évéque qu'on donna au Duc pour le soulager dans l'administration du civil, et le Comte était chargé de le seconder dans les affaires militaires.

Il y avait aussi des Ducs des frontières, Duces limitum, dont l'autorité était bornée au commandement de quelques troupes, et qui n'avaient pas le droit de s'immiscer dans l'administration des provinces.

Les Ducs avaient, non-seulement, la conduite des armées et le gouvernement des provinces, mais ils avaient le droit d'asseoir, de lever les impôts, et de percevoir les deniers royaux, comme étant les premiers officiers du Roi.

Les Ducs et les Comtes des provinces portaient l'épée, comme symbole du droit de vie et de mort qu'ils exerçaient; ils condamnaient à la prison pour les crimes qui ne méritaient pas un châtiment plus rigoureux. Ils faisaient la grande police dans leur gouvernement, donnaient la chasse aux brigands, et prêtaient main forte aux juges subalternes, lorsque ceux-ci n'étaient pas en état de contraindre les délinquans; la raison en était qu'ils avaient des troupes réglées à leurs ordres; ils les commandaient pendant la guerre, et les régissaient pendant la paix. Ils étaient également les juges des Romains et des Barbares, des soldats et des provinciaux;

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