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souveraine, lui faisaient trouver dans une parfaite soumission la liberté, dans une prompte obéissance, le bonheur. En sorte qu'en lui pensée, affection, volonté, tout s'unissait en une sainte harmonie à la gloire de Celui qui l'avait créé en justice et en sainteté véritable. » Harmonie dans toutes les parties de son être où étaient inconnus, et les combats intérieurs des passions, et les révoltes secrètes du cœur, et les souffrances du remords, et l'amertume du péché. · Harmonie avec son Dieu dont la volonté était sa volonté, dont l'amour était son amour, dont la communion faisait son culte et sa vie. -Harmonie avec le monde extérieur où la terre, bénie de Dieu, fécondée du souffle de l'Éternel, offrait à l'homme ses trésors précieux, sans que de rudes travaux les dussent arracher avec peine du milieu des épines et des ronces,-où des milliers d'êtres vivans servaient l'homme pour qui ils avaient été créés, et qui les aimait à son tour comme l'ouvrage de son Père céleste, où tout enfin s'unissait pour faire monter vers le trône de l'Éternel un hymne de louanges et d'actions de grâces. Harmonie même dans les facultés physiques de l'homme, où les maladies et la mort n'avaient point encore apporté leurs ravages et leur cortége de douleurs et d'agonie. Harmonie enfin entre l'état de l'homme, ses nobles facultés et la destination que Dieu lui avait assignée, celle de contribuer à sa gloire et d'être heureux lui-même. « Vis, glorifie-moi et sois heureux, » lui avait dit

le Créateur en lui donnant l'être; et l'homme vivait, glorifiait son Dieu et était heureux, heureux du bonheur de l'innocence et de la sainteté, heureux de ce sentiment si doux de l'existence dont rien encore n'avait troublé le charme, heureux de la faveur et de la communion de son Dieu, heureux du bonheur que Dieu donne!

Mes frères, je m'arrête. Arrivé à ce point de notre méditation nous avons senti nos yeux se mouiller de larmes, la tristesse a rempli notre cœur. Il nous semblait qu'il nous fallait une seconde fois quitter Éden, où nos pensées s'étaient délicieusement arrêtées, et jeter nos regards sur une terre que l'Éternel a maudite. O saintes jouissances du premier homme! vie de l'innocence et du bonheur ! sainteté véritable! image de mon Dieu! où êtes-vous? Où mon âme altérée de sanctification et de bonheur s'envolera-t-elle pour vous retrouver? O homme ! où est la gloire dont l'Éternel avait orné ton front?

Ah! mes frères, pour peu que nos pensées et nos affections ne soient pas entièrement courbées vers la terre, pour peu qu'il reste à notre cœur un noble soupir à exhaler vers notre première patrie du sein de cet exil où nous vivons, comment ne trouverions-nous pas à chaque instant mille tristes raisons de déplorer les malheurs des enfans d'Adam, avec plus d'amertume et plus de larmes que

le prophète de la captivité n'en répandit jamais sur les ruines de sa patrie et de son peuple! Quelle comparaison à établir entre le roi de la création primitive et l'homme actuel, entre Éden et cette « vallée de larmes! » — J'ai parlé de l'intelligence du premier homme, intelligence lumineuse et simple, toujours éclairée de la volonté de son Dieu, toujours remplie de la pensée de son Créateur, noble reflet des perfections divines, gloire et ornement de la créature; - et je ne vois plus chez l'homme du monde (car remarquez bien que j'excepte ici tout ce que Dieu a fait pour reproduire son image dans le cœur de ses enfans), je ne vois plus qu'une intelligence obscurcie de ténèbres», des hommes « éloignés de la vie de Dieu, à cause de l'ignorance qui est en eux par l'endurcissement de leur cœur1» ; je ne vois plus qu'un être encore intellectuel, il est vrai, mais « destitué d'intelligence 2» quant aux choses qui concernent son éternité, mais dominé par les sens, les passions et la matière, mais «préférant les ténèbres à la lumière, parce que ses œuvres sont mauvaises 3» ; je ne vois plus, partout où Dieu, dans sa grande miséricorde, n'a point fait briller une lumière surnaturelle, que les ténèbres d'une dégradante idolâtrie. L'ornement et la beauté de l'homme est devenue son ignominie. J'ai parlé de cette simplicité noble et pure qui rendait l'homme attentif

1

(1) Ephes. 4, 18. (2) Rom. 1, 21, — (3) Jean 1.

3,

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et soumis à la voix de son Dieu ;- et je ne vois plus que des êtres devenus vains dans leurs discours1», remplis de pensées d'orgueil, de systèmes d'erreur qui s'entre-détruisent, d'une incrédulité prétentieuse qui rend l'homme rebelle à la voix de son Dieu là même où il ne peut pas ne pas l'entendre. J'ai parlé de la droiture, de cette justice pratique qui devait être aussi naturelle à l'homme que la vie même ; et je ne vois plus dans l'histoire de l'humanité qu'injustice, que violences, qu'iniquités, depuis le conquérant superbe qui triomphe de ses rapines et des ravages qu'il a portés chez ses voisins, et le riche puissant qui foule la veuve et l'orphelin et se gorge de leurs dépouilles, jusqu'à l'homme obscur qui, par l'envie, la médisance, la fraude, cherche à se venger de ceux qui l'oppriment, et fait peser la même tyrannie sur ceux qui dépendent de lui. — J'ai parlé d'affections pobles et pures, dont Dieu était l'objet, d'un amour qui était pour l'homme la source de l'obéissance, du bonheur et de la sainteté véritable;

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et je ne vois plus, dans un monde << ennemi de Dieu », que des affections impures, détournées de leur destination et qui se font une idole de tout ce à quoi elles s'attachent; des affections qui ont intronisé dans le cœur de l'homme l'égoïsme et l'orgueil, et qui deviennent le plus souvent des passions impétueuses qui se plaisent à souiller leur

(1) Rom. 1, 21.

objet. Hélas! ces affections qui bouillonnent encore dans le cœur de l'homme, au lieu d'être, comme dans l'atmosphère d'Eden, un principe puissant d'obéissance, de dévouement, de sainteté, ne sont-elles pas devenues un mobile de révolte contre Dieu, d'oubli de son nom et de sa gloire, ⚫ de mépris de sa volonté, et la source de souillures qu'on n'oserait pas même nommer? Nobles affections! doux besoin d'aimer ! don précieux de mon Dieu, oh! pourquoi êtes-vous souvent, même dans le cœur de ceux qui ont appris à connaître le Dieu de sainteté et qui s'efforcent de recouvrer son image, un piége dangereux, un subtil ennemi qui transforme en idole ce que Dieu permettait d'aimer, et qui sème la malédiction et l'amertume « là où l'Éternel avait ordonné la bénédiction et la vie à toujours! J'ai parlé d'harmonie, d'harmonie de l'homme avec lui-même ; et je ne vois plus que déchiremens, que lutte de mille passions diverses, de mille intérêts différens, qui se disputent son cœur, et en font une malheureuse victime de leur tyrannie, tellement que ceux-là même qui soupirent après la délivrance et la sainteté, se trouvent engagés dans un combat qui ne finit qu'avec leur vie. J'ai parlé d'harmonie de l'homme avec son Dieu; et je ne vois plus qu'éloignement, qu'inimitié, qu'orgueil téméraire ou que crainte servile; d'harmonie de l'homme avec le monde extérieur;

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et je ne vois plus dans le roi de la création qu'un être faible, gagnant à la sueur de son front un pain

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