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veut croire, ni presque même si elle veut être chrétienne; puisqu'elle embrasse une indifférence, qui selon M. Jurieu ne tend à rien de moins qu'à renverser le christianisme. En effet, quoi qu'il puisse dire de ce petit nombre de théologiens défenseurs d'Episcopius, le nombre en est assez grand pour faire penser à une infinité de gens, qui en ont assuré M. Jurieu, que l'Angleterre ne faisoit point de façon de déclarer son indifférence, et de tirer les Sociniens du nombre des hérétiques.

X.

Progrès de mal dans les

ce même

Unies, selon

Voilà pour ce qui regarde l'Angleterre, où l'on voit que les dispersés indifférens ont trouvé le champ assez libre voyons ce qu'ils auront trouvé en Hollande. « Ils ont abusé, dit notre Provinces» ministre (1), de la tolérance politique qu'on le même mi» avoit ailleurs pour les différentes sectes » : nous nistre. entendons ce langage et la liberté de ces payslà, qui a fait dire, comme on vient de voir, à M. Jurieu que est plein d'Indifférens dans ces provinces (2). M. Basnage n'en a pas moins tlit, puisqu'il nous assure que l'hérétique n'a rien à craindre dans ces bienheureuses contrées (3): et sans besoin d'édits pour s'y maintenir, tout y est tranquille pour lui. Mais cette tolérance politique, prétend que les dispersés ont abusé, va bien plus loin qu'on ne pense; puisque, selon M. Jurieu (4), ceux qui l'établissent «< ne vont pas » à moins qu'à ruiner les principes du véritable

dont on

(2) Droits des deux Souver. Préf. ci· (3) Başn. T. 1, c. 6, p. 492. — (4) Tab. Lett. vii,

(1) Tab. Lett. 1, p. 8. dessus, n. 7.

p. 369.

XI.

Liaison de

>> christianisme...... à mettre tout dans l'indiffé

>>

» rence, et à ouvrir la porte aux opinions les plus >> libertines » ce que le même ministre confirme en ajoutant un peu après (1), que « par-là on » ouvre la porte au libertinage, et qu'on veut se frayer le chemin à l'indifférence des religions ». Ainsi la tolérance civile, c'est-à-dire, l'impunité accordée par le magistrat à toutes les sectes, civile avec dans l'esprit de ceux qui la soutiennent est liée l'ecclésiasti- nécessairement avec la tolérance ecclésiastique; l'indifféren- et il ne faut pas regarder ces deux sortes de toce des reli- lérances comme opposées l'une à l'autre, mais la gions, selon dernière comme le prétexte dont l'autre se cou

la tolérance

que et avec

M. Jurieu.

vre. Si on se déclaroit ouvertement pour la tolérance ecclésiastique, c'est-à-dire, qu'on reconnût tous les hérétiques pour vrais membres et vrais enfans de l'Eglise, on marqueroit trop évidemment l'indifférence des religions. On fait donc semblant de se renfermer dans la tolérance civile. Qu'importe en effet à ceux qui tiennent toute religion pour indifférente, que l'Eglise les condamne? Cette censure n'est à craindre qu'à ceux qui ont des Eglises, des chaires, ou des pensions ecclésiastiques à perdre : quant aux autres Indifférens, pourvu que le magistrat les laisse en repos, ils jouiront tranquillement de la liberté qu'ils se donnent à eux-mêmes, de penser tout ce qu'il leur plaît, qui est le charme par où les esprits sont jetés dans ces opinions libertines. C'est pourquoi ils font tant de bruit, lorsqu'on excite contre eux le magistrat : mais leur dessein véri(1) Tab. Lett. viii, p. 402.

table est de cacher l'indifférence des religions sous l'apparence miséricordieuse de la tolérance civile.

C'est ce qui fait dire à M. Jurieu, « que de » tous les voiles derrière lesquels se cachent les » Indifférens, le dernier et le plus spécieux c'est >> celui de la tolérance civile (1) ». Elle ne fait donc pas, encore un coup, dans la Réforme un parti opposé à celui de l'indifférence des religions, mais le voile sous lequel se cachent les Indifférens, et le masque dont ils se déguisent.

XII.

Mais si cela est, comme il est certain, et que le ministre le prouve par des argumens démon- Nombre imstratifs (2), on peut juger combien est immense

mense des défenseurs

selon M. Ju

le nombre des Indifférens dans la Réforme; puis- de la toléqu'on y voit les défenseurs de la tolérance civile rance civile, se vanter publiquement qu'ils sont mille contre rieu. un (3). Et que ce ne soit pas à tort qu'ils s'en glorifient, l'embarras de M. Jurieu me le fait croire : car écoutons ce qu'il leur répond: «< Ils se font, » dit-il (4), un plaisir de voir je ne sais combien » de gens qui paroissent les flatter; et cela leur » fait dire qu'ils sont mille contre un mais de» puis quel temps et en quel pays? Je leur sou>> tiens qu'avant les Sociniens et les Anabaptistes, » il n'y a pas eu un seul docteur de marque qui » ait appuyé leur sentiment ». Il ne s'agit pas de savoir ce qu'on pensoit sur la tolérance avant les Sociniens et les Anabaptistes; c'est-à-dire, si je ne me trompe, avant que le nombre en fût grossi

(1) Tab. Lett. vIII, art. 1, p. 398. —- '2) Ibid. et suiv. 475, 495. — (4) Ibid.

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(3) Ibid.

XIII.

la même cho

France en

au point qu'il est : il s'agit de répondre, s'il est vrai que les Tolérans soient aujourd'hui mille contre un, comme ils s'en vantent: le ministre n'ose le nier, et ne s'en tire qu'en biaisant. « Nous » sommes, disent-ils, mille contre un : c'est, ré

pond-il (1), une fausseté; et je ne connois pas » de gens fort distingués qui soient dans ce sen>>> timent ». Quelque beau semblant qu'il fasse, et malgré le démenti qu'il leur donne, il biaise encore les Indifférens qu'il attaque se vantent, à ce qu'il dit, de la multitude, et il leur répond sur les gens de marque, sur la distinction des personnes. Mais si on lui demandoit comment il définiroit ces gens distingués, il biaiseroit encore beaucoup davantage; et on ne voit que trop, quoi qu'il en soit, que l'indifférence prend une force invincible dans la Réforme, et que c'est là ce torrent impur auquel M. Jurieu s'oppose en vain.

Mais les actes du synode Vallon, tenu à AmPreuve de sterdam le 23 août et les jours suivans de l'an se par une 1690, achèvent de démontrer combien ce torrent lettre des ré- est enflé et impétueux. Trente-quatre ministres fugiés de de France réfugiés en Angleterre se plaignent à Angleterre ce synode « du scandale que leur causent ces miau synode » nistres réfugiés, qui, étant infectés de diverses d'Amsterdam de l'an- » erreurs, travaillent, disent-ils (2), à les semer née derniè- » parmi le peuple. Ces erreurs, poursuivent-ils, >> ne vont à rien moins qu'à renverser le christia»nisme; puisque ce sont celles des Pélagiens et

re.

(1) P. 558. (2) Lettres écrites au Syn. d'Amst. par plus.' Min. réfug. à Londres. Tab. Lett. vii, p. 559.

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>> des Ariens, que les Sociniens ont jointes à leurs systêmes dans ces derniers siècles ». On voit qu'ils parlent en mêmes termes que le ministre Jurieu, et qu'ils reconnoissent comme lui la ruine du christianisme dans ces erreurs. Mais le reste s'explique encore beaucoup mieux. « Il y en a, >> continuent-ils, qui soutiennent ouvertement » ces erreurs : il y en a d'autres qui se cachent >> sous le voile d'une tolérance sans bornes. Ceux-ci » ne sont guère moins dangereux que les autres; >> et l'expérience a fait voir jusqu'ici que ceux » qui ont affecté une si grande charité pour les >> Sociniens, ont été Sociniens eux-mêmes, ou » n'ont point eu de religion ». Enfin le péril est si grand, << et la licence est venue à un tel point, » qu'il n'est plus permis aux compagnies écclésiastiques de dissimuler, et que ce seroit rendre » le mal incurable que de n'y apporter que des >> remèdes palliatifs

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».

Il ne faut donc plus cacher l'état triomphant où l'indifférence, qui est une branche du socinianisme, se trouve aujourd'hui dans la Réforme sous le nom et sous la couleur de la tolérance; puisque les ministres qui sont à Londres crient à ceux qui sont en Hollande, qu'il est temps d'en venir aux derniers remèdes et ce qu'il y a de plus remarquable dans leur plainte, c'est que nous ne voyons point, dans cette lettre de Londres, la souscription de plusieurs ministres des plus fameux que nous connoissons: on sait d'ailque ces trente-quatre qui ont signé la lettre

leurs

ne font qu'une très-petite partie des ministres ré

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