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Je ne saurois assez vous exprimer et ma joie et ma reconnoissance sur la bonté que vous avez d'accepter la demande que j'ai pris la liberté de vous faire je vous obéirai, monseigneur, avec une extrême exactitude. J'accepte les conditions; et j'espère, avec la grace de Dieu, que vous serez content, monseigneur, de mon obéissance, s'il plaît à Dieu. Si j'osois, je vous demanderois une grace, pour éviter toutes sortes d'inconvénients; qui seroit, monseigneur, que vous eussiez la bonté de me confesser* lorsque vous serez à Meaux : vous verriez par-là tout mon cœur, et je ne serois point exposée à un confesseur qui peut être gagné. C'est une pensée qui m'est venue, que je soumets néanmoins à tout ce qu'il vous plaira d'en ordonner. Pour le nom, ce sera, s'il vous plaît, celui de La Houssaye. J'attends l'obédience incessamment, et je partirai sans retarder, sitôt que je l'aurai reçue; n'ayant point de plus forte inclination que de vous marquer et mon profond respect et ma parfaite soumission.

**

A la fin de décembre 1694.

J'attendrai aussi vos ordres, monseigneur, pour la communion : je ne communierai qu'autant qu'il vous plaira.

* Bossuet ne lui accorda pas sa demande. « Je ne me suis,

» dit-il, dans sa Relation, sect. 11, n. 2, jamais voulu char ger, ni de confesser ni de diriger cette dame, quoiqu'elle me > l'ait proposé; mais seulement de lui déclarer mon sentiment

» sur son oraison, et sur la doctrine de ses livres. »

**Cette lettre, comme on voit, fut écrite vers le temps où madame Guyon partit de Paris pour Meaux. Elle entra aux Filles de la Visitation de cette ville, le 13 de janvier 1695, et elle en sortit le 12 de juillet suivant. Elle ne fut connue dans ce couvent que sous le nom de madame de La Houssaye; voyez la

Relation, sect. III, n. 18.

LETTRE XXIV.

DE L'ABBÉ de Fénelon a BOSSUET

Il lui témoigne le plus grand empressement pour être instruit, s'il s'est trompé, et le prie de ne s'arrêter à aucunes considérations humaines.

Je vous ai déja supplié très humblement, monseigneur, de ne retarder pas d'un seul moment, par considération pour moi, la décision qu'on vous demande. Si vous êtes déterminé à condamner quelque partie de la doctrine que je vous ai exposée par obéissance, je vous conjure de le faire aussi promptement qu'on vous en priera. J'aime autant me rétracter aujourd'hui que demain, et même beaucoup mieux; car le plus tôt reconnoître la vérité et obéir est le meilleur. Je prends même la liberté de vous supplier de ne regarder point à me corriger, par une trop grande précaution. Je n'ai point besoin de longue discussion pour me convaincre. Vous n'avez qu'à me donner ma leçon par écrit : pourvu que vous m'écriviez précisément ce qui est la doctrine de l'Église, et les articles dans lesquels je m'en suis écarté, je me tiendrai inviolablement à cette règle.

grec,

Pour les difficultés sur l'intelligence exacte des passages des auteurs, épargnez-vous la peine d'entrer dans cette discussion. Prenez la chose par le gros, et commencez par supposer que je me suis trompé dans mes citations. Je les abandonne toutes. Je ne me pique ni de savoir le ni de bien raisonner sur les passages: je ne m'arrête qu'à ceux qui vous paroîtront mériter quelque attention. Jugez-moi sur ceux-là; et décidez sur les points essentiels, après lesquels tout le reste n'est presque plus rien, et ne mérite pas l'inquiétude où l'on se trouve. Si vous étiez capable de quelque égard humain (ce que je n'ai garde de vous imputer); ce ne seroit pas de vouloir me flatter contre le penchant de ceux qui ont la plus grande autorité. Au contraire, il seroit naturel de craindre que vous auriez quelque peine à me justifier contre la prévention de tout ce qu'il y a en ce monde de plus considérable. Bien loin de craindre cet inconvénient, je crains celui de votre charité pour moi. Au nom de Dieu, ne m'épargnez point; traitez-moi comme un petit écolier, sans penser ni à ma place, ni à vos anciennes bontés pour moi. Je serai toute ma vie plein de reconnoissance et de docilité, si vous me tirez au plus tôt de l'erreur. Je n'ai garde de vous proposer tout ceci, pour vous engager à une décision précipi

Bossuet a inséré dans sa Relation, sect. III pag. 553, etc., la majeure partie de cette lettre.

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n. 7 et 8,

tée, aux dépens de la vérité. A Dieu ne plaise! | si éminent? Je ne demande pas qu'on décide

je souhaite seulement que vous ne retardiez rien pour me ménager.

Ce 26 janvier 1695.

LETTRE XXV.

DE L'ABBÉ DE fénelon a bOSSUET.

Il le prie de retrancher de l'un des Articles dressés à Issy une assertion qu'il ne croit pas pouvoir souscrire par persuasion.

pour cet état, ni qu'on explique l'oraison pas-
sive, puisque vous ne le voulez pas. Je conviens
même que Dieu peut obliger en quelque occa-
sion une belle ame à s'exciter, pour la tenir plus
dépendante; car je ne donne point de règles à
Dieu. Mais je voudrois qu'on ne décidât rien là-
dessus. Je veux, encore plus que tout le reste,
me soumettre.

Dimanche, 6 mars 1693.

LETTRE XXVI.

DE L'ABBÉ de Fénelon A BOSSUET.

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Sur quelques passages des mystiques, dont il s'autorisoit,
et sur l'excitation qu'il excluoit dans l'état de quiétude.

Je croyois, monseigneur, aller hier au soir
chez vous, et recevoir vos ordres pour aujour-
d'hui; mais je ne fus pas libre. Je comprends,
par votre dernier billet, que vous ne comptez
pas que j'aille aujourd'hui à Issy, et que vous ne
souhaitez que j'y aille que jeudi pour la conclu-
sion. Mandez-moi, s'il vous plaît, si j'ai bien

Je prends la liberté, monseigneur, de vous supplier de ne mettre point dans les copies ce que vous aviez mis d'abord sur un état où l'on ne s'excite plus, qui est que les auteurs de la vie spirituelle n'en ont jamais parlé. Je me soumettrai là-dessus comme sur tout le reste; mais je vous supplie de considérer que je ne puis, dans ma situation présente, souscrire par persuasion à cet endroit; car je me souviens trop bien que madame de Chantal consultant saint François de Sales sur tous les actes les plus essentiels à la religion chrétienne et au salut, qu'elle assure ne pouvoir faire en la manière dont on les fait dans la grace commune, il lui répond décisive-compris. Je ferai tout ce que vous voudrez, sans ment de ne les plus faire « qu'à mesure que >> Dieu l'y excitera, et de se tenir active ou pas» sive, suivant que Dieu la fera être. » Il est, ce me semble, évident que ces dernières paroles ne peuvent signifier qu'elle soit tantôt dans l'état passif et tantôt dans l'actif; mais seulement qu'elle fasse des actes distincts ou n'en fasse pas, et demeure en quiétude, suivant que Dieu l'y portera. Voilà sa dernière décision, pour elle et pour ses semblables; il finit en disant : « Ne >> vous en divertissez jamais. » Vous jugez peutêtre, monseigneur, que cette règle ne regarde que l'oraison : c'est ce qui me paroît se réduire à une question de nom.

réserve à l'extérieur et à l'intérieur. Pour le
bienheureux Jean de la Croix et pour saint
François de Sales, j'écouterai avec docilité les
endroits dont vous me voulez instruire; mais
il faut observer bien des circonstances. Si vous
aviez la bonté de m'indiquer ces endroits par
avance, je les examinerois à loisir, sans envie
de les éluder ni de disputer.

Pour l'excitation que j'exclus, elle ne regarde qu'un nombre d'ames, plus petit qu'on ne sauroit s'imaginer. Je n'exclus qu'un effort qui interromproit l'occupation paisible. Je ne l'exclus qu'en supposant dans l'entière passiveté une inclination presque imperceptible de la grace, qui est seulement plus parfaite que celle que vous admettez à tout moment dans la grace commune. Je ne l'exclus qu'en supposant que cette libre quiétude est accompagnée de fréquents actes distincts qui sont non excités; c'est-à-dire, auxquels l'ame se sent doucement inclinée, sans avoir besoin d'effort contre ellemême. Faute de ces signes, la quiétude me seroit d'abord suspecte d'oisiveté et d'illusion. Quand ces signes y sont, ne font-ils pas la sûreté? Et que demandez-vous davantage? Pourvu que les actes distincts se fassent toujours par la pente du cœur, qui est celle d'une habitude très l'habitude plus grande, les obstacles bien moin-forte de grace, à quoi serviroit de s'exciter et de dres dans toute ame qui avance. Que sera-ce de troubler cet état? Enfin il ne faut ni donner pour celles qui sont en petit nombre dans un état règle à l'ame de ne s'exciter jamais, ni supposer

Pour le bienheureux Jean de la Croix, il me semble clair qu'il ne veut point qu'on mélange la voie active avec la passive, quoiqu'il admette des actes distincts en tout état. Voilà ce qui me fait penser que vous ne devez pas dire positivement que les saints n'ont jamais rien dit d'un état où l'on ne s'excite plus. Qui dit une excitation dit un effort pour se vaincre, et pour entrer dans une disposition dont on est éloigné. L'ame habituellement unie à Dieu, et détachée de tout ce qui résiste à la grace, doit avoir de plus en plus une facilité ou à demeurer unie, ou grace est plus forte,

à se réunir sans effort. La ?

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absolument qu'elle ne le doit pas. Je crois bien | que Dieu ne manquant jamais le premier, il ne cesse point d'agir de plus en plus, à mesure que l'ame se délaisse plus purement à lui, et s'enfonce davantage dans l'habitude de son amour. Mais la moindre hésitation, qui est une infidélité dans cet état, peut suspendre l'opération divine, et réduire l'ame à s'exciter. De plus, Dieu, pour l'éprouver, ou pour elle ou pour les autres, peut la mettre dans la nécessité de quelque excitation passagère. Ainsi je ne voudrois jamais faire une règle absolue d'exclure toute excitation: mais aussi je ne voudrois pas rejeter un état où l'ame, dans sa situation ordinaire, n'a plus besoin de s'exciter, les actes distincts venant sans excitation. Donnez-moi une meilleure idée de l'état passif, j'en serai ravi. Quoi qu'il en soit, j'obéirai de la plénitude du cœur.

Mardi, 8 mars 1693.

LETTRE XXVII.

DE L'ABBÉ DE FÉNELON A BOSSUET

Dites-lui, je vous supplie, que je ne saurois l'oublier, et que j'espère me retrouver dans ses bocages avant que d'aller chez nos Belges, qui sont extremi hominum.

A Versailles, ce 27 mars 1695.

DÉCLARATION DE MADAME GUYON,

où elle proteste être innocente des abominations dont on

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l'accuse.

voulu me recevoir dans son diocèse et dans un si saint Je supplie monseigneur l'évêque de Meaux, qui a bien monastère, de recevoir pareillement la déclaration sincère que je lui fais, que je n'ai dit ou fait aucune des choses qu'on m'impute sur les abominations qu'on m'accuse d'approuver comme innocentes, à titre d'épreuves. Si je ne me suis pas autant expliquée contre ces horribles excès que la chose le demandoit, dans mes deux petits livres, c'est que, dans le temps qu'ils ont été écrits, on ne parloit point de ces détestables choses, et que je ne savois pas qu'on eût enseigné ou enseignât de si damnables doctrines. Je n'ai non plus jamais cru que Dieu pùt être directement ou indirectement auteur d'aucun péché ou défaut vicieux à Dieu ne plaise qu'un tel blasphème me fût jamais entré dans l'esprit! Je déclare, en particulier, que

:

Sur son affaire avec l'archevêque de Reims, et sa profes- les lettres qui courent sous le nom d'un grand prélat * sion de foi pour obtenir ses bulles.

**

食平

ne peuvent être vraies; puisque je ne l'ai jamais vu avec le prête de jurer sur le saint Évangile que je ne les ai japrieur de Saint-Robert ** qui y est nommé; et je suis mais vus en un même lieu, et d'affirmer sous pareil serment les autres choses contenues dans la présente déclaration. Fait à Meaux, audit monastère de Sainte-Marie.

Ce 15 avril 1695.

J.-M.-B. DE LA MOTTE-GUYON.

Je profiterai, monseigneur, des derniers avis que vous avez la bonté de me donner sur mon mémoire. Ma docilité et ma reconnoissance à votre égard s'étendront toujours à d'autres choses plus importantes. J'ai été obligé de demeurer ici pour mon affaire ; et j'ai cru même devoir suspendre ma profession de foi, jusqu'à ce que toutes choses fussent bien démêlées: c'est ce qui m'a empêché d'aller à Paris, et de vous demander votre témoignage chez M. le nonce. J'entrevois qu'on prend le chemin de terminer promptement l'affaire, sans aller à Rome. Je serai ravi que M. l'archevêque de Reims Sur la conduite de madame Guyon dans son diocèse et soit content, et qu'il fasse le bien de son église.

Il n'y a rien de nouveau ici, sinon que vous n'y êtes plus, et que ce changement se fait sentir aux philosophes. Je m'imagine qu'après les fêtes, s'il vient de beaux jours, vous irez revoir Germigny paré de toutes les graces du printemps.

* Cette lettre fut écrite après la signature des trente-quatre articles dressés à Issy; et la profession de foi dont il y est parlé est relative aux bulles pour l'archevêché de Cambrai, auquel M. l'abbé de Fénelon avoit été nommé dans le commencement du mois de février de cette année. Il fut sacré à Saint-Cyr par Bossuet, assisté des évêques de Châlons et d'Amiens, le 10 juin de la même année.

** Il parle de celle qu'il avoit à traiter avec l'archevêque de Reims, qui demandoit qu'on remit Cambrai sous sa métropole, d'où cette église avoit été tirée par l'autorité des rois d'Espagne, pour être érigée en archevêché, malgré l'opposition de nos rois et des archevêques de Reims.

XXVIII.

EXTRAIT D'UNE LETTRE

DUCARDINAL LE CAMUS

dans les environs.

***

R

M. l'évêque de Genève avoit mis madame Guyon chez les nouvelles Catholiques de Gex, espérant qu'elle leur feroit du bien dans leurs et son père La Combe dogmatisoient, il les obliaffaires temporelles. Mais ayant appris qu'elle gea de quitter son diocèse. Ils vinrent à Grenoble, où ils ne furent pas plutôt arrivés, que le père La Combe employa tous mes amis pour ob

*Le cardinal Le Camus, évêque de Grenoble.

**Voyez, sur ce religieux, les lettres suivantes. (Edit. de Versailles.)

*** Nous ignorons à qui cette lettre fut adressée. Dom Déforis a publié cet extrait, sans date, parmi les lettres de l'année 1696. Elle est certainement antérieure; c'est pourquoi nous la plaçons après la Declaration de madame Guyon, où il en est fait mention. (Édit. de Vers.)

tenir la permission de confesser, de diriger et de faire des conférences; mais cela lui fut refusé.

En ce temps j'allai faire ma visite, qui dura quatre mois. Madame Guyon profita de mon absence; elle dogmatisa, elle fit des conférences de jour et de nuit, où bien des gens de piété se trouvoient; et surtout les novices des capucins, à qui elle faisoit des aumônes, y assistoient conduits par un frère quêteur. Par son éloquence naturelle, et par le talent qu'elle a de parler de la piété d'une manière à gagner les cœurs, elle avoit effectivement fait beaucoup de progrès, elle s'étoit attirée beaucoup de gens de distinction, des ecclésiastiques, des religieux, des conseillers du parlement: elle fit même imprimer sa méthode d'oraison. A mon retour, ce progrès me surprit, et je m'appliquai à y remédier. La dame me demanda la permission de continuer ses conférences: je la lui refusai, et lui fis dire qu'il lui seroit avantageux de se retirer du diocèse. De là elle s'en alla dans des monastères de chartreuses, où elle se fit des disciples.

c'eût été une nouvelle preuve contre cette dame: mais ce Père se trouva engagé à se dédire par une personne de grande qualité, dont il faut taire le nom. Il y avoit déja de quoi se convaincre assez des erreurs et de la conduite de cette femme, qu'on voyoit courir de province en province avec son directeur, au lieu de s'appliquer à sa famille et à ses devoirs. L'inquisition de Verceil vouloit faire des informations contre elle et le père La Combe; mais Son Altesse royale les fit sortir de ses états, sans beaucoup de cérémonie.

Le général des chartreux a écrit une très grande lettre à M... sur tout ce qu'il a découvert de la conduite de cette dame et de CateauBarbe. Ce général, homme très savant et très sage, a été obligé de sortir de sa solitude, pour réparer les désordres que cette dame avoit faits dans quelques couvents de chartreuses, où elle avoit fait la prophétesse comme partout ailleurs.

LETTRE XXIX.

DE DOM RICHEBRAQUE, BÉNÉDIctin, au duc de

CHEVREUSE.

Il assure qu'il n'a jamais fait de plaintes de madame Guyon, et qu'il n'a entendu dire que du bien de sa conduite.

Elle étoit toujours accompagnée d'une jeune fille qu'elle avoit gagnée, et qu'elle faisoit coucher avec elle: cette fille est très bien faite et pleine d'esprit. Elle l'a menée à Turin, à Gênes, à Marseille et ailleurs. Ses parents s'étant venus plaindre à moi de l'enlèvement de leur fille, j'écrivis qu'on la renvoyât, et cela fut exécuté. Par cette fille on a découvert d'affreux mystères; on s'est convaincu que madame Guyon a deux manières de s'expliquer. Aux uns elle ne débite que des maximes d'une piété solide; mais aux autres elle dit tout ce qu'il y a de plus per-me conserve encore, je ne me trouve pas capable nicieux dans son livre des Torrents, ainsi qu'elle en a usé à l'égard de Cateau-Barbe; c'est le nom de cette fille, dont l'esprit et l'agrément lui plai

soient.

Je réponds autant précisément que je puis à la lettre *; en voici la réponse, que je ne prendrois pas la liberté de vous faire remettre, monseigneur, sans l'ordre exprès que vous m'en donnez. Dans la disposition où la miséricorde de Dieu

de parler de la manière qu'on veut que j'aie fait; et j'ose dire que c'est me faire justice, de me croire sincère, et entièrement éloigné de ce

madame Guyon lui écrivit, au mois d'avril 1695, pour le prier

publique de la personne qui l'avoit calomniée. C'est ce que

nous trouvons écrit de la propre main du duc de Chevreuse, à

Repassant par Grenoble, elle me fit tant solliciter, que je ne pus lui refuser une lettre de re- de rendre témoignage à la vérité sur ce qu'il savoit d'elle, au sujet d'une maxime détestable (touchant l'impureté) qu'on commandation qu'elle me demandoit pour M. le prétendoit qu'il soutenoit qu'elle avoit dite, et en le faisant lieutenant civil, sous prétexte d'un procès par- souvenir d'une ancienne fuusse accusation contre elle dont devant ce magistrat. Il n'y avoit rien que del avoit eu connoissance, aussi bien que de la rétractation commun dans cette lettre: je disois seulement que c'étoit une dame qui faisoit profession de piété. J'ai su depuis qu'elle n'avoit aucun procès, et qu'elle n'avoit pas rendu la lettre à M. le lieutenant civil: mais elle prit grand soin de la montrer, croyant que cela pourroit lui donner quelque réputation et quelque appui....

Si le Père bénédictin* ne s'étoit pas rétracté,

'Ce religieux se nommoit dom Richebraque, et avoit été prieur de Saint-Robert de Cornillon, monastère de bénédicins, situé près de Grenoble. Il étoit résident à Blois, quand

D

qui madame Guyon avoit remis sa lettre tout ouverte, pour la faire passer à ce religieux. « J'accompagnai, ajoute-t-il, la lettre de madame Guyon au R. P. de Richebraque, d'un billet où je ne m'expliquois ni pour ni contre, et lui demandois seulement (sans le connoitre) une réponse prompte et précise » à celle de cette dame. Voici mot à mot ce qu'il me manda en m'envoyant cette réponse. » Ce sont les lettres XXIX et xxx, qui suivent immédiatement. Nous les transcrivons fidèlement sur les originaux, ainsi que les deux qui viennent après, et qui achèvent d'éclaircir les faits dont parle le cardinal Le Camus Toutes ces pièces paroissent pour la première fois. (Edil. de Vers.)

La lettre de madame Guyon, que le duc lui avoit envoyée. comme on l'a vu dans la note précédente. (Édit. de Vers.)

qui s'appelle fausseté, et beaucoup plus de ce qui s'appelle calomnie. C'en seroit une insigne si j'avois parlé de la sorte. Je déclare au contraire, monseigneur, que je n'ai jamais rien entendu de la bouche de cette dame que de très chrétien et de très honnête. C'est un témoignage que j'ai rendu plusieurs fois, que je rendrai encore toutes les fois que j'en serai requis; parceque je le dois tel à la vérité, et que je m'estime heureux de rendre à présent, puisque c'est en exécution de vos ordres, et en vous y marquant la respectueuse soumission avec laquelle je suis, etc.

Blois, 14 avril 1695.

Fr. RICHEBRAQUE, M. B.

LETTRE XXX.

DU MÊME A MADAME GUYON.

Sur le même sujet.

Est-il possible qu'il faille me chercher dans ma solitude pour fabriquer une calomnie contre vous, et qu'on m'en fasse l'instrument? Je ne pensai jamais à ce qu'on me fait dire, ni à faire ces plaintes dont on veut que je sois auteur. Je déclare au contraire, et je l'ai déja déclaré plusieurs fois, que je n'ai jamais rien entendu de yous que de très chrétien et de très honnête. Je me serois bien gardé de vous voir, madame, si je vous avois crue capable de dire ce que je n'oserois pas écrire, et que l'apôtre défend de nommer. S'il est pourtant nécessaire que je le nomme à votre décharge, je le ferai au premier avis, et je dirai nettement qu'il n'en est absolument rien; c'est-à-dire que je ne vous ai jamais ouï dire rien de semblable, ni rien qui en approche le moins du monde, et que de ma part je n'ai rien dit qui puisse faire croire que je l'aie entendu de vous. On m'a déja écrit là-dessus, et j'ai déja répondu de même. Je le ferois encore mille fois, si j'en étois mille fois requis. On confond deux histoires qu'il ne faudroit pas confondre. Je sais celle de la fille qui se rétracta; et vous savez de votre part, madame, le personnage que j'y fis auprès du prélat, par le seul zèle de la vérité, et pour ne pas blesser ma conscience en me taisant låchement. Je parlai pour lors librement, et je suis prêt à le faire de même, si Dieu le demande à présent de moi, comme pour lors. Je croirai qu'il le demande, si j'en suis requis. Mais que dirois-je de plus précis que ce que je dis ici? S'il faut néanmoins quelque chose de plus, prenez la peine de me le mander, et je rendrai témoignage à la vérité. C'est dans cette disposition que je

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suis très sincèrement en notre Seigneur, en vous demandant auprès de lui vos prières, madame, votre, etc.

Blois, 14 avril 1695.

LETTRE XXXI.

DU DUC DE CHEVREUSE A DOM RICHEBRAQUE. Il demande à ce religieux de nouveaux éclaircissements sur divers faits concernant madame Guyon.

J'ai reçu, mon révérend Père, l'éclaircissement que je vous avois demandé, avec la lettre pour madame Guyon. Je vous rends graces de votre exactitude. Mais il me reste encore quelque chose à savoir sur cette matière; ce seroit 1o si vous étiez prieur de Saint-Robert en 1686 et 1687, et si cette maison de votre congrégation n'est pas dans Grenoble ou auprès; 2o si (laissant désormais à part la calomnie contre cette dame, qu'on vous avoit faussement attribuée) vous avez reconnu quelque chose dans sa doctrine touchant l'intérieur, qui ne soit pas orthodoxe et conforme aux sentiments des saints et des auteurs mystiques approuvés; 3o s'il s'est fait chez elle, ou ailleurs par elle, pendant son séjour à Grenoble, quelques assemblées scandaleuses dont vous ayez eu connoissance; 4o enfin ce que vous savez de la fille qui se rétracta, et s'il ne vous est rien revenu de certain d'ailleurs sur les mœurs de cette dame, qui soit mauvais. Je vous demande sur cela, mon révérend Père, le témoignage que la vérité vous obligera de rendre sans acception de personnes, et ne puis trop louer votre droiture, aussi bien que le zèle pour cette même vérité, que vous marquez dans votre lettre d'une manière si chrétienne et si éloignée de tout intérêt humain. Accordez-moi, s'il vous plaît, quelque part à vos prières devant le Seigneur, que vous servez si purement; et me croyez toujours, mon révérend Père, très sincèrement à vous.

LE DUC DE CHEVREUSE,

A Versailles, le 18 avril 1693.

LETTRE XXXII.

DE DOM RICHEBRAQUE AU DUC DE CHEVREUSE. Il donne au duc les détails qu'il lui demandoit sur la conduite de madame Guyon.

Un petit voyage que j'ai été obligé de faire m'a empêché de répondre plus tôt à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. Je

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