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Anvers, en tant que ville, n'est citée que plus tard; mais aux lieux où fut postérieurement Anduerbo (dont mention est faite dans la loi salique), des populations industrieuses n'avaient-elles pas établi leur demeure, attirées là par la situation favorable à la navigation et au commerce? Et la fable du géant ne se rattacherait-elle pas dès lors au tonlieu perçu par quelque seigneur riverain avec des exactions telles que la tradition s'en est conservée jusqu'au temps où la légende fut écrite, et que le peuple, représentant l'idée de puissance unie à celle de force, a fait de celui qui arrêtait les rares navigateurs de ces temps reculés, un géant cruel? Quoi qu'il en soit et sans nous arrêter davantage à une supposition que ne vient éclaircir aucune donnée historique, nous savons que le péage dut exister avant le premier monument écrit où il en est parlé, et remonter aux premiers habitants qui occupèrent ces parages. En effet à l'époque où Rauhingus, l'un des propriétaires de ce tonlieu, en faisait donation à saint Willebrord en 724, lui-même n'en avait que la troisième part; il n'habitait pas Anvers, mais Brême, où l'acte fut fait; il est donc permis d'en conclure que ce ne fut pas ce prince ou chef qui établit ce tonlieu, mais que ce péage pour arriver, ainsi subdivisé, au VIIIe siècle en la possession d'un seigneur étranger devait déjà exister depuis un certain laps de temps, impossible à déterminer 1.

Toutefois, comme nous l'avons dit plus haut, si les tonlieux appartinrent primitivement aux particuliers, ils ne s'établirent qu'avec l'autorisation des princes. Si les actes écrits ne mentionnent que les noms de ces derniers, c'est qu'ils sont tous d'une date plus récente que l'établissement premier de ces droits, et ne sont en général que

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de cette époque, à laquelle le prince suzerain en avait déjà repris pour lui la majeure part.

L'Escaut, depuis Rupelmonde jusqu'à la mer du Nord, était anciennement du domaine des ducs de la BasseLotharingie; le comte de Flandre, dont il longeait les États, n'étendait ses droits sur les eaux du fleuve que jusque là, où, s'avançant à cheval, il pouvait les frapper de son épée. Après le partage de la Basse-Lotharingie en petits États multiples, la souveraineté sur le fleuve demeura aux marquis d'Anvers et c'est en cette qualité que le duc de Brabant continua à l'exercer dans la suite. Il percevait des péages et des droits de balises à Vossevliethille, dans l'île de Tholen, à Borchvliet, à Ossendrecht, à Santvliet, à Hairnisse, à Herenscapstol et à Voortvurenmuiden. Il en faisait lever sur le Hónt, à Rielandt, à Valkenisse, à Inclinoirt, à Agger; puis, lorsque ces deux derniers bureaux de perception furent engloutis par les flots, à Yersicheroirt. Ces diverses Wachtes ou Gardes furent souvent modifiées; c'est ainsi que, sous Philippe-le-Bon, on trouve également Calloo et, sous Philippe-le-Beau, Vlissingen, Armuyden, Zoetelandt, Ammekensvere, Cats, Valckenisse, Middelborch et Rielandt.

Les droits sur l'Escaut furent souvent un objet de contestation entre les comtes de Flandre et les ducs de Brabant. En 1331, l'étendue de leurs pouvoirs et la limite de souveraineté des comtes de Flandre fut établie d'une manière assez bizarre par Jacques Van Hasselt, châtelain de Rupelmonde. Il revendiqua les droits du comte, au nom de Louis de Nevers, depuis Outemuide jusqu'à Eyckervliet, (sur le Rupel près de Boom), en jetant une hache dans le courant, marquant ainsi la juridiction de son suzerain.

Peu de temps après, en 1336, on le fit d'une manière plus précise dans le traité d'alliance entre ce comte et

Jean III, de Brabant. Le comte de Flandre, avons-nous dit, étendait, même sur la partie du fleuve soumise à la souveraineté des ducs de Brabant, sa juridution aussi loin que, entrant à cheval dans le fleuve, il pouvait atteindre avec la pointe de son épée; mais il ne percevait d'autre tonlieu voisin de l'Escaut que celui de Rupelmonde, sur le Rupel. Dans le traité conclu en 1336 à Termonde, il est dit que, pour éviter toutes les difficultés et controverses qui pourraient naître encore au sujet de l'Escaut, il est reconnu que la juridiction sur les eaux du fleuve appartient au comte si avant que les navires peuvent flotter, excepté devant la ville d'Anvers, de l'un et de l'autre côté jusqu'à des poteaux placés par huit personnes désignées à cet effet. Dans cet espace déterminé, la haute et basse justice appartenaient au duc. En retour, la ville devait donner à perpétuité, chaque année, une paire d'éperons d'or au comte de Flandre. Le duc y déclare conserver le tonlieu d'Anvers ainsi que celui des autres places où il avait l'habitude d'en percevoir et avoir le droit d'arrêter, sur tout le fleuve, ceux qui refusaient de payer le tonlieu d'Anvers ou tout autre. Le comte s'engage à ne faire aucune prohibition nouvelle, ni à établir aucun impôt ou exaction qui pût empêcher la navigation vers le Brabant. De plus il y est rappelé que le Rupel et la juridiction sur les eaux de la rivière appartiennent au comte, de même que sur l'Escaut jusqu'à Eyckenvliet, ainsi que cela avait été déclaré par le châtelain de Rupelmonde 1.

D'après cet acte le comte de Flandre avait donc juridiction sur l'Escaut, mais ce n'était que sur les rives du côté de ses États puisque Louis Van Caudekerken cite dans son histoire manuscrite du bourg d'Anvers, d'après

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une pièce originale, qu'un nommé Jean de Bier, exilé en Brabant, ayant été arrêté en Flandre, fut remis aux gens du duc de Brabant par le bailli du comte, dans un navire sur la côte de Flandre parce que la juridiction de son maître ne s'étendait que jusque là 1.

Vers l'an 1407 les Hollandais ayant suscité quelques difficultés sur la juridiction du duc de Brabant sur l'Escaut et le Hont, on invoqua, pour prouver que tout ce qui relevait de cet objet avait toujours été jugé à Anvers et appartenait par suite au duc, le témoignage de vieillards de plusieurs villes et d'abord de personnes de Tholen, qui l'affirmèrent sous serment; ceux de Santvliet établirent que, depuis soixante-dix ans et plus, la juridiction du fleuve appartenait au duc depuis Hontmuide sur l'Eendrecht jusqu'à Vossevlietshille et de là à Scherpenisse sur la Mere et la Striene jusqu'à Valkenbergen. D'autres témoins nommèrent les mêmes limites et l'un d'eux indiqua depuis Eyckenvliet à Borbies et de là à Hontmuide, puis à Berendrecht, Eendrecht, Kerkhamen, Hierickvliet, Vossevliet, Muden, et, par le Maerloos et le Hoenvoort, jusqu'à Valkenbergen et toute la rive orientale.

Ce témoignage fut confirmé par d'honnêtes habitants de Berendrecht, Oordam, Oorderen, Lillo, Hildernisse, Woensdrecht, Ossendrecht, Bergen, et Halteren. Tant de témoins prouvent bien que la question était controversée et gravenent engagée 2.

On trouve ce dernier témoignage confirmé dans le registre des priviléges de la ville d'Anvers nommé Clementyn, fo 38 vo, où il est dit que l'autorité du duc s'étendait sur l'Escaut et sur l'Eendrecht (Escaut occiden

Ann. Belg., 13 et 14.

* PAPEB., 1. 247.

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tal et oriental) depuis Vossevlietshille à Vortvurenmuyden; que tous les tonlieux et fanaux entre ces deux points appartenaient au duc, savoir à Vossevlietshille, à Eendrechtter-Muyden, à Bergen-op-Zoom, à Borghtvliet, à Ossendrecht, à Santvliet, à Hairnisse, à Herenscaptol et à Vortvuren, et qu'on tenait en fief ces divers péages du margrave d'Anvers ou du duc de Brabant. En outre, les vols, brigandages, pirateries, meurtres ou tous autres crimes qui se commettaient en déans les limites dites plus haut, devaient être jugées par le duc ou son écoutète au vierscare d'Anvers. La juridiction sur l'Escaut depuis Rupelmonde jusqu'à la mer et à trois lieues de celle-ci appartenait donc au duc de Brabant, sauf sur les côtes de Flandre jusqu'où les navires pouvaient flotter.

Le duc de Brabant prélevait les divers péages que nous avons cités plus haut, soit en son nom, soit par divers seigneurs à qui il avait donné ces wachtes à fief. Ainsi Henri Ier de Brabant ayant repris à des vassaux, qui commettaient des exactions, les tonlieux de la Striene et de l'Escaut, en donna la moitié en fief à son cousin Godefroid, seigneur de Breda, en se réservant l'autre moitié.

Godefroid s'obligeait à assurer, sauf force majeure, protection et sécurité à ceux qui passeraient par le fleuve; le péage exorbitant perçu sur les vins devait être abaissé à trois deniers de Cologne par pièce et la coutume d'accepter du vin des marchands devait être abolie, sous peine de confiscation des biens au profit du seigneur, et pour le capitaine qui en offrait, sous peine de perdre la meilleure pièce de vin de son chargement 1.

Godefroid reçut en outre les tonlieux de Schakerloo

1 V. Ann. des antiq. Belg., p. 33.

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