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vilége des Anversois n'était qu'un abus et que les bourgeois d'Anvers avaient corrompu ou trompé les fermiers des tonlieux ou leurs commis en prétextant qu'ils étaient libres de tous droits. Pour soutenir leur cause, ils défiaient les Anversois de prouver cette exemption par des priviléges écrits; mais on n'ignore pas que toutes les chartes que les habitants de la ville possédaient par écrit ne datent que de 1220, du temps de Henri Ier de Brabant. Jusque là la coutume faisait loi, et les princes en montant sur le trône prêtaient serment d'observer les priviléges existant d'après les coutumes (het oudt hercomen en costuymen). C'est ainsi encore que Jacob Masius, pensionnaire de la ville, dans un écrit tendant à établir les droits des habitants à toute franchise, invoque la Consuetudo, les vieilles coutumes.

Lorsqu'en 1276 fut rendu le jugement des arbitres auxquels s'étaient soumis Arnould de Louvain et Breda, et les autres seigneurs propriétaires des tonlieux perçus sur l'Escaut à Valckenisse, Rielandt et Agger, au sujet du tonlieu ou droit de conduite du Hont, il est dit qu'après examen complet et audition de témoins compétents, ils ont trouvé bien fondée la prétention d'Anvers pour tous vaisseaux lui appartenant, et pour toutes les marchandises des Anversois en quelque bateau qu'elles fussent chargées, d'être libre de tous tonlieux quelconques perçus sur l'Escaut. Il fut décidé par le même jugement arbitral que les denrées non libres devaient payer sur le Hont pour chaque bureau 5 shellings et 3 deniers de Flandre. Les vaisseaux chargés de biens libres ne devaient point s'arrêter; le capitaine en levant la main au passage, en signe de serment, certifiait par là même qu'il n'avait chargé aucune marchandise appartenant à personnes non libres et pouvait continuer sa route. Il ressort donc de là qu'Anvers jouissait

d'une immunité complète, si non lui eût-on permis de passer outre sur simple affirmation du capitaine !

L'ordonnance Clémentine vient affirmer à son tour le privilége des Anversois : des différends s'étaient élevés entre ceux-ci et les Hollandais pour la perception des droits.

Albert, comte de Hollande et de Zélande qui tenait en fief du duc de Brabant le prélèvement d'une partie de ces droits, proclama après délibération de son conseil que ceux d'Anvers étaient libres du tonlieu sur le Hont.

Lorsqu'au milieu du XIVe siècle, Anvers fut séparée du marquisat et, par la guerre entre le comte de Flandre et le duc de Brabant, fut donnée à Louis de Male, elle continua à jouir de l'exemption des péages sur l'Escaut, sur le Hont ainsi que sur l'Escaut oriental jusqu'à Bergen-opZoom.

Enfin des jugements nombreux, parmi lesquels nous citerons ceux du 2 décembre 1443, du 17 avril 1466, du 2 août 1467, établissent ce même droit si souvent contesté par les percepteurs des tonlieux, dont les exactions d'ailleurs ne furent pas rares.

Au commencement du règne de Philippe-le-Bon, les Hollandais firent percevoir, comme nous l'avons dit, le tonlieu de Geersvliet; les États élevèrent des plaintes contre l'illégalité de cette mesure et Philippe ordonna qu'on ne prélèverait plus ce droit jusqu'après examen ultérieur, lequel mit à néant la prétention des Hollandais. Son fils Charles-le-Téméraire rendit cette sentence que les Anversois étaient réellement libres de tout droit sur le Hont et la Diese. Et cependant sous l'administration de Philippe-le-Bon, les Anversois avaient encouru l'inimitié de ce prince au sujet de la perception du droit de conduite sur le Hont.

' Voir PAPEBROCHIUS, II, 101.

C'est que, de 1398 à 1401, Anvers possédait en engagère la recette des tonlieux et cet avantage avait été prorogé par le duc Jean IV, de telle sorte que les Anversois pouvaient, par exemption ou perception modérée, favoriser le mouvement commercial de leur port. Sous Philippe-leBon, le droit 1 fut perçu à Calloo, sous la surveillance des officiers du duc qui se tenaient sur une barque ou hulcke amarrée près du bureau de perception. Les Anversois prétendirent que c'était contraire à leurs priviléges et, forts de l'appui de ceux de Bruxelles et de Louvain, ils s'emparèrent de force de la hulcke et la conduisirent devant la ville. Le duc irrité voulut forcer par la famine ses sujets rebelles et défendit à toutes les villes du Brabant, de la Flandre et du Limbourg de leur fournir des vivres. Enfin après une résistance de dix mois la ville se réconcilia avec son souverain, mais à de dures conditions. Elle dut se soumettre, avec tous ses habitants, à venir implorer son pardon et à payer au duc une amende de 40,000 florins philippes. Le duc de Bourgogne consentit plus tard à relever la ville des conditions humiliantes de soumission, mais maintint l'amende dont la moitié était payable immédiatement, le quart d'après arrangement à prendre avec le trésorier du prince et le restant devait être consacré aux fortifications de la ville.

A diverses reprises la perception des droits fut donnée à la ville en garantie du paiement des capitaux prêtés au souverain; en 1467, la ville les prit à ferme pour quatre ans, aux mêmes conditions que les receveurs du prince, avec droit de franchise pour ses navires. La perception.

↑ Dit aussi droit des harengs, lequel était perçu à raison de 40 sols par hareng; plus tard dans les comptes de la ville (1549-1550) on le trouve évalué à 5 sh. et 12 d. de Flandre ou 6 sh. de Brabant et en 1479 il était dù par la ville, à la St-Jean, pour chaque hareng 48 sols de 2 gros.

lui fut continuée et donnée à ferme perpétuelle le 25 mai 1479 par l'archiduc Maximilien et Marie de Bourgogne; Philippe-le-Beau la confirma en 1497. Plus tard, en 1505, le péage du Hont fut transféré aux États et les Anversois demeurèrent affranchis pour leurs navires, par ordonnance de la gouvernante Marguerite du 29 octobre 1505.

L'exemption de tonlieux en certaines circonstances ne fut pas toujours reconnue, et en 1521 la ville fut obligée, pour sa part des premières dépenses nécessitées par l'avénement de Charles-Quint et par son voyage en Espagne pour recueillir la succession de ce royaume, à prendre en engagère moyennant 40,000 florins la part du prince dans le produit des tonlieux perçus à Anvers. Cette somme fut augmentée de 40,000 fl. en 1531 et s'éleva même en 1644 à 250,000 fl. 1. La ville fut obligée pour fournir cette somme de faire un emprunt de 950,000 florins, dont 400,000 devaient servir à racheter le droit du souverain, non-seulement dans ce tonlieu, mais dans tous les tonlieux de Brabant. C'était, quatre ans avant le traité de Munster, à une époque où le commerce d'Anvers avait déjà décliné depuis un demi-siècle; le sacrifice était lourd pour une ville dont la ruine complète allait s'achever bientôt.

Les Anversois étaient en outre affranchis du to lieu de Brabant (Brabantschen watertol) perçu sur les cours d'eau des États du duc de Brabant et dans lequel pendant longtemps furent compris les droits de navigation sur l'Escaut.

Ils étaient exempts de droits, d'après le livre des anciennes coutumes, dans tout le Brabant et cette exemption fut confirmée par tous les princes. Du procès de Laurent Rycx, fermier des tonlieux vers 1560, il conste que nonseulement Anvers, mais encore Bruxelles, Louvain, Diest

' V. KREGLINGER, Impôts de la ville d'Anvers.

et d'autres villes ne devaient aucun péage entre Anvers et Bergen-op-Zoom tant en remontant qu'en descendant le fleuve. Ce privilége se retrouve encore dans les registres des tonlieux du Brabant et dans le livre des droits d'entrée publié en 1495 par la chambre des comptes.

Cette franchise existait si bien pour tout Anversois, que celui-là même qui avait acheté ou reçu le droit de bourgeoisie, jouissait immédiatement de ce droit, à moins qu'il ne fit le commerce pour compte d'étrangers 1. Celui qui épousait la veuve ou la fille d'un bourgeois et achetait le droit de bourgeoisie (car telle union ne le rendait pas bourgeois de droit), recevait le même privilége six semaines après qu'il avait accepté la bourgeoisie. Ceux qui, citoyens de villes non libres, obtenaient ce droit, ne l'exerçaient dans toute sa plénitude qu'un an et un jour après leur prise de domicile à Anvers. Dans d'autres villes, à Bois-le-Duc par exemple, d'après un privilége de Marguerite, les bourgeois par achat ne jouissaient de la franchise de tonlieu qu'après cinq ans de domicile.

S'il fallait augmenter les preuves de franchise, nous en trouverions encore dans la contribution au droit appelé Nobelgelt ou Borggracht. D'après une ordonnance de 1241, du mois de mars, relatée dans le petit livre de parchemin ('t cleyn franchyn tolboecksken) dont il est parlé dans Demoy et dont les seuls extraits faits par lui nous sont conservés, le droit de contribution à l'entretien des fossés du bourg (Borggracht) s'étendait de la ville à Ossendrecht (sur l'Escaut), à Noutnoort, à Mollegrave, à Testelt (sur le Demer), à Aerschot, toute la ville, à Wevesteren, à Wespelaer (sur la Dyle), à Lelle, à Steckenvoort (sur le Herck affluent du Demer), à Comesbosch (Bois-le-Duc), à Lede

DEMOY, loc. cit.

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