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tre lesquels le condamné ne s'est pas pourvu, lui infligent l'un et l'autre six ans de réclusion, pour faits antérieurs à la première condamnation; ainsi encore, un autre condamné encourt, pendant la durée de sa peine et par récidive, une autre peine plus forte que la première; enfin il s'élève des difficultés à l'égard d'un troisième sur l'époque de sa libération. A quelle autorité appartient-il de faire rentrer cette peine dans les limites légales, de fixer le jour où celle-là a dû commencer, où celle-ci doit s'achever ?

La loi a chargé le ministère public du soin de faire exécuter les condamnations (art. 197 et 376, Cod. d'inst. crim.); et de cette attribution générale, la Cour de cassation a induit qu'il appartenait aux magistrats qui sont investis de ces fonctions, de résoudre les questions qui s'élèvent dans l'exécution des peines. (( Ce n'est point aux tribunaux, porte un arrêt du 6 avril 1827, qu'il appartient de pour voir à l'exécution de la condamnation prononcée; la loi s'est reposée, quant à ce soin, sur les officiers du ministère public, et à la charge par eux de ne pas s'écarter des dispositions de la loi. [1] »

Nous admettons également ce pouvoir, en le renfermant toutefois dans de certaines limites. L'exécution d'un arrêt, tant qu'elle ne donne lieu à aucune contestation, est une opération purement administrative. Il rentre done dans les attributions du ministère public, chargé de la surveiller, de statuer sur toutes les difficultés qu'elle présente. Ainsi, nul doute qu'il ne puisse fixer, soit l'époque où la peine expire, soit le mode de son exécution.

Mais s'il y a réclamation de la part du condamné, si le ministère public s'écarte des dispositions de la loi, s'il s'élève un incident contentieux, faut-il se borner à la seule interprétation de ce magistrat ? Le ministère public pourrait-il donc, de sa seule autorité, aggraver la position d'un condamné par l'interprétation rigoureuse d'un arrêt obscur, ou de deux condamnations contradictoires? La loi n'a nulle part consacré un tel pouvoir, une juridiction aussi extraordinaire. Dès qu'il y a contestation, la compétence du ministère public expire; et c'est alors au seul pouvoir, duquel émane l'arrêt, qu'il appartient soit de l'interpréter, soit de prononcer sur les incidens contentieux que son exécution fait naître.

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Cette limite apportée au pouvoir du ministère public, a été sanctionnée par la Cour de cassation elle-même. Le principe en est posé avec une grande précision dans un arrêt du 23 février 1833 [2], qui porte: « que si le ministère public est exclusivement chargé de l'exécution des jugemens, les questions qui s'élèvent à l'occasion de cette exécution, soit quant à la prescription, soit quant à la remise, soit quant à l'expiration de la peine, présentent un caractère contentieux qui devient l'accessoire de l'action publique, et doivent suivre le sort de cette action et être portées devant les juges compétens pour décider sur le principal. »

Ainsi donc, toutes les fois que les questions présentent un caractère contentieux, le pouvoir administratif dont est investi le ministère public cesse, et la juridiction dont émane la condamnation se ressaisit pour statuer sur l'incident; dans les autres cas, le ministère public conserve, comme une conséquence de l'obligation de faire exécuter, le pouvoir de résoudre les incidens relatifs à cette exécution. C'est de cette distinction que découle la règle qui doit servir à vider les difficultés qui surgissent incessamment dans cette matière.

SII. De l'exécution des peines correctionnelles.

Nous ne parlerons dans ce paragraphe que de la peine d'emprisonnement: celle de l'amende se confond, quant à son exécution, avec les autres peines pécuniaires, et nous renvoyons en conséquence les questions qui s'y rattachent au troisième paragraphe de ce chapitre.

Nous avons à examiner de quel jour la peine de l'emprisonnement commence à courir, dans quelles maisons elle doit être subie, et quelles sont les règles applicables aux incidens contentieux qui peuvent s'élever dans le cours de son exécution.

On a vu précédemment qu'un principe gé néral est que la durée des peines temporaires compte du jour où la condamnation est devenue irrévocable (art. 23, Cód. pén). Cependant ce principe n'a point été adopté, sans que de vives réclamations n'aient protesté contre l'injustice de ne compter en rien dans la durée de la peine, l'emprisonnement préalable qui souvent a excédé cette durée. « Le projet de loi, a dit M. Dumon, dans son rapport, n'a pu faire

[2] Sirey, 1833, pag. 558, et arr., Paris, 15 juil¦.

1833.

entièrement droit à ces réclamations. L'emprisonnement préalable est un tribut que chacun paie à la sécurité de tous; l'innocent qu'une détention préalable a frappé ne peut obtenir aucune réparation. Traitera-t-on le coupable avec plus de faveur ? d'ailleurs, l'emprisonnement préalable diffère trop de la plupart des peines, pour qu'on puisse l'assimiler avec elles et le précompter sur leur durée. Quel rapport y a-t-il, par exemple, entre l'emprisonnement préalable et les travaux forcés ? Votre commission adhère donc au principe posé par le projet de loi, que la durée des peines temporaires ne compte que du jour où la condamnation est devenue irrévocable [1].

Mais ce dernier argument n'avait aucune force à l'égard du simple emprisonnement. Aussi la loi a-t-elle admis une exception relative à cette peine. « Votre commission, continuait le rapporteur, approuve l'exception introduite à l'égard des condamnations à l'emprisonnement correctionnel, qui courront du jour même de la condamnation, lorsque l'appel, ou le pourvoi qui en suspend l'exécution, n'émane pas du condamné. Elle vous propose d'étendre cette exception même au cas où le condamné se pourvoit en appel ou cassation, quand la peine est réduite sur ce pourvoi. S'il est juste que le condamné ne souffre pas du recours que le ministère public exerce, il est juste aussi qu'il ne souffre pas du recours qu'il a dû exercer, et dont l'événement démontre la justesse. »>

De là l'art. 24 ainsi conçu : « néanmoins, à l'égard des condamnations à l'emprisonnement, prononcées contre des individus en état de détention préalable, la durée de la peine, si le condamné ne s'est pas pourvu, comptera du jour du jugement ou de l'arrêt, nonobstant l'appel ou le pourvoi du ministère public, et quel que soit le résultat de cet appel ou de ce pourvoi. —Il en sera de même, dans les cas où la peine aura été réduite, sur l'appel ou le pourvoi du condamné. »>

On doit remarquer, d'abord, que le bénéfice de cet article, tout-à-fait exceptionnel, ne s'applique qu'aux condamnés qui sont en état de détention préalable. Ceux qui ont conservé leur liberté demeurant sous l'empire du droit commun, la loi n'a dû abréger les lenteurs de cette détention qu'en faveur de ceux qui la subissaient la peine, à l'égard des autres, ne peut compter que du jour de l'écrou.

:

L'article est également inapplicable aux

[1] Code pénal progressif, pag 139.

condamnés qui ont formé, soit un appel, soit un pourvoi, si la peine qu'ils ont encourue n'a pas été réduite sur cet appel ou d'après l'événement de ce pourvoi. Cette peine ne commence alors à courir que du jour où la condamnation est devenue définitive. Un amendement avait été proposé, dans la discussion de la loi du 28 avril 1832, pour faire remonter dans tous les cas la peine au jour du jugement. On disait à l'appui : l'appel ou le pourvoi appartient au prévenu comme au ministère public; toutefois l'article aura pour effet d'en gêner l'exercice en faisant craindre au prévenu que sa peine ne soit prolongée par l'événement de ce recours. Il faut qu'il soit libre de ces préoccupations, ou la voie que lui ouvre la loi pour obtenir la réforme du premier jugement deviendrait illusoire. Cet amendement a été repoussé : le condamné ne peut se plaindre, a-t-on répondu, de ce qu'un appel qu'il a pu empêcher vienne allonger sa détention; cet appel est son fait personnel : il a dû en calculer les avantages et les inconvéniens. Dailleurs, si l'on attacheit à l'appel du condamné la même faveur qu'à celui du ministère public, il ne manquerait jamais d'appeler, certain d'avance que les délais de cette instance seraient imputés sur sa peine, et de là une foule de recours capricieux qu'on doit éviter.

Le système de la loi est, du reste, simple et facile à formuler. Elle distingue entre le recours du ministère public et celui du prévenu. Dans le premier cas, quel que soit le résultat de ce recours, la peine court du jour de la condamnation. Dans le second, au contraire, c'est le résultat du recours qui fixe le point de départ de la peine: si ce résultat justifie la démarche du condamné, si la peine est réduite, elle remonte au jour de la condamnation ; si le recours est jugé mal fondé, si la peine est maintenue on aggravée, elle ne compte que du jour où cette condamnation devient définitive.

Un député (M. de Podenas) avait demandé que l'on prévit dans l'art. 24 le cas du pourvoi comme celui de l'appel, en ajoutant ces mots : si le condamné n'a pas interjeté appel ou ne s'est pas pourvu. Mais M. Parant a expliqué que l'intention de la commission avait été de placer l'appel et le pourvoi sur la même ligne, et que dans l'expression pourvu, elle avait voulu comprendre ces deux voies de recours [2]. Ainsi ce point est hors de question.

Posons maintenant quelques hypothèses. Le

[2] Code pénal progressif, pag. 147.

ministère public appelle seul d'un jugement qui condamne un prévenu à six mois d'emprisonnement, et ce jugement est maintenu purement et simplement par la Cour royale. Nul doute que la peine ne dût remonter au jour du premier jugement; mais le condamné se pourvoit contre l'arrêt et son pourvoi est rejeté. La peine comptera-t-elle du jour du jugement ou de l'arrêt? Du jour de l'arrêt seulement, car il a perdu par ce pourvoi le bénéfice de son premier acquiescement. Supposons, au contraire, que l'arrêt ait été cassé, et que la peine soit réduite par les juges saisis par le renvoi de l'affaire. Cette peine devra courir encore du jour de l'arrêt attaqué, car par ces mots de l'art. 24, à compter du jugement ou de l'arrêt, la loi évidemment a voulu parler du jugement ou de l'arrêt contre lequel l'appel ou le pourvoi a été dirigé. Supposons encore que la peine ait été aggravée ou maintenue, elle ne courrait que du jour de l'arrêt qui le maintient ou l'aggrave. Ces exemples suffiront sans doute, pour bien faire saisir le système de l'art. 24.

Il nous reste à remarquer que cet article parle des condamnations à l'emprisonnement, sans distinguer de quelle juridiction elles émanent. Il faut en conclure que la règle exceptionnelle qu'il pose est applicable aux condamnations qui sont prononcées par les Cours d'assises, comme à celles que rendent les tribunaux correctionnels. La peine d'emprisonnement qu'une Cour d'assises inflige à un accusé détenu, se compte done du jour de l'arrêt, s'il ne s'est pas pourvu, et en cas de pourvoi du jour où la condamnation est devenue irrévocable. L'art. 40 du Code veut que tout condamné à la peine d'emprisonnement, soit renfermé dans une maison de correction: cette sage disposi tion, qui a fait nommer cette peine correctionnelle, n'est point exécutée. [*] A peine existe-til dans quelques chefs-lieux de département des maisons de correction. L'administration, se

[*] En Belgique, d'après l'art. 8 de l'arrêté du 26 ect. 1821, la ci-devant abbaye de St-Bernard, près d'Anvers, a été destinée à renfermer les prisonniers des deux sexes condamnés correctionnellement à un emprisonnement de 6 mois et plus, en même temps que les individus àgés de moins de 16 ans, condamnés à être renfermés dans une maison de correction, en vertu des art. 66, 67 et 69 du Code pénal. Des quartiers entièrement séparés et un régime distinct leur sont réservés. Par un autre arrêté du 7 nov. 1832, il a été statué qu'en attendant l'érection d'un pénitentiaire séparé pour

fondant sur ce que le Code pénal a établi, pour l'application des peines de la récidive, une différence essentielle entre les condamnés à un an de prison, et les condamnés à plus d'un an, a séparé avec raison ces deux classes de condamnés [1]; mais, malheureusement, elle ne les a distinguées que pour les confondre avec d'autres catégories, non moins distinctes, de détenus. Les condamnés à moins d'un an subissent la plupart du temps leur peine dans les maisons d'arrêt ou de justice, mêlés avec les prévenus ou les accusés, malgré le vœu formellement exprimé par l'art. 604 du Cod. d'inst. crim. pour la séparation de ces deux classes de détenus; et les condamnés à plus d'un an sont confondus dans les maisons centrales de détention, avec les condamnés à la réclusion ou aux travaux forcés [2]. L'organisation des maisons de correction ne serait pas seulement la stricte exécution du Code pénal; elle serait encore une œuvre de morale et d'humanité; elle ferait la gloire du ministre qui l'entreprendrait. [**].

Ce classement n'est pas tellement précis, qu'il ne laisse quelquefois des incertitudes sur la prison où les prévenus doivent être conduits. Ainsi, on a demandé si l'individu que frappent deux condamnations qui, réunies excèdent un an de prison, doit être transféré dans une maison centrale. La négative résulte des motifs sur lesquels repose l'ordonnance du 6 juin 1830 les condamnés à plus d'un an ne sont transférés dans les maisons centrales que parce qu'ils sont passibles des peines aggravantes de la récidive, et que, sous ce rapport, ils forment une classe à part parmi les condamnés correctionnels. Or, deux ou plusieurs condamnations successives ne produisent pas cet effet, encore bien qu'elles excèdent un an; le condamné qui les a encourues doit donc les subir dans la prison départementale. Mais il devrait sans doute en être autrement, si le condamné à trois ou six mois de prison se trouvait déjà dé

les détenus de toutes les catégories, les femmes condamnées correctionnellement à 6 mois et plus d'emprisonnement, scraient transférées a Gand dans la maison de force.

Un arrêté du 21 avril 1834,autorise la détention à St.-Bernard des militaires condamnés à une peine correctionnelle, emportant un emprisonnement de plus de six mois.

[1] Ord. franç. du 6 juin 1830.
[2] Ord. franç. du 2 avril 1817.

[**] Voy. plus haut la note 1re, et p. 98 à la note.

tenu par suite d'une autre condamnation dans une maisons centrale; car, il n'y aurait aucun danger à le laisser avec une classe de condamnés à laquelle il appartient déjà ; et on éviterait ainsi les inconvéniens et les dépenses d'une translation. Au reste, on a déjà remarqué que cette séparation est purement administrative, et, dès lors, rien ne s'oppose à ce que l'administration y déroge.

En général, les jugemens et arrêts qui prononcent des condamnations à moins d'un an d'emprisonnement, doivent être exécutés dans les lieux mêmes où ils ont été rendus, ou dans la maison de correction du département, s'il en a été établi. Cette règle est une conséquence de l'art. 197 du Cod. d'inst. crim., qui veut que les procureurs du roi puissent surveiller cette exécution. Elle est une conséquence encore de l'exemplarité dont le législateur a voulu douer la peine; car ce but ne serait pas atteint si l'exécution n'avait pas pour témoins les lieux mêmes où le délit a été cómmis, si ce délit n'était pas expié sous les yeux qui l'ont vu commettre. Ce n'est donc qu'avec une grande circonspection et pour les motifs les plus graves, que l'administration ou le ministère public peut autoriser l'exécution d'une peine dans un autre lieu que celui de la condamnation ; mais cette règle n'est exécutée qu'à l'égard des peines de moins d'un an : l'institution des maisons centrales de détention, qui sont alimentées chacune par plusieurs départemens, y dérobe les autres condamnés [1].

Nous hésitons à signaler ici un usage, que des considérations d'humanité peuvent justifier quelquefois, mais qui n'en constitue pas moins même alors une infraction grave à la loi : des condamnés obtiennent fréquemment, sous prétexte de maladie, leur translation dans des maisons particulières appelées maisons de santé. Aucune disposition légale ne justifie une telle mesure. La loi du 4 vendémiaire an 6, qui a prévu le cas de maladie des détenus, ne permet leur translation que dans les hospices et à la charge qu'il sera pourvu à leur garde (art. 15 et 16). Les maisons particulières n'offrent aucune des garanties d'un établissement public, et il est visible que la peine est interrompue pendant la résidence des condamnés dans ces maisons. Ces translations sont donc évidemment illégales, et si l'on ajoute qu'elles peuvent être accordées avec légèreté, qu'elles le sont tou

[1] Voy. suprà, p. 96.

jours par faveur, et que les condamnés qui ont quelque fortune peuvent seuls en profiter, il s'ensuit qu'elles sont encore entachées d'injustice vis-à-vis des autres détenus.

Lorsque la condamnation émane du tribunal d'appel, est-ce dans la prison de la résidence de ce tribunal, ou dans celle de la résidence des premiers juges, que la peine doit être subie? cette question se résout par une distinction. Si les juges d'appel n'ont fait que confirmer purement et simplement le jugement de première instance, c'est en définitive ce dernier jugement qu'il s'agit d'exécuter, et dès lors c'est aux lieux où il a été rendu que la peine doit être subie. Si ce jugement, au contraire, a été modifié dans quelque partie par les juges d'appel, la condamnation est le fait de ces juges, elle leur appartient, et c'est alors dans la prison de leur résidence que le condamné doit être écroué.

L'exécution des peines appelle dans tous les cas le concours de l'autorité judiciaire et de l'autorité administrative, et comme les limites de ces deux autorités en cette matière sont mal définies, il en résulte des froissemens assez fréquens. Ces difficultés étaient inconnues sous l'ancienne législation, où l'administration des prisons appartenait aux lieutenans généraux des sénéchaussées et bailliages royaux et autres premiers juges des justices ordinaires, chacun dans son ressort [2]. L'assemblée constituante en divisa les attributions, et remit au pouvoir administratif l'administration matérielle de ces établissemens, c'est-à-dire, la direction de leur police, la surveillance de leur régime et de leur salubrité, la fixation et le paiement de leurs dépenses, à côté de ces attributions, la loi a reservé une attribution, pour ainsi dire, parallèle à l'autorité judiciaire : les présidens des assises et les juges d'instruction sont d'abord investis d'un droit d'inspection et de surveillance sur l'administration même des prisons (art. 611 et 613 du Cod. d'inst. crim.). Mais ce droit devient plus étendu entre les mains du ministère public; la loi le charge spécialement de donner tous les ordres nécessaires pour l'exécution des peines (art. 197 et 376 du Cod. d'inst. crim). Or quelles sont les bornes légales de ce pouvoir? Ce magistrat doit-il requérir seulement la translation des condamnés dans les maisons destinées à l'exécution de leurs peines? doit-il l'ordonner lui-même directement? ne peut-il pas du moins faire écrouer tel condamné dans telle ou telle maison? est-ce à lui,

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est-ce à l'administration qu'il appartient de faire cette désignation?

Cette difficulté ne peut guère se présenter à l'égard des condamnés à plus d'un an de prison, puisque les ordonnances des 2 avril 1817 et 6 juin 1830, ont fixé d'une manière précise les lieux de détention où cette peine doit être subie; mais elle peut s'élever fréquemment dans l'exécution des peines inférieures, et l'on chercherait vainement dans la législation une règle fixe pour la résoudre. De ce silence on doit sans doute inférer que le droit d'ordonner l'exécution d'une peine de moins d'un an, dans telle ou telle prison, peut être exercé concurrement, soit par le ministère public, soit par le préfet. Il est facile d'apercevoir que cette double action doit amener quelque confusion dans la pratique. Une ligne plus nette devrait être tracée entre les deux pouvoirs.

Toutefois, la compétence de l'administration cesse nécessairement lorsqu'il s'élève sur l'exécution de la peine quelque incident contentieux; le ministère public peut seul statuer sur cet incident, sauf au condamné que cette solution concerne, à en référer, s'il le juge convenable, aux juges, dont la condamnation est émanée. Cette dernière règle, que nous avons établie au sujet de l'exécution des peines afflictives, s'applique entièrement aux peines correctionnelles, et c'est inême en cette matière que la Cour de cassation l'a consacrée [1].

Une autre règle également commune aux peines afflictives et correctionnelles, est celle qui prohibe la cumulation de ces peines: l'art. 365 du Cod. d'inst. crim. porte, en effet : « En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte sera seule prononcée. » Il serait sans objet de reproduire la théorie qui a été exposée dans le précédent paragraphe, sur l'application de cet article; les mêmes principes s'appliquent dans toutes les hypothèses. Nous ajouterons cependant quelques brèves observations.

On a vu que la cour de cassation admet la cumulation des peines de la même nature jusqu'à concurrence du maximum, pour des faits antérieurs à la première condamnation. Et l'on doit remarquer, pour l'application de ce système, que nous avons combattu, d'abord que le maximum de la peine d'emprisonnement n'est que de cinq ans (art. 40, 57 et 58 Cod. pén.), d'où il suit que les diverses condamnations pour

[1] Arr. cass., 23 fév. 1833. (Sirey, 1833, 1, 558.)

[2] Arr. cass, 8 oct. 1824. (Sirey, 1825, 1, 81.)

simples délits ne peuvent, quelque graves et nombreux qu'ils soient, excéder cette somme de temps, si le prévenu n'est pas en récidive; ensuite, qui si ces délits ne sont passibles que d'un emprisonnement inférieur à cinq ans, s'ils sont punissables, par exemple, de six mois, d'un an ou de deux ans de prison, c'est cette dernière peine, maximum de la peine la plus forte, qui devient l ́ invariable limite de la répression.

Mais resserrée même dans ces bornes, cette doctrine nous semble très contestable. Nous pensons que le législateur n'a voulu, dans l'hypothèse des art. 365 et 379 du Cod. d'inst. crim., n'infliger au prévenu qu'une seule peine pour les divers délits qu'il a commis, et non additionner les peines dont il était passible jusqu'au taux du maximum de la plus forte; que si les juges peuvent épuiser ce maximum, il ne s'ensuit pas qu'à leur insu, et peut-être contre leur gré, on puisse accumuler des condamnations isolées; enfin, que la condition du prévenu ne doit pas être empirée, parce qu'il a été soumis à plusieurs accusations, au lieu d'être une seule fois jugé pour tous ses méfaits. Nous n'insistons pas sur ce principe que nous avons développé précédemment.

Nous rappellerons toutefois, en nous appuyant sur des arrêts de la Cour de cassation, que le prévenu qui a encouru une condamnation à l'emprisonnement moindre de cinq ans, peut être néanmoins poursuivi pour un délit, qu'il a commis antérieurement [2], mais que les juges ont alors la faculté ou d'aggraver la peine jusqu'à cinq ans, pourvu que l'un des délits soit passible de ce maximum, ou de ne prononcer aucune peine, en se référant simplement à la première condamnation, si cette première peine leur parait suffisante pour expier les deux délits [3].

S III. De l'exécution des condamnations pécuniaires.

Le recouvrement des condamnations pécuniaires s'opère par toutes les voies légales, mais le plus souvent par la voie de la contrainte par corps. La nécessité d'alléger le poids des frais de justice, et le besoin de prêter force à des condamnations qui prennent leur source dans un délit, ont fait maintenir ce mode rigoureux d'exécution que l'ordonnance de 1670 (tit. 13, article 29) autorisait également, et que

[3] Arr. cass., 29 avr. 1832. (Journ. du droit crim. pag. 247.)

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