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l'assemblée constituante avait conservé [1]. L'art. 62 du Code pénal n'a donc fait que recueillir un principe préexistant, lorsqu'il déclare que«l'exé cution des condamnations à l'amende, aux restitutions, aux dommages-intérêts et aux frais, pourra être poursuivie par la voie de la contrainte par corps. >>

Mais si cette règle est demeurée invariable dans la législation, il n'en est pas de même de son application. Dans l'ancien droit la contrainte n'avait de terme que le payement. Dans la législation de l'assemblée constituante, la contrainte était également indéfinie lorsqu'elle était appliquée à des condamnations encourues pour crimes; elle était limitée à un mois si la condamnation avait eu pour objet un simple délit, et que le condamné fût insolvable.

M. Target, dans l'exposé des principes du Code pénal, avait dit : « Toutes les fois que la nation est créancière, il convient que la contrainte ait un terme, à partir de l'expiration de la peine corporelle subie par le condamné. Après ce terme, si l'insolvabilité est constante et bien prouvée, la liberté provisoire sera rendue [2]. » Ce principe fut adopté, mais le projet du Code n'avait posé de terme à la contrainte, en faveur des insolvables, qu'après trois ans, il s'agissait d'une condamnation résultant d'un crime, et après un an lorsqu'elle dérivait d'un délit. La commission du corps législatif trouva ces deux termes trop éloignés : « La durée de l'emprisonnement pour cause purement pécuniaire, à l'égard d'individus qui viennent de subir une peine, est excessive, soit en elle-même, soit en la comparant à ce qui s'est pratiqué jusqu'ici. Il n'y aurait dans la disposition du projet aucune proportion entre la durée de la peine du crime ou délit, et la mesure de garantie de l'acquit des condamnations pécuniaires, et l'on ne peut s'empêcher de convenir que si le terme d'un mois exigé de ce moment est trop court, ceux de trois ans et d'un an sont trop considérables [3].» Ce fut d'après ces observations que la rédaction de l'art. 53 fut modifiée dans les termes suivans : « Lorsque des amendes et des frais seront prononcés au profit de l'État, si, après l'expiration de la peine afflictive ou infamante, l'emprisonnement du condamné, pour l'acquit de ces condamnations pécuniaires, a duré une année complète, il pourra sur la preuve acquise, par les voies de droit, de son absolue insolvabilité

[1] L. 22 juill. 1791, tit. 1, art. 26; tit. II, art.41. L. 28 sept. 1791, tit. Il, art. 5.

obtenir sa liberté provisoire.-La durée de l'emprisonnement sera réduite à six mois s'il s'agit d'un délit, sauf, dans tous les cas, à reprendre la contrainte par corps, s'il survient au condamné quelque moyen de solvabilité. »

:

Ainsi, la théorie du Code se résumait dans ces deux règles durée illimitée de la contrainte, 1° si la condamnation pécuniaire était prononcée au profit d'une partie civile ; 2° si cette condamnation était prononcée au profit de l'État, et que l'insolvabilité du condamné ne fût pas justifiée; durée limitée, soit à un an, soit à six mois, suivant que la condamnation dérivait d'un crime ou d'un délit, lorsque le condamné justi--fiait d'une insolvabilité absolue. Le même principe, la même distinction se retrouvent dans les art. 467 et 469 du Code, relatifs aux matières de police. Il est inutile de faire remarquer la rigueur de ces dispositions.

La loi du 17 avril 1832 a eu pour mission de les adoucir, en y substituant un autre système, mais cette mission a-t-elle été pleinement accomplie? Ce système est-il à l'abri de tout reproche?

La loi distingue les droits de la partie civile et ceux de l'État. La durée de la contrainte, pour une condamnation prononcée au profit d'une partie civile, doit être fixée par le jugement, dans les limites de six mois à cinq ans, si elle est inférieure à 300 fr., dans celles d'un an à six ans si la dette égale ou excède 300 fr. Dans l'un et l'autre cas, le débiteur peut faire cesser la contrainte en donnant caution: il peut encore, mais seulement dans le cas où la dette est inférieure à 300 fr., obtenir son élargissement, en justifiant de son insolvabilité, et après des délais qui sont calculés sur le montant de cetic dette (art. 35, 39 et 40. ) Arrêtons-nous un moment sur ces premières dispositions.

La chambre des pairs avait établi en principe, dans un projet qui fut modifié depuis par la chambre des députés, que ces condamnations prononcées en faveur de particuliers ne pou-vaient jamais entraîner la contrainte, si elles n'excédaient 300 fr. « Les dettes qui résultent, disait le rapporteur, M. Portalis, des réparations accordées par les Cours d'assises, les tribunaux correctionnels ou de simple police, sont des dettes purement civiles. Or, les dettes civiles n'entraînent pas la contrainte par corps, si elles sont moindres de 300 fr. On empire donc le

[2] Observations de M. Target; Locré, tom. 15, édit. Tarlier.

[3] Locré, tom. 15, édit. Tarlier.

sort des condamnés, au lieu de l'améliorer, lors qu'on les soumet à l'emprisonnement, quelque courte qu'en soit la durée pour le paiement de ces dettes. Il n'y a pas lieu de les soustraire à la protection du droit commun. La vindicte publique, une fois satisfaite, il n'y a plus rien de pénal dans les dispositions des jugemens que rendent les tribunaux de répression, quels qu'ils soient [1]. »

que, d'ailleurs, le deuxième paragraphe de l'art. 39 dispose que le jugement de condamnation fixera la durée de la contrainte dans les limites de six mois à cinq ans.... » Cette interprétation ne doit pas être adoptée. L'art. 53 renferme un principe général qui s'applique aussi bien aux condamnations intervenues dans l'intérêt des particuliers que dans celui de l'État. Il résulte de l'art. 39 lui-même, que l'art. 35 auquel il renvoie, doit être appliqué toutes les fois que l'insolvabilité du condamné a été constatée, et en cas de contestation, jugée contradictoirement avec le créancier. Si ce même article dispose, dans son deuxième paragraphe, que la durée de la contrainte sera déterminée par le jugement dans les limites d'un an à cinq ans, cette fixation ne fait point obstacle à ce que l'emprisonnement ne soit ensuite réduit suivant l'échelle proportionnelle de l'art 31 : le jugement constitue le titre du créancier, mais le mode d'exécution est réglé par la loi.

Un seul motif a été allégué à la chambre des députés contre cette proposition; c'est que «les dommages-intérêts ne sont plus une dette purement civile, du moment qu'ils dérivent d'un crime ou d'un délit [2]. » Mais nous ne saurions concevoir comment le caractère de fait qui donne lieu à la réparation, peut influer sur la nature de cette réparation. Que la criminalité du fait disparaisse, que l'accusé soit absous ou acquitté, les dommages-intérêts qui pourront encore être mis à sa charge, changeront-ils de nature? La réparation n'est-elle pas la même si la partie civile l'a obtenue d'un tribunal civil ou d'un tribunal de répression? Ce n'est point parce que le fait constitue un délit que les dommagesintérêts sont dus, c'est parce que le demandeur a éprouvé un dommage, c'est en vertu de l'art. 1382 du Code civil. Pourquoi donc déroger au droit commun, qui ne permet jamais la contrainte pour une somme inférienre à 300 fr.? quelle raison plausible alléguer pour en augmenter la rigueur? Les réparations qu'un tribunal civil motive sur le dol ou la fraude, mé-rée de cette détention, dans le cas même où l'inritent-elles plus de faveur que celles qu'une Cour d'assises accorde, souvent même en acquittant le prévenu, et qui prennent, en tous cas, leur source dans un fait dont la criminalité a été la vée par la peine?

Nous avons dit que le débiteur pouvait, lorsque la dette était inférieure à 300 fr., obtenir son élargissement, en prouvant son insolvabilite. On avait douté cependant, que les dispositions de l'art. 35 de la loi du 17 avril 1832, relatives aux condamnés insolvables, fussent applicables à ceux qui ont été incarcérés à la requête des particuliers. Le tribunal correctionnel de Montpellier a même consacré, par jugement du 22 novembre 1832, une solution négative: «Attendu que l'art. 35 ne dispose qu'à l'encontre des débiteurs de l'Etat: que si cet article est mentionné dans l'art. 39, ce n'est que pour l'indication des cas dans lesquels peut avoir lieu l'élargissement du débiteur qui ne paie pas, et en même temps des formes à suivre pour l'obtenir;

[1] Monit. du 30 déc. 1831; 1re part.

Les condamnations prononcées au profit de l'État suivent à peu près les mêmes règles. L'article 34 de la loi porte que les débiteurs subiront la contrainte jusqu'à ce qu'ils aient payé le montant des condamnations. Mais ce principe rigoureux est tempéré 1o par le droit que le débiteur a dans tous les cas de fournir caution; 2o par la faculté qui lui est donnée de justifier de son insolvabilité, lorsque la dette est inférieure à 300 fr.; 3° par la limite apportée à la du

solvabilité n'est pas établie par l'art. 40 de la loi.

La faculté de donner caution résulte de l'art. 34 lui-même. Quant à l'insolvabilité, le condamné est toujours admis à en faire la preuve, et cette preuve faite dans les termes de la loi, c'est le montant de la somme due qui fixe seul le temps après lequel il peut obtenir sa liberté. D'après l'art. 35, il jouit de ce droit, en prouvant son insolvabilité, après quinze jours de détention, lorsque l'amende et les autres condamnations pécuniaires n'excèdent pas 15 francs; après un mois, lorsqu'elles n'excèdent pas 50 francs; après deux mois, lorsqu'elles n'excèdent pas 100 francs; enfin, après quatre mois, lorsqu'elles n'excèdent pas 300 francs.

La chambre des pairs avait proposé de ne proportionner la durée de l'emprisonnement qu'à la quotité de l'amende seulement : « Nous avons jugé, disait M. Portalis, qu'il serait trop rigoureux de cumuler avec le montant de l'amende, d'autres condamnations pécuniaires ac

[2] Monit. du 20 fév. 1832, suppl.

cessoires; que le délinquant qui avait été puni n'était plus que malheureux, et qu'une détention prolongée, en aggravant sa misère, le frapperait d'un funeste découragement, sans avantage pour le fisc et au grand préjudice de la société [1]. » Cet amendemeut avait obtenu l'assentiment du gouvernement. La commission de la chambre des députés l'a repoussé : « En supprimant du projet les mots et autres condamnations pécuniaires, a dit M. Parant, rapporteur, la chambre des pairs a exclu les dommages-intérêts de la supputation de la somme sur laquelle sera calculée la durée de la contrainte du condamné qui excipera de son insolvabilité. Il y aura donc dérogation complète, au lieu d'une simple modification, à l'art. 53 du Code pénal, dans lequel se trouvent les mots condamnations pécuniaires, applicables non seulement à l'amende et aux frais, mais encore aux restitutions et aux dommages-intérêts, cemme l'indique l'art. 52 du même Code, Il y aurait surtout un grand préjudice pour l'Etat; car la justification d'insolvabilité n'est pas toujours une raison pour croire que le paiement ne peut avoir lieu [2]. » Ces motifs ont paru suffisans pour rétablir dans l'art. 35 les mots et autres condamnations pécuniaires.

La chambre des pairs avait encore admis un autre amendement qui a eu le même sort. Cette disposition additionnelle à l'art. 35, était ainsi conçue : « Toute fois, la détention prononcée en exécution du présent article, ne pourra être ordonnée pour un temps qui excéderait le double de la durée de la peine de la prison, auquel le débiteur de l'amende aurait été condamné par le même jugement. » Les auteurs de cet amendement avaient été frappés de la situation d'un infortuné réduit par son indigence à payer de sa liberté, et subissant une prolongation de peine pour l'acquittement d'une dette. Il leur avait semblé que l'humanité et la justice répugnaient également à une telle compensation. La chambre des députés a été déterminée par une autre considération; elle a remarqué que les juges, dans l'intérêt du travail et de l'industrie, abrégent souvent la durée de l'emprisonnement, en même temps qu'ils aggravent la peine pécuniaire. Elle a craint que la disposition proposée ne les détournât d'une pratique utile, et que, pour ne pas rendre la condamnation illusoire, si la durée de la contrainte par corps, en cas de non paiement de l'amende était trop abrégée, les

[1] Monit. du 30 déc. 1831.

[2] Monit. du 20 févr., 1832, suppl.

tribunaux n'aggravassent la peine de l'emprisonnement. Mais ces objections ne sont-elles pas elles-mêmes susceptibles de controverse? Qu'importe, en effet, qne la durée de l'emprisonnement soit abrogée comme peine, lorsqu'on la prolonge comme contrainte? Le mal c'est la prison qui prive la famille de son chef, l'ouvrier de son salaire, qui paralyse son industrie et abat son ame; il est indifférent qu'il y soit détenu comme condamné ou comme débiteur.

La troisième exception à la règle rigoureuse de l'art. 34 est écrite dans l'art. 40, qui pose une limite à la durée de la contrainte, dans le cas où la somme excède 300 francs. Dans cette dernière hypothèse, l'insolvabilité du débiteur est une circonstance indifférente; il n'est plus admis à l'établir. Mais lorsque le terme fixé par le jugement est arrivé, il n'est pas nécessaire non plus qu'il justifie de cette insolvabilité pour obtenir sa liberté. La pensée de la loi, à cet égard, se révèle dans les termes de l'art. 40; en fixant un terme à la détention, cet article n'a point ajouté la condition que le débiteur devait justifier de son insolvabilité, avant de recouvrer sa liberté à l'expiration du terme ; les tribunaux ne pourraient suppléer une disposition aussi rigoureuse. Telle est aussi l'opinion que M. l'avocat-général Parant, rapporteur de la loi du 17 avril 1832 à la chambre des députés, a développée devant la Cour de cassation: « Si le débiteur, a dit ce magistrat, ne peut s'affranchir en prouvant son insolvabilité, s'il doit subir la détention dans ce cas même, au moins il est juste qu'on le remette en liberté à l'expiration du terme fixé, sans autre justification que celle de l'échéance du délai. En effet, théoriquement parlant, la contrainte par corps est un moyen coërcitif, c'est une épreuve de solvabilité. Les juges doivent apprécier, eu égard au délit, à l'importance de la somme, au caractère de l'individu, à ses ressources présumées, quel est le temps d'épreuve nécessaire pour s'assurer que s'il ne paie pas, ce n'est pas par mauvaise volonté, mais par impossibilité. Or, quand l'épreuve a été faite conformément au jugement, la mise en liberté en est la conséquence, et l'on ne pourrait imposer encore au débiteur unc preuve d'insolvabilité, sans ajouter à la loi et sans s'exposer à retomber dans les inconvéniens de l'art. 52 Cod. pén., qui permettait la contrainte pour un temps illimité, à l'égard de leur insolvabilité [3]. »

[3] Réquisitoire de M. Parant, arr. cas., 24 janv. 1835 (Journ. du droit erim. pag. 24).

Il nous reste à examiner une question importante sur laquelle plusieurs solutions ont été proposées. Quelle doit être la position du condamné à une somme moindre de 300 fr. qui ne peut justifier de son insolvabilité? Faut-il lui appliquer le deuxième paragraphe de l'art. 39, qui permet d'infliger une contrainte de six mois à cinq ans aux débiteurs d'une somme de moins de 300 fr. due à des particuliers? Faut-il, au contraire, dans le silence de la loi, décider qu'il devra garder indéfiniment prison? sa détention aura-t-elle un terme, et quel doit être ce terme? La Cour royale de Douai a décidé que le deuxième paragraphe de l'art. 39 de la loi du 17 avril 1832[1], renferme une règle générale qui s'applique à toutes les condamnations inférieures à 300 fr., soit qu'elles soient prononcées au profit de l'état, soit dans l'intérêt des particuliers [2]. « A la vérité, ajoute cet arrêt, la première disposition de l'art. 39 ne fait mention que des condamnés arrêtés à la requête des particuliers, mais les art. 34, 35 et 36, auxquels cette disposition se réfère, concernent explicitement les condamnations pécuniaires prononcées au profit de l'état, d'où il suit que le paragraphe final de l'art. 39, peut s'appliquer aussi bien aux individus condamnés envers l'état, qu'à ceux qui sont condamnés dans l'intérêt des particuliers. La Cour de cassation n'a point partagé cette opinion; elle a formellement déclaré « que le deuxième paragraphe de l'art. 39, qui oblige les tribunaux à déterminer, par les jugemens de condamnation, la durée de la contrainte, n'est relatif qu'à l'intérêt des particuliers exclusive ment, et ne peut pas dès lors s'appliquer à ce qui concerne l'état [3]. » Mais, en écartant l'appli cation de ce paragraphe, cette décision n'a point déterminé quelle serait la durée de la contrainte

M. l'avocat général Parant, dans le réquisitoire qui précéda le même arrêt, proposa le terme d'un an: «S'il est vrai, dit ce magistrat, que pour la somme de 300 fr. et au-delà, les limites de la détention sont d'un an à dix ans, logiquement la détention pour une somme inférieure ne peut excéder le terme d'une année. C'est la conséquence qui découle naturellement de la distinction faite par la législation entre les sommes inférieures à 300 francs, et celles qui atteignent

[1] Voici le texte de ce paragraphe : « La durée de la contrainte par corps sera déterminée par le jugenient de condamnation dans les limites de six nois à cinq ans. »

[2] Arr. 25 août 1832. (Journ, du droit crim., pag. 279.)

ou dépassent ce chiffre. Le système contraire est le plus rigoureux ; car si, d'après l'art. 39, les juges peuvent limiter la détention à six mois, ils pourraient aussi la fixer à cinq ans. Lorsqu'il s'agit des intérêts de l'état, la somme de 300 fr. est trop minime en raison de l'importance de la liberté individuelle, pour qu'on permette aux tribunaux de prononcer une aussi longue détention. L'épreuve qui peut durer une année toute entière est bien suffisante. »

Au milieu de cette controverse, la première pensée est d'interroger les discussions législatives qui ont élaboré la loi. Mais elles sont muetics sur le sens d'une disposition dont la rédaction n'y a même laissé aucunes traces. L'art. 39 du projet de la chambre des pairs était suivi d'un deuxième parrgraphe ainsi conçu: « La durée de la détention desdits condamnés (à la requête des particuliers), sera réglée conformément aux dispositions de l'art. 35. » Ce paragraphe additionnel fut effacé avec raison par la chambre des députés : « Le deuxième paragraphe de l'art. 39, disait le rapporteur, est complètement inu-tile; en effet, du moment que la chambre des pairs admet en principe que la contrainte ne sera pas exercée par la partie civile pour une somme inférieure à 300 francs, et que pour les sommes supérieures, l'art. 40 renvoie à l'art. 7, il n'y a plus besoin de renvoyer à l'art. 34, pour le réglement d'un cas qui ne doit pas se réaliser. » Mais aucune disposition n'y fut substituée, et l'on ne trouve nul vestige du deuxième paragraphe actuel, soit dans la discussion de la chambre des députés, où le premier paragraphe de l'art.39 fut seule voté, soit dans la délibération de la chambre des pairs qui adopta purement et simplement le projet qui lui fut reporté [4].

C'est donc dans le rapprochement des textes et dans l'esprit général de la loi qu'il faut chercher une solution. Nous serions disposés à suivre l'opinion adoptée par M. Parant, et à fixer le terme d'un an à la détention. Ce terme, plus cn proportion avec la quotité de la somme, est plus favorable au condamné, et dans le silence de la loi, cette considération est peut-être décisive. Cependant il faut reconnaitre qu'aucun texte n'autorise une telle interprétation. La loi n'a même nulle part posé de terme fixe à la dé

[3] Arr. cass. 24 janvier 1835. (Jour. du droit criminel, pag. 18.)

[4] Voy. les Moniteurs des 30 déc. 1831, 18 janv. 20 fév. supp., 6 avr., 2o suppl., et 15 avril 1832.

tention; dans chaque catégorie, elle a multiplié les degrés, afin que le juge pût en proportionner la durée à la quotité de la dette et aux ressources présumées du débiteur. Ainsi la limite de six mois à cinq ans, pour les condamnations inférieures à 300 fr., est plus conforme à son système général, et s'échelonne plus parfaitement avec la durée d'un an à dix ans pour les condamnations supérieures. Enfin, le législateur n'a point distingué, quant à la durée de la contrainte, les condamnations rendues dans un intérêt privé ou dans l'intérêt de l'état, et nous ne voyons aucun motif sérieux de faire cette distinction. D'ailleurs quand au-dessus de 300 francs, cette durée est la même dans les deux cas, comment serait-elle différente au-dessous de cette somme? Il nous paraît donc que l'intention des rédacteurs de la loi a dû être d'attribuer un sens général au deuxième paragraphe de l'art. 39. Mais la rédaction a trahi leur pensée, en attachant ce paragraphe à l'art. 39, ils lui ont fait subir la domination de la première disposition de cet article; ils croyaient tracer une règle, ils n'ont écrit qu'une exception. Il en résulte une lacune dans la loi, lacune grave et importante pour la liberté individuelle, et que la loi seule pourra combler.

La contrainte par corps a lieu de plein droit en matière criminelle, correctionnelle et de police; cela résulte des termes de l'art. 52 du Code pénal, qui n'a pas dit seulement que l'exécution pourrait être prononcée, mais bien qu'elle pourrait être poursuivie par la voie de cette contrainte. Il suit de là qu'il n'est pas nécessaire que le jugement qui la prononce motive cette condamnation [1], et que les juges peuvent la prononcer en appel encore bien qu'elle ne l'ait pas été en première instance [2].

Mais lorsqu'il y a lieu de déterminer la durée de la contrainte, cette durée doit être fixée par le jugement. La Cour de cassation a fait à cet égard plusieurs distinctions. Si les condamnations sont prononcées au profit de l'État, et qu'elles ne s'élèvent pas à 300 fr. la durée de la contrainte ne doit pas être déterminée [3]. Cette solution est une conséquence de la jurisprudence que nous avons examinée plus haut, et d'après laquelle l'art. 39 de la loi n'est applicable qu'aux condamnations prononcées en faveur des particuliers. Si les condamnations prononcées au

[1] Arr. cass., 21 juin 1835. Dalloz, 23, t. 1 p. 225. [2] Arr. cass., 14 juill. 1827; Sirey, 1827, 1, 530; Arr., Bordeaux, 15 nov. 1828; Sirey, 1829, 2; 117.

CHAUVEAU. T. I.

profit de l'État s'élèvent à 300 fr., les arrêts et jugemens doivent déterminer la durée de la contrainte, à peine de nullité [4]. Enfin, cette durée doit également être déterminée dans toutes les condamnations prononcées au profit d'une partie civile, qu'elles soient inférieures ou supérieures à 300 fr.

Il peut arriver que l'arrêt ne prononce qu'une condamnation aux frais, et que ces frais ne soient pas toutefois liquidés par cet arrêt; quelle doit être alors la décision des juges? Évidemment ils ne sont pas tenus de déterminer la durée de la contrainte, puisqu'ils n'ont pas de base légale pour la fixer. Le condamné doit alors, après la liquidation, présenter requête pour faire statuer sur cette durée [5].

Faut-il comprendre les frais d'exécution de jugement dans la somme de ceux qui doivent servir à fixer la durée de la détention? Un jugement du tribunal correctionnel de Montpellier du 22 novembre 1832 a jugé la négative. Mais une décision du ministre des finances, du 2 novembre 1829, avait adopté l'interprétation contraire qui nous semble plus conforme à l'esprit de la loi. Les art. 798 du Code de pr. civ. et 23 de la loi du 17 avril placent parmi les frais que doit payer le débiteur pour faire cesser la contrainte, ceux de l'exécution. A la vérité, ces dispositions ne peuvent être rigoureusement invoquées qu'à l'égard des condamnations émanées des tribunaux civils. Mais on doit remarquer 1° que les frais postérieurs au jugement sont à la charge des condamnés comme ceux du jugement lui-même ; 2o que l'art. 33 de la loi autorise la contrainte, non seulement pour l'exécution des jugemens et arrêts, en matière criminelle et correctionnelle, mais pour l'exécution des exécutoires. Or s'il fallait défalquer du montant des condamnations les frais de signification, de commandement et de capture, ne s'ensuivraitil pas que les délinquans, après avoir été détenus pour le paiement de l'amende et des frais antérieurs au jugement, seraient exposés à une détention nouvelle pour les frais postérieurs ? Toutefois cette exécution rigoureuse de la loi rendrait, dans la plupart des cas, illusoire et vaine la disposition bienfaisante de l'art. 35 qui limite à 15 jours la détention du condamné insolvable, dont la dette n'excède pas 15 fr., puisqu'à l'exception des matières forestières, les

[3] Arr., 24 janv. 1835. (Journ. du droit crim., pag. 17.) Arr. 20 mars 1835.

[4] Arr., 20 mars, 2 avr. et 16 avr. 1835.
[5] Mèmes arrêts.

8.

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