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des anciens jurisconsultes, dit également : con suetudinis delinquendi præsumptio tantum in eodem vel simili genere mali, secùs si in diverso [1]. Le Code du Brésil ne punit également la récidive que d'un délit de même nature; le Code d'Autriche, que dans le cas où le coupable a été puni pour un semblable délit. La loi prussienne veut aussi que les juges aient égard à la propension du coupable aux délits de la nature de celui qu'ils punissent (art. 53). Enfin dans le système du Code de la Louisiane, la récidive n'existe qu'entre des délits de la même nature (of the same nature).

Assurément nous ne prétendons pas que les deux faits doivent révéler une complète identité pour que la récidive puisse exister. Il serait il lusoire d'admettre, avec le législateur de la Louisiane, que le faussaire qui commet un vol, que le meurtrier qui se rend coupable d'un attentat à la pudeur, ne se trouvent pas en état de récidive; car la même perversité a guidé le voleur et le faussaire, la même passion le meurtre et l'attentat. Les délits sont de la même nature quand ils dérivent du même principe, quand ils prennent leur source dans le même genre de corruption. Ainsi la nature même des choses a divisé les infractions en délits contre les personnes, délits contre les propriétés, délits politiques, militaires, spéciaux, etc. Dans chacune de ces classes la réitération d'un délit doit former la récidive; mais si les deux infractions n'appartiennent pas à la même classe, la récidive n'existe plus, parce qu'il n'y a plus habitude dans un même genre de crime. C'est à ces termes que se résume notre pensée. Cette distinction simple et facile, en renfermant la présomption de la loi dans ses vraies limites, satiferait à la justice morale sans affaiblir un utile principe de répression.

Une seconde restriction peut se fonder sur l'intervalle, qui, dans certains cas, sépare les deux crimes; la loi doit-elle faire abstraction de cet intervalle? Le second crime mérite-t-il l'aggravation de la peine à quelque distance qu'il soit placé du premier? ainsi, relevé de sa première faute par 40 ans d'une vie paisible, le délinquant retombe dans le crime; faut-ii réunir deux actions séparées par une si longue carrière, pour en tirer la preuve de cette obstination criminelle que la loi redoute et qu'elle frappe d'une peine plus sévère ? Les anciens jurisconsultes ne faisaient pas remonter la récidive au

[1 et 2] Quæst. 23, no 26 et 30.

dela de trois ans ; car si le délinquant, dit Farinacius, per dictum tempus benè et laudabiliter vixerit, cessat præsumptio quod semel malus, iterum præsumitur malus [2]. Cette règle avait passé dans l'art. 15 de la loi du 25 frimaire an 8, ainsi conçu : « Il y aura récidive quand un délit aura été commis par le condamné dans les trois années à compter du jour de l'expiration de la peine qu'il aura subie. » A l'égard des simples contraventions, les art. 608 du Code du 3 brumaire et 483 du C. pén, ont euxmêmes limité l'application de la récidive au cas où les deux contraventions ont été commises dans le cours de la même année.

M. Scipion Bexon, dans son projet de Code pénal, établit la même distinction. « Il ne doit y avoir lieu, dit ce publiciste, à l'application des peines de la récidive, dans les cas de contravention, qu'autant que les actions contraires aux dispositions de la loi, auraient lieu dans le terme d'une année. Mais à mesure que la première action exécutée est plus dangereuse et annonce plus de perversité et de corruption dans son auteur, la menace des peines de la récidive doit s'étendre à un temps plus long, et dans le cas du deuxième délit dans le cours de trois années depuis le premier, il y a lien à l'application des peines sur la récidive. Les motifs deviennent plus puissans pour étendre davantage ce temps quand il s'agit de la récidive pour crimes; en général, ce temps n'est pas déterminé ; j'ai proposé de restreindre ce délai de la récidive pour crimes à cinq années depuis la condamnation subie [3]. »

Et, en effet si la perpétration des deux crimes n'a eu lieu qu'à des époques éloignées, la présomption de perversité dont la loi environne le deuxième crime s'évanouit. Comment supposer que le délinquant a été entraîné dans une seconde faute par une habitude dépravée, lorsque de longues années d'une conduite pure viennent déposer contre cette habitude? et cette vie intermédiaire ne doit-elle pas lui être comptée? La société doit-elle se ressouvenir encore d'un premier' crime que 20 ou 30 ans d'une existence paisible ont lavé? Sa bonne conduite l'a régénéré: ce n'est plus un condamné relaps; la loi ne doit lui reprocher qu'une seule faute.

Toutefois une période de trois et même de cinq ans, ne nous semblerait point suffisante pour établir la preuve de la complète conversion du coupable. Peut-être en portant ce terme à dix ans, qui ne compteraient que du jour

[3] Introd., § 19.

de l'expiration de la première peine, arriveraiton à concilier l'application du principe de la récidive avec la raison qui le justifie.

Une troisième restriction, qui renfermerait implicitement les deux premières, consisterait à faire céder à la preuve contraire la présomption légale que deux crimes font peser sur l'accusé, à rendre l'aggravation de la peine, non pas obligatoire, mais facultative dans les mains du juge. Ce système, s'il pouvait être strictement appliqué, aurait l'avantage d'établir un rapport aussi exact que possible entre la peine et la moralité du condamné. Mais il met la volonté du juge à la place de celle de la loi, l'arbitraire des décisions humaines au lieu de la stabilité des règles légales. C'est dans cette voie qu'est entrée, bien que d'une manière restrictive, la loi du 28 avril 1832. Nous y reviendrons plus loin.

La mesure de l'aggravation dont la récidive est passible, doit être circonscrite elle-même dans des bornes assez étroites. La récidive doit entraîner un degré plus élevé de la même peine, mais elle ne peut motiver une peine différente et d'un degré supérieur. La raison en est simple: le fait à punir ne change pas de nature. La criminalité de l'agent est plus évidente, mais elle n'altère pas le caractère de l'action à laquelle elle se rattache. La peine que le législateur a choisie dans l'échelle des peines pour l'appliquer à cette infraction, doit donc rester la même; seulement elle peut être élevée jusqu'au maximum. Telle est aussi l'opinion de M. Rossi. « Comme la récidive, observe ce criminaliste, n'est qu'une aggravation de culpabilité dans la même espèce de crime, nous reconnaissons qu'on ne devrait jamais changer le genre de la peine, mais seulement en augmenter le taux. » Ce principe, méconnu par la loi romaine, a été suivi par les législateurs du Brésil et de la Louisiane. L'art. 46 du Code prussien le proclame également dans les termes les plus explicites.

Telles sont les limites dans lesquelles l'aggravation pénale de la récidivité devrait, nous le pensons, être restreinte, pour devenir en rapport avec son principe et son but. Notre intention n'est point d'insister davantage sur ces observations théoriques. Nous y reviendrons d'ailleurs dans le cours de ce chapitre.

Passons à l'examen du Code pénal.

M. Treilhard expliquait ainsi la pensée du Code de 1810: « L'assemblée constituante n'a établi contre le second crime que la peine pro

[1] Locré, tom. 15, édit. Tarlier.

noncée par la loi, sans distinction de la récidive; mais elle a voulu qu'après la peine subie, les condamnés pour récidive fussent déportés, disposition qui ne nous paraît pas conforme aux règles d'une justice exacte, puisqu'elle ne fait aucune différence entre celui dont le deuxième crime emporte la réclusion et celui dont le deuxième crime emporte vingt-quatre années de fers. Il nous a paru convenable de chercher une autre règle plus compatible avec les proportions qui doivent exister entre les peines et les crimes; elle se présente naturellement c'est d'appliquer au crime, en cas de récidive, la peine immédiatement supérieure à celle qui devrait être infligée au coupable s'il était condamné pour la première fois [1]. »

:

Ce système de gradation, dont nous avons vu le germe dans la loi romaine, ne fut pas admis sans contestation. La commission du corps législatif proposa d'y substituer une sorte de moyen terme entre la peine déjà encourue et la peine immédiatement supérieure. Cette peine intermédiaire eût consisté en une simple aggravation de la peine encourue, lorsqu'elle n'était que temporaire [2]. Cette proposition qui se rapprochait des principes que nous venons d'exposer, ne fut point adoptée; le conseil d'Etat maintint une échelle d'aggravation qui s'élevait symétriquement, mais par degrés inégaux, de la dégradation civique jusqu'à la peine de mort, et il n'hésita point d'inscrire, au dernier échelon, cette peine terrible pour remplacer celle des travaux forcés à perpétuité; quelque immense que soit l'abîme qui sépare ces deux châtimens.

Auprès de ce système d'aggravation, un autre système se manisfestait cependant dans les art. 57 et 58. Ainsi, tandis que l'art. 56 infligeait à la récidive en matière criminelle, une peine d'un ordre supérieur à celle que méritait le crime en lui-même, les art. 57 et 58 ne punissaient la récidive en matière correctionnelle que par l'aggravation de la peine encourue, sans en altérer la nature. Deux systèmes marchaient donc de front dans le même Code: celui de l'aggravation de la peine encourue et celui de la substitution à cette peine d'une peine supérieure.

La loi du 28 avril 1832, en atténuant quelques uns des plus déplorables effets de ce dernier système, a maintenu et continué une confusion qu'il eût été facile de faire disparaître. La commission de la chambre des députés ne s'est point dissimulé les vices du nouvel

[2] Locré, tom. 15, édit. Tarlier.

art. 56 [1]. Le rapporteur s'exprimait en ces termes: «Votre commission a peu d'observations à vous présenter sur la disposition du projet qui concerne les récidives. Le principe de l'aggravation obligée de la peine en cette matière, eût rencontré quelques objections, si l'admission des circonstances atténuantes ne remédiait aux injustices que ce principe peut quelquefois entraîner. Elle a trouvé cependant que, même dans le système du projet, le passage de la détention et aux travaux forcés à temps, à la détention et aux travaux forcés à perpétuité, dépassait de beaucoup l'aggravation légitime en matière de récidive, et elle vous propose de borner cette aggravation au maximum de la première peine,en laissant toutefois au juge le droit de l'élever jusqu'au double.» L'ancien système a donc survécu à la révision dans les trois premiers paragraphes de l'art. 56 qui remplacent, dans les cas de récidive, la dégradation civique par le bannissement, le ban nissement par la détention, la réclusion par les travaux forcés. Mais la loi nouvelle déroge à ce système dans les deux paragraphes suivans, qui se bornent à aggraver la peine applicable au second fait, sans la transformer en une autre peine ainsi, la détention peut être élevée jusqu'au maximum, et ce maximum porté au double; il en est de même des travaux forcés à temps. Ce n'est là toutefois qu'une exception. Car, la loi revient au principe du Code de 1810 dans le sixième paragraphe, qui transforme, au cas de récidive, la peine de la déportation en celle des travaux forcés à perpétuité, et dans le septième, qui substitue à cette dernière peine celle de mort.

Ces dispositions révèlent cependant quelques améliorations importantes dans l'échelle pénale.

[1] Art. 56: Quiconque, ayant été condamné à une peine afflictive ou infamante,aura commis un second crime emportant, comme peine principale,la dégradation civique, sera condamné à la peine du bannissement. Si le second crime emporte la peine du bannissement, il sera condamné à la peine de la détention. Si le second crime emporte la peine de la réclusion, il sera condamné à la peine des travaux forcés à temps. Si le second crime emporte la peine de la détention, il sera condamné au maximum de la même peine, laquelle [a] pourra être élevée jusqu'au double. — Si le second crime emporte la peine des travaux forcés à temps, il sera condamné au maximum de la même peine,

{a, Il faudrait lequel, L'erreur est évidente.

Nous avons fait remarquer les modifications des paragraphes 4 et 5. Il en est d'autres encore. Ainsi, dans l'ancien article, le bannissement était remplacé par la réclusion; or, il n'existait aucune analogie entre ces peines; la loi a substitué, avec raison, la détention à la réclusion. Mais, à côté de ces heureuses innovations, comment ne pas éprouver quelque étonnement, en voyant la déportation, peine essentiellement politique, remplacée, au cas de récidive, par les travaux forcés à perpétuité, et cette dernière peine remplacée elle-même par la peine de mort?

A la vérité, le législateur qui sentait le vice du principe qu'il posait, a restreint l'application de cette dernière peine. Dans le Code pénal de 1810, il suffisait, pour être passible de la peine capitale, d'avoir commis, en état de récidive, un crime puni des travaux forcés perpétuels. Le nouveau Code ne prononce la peine de mort que dans le cas où le coupable a commis deux crimes, emportant l'un et l'autre la peine des travaux forcés à perpétuité. De plus, l'application du système des circonstances atténuantes vient encore circonscrire le cercle où cette peine peut être encourue, à raison de la seule circonstance de la récidive; mais il suffit que cette exécution soit possible dans un seul cas; il suffit que le principe soit inscrit dans la loi, pour que nous nous fassions un devoir de le combattre.

Dès 1808, la commission du Corps législatif repoussait la peine de mort, comme peine substituée à celle des travaux forcés perpétuels, dans les cas de récidive. « Toute récidive, disait cette commission, doit sans doute aggraver la seconde peine; mais, autant qu'il est possible, on doit faire des efforts pour établir une gra

laquelle [b] pourra être élevée jusqu'au double. — Si le second crime emporte la peine de la déportation. il sera condamné aux travaux forcés à perpétuité. Quiconque ayant été condamné aux tra vaux forcés à perpétuité, aura commis un second crime emportant la même peine, sera condamné à la peine de mort. Toutefois, l'individu condamné par un tribunal militaire ou maritime, ne sera, en cas de crime ou délit postérieur, passible des peines de la récidive qu'autant que la première condamnation aurait été prononcée pour des crimes ou délits punissables d'après les lois pénales ordinaires. » Voy. l'ancien article à l'appendice.

[b] Méme observation.

dation proportionnelle et équitable [1]. » Depuis la promulgation du Code, l'opinion générale n'a pas tardé à s'élever contre cette énorme agravation de la peine, et le garde des sceaux, M. Bourdeau, ne faisait qu'obéir à cette impulsion, lorsqu'il présentait le 9 juin 1829 à la Chambre des pairs, un projet de loi qui res treignait le dernier paragraphe de l'art. 56 du Code pénal, aux seuls cas de meurtre commis par un individu condamné à perpétuité [2]: « La progression que le Code pénal admet pour établir la peine, portent les motifs de ce projet, s'étend jusqu'à la peine de mort, et cette dernière conséquence d'un principe bon en luimême nous a semblé trop rigoureuse. Tout le monde convient que la peine de mort doit être réservée pour les crimes les plus graves et les plus dangereux. L'art. 56 nous semble s'écarter de ce principe, lorsqu'il applique cette peine par suite de la récidive des faits que la loi n'a pas jugés dignes de mort en eux-mêmes. »

L'art. 13 du projet préparatoire de la loi du 28 avril 1832 portait : « En aucun cas, l'aggravation de peine, résultant de la circonstance de la récidive, ne pourra donner lieu à l'application de la peine de mort. » Cet article disparut du projet définitif. M. Chalret-Durieu le reproduisit comme amendement dans la discussion « La peine de mort, disait ce député, prononcée contre un individu qui, déjà condamné aux travaux forcés à perpétuité, commet un autre crime passible aussi de la peine des travaux forcés à perpétuité, serait, par une conséquence nécessaire, applicable aux simples atteintes contre la propriété privée. Je suppose, en effet, un individu qui commet un vol sur un chemin public après le coucher du soleil; il est sans armes, il n'emploie ni violences ni menaces pour commettre le vol; il est, d'après le Code pénal, condamné aux travaux forcés à perpétuité. Je suppose que ce voleur s'évade et qu'il récidive, il est puni de la peine de mort. Cette peine est énorme, exorbitante. Quelle est l'objection qui se trouve dans les motifs de la commission? Elle dit qu'il y a un système d'aggravation de peines dans le Code pénal, qui ne peut pas être rompu, qu'il faut suivre jusqu'à extinction, jusqu'à la mort. C'est ce principe que je combats; je ne crois pas qu'il y ait nécessité de le maintenir; j'aimerais mieux l'inconvénient de déranger la symétrie de cette gradation, l'inconvénient de ne punir que des

[1] Locré, tom 15, édit. Tarlier. [2] Moniteur du 11 juin 1829, 1re part,

travaux forcés à perpétuité dans le cas dont il s'agit, que de trancher la tête pour un simple vol, quoique en récidive. » M. Dumen n'opposa qu'un seul argument: » Il est facile, dit-il, de démontrer que si cet amendement était admis, il n'y aurait plus de répression possible contre les individus condamnés aux travaux forcés à perpétuité et qui se seraient évadés. Je suppose, en effet, un de ces hommes condamnés aux travaux forcés à perpétuité, et qui viendra par son évasion désoler la société, il pourra commettre tous les crimes impunément : il pourra incendier les forêts, il pourra porter atteinte à la vie d'un homme, pourvu que ce soit sans préméditation, et vous ne pouvez lui infliger d'autres peines que de le renvoyer au bagne d'où il s'est évadé [3]. » Cette considération fit rejeter l'amendement.

Des doutes pénibles s'élèvent sur cette décision. La distance est immense entre la peine de mort et la plus terrible des autres peines; il n'y a entre elles aucune proportion, et c'est entièrement méconnaitre la nature de la première que de la considérer comme un degré ordinaire dans l'échelle des peines. Elle ne peut donc être employée comme une peine aggravante d'une autre peine. Elle est classée en dehors et à part, comme les crimes auxquels elle est réservée. D'ailleurs, et nous l'avons déjà remarqué, la récidive atteste une perversité plus profonde, mais elle n'altère point le caractère intrinsèque du fait : un vol commis sur un grand chemin ne cesse pas d'être un attentat contre la propriété, parce que l'accusé s'en est rendu deux fois coupable. Or si la peine de mort n'est pas la peine légitime du premier de ces vols, comment le serait-elle du second?

On oppose cette seule objection: faut-il laisser impuni le condamné à une peine perpétuelle qui s'évade et qui commet un second crime passible de la même peine? ne pourrait-on pas se borner à répondre : il ne fallait pas le laisser s'évader. La première condition de tout système répressif doit être d'empêcher les évasions; aucun système pénitentiaire n'est possible, aucune régénération ne doit être attendue tant que l'espoir d'échapper à la peine luira dans le cœur du condamné. Tous les efforts de l'administration doivent tendre à la destruction de cet abus; et les exemples en deviendront sans doute de plus en plus rares. L'objection n'a donc quelque force que dans une hypothèse réellement

[3] Cod. pén. progressif, pag. 179 et 180.

exceptionnelle; et dans ce cas même, le condamné ne sera-t-il pas puni par le seul fait de sa réintégration au bagne? A la vérité, lors même qu'il n'eût pas commis un second crime, et sur la seule preuve de son identité, il eût également repris ses fers. Mais de ce qu'il a épuisé une pénalité, est-ce un motif pour l'exécuter à mort, si son crime ne mérite pas intrinsèquement cette peine? La société n'est-elle pas à l'abri de ses atteintes! N'est-il pas détenu pour toute sa vie? ne s'est-il pas fermé la voie de grâce? Est-ce done seulement pour empêcher une évasion nouvelle que la loi le frappe de mort? Ajoutez, s'il le faut, à la rigueur de sa peine; doublez le poids de ses chaînes; jetez le, comme le législateur de la Louisiane, dans une cellule solitaire, ou, comme le Code autrichien, imposez-lui des privations alimentaires; mais réservez la peine de mort pour l'assassinat, et ne l'appliquez pas à l'addition de deux crimes qui, isolés, ne l'eussent pas encourue.

Nous signalerons plus loin, en développant les règles diverses que l'article 56 a posées, les dernières innovations que la révision a introduites dans cet article, Il importe d'abord, pour suivre un ordre méthodique, de rappeler quelques principes qui dominent l'application de la peine aggravante de la récidive, soit en matière criminelle, soit en matière correctionnelle.

au

L'un de ces principes, est que cette aggravation pénale ne peut être prononcée que dans le seul cas où le premier fait a été précédemment réprimé par une condamnation. Tous les auteurs ont répété cette règle: aucun n'a cherché à la justifier, si ce n'est par des arrêts [1]. C'est dans la loi romaine qu'on en trouve la source. Callistrate dit dans la loi 28, § 3, Dig. de pœnis : «< Quod SI ITA CORRECTI in iisdem deprehendantur, exilio puniendi sint, nonnunquam capite plectendi. » Nonobstant ce texte, quelques docteurs ont douté qu'une première condamnation fût nécessaire pour constituer la récidive; Gomezius décide même que l'aggravation doit être appliquée « etiam quando de primis delictis non fuit nec punitus nec condemnatus [2]. Mais Farinacius pose, au contraire, en principe que l'habitude du crime ne peut faire aggraver la peine, nisi de primis delictis fuerit condem

[1] Legraverend, De la récidive, p. 181, t. 4, édit. Tarlier; Carnot, sur l'art. 56; Bourguignon, tom. III, sur l'art. 56, no 3 ; Favard de Langlade, vo Récidive, no 4; Dalloz, v° Recidive, tom. 23, pag. 294.

natus et punitus. » Et il en donne une raison qui est évidente: « aliàs sine tali punitione. reiterando delictum non possit dici incorrigibilis [3]. C'est là, en cffet, le vrai motif de cette règle; c'est dans l'avertissement qui résulte d'une première condamnation que réside toute la légitimité de l'aggravation pénale; c'est cette condamnation seule qui peut démontrer l'inefficacité de la peine ordinaire. Et quelle preuve aurait-on, si cette condamnation n'existait pas, que la première peine eût été impuissante à le corriger? qui pourrait dire que la justice, par une action plus rapide, la peine, par sa bienfaisante influence, n'auraient pas prévenu la rechute de l'accusé? Ce n'est que lorsque la justice a épuisé les moyens de correction, l'avertissement et la discipline de ses peines, qu'elle est fondée à déclarer le condamné relaps incorrigible, et à déployer contre lui une sévérité plus grande.

Cette règle est écrite en termes formels dans le Code pénal: les art. 56, 57 et 58 ne punissent la récidive qu'autant que le coupable a déjà été condamné pour un crime ou pour un délit. Le fait d'une première condamnation est donc une circonstance élémentaire de la récidive légale : la perpétration successive de plusieurs crimes ou délits ne suffirait pas pour la constituer.

Par condamnation il faut entendre celle qui résulte d'un jugement ou arrêt définitif; car, tant qu'une voie de recours est ouverte contre une décision judiciaire, cette décision ne peut avoir un effet légal. Ainsi on ne pourrait considérer, comme ayant été condamné, l'accusé dont la condamnation a été annulée et que la Cour de cassation a renvoyé devant d'autres juges pour y subir un autre jugement.

Cependant cette règle peut soulever quelques difficultés, lorsque la première condamnation a été rendue par défaut ou par contumace. Une distinction les résout d'abord en partie : si le jugement par défaut n'a point été notifié au prévenu, et qu'il n'ait point, par conséquent, été mis en demeure de le faire annuler [4], si l'arrêt par contumace n'a point puisé dans la prescription la force d'un arrêt définitif, et que l'accusé soit encore dans les délais pour se représenter [5]; en un mot, si la condamnation rendue en l'absence du prévenu n'est point ir

[2] In tract. de Delict. c. 5, tit. de Furt., no 9. [3] Quæst. 18, no 9.

[4] Arr. cass.. 6 mai 1826. Sirey, 1827, 1, 160. [5] Arr. cass., 22 vendém. an 5; Dalloz, t. 23,

p. 297.

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