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révocable, le délit ou le crime dont il se rend coupable n'est point commis en récidive.

Mais si le silence du prévenu ou de l'accusé a maintenu la condamnation provisoire, la solution n'est point exempte de quelques doutes; car le motif de l'aggravation de la peine est l'incorrigibilité du prévenu. Or, cette présomption de la loi a-t-elle la même force lorsque la première condamnation l'a frappé en son absence et sans qu'il ait pu se défendre, lorsqu'elle ne porte avec elle qu'une preuve incomplète de sa moralité, lorsqu'enfin la peine, qui devait le corriger, n'a point été subie? Les arrêts par contumace et par défaut ne sont, au fond, qu'une sorte de menace contre les prévenus qui se dérobent à la justice; si cette menace s'accomplit après de certains délais, c'est que la fuite de l'accusé semble entraîner l'aveu de sa faute. Mais cette fiction permet-elle de considérer comme complétement fixée la criminalité de cette classe de condamnés? et n'y a-t-il pas quelque injustice à les assimiler aux condamnés dont un débat contradictoire a fixé avec précision le degré de culpabilité, et dont la peine a essayé la réforme? l'avertissement n'a-t-il pas été plus solennel pour ceux-ci, la rechute plus criminelle ?

Ces réflexions tendraient à prouver que le motif de la loi ne s'applique qu'avec une certaine résistance aux condamnés par contumace et par défaut, dans le cas même où la condamnation est devenue définitive. Mais il faut reconnaître que la loi n'a point écrit cette distinction. Elle a rangé sur la même ligne tous les condamnés, soit que leur peine ait été subie, soit qu'ils se soient soustraits à son exécution, soit que la condamnation ait été contradictoire ou par défaut. C'est le fait de cette condamnation et non ses résultats qu'elle considère. En présence du texte de l'art. 56, toute distinction est impossible, et il faut tenir en principe que le condamné par défaut ou par contumace qui commet de nouveau un délit ou un crime, est en récidive, si toutefois toute voie de recours est fermée et que la condamnation soit devenue irrévocable.

La même décision s'applique naturellement au cas où le condamné a prescrit sa première peine la prescription couvre la peine, mais ne détruit pas la condamnation. La jurisprudence

[1] Arr. cass., 20 juin 1812; 10 fév. 1820; 4 oct. 1821; 4 juill. 1828; Dalloz, tom. 23, pag. 298; Carnot, tom. 1, pag 188; Legraverend, tom. IV, pag. 180, note 1re.

de la Cour de cassation n'a jamais varié sur ce point [1]; telle était aussi l'opinion de Farinacius: «< Pœna augetur etiam propter antiqua delicta præscripta [2]. »

Quelques doutes se sont élevés sur les effets de la réhabilitation, pour l'application des peines de la récidive. M. Favard de Langlade [3] a même émis l'opinion que la condamnation cesse d'être un élément pour la récidive, après la réhabilitation du condamné. Une telle doctrine tombe devant le texte de la loi. La réhabilitation n'abolit pas le crime, elle ne l'efface pas, elle ne le pardonne pas. Son effet unique est de relever le condamné pour l'avenir des incapacités encourues, à cause de sa bonne conduite. Le Code pénal de 1791 avait donné à cette bienfaisante mesure le pouvoir de faire cesser tous les effets résultant de la condamnation; mais ces termes ont été retranchés de l'art. 633 du Cod. d'instruction criminelle. Dès lors il est évident que le nouveau crime commis après la réhabilitation, doit constituer l'accusé en état dé récidive. C'est aussi dans ce sens que la Cour de cassation a prononcé [4].

Mais si la loi est explicite et claire, est-elle à l'abri de toute critique? L'effet immédiat de la réhabilitation est, pour nous servir des termes de l'ord. de 1670 (tit. 16, art. 5), de remettre le condamné en ses biens et bonne renommée. Or cet homme qui a repris sa place dans la société, qui se trouve à la même hauteur que les autres citoyens, s'il vient à tomber de nouveau, ne tombe-t-il pas du même point, doit-il être puni plus sévèrement? Toutes les considérations théoriques que nous avons exposées au commencement de ce chapitre, se présentent ici; une distance immense sépare nécessairement les deux crimes, puisque la peine a été subie, puisque la réhabilitation a été précédée de longues épreuves; la bonne conduite du condamné attestée par cette réhabilitation même, l'a régénéré; la loi l'a replacé au rang des citoyens; elle a voilé son crime; c'est un homme nouveau. Pourquoi ce crime effacé resterait-il indélébile pour la récidive seulement ?

Le même principe s'applique aux lettres de grâce. La grâce n'abolit pas le crime, elle n'efface pas la tache qu'il avait imprimée sur la personne; elle ne détruit point la condamnation, seulement elle en modifie les effets. Elle

[2] Quæst. 23. no 12.

[3] Répert.. v° Récidive, no 12.

[4] Arr. cass., 6 février 1823. Dalloz. t. 23,

p. 298.

ne fait donc aucun obstacle à la récidive. [1]. Cette solution a été proclamée par une ordonnance du 14 octobre 1818 portant: « Que les lettres de grâce accordées pour le premier crime, encore qu'elles aient fait la remise de la peine, ne dispensent pas de celle qui est encourue par la récidive; qu'en effet, ces lettres n'ont ni éteint le premier crime, ni détruit la première condamnation, et portent uniquement sur ses effets. >>

L'auteur de l'article Récidive du Répertoire de Favard de Langlade [2] émet l'opinion que l'expédition des lettres de grâce avant que la peine ait commencé à s'exécuter, empêche que la condamnation serve d'élément à la récidive. Cette doctrine est une fausse application de l'avis du conseil d'État du 8 janvier 1823, qui décide que « les lettres de grâce accordées avant l'exécution du jugement, préviennent les incapacités légales et rendent inutile la réhabilitation. » La grâce empêche les incapacités, mais là s'arrête son pouvoir; elle ne détruit pas la condamnation, et c'est le fait seul de cette condamnation, indépendamment de son exécution, qui entraîne l'application des peines de la récidive.

L'amnistie, telle que la Cour de cassation l'a définie et sanctionnée, a des effets plus étendus que la grâce: « Elle porte avec elle l'abolition des délits, des poursuites et des condamnations, tellement que ces délits, couverts du voile de la loi, sont au regard des cours et tribnnaux, sauf les actions civiles des tiers, comme s'ils n'avaient pas été commis.» [3] Si l'on admet cette doctrine, sur laquelle nous ne pourrions nous expliquer ici sans entrer dans l'examen des lois d'instruction criminelle, il faut en déduire que la condamnation abolie par une amnistie, ne peut servir de base à la récidive [4].

L'existence de la première condamnation doit être établie par l'accusation. Si elle reste ignorée pendant les débats, le bénéfice de cette omis

sion est acquis au condamné, et il ne pourrait en être privé par une addition au jugement. Cette règle résulte de plusieurs arrêts antérieurs au Code [5]; et nous pensons avec M. Carnot [6] qu'elle doit encore être suivie aujourd'hui. La récidive est une circonstance concomitante du second crime; or, il y a chose jugée sur toutes les circonstances qui se rattachent à ce fait, dès que la condamnation est intervenue. Cependant, si le fait de la première condamnation n'était connu que pendant l'instance d'appel, nul doute que l'aggravation pénale pourrait encore être appliquée, puisqu'il n'y a point encore de jugement acquis [7].

Le mode le plus simple et le plus régulier de justifier de la condamnation est d'en produire un extrait. Les art. 600, 601 et 602 du C. d'inst. cr., fournissent au ministère public les moyens de rechercher les condamnations précédemment encourues par les accusés. Mais à défaut de cette production, comment doit se faire cette preuve? par tous les faits et documens qui peuvent l'établir, [*] Cependant, il nous paraît inexact de dire, comme l'a fait M. Dalloz, que «< la preuve de la récidive peut se faire à l'audience et résulter d'un aveu du prévenu [8]. » L'aveu seul du prévenu ne saurait former une preuve judiciaire, et la Cour de cassation a même jugé que le certificat du directeur de la maison de détention où la peinc a été subie [9], que les énonciations contenues au registre des chiourmes [10], ne pouvaient suppléer la représentation de l'extrait en forme de l'arrêt de condamnation: toutes ces circonstances ne sont que des preuves morales que le juge doit apprécier, sans être enchaîné par elles.

On a demandé à qui appartient cette appréciation en matière criminelle, si c'est à la Cour d'assises ou au jury? La jurisprudence a varié à cet égard. [**] Un arrêt du 18 floréal an 7 [11] porte «< que la question sur la récidive doit être proposée lors des débats comme circonstance

[1] Arr. cass., 5 déc. 1811; 5 juill. 1821. 4 juill. · de l'art. 56. Le silence de l'arrêt de renvoi sur cette 1828. Dalloz, t. 23, p. 297.

[2] N° 12.

[3] Arr. cass., 11 juin 1825. Sirey, 1826, 1, 184. [4] Arr. cass., 13 mess. an 4. Dalloz, t. 23, p. 297. [5] Arr. cass., 18 flor. an 7 et 8 fruct, an 13. Dalloz, t. 23, p. 305.

[6] Sur l'art. 56, no 15.

[7] Arr. cass., 8 fév. 1821. Dalloz, t. 23, p. 306. [*] La circonstance de récidive nou comprise dans l'acte d'accusation et constatée seulement dans les débats, donne licu à l'aggravation de peine

circonstance n'emporte pas chose jugée au profit de l'accusé. Br., cass. 2 fév. 1833; Bull. de cass., 1833, p. 40.

(8] Dalloz, t. 23, p. 304, no 1.

[9] Arr. cass., 11 sept. 1828. Sirey, 1828, 1, 352. [10] Arr. cass., 6 août 1829. (Journal du droit crim., 1829, pag. 345.) Sirey, 1828, 1, 352.

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aggravante, et répondue par le jury. » Mais un autre arrêt du 12 juin décide au contraire, que c'est la Cour seule qui doit faire cette appréciation: «< attendu que le fait de la récidive n'est jamais une circonstance aggravante du fait de l'accusation, puisqu'il en est absolument indépendant; qu'il ne constitue pas non plus par lui-même un délit, puisqu'il n'est qu'un fait moral dont la loi déduit la preuve d'une perversité à raison de laquelle elle aggrave la peine du fait de la nouvelle accusation; qu'il peut et doit donc être jugé et déclaré par la Cour d'assises [1]. » M. Carnot a combattu cette doctrine; il pense qu'on doit soumettre la récidive au jury comme tous les faits qui se rattachent à l'accusation [2]. Nous ne partageons pas cette opinion.

Toutes les circonstances aggravantes du fait de l'accusation doivent sans doute être soumises au jury, aux termes des art. 337 et 338 du Code d'instruction criminelle. Mais la récidive n'est point une circonstance aggravante; quoique concomitante à ce fait, elle lui est étrangère. Elle diffère sous ce rapport des circonstances de l'âge, de la parenté, des fonctions, qui, à l'égard de certains crimes, forment des circonstances aggravantes. La récidive doit être considérée comme élement accidentel de la délibération pour l'application de la loi pénale, et cette délibération est exclusivement dans les attributions des juges de la Cour d'assises; d'après les règles sur la division des pouvoirs qui sont écrites dans les art. 362 et suivans du Code d'instruction criminelle,

gles générales: 1° qu'il n'y a récidive qu'autant qu'il y a eu une première condamnation devenue inattaquable; 2o que l'aggravation n'est applicable qu'autant que cette première condamnation est régulièrement prouvée. Nous allons maintenant rechercher quelle doit être la nature de la condamnation intervenue. Mais ici nous sommes forcés de séparer les matières criminelle et correctionnelle, les principes cessent d'être identiques.

L'art. 56 du Code de 1810 déclarait en état de récidive tout accusé déjà condamné pourcrime. De ces termes, la Cour de cassation avait pendant long-temps tiré les plus rigoureuses dé luctions: elle jugeait que l'accusé qui avait été condamné à raison d'un fait qualifié crime par la loi, était passible de l'aggravation pénale, encore bien qu'à raison de son âge ou de toute autre circonstance, la peine appliquée fut purcment correctionnelle [3]. La qualification du fait était la règle absolue : il importait peu que cette qualification appartint à la législation spéciale ou à la loi générale, que la condamnation fut émanée d'une juridiction exceptionnelle ou commune [4].

Les termes explicites du nouvel art. 56 ont banni de la jurisprudence ces difficultés : il ne suffit plus qu'un accusé ait été condamné pour crime, pour se trouver en état de récidive légale; il est nécessaire qu'il ait encouru une peine afflictive ou infamante. Cette peine est l'élément indispensable de la récidive : toutes les fois donc, qu'à raison de l'âge ou d'autres circonstances atténuantes, l'accusé d'un crime

De ce qui précède, il faut déduire deux rè- n'a encouru qu'une peine correctionnelle, le sc

[1] Dalloz, t. 23, p. 307.

[2] Sur l'art. 56, no 14.

[3] Arr. cass., 10 avr. 1818. Dalloz, t. 23, p. 301; 2 avr. 1825; 13 oct. 1827; 18 janv. 1827; Sirey, 1819, 1, 271; 1820, 1, 236 ;1826, 1, 164; 1832, 1, 432; Legraverend, t. 4, p. 181, édit. Tarlier.

Un arrêt de la Cour de cassation de Liége avait jugé la question dans le même sens en décidant que l'arrêté du 9 sept. 1814, qui accorde aux magistrats le pouvoir d'infliger en certains cas, des peines moindres que celles comminées par le Code pénal, n'a point fait disparaître la qualification de crime pour les faits qui, par l'application de cette disposition nouvelle ne seraient pas punis de peines afflictives et infamantes. Ainsi une condamnation à un emprisonnement correctionnel, et pour un fait qualifié crime par la loi, n'empêche point qu'il n'y ait récidive dans le sens de l'article 56 du Code pénal; ici la pénalité ne peut ser

vir à la qualification criminelle du fait. Liége, cass., 8 juin 1827; Ree. de Liége, l. 7, p. 394, et t. 10, p. 106.

La même Cour s'est ralliée depuis à la jurisprudence de la Cour de Bruxelles et a décidé qu'il n'y a pas récidive, dans le sens de l'art. 56 du Code pénal, si le premier fait, bien que qualifié crime par la loi, a été puni, non d'une peine afflictive et infamante, mais d'une peine correctionnelle seulement. Liége, cass. 5 sept., 19 déc. 1828; J. B., 20, 2, 428; J. du 19e s., 29, 3, 98; Br. cass., 27 sept. 1821, et 21 juin 1824; J. de Br., 21, 1, 94; 24, 1, 145. — Voy. une dissertation dans ce sens, insérée au Rec. de Liége, t. 10, p. 419, el Carnot, t. 1er, p. 272 et 274.

[4] Arr. cass., 3 janvier 1824; 28 février 1824; 25 novembre 1825; 14 avril 1826; Dalloz, t. 23, p. 301; Sirey, 1824, 1, 160 et 400; 1826,1, 106 et 1827, 1, 37.

cond crime qu'il commet ensuite, n'entraîne plus peut compromettre la sécurité publique? Evil'aggravation pénale.

Mais la disposition de l'art. 56 est restée générale; elle embrasse toutes les condamnations précédentes à leur peine afflictive ou infamante, quelles que soient l'époque où elles ont été prononcées, les lois en vertu desquelles elles ont été infligées, les juridictions dont elles émanent. Ainsi, elle s'applique aux condamnations antérieures au Code, [*] et cette application ne doit point être considérée comme entachée de rétroactivité, puisque l'aggravation ne porte ni sur la première condamnation, ni sur le premier crime; qu'elle frappe seulement sur le second crime commis sous l'empire du Code, et qu'elle est prononcée à raison de la perversité, et des habitudes criminelles que suppose la récidive].

Elle s'applique à toutes les condamnations, encore bien qu'il n'existe aucun rapport d'identité, aucune analogie soit entre les crimes, commis, soit entre les peines encourues [2].

Elle s'applique encore aux condamnations intervenues en vertu des lois pénales postérieures au Code [**]. Cette dernière difficulté fut soulevée à l'occasion de la loi du'20 avril 1825, sur le sacrilege; plusieurs Cours royales avaient refusé d'étendre l'art. 56 aux dispositions de cette loi, parce qu'elle était postérieure à cet article, et la spécialité de quelques-unes de ses incriminations, surtout la sévérité de ses peines pouvaient justifier cette résistance. L'abrogation de la loi du 20 avril 1825 par celle du 11 octobre 1830, ne permet plus de discuter cette question particulière; mais le principe doit subsister.

Les dispositions du Code relatives à la récidive font partie de ces principes généraux qui forment la base d'une législation criminelle et qui sont destinés à servir de complément et de règle, non seulement aux lois présentes, mais aux lois à venir. Ces dispositions ont pour objet de protéger l'ordre social et la paix publique contre ceux qui ont déjà bravé la menace des lois; or, quelles sont les lois dont l'infraction

[*] On peut appliquer l'art. 56 au coupable dont le premier crime a été commis sous l'empire d'une loi qui ne prononçait pas de peine particulière pour la récidive. Br.cass. 15 nov. 1817; J.de Br., 1817.1,88. [1] Arr., 20 juin 1812, et 18 nov. 1815. Dalloz, t. 23, p. 299.

[2] Arr., 12 fév. 1813. Dalloz, t. 23, 299.

[**] Arr. 29 nov. 1828; Sirey, 1829, 1, 288 ; Legraverend, t. 4, p. 188.

demment toutes les anciennes lois que la société conserve et toutes les lois nouvelles qu'elle établit, ces lois trouvent une sanction commune, ou du moins un complément de sanction dans l'aggravation des peines de la récidive. Qu'arriverait-il dans un autre système? c'est que les nouvelles lois seraient aussi redoutables que les anciennes pour les hommes qui n'auraient jamais failli, tandis quelles le seraient beaucoup moins pour ceux qui auraient déjà commis un crime. Il suffit d'énoncer une telle inégalité; comment croire que la société, lorsqu'elle est obligée de recourir à de nouvelles lois, puisse avoir l'intention de renoncer aux précautions qu'elle a établies contre les hommes qu'elle redoute le plus ? Tant que cette intention n'est pas manifestée par les lois postérieures, le principe de l'aggravation, qui forme le droit conmun du système pénal, les saisit et s'y applique.

L'art. 56 doit-il être écarté lorsque le fait qui a motivé la première condamnation a cessé, lors de la seconde poursuite, d'être classé parmi les crimes? cette question a été fort controversée. L'art. 1er de la loi du 23 floréal an 10 ne plaçait en état de récidive que les accusés qui avaient été repris de justice pour un crime qualifié tel par les lois actuellement subsistantes. On a dit, pour continuer ce système sous le Code pénal, que ce Code n'avait voulu punir que la récidive des faits qui étaient crimes suivant ses dispositions et non suivant une loi qui n'est plus, et dont le législateur a proclamé, en l'abrogeant, la sévérité et peut-être l'injustice [3]. La Cour de cassation a repoussé cette doctrine. Elle a posé en principe que, lorsqu'il s'agit d'appliquer les peines de la récidive, la criminalité du fait doit être appréciée d'après les lois en vigueur à l'époque où le crime a été jugé et non d'après les lois postérieures [***]. Le motif de cette jurisprudence est qu'il s'agit d'un fait irrévocablement consommé auquel les qualifications ultérieures doivent rester étrangères [4 .

La nouvelle rédaction de l'art. 56 paraît devoir clore sans retour cette discussion. La ré

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cidive légale, en ffet, n'est plus celle des individus déjà condamnés pour crime, mais déjà condamnés à une peine afflictive ou infamante; ainsi, à l'idée complexe d'un crime précédemment commis, la loi a substitué le fait matériel de telle peine encourue. Elle ne considère point si le fait qui a motivé cette peine ne figure plus parmi les crimes; le fait de la peine encourue n'en subsiste pas moins, et ce seul fait suffit pour justifier l'aggravation. Telle est la théorie du Code; mais nous pensons que ce Code se fût davantage rapproché du principe de la justice morale s'il eut autorisé cette exception à la généralité de ses dispositions. Car la loi ne doit pas puiser une sévérité nouvelle dans un fait qu'elle déclare en même temps ou peu dangereux ou innocent. On a objecté que si la loi abrogée était sévère, l'audace de celui qui l'avait méprisée était plus grande[1]. Mais la culpabilité se mesure sur la gravité intrinsèque du fait. La loi est impuissante pour modifier la valeur morale des actions; la criminalité de l'auteur d'un délit de chasse sera toujours la même, soit que la peine soit correctionnelle ou infamante: si le premier fait a été injustement élevé au rang des crimes, la loi devrait peut-être un dédomagement au condamné, loin d'en faire un élément d'une peine nouvelle.

Une question analogue s'est présentée dans une espèce singulière. Un accusé avait été condamné pour vol qualifié commis en récidive, et cette dernière circonstance résultait d'un ancien arrêt qui lui avait appliqué la' peine de la réclusion pour un vol commis dans un cabaret. La Cour de cassation, saisie du pourvoi, reconnut que, dans cette première procédure, le jury avait omis de déclarer que l'accusé était reçu dans le cabaret où le vol avait été commis, circonstance qui, avant la loi du 25 juin 1824, était

[1] Dalloz, t. 23, p. 295.

[2] Arr. cass., 16 septembre 1830. Sirey, 1831,

1.186

[*] Pour qu'il y ait lieu à la peine de la récidive, portée par l'art. 56 du Code pénal, il ne faut pas que la première condamnation ait été prononcée sous l'empire et en conformité de ce Code, et que la peine afflictive ou infamante prononcée, soit au nombre de celles qu'il détermine.

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constitutive du crime. C'était donc, par suite d'une erreur judiciaire, qu'une peine afflictive et infamante avait été prononcée, puisque le vol, dépourvu de cette circonstance aggravante, ne constituait plus qu'un simple délit. La Cour de cassation n'a point hésité dès lors à déclarer que « lors du nouveau crime par lui commis, le demandeur n'était point précédemment condamné pour crime, ni par conséquent passible de l'agravation de la peine [2]. » Il nous parait que les termes formels du nouveau Code ne permettraient point de suivre aujourd'hui cette équitable décision. En effet, la Cour de cassation n'aurait plus à s'occuper de l'exactitude de la qualification du premier crime, mais seulement à vérifier la nature de la peine encourue; et le fait de son application, élément unique de la récidive, ne serait point détruit par les vices de la condamnation

La disposition de l'art. 56 s'applique, enfin, aux condamnations à une peine afflictive ou infamante prononcées par les tribunaux militaires [*]. Mais une distinction long-temps repoussée, puis admise par la jurisprudence, et qui a passé dans la loi, vient circonscrire cette ap plication. Ce n'est qu'autant que la première condamnation a été prononcée pour des faits communs, punissables d'après les lois pénales ordinaires, que l'aggravation peut être appliquée. Cette restriction, consacrée par le dernier paragraphe de l'art. 56, est une importante amélioration. Il était déplorable de faire concourir à l'élévation d'une peine des délits spéciaux et des délits ordinaires. Les condamnations prononcées pour les faits de désertion ou d'insubordination ne peuvent plus servir de base à la récidive.

Peut-être cette distinction n'est-elle pas suffisante encore; peut-être n'aurait-on pas dû considérer comme élémens de récidive des con

un conseil de guerre, a commis un vol punissable des travaux forcés à temps. Br. cass., 3 juin, 1828, J. de Br., 29, 2, 107; Merlin, Rép., vo Récidive, no 12; mais voy. Sirey, 1827, 1, 513, et 1829 1,417.

Trois arrêts avaient déjà jugé qu'on doit considérer comme étant dans le cas de la récidive, l'accusé précédemment condamné par un conseil de guerre pour crime militaire. Br. cass. 1er juin, 10 juill., 12 août 1819; J. de Br., 1819, 1, 184; Legraverend, t. 4, p. 179 et et 188; Dalloz, t. 23, p. 295 et 301. Jugé également par la cour de casAinsi, on peut condamner à la peine de la récisation de Bruxelles, par arrêt du 4 mars 1836, dive, en vertu de l'article cité, celui qui, après pour un crime non militaire. Il s'agissait de vol, avoir été condamné pour crime de désertion par Bull. de cass. 1836, p. 135.

Il suffit qu'il y ait eu condamnation pour crime, dans quelque temps et par quelque tribunal qu'elle ait été prononcée.

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