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damnations quelles qu'elles fussent, émanées des tribuuaux militaires. Car le fait, objet de la condamnation, qu'il soit ou non puni de la loi pénale ordinaire, n'en garde pas moins l'empreinte de la juridiction exceptionnelle qui a fait l'application de la peine. Les garanties qui protégent l'accusé devant le jury, les formes tutélaires et lentes qui le conduisent jusqu'au jugement, ne l'ont point environné. Les formes sommaires des conseils de guerre donnent à leurs jugemens un caractère particulier, ils n'ont pas la même autorité, ils n'impriment pas la même infamie. On peut croire que l'honorable susceptibilité qui anime les corps militaires a pu influer sur leur décision, que des considérations étrangères à la justice ordinaire ont pénétré l'esprit des juges : tout jugement de conseil de guerre, alors même qu'il a pour objet un délit commun, est encore un jugement de discipline militaire. Et puis, les lois de l'armée n'admettent pas la théorie de la récidive [1], de sorte que si le crime militaire était commis postérieurement à la condamnation des juges ordinaires, l'accusé n'encourrait aucune aggravation; la destinée de cet accusé reste donc soumise au hasard d'une question chronologique : les mêmes crimes seront punis d'une peine inégale suivant la juridiction qui sera saisie du dernier. Enfin, il peut paraître que les deux juridictions qui sont en présence dans ce débat, étant étrangères l'une à l'autre, indépendantes l'une de l'autre, on doit hésiter à confondre leurs décisions pour en faire la base commune d'une aggravation de peine.

Quoi qu'il en soit, la peine des fers, analogue aux travaux forcés, peut seule, parmi les peines militaires, servir de base à la récidive [2]. Celles des travaux publics et du boulet ne sont point au nombre des peines afflictives ou infamantes, et dès lors ne placent-elles point le condamné sous l'application de l'art. 56 [3].

L'aggravation que prononce cet article ne peut être prononcée, si la première condamnation est

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émanée d'un tribunal étranger [4]. Car les limites du territoire sont les limites de la souveraineté, et ce serait donner, contre les principes du droit public, une exécution en France à un jugement rendu par un tribunal étranger, que de lui imprimer une force active pour l'application des peines de la récidive [5]. « Les jugemens rendus ès royaumes et souverainetés étrangères, porte l'art. 121 de l'ord. de 1629, pour quelque cause que ce soit, n'auront aucun effet en France. » Cette disposition de droit public n'a point été abrogée par les nouveaux Codes [6].

Mais on ne doit point considérer comme émanant d'un tribunal étranger, la condamnation rendue par une Cour criminelle faisant partie de la France à l'époque où elle a été rendue, et détachée du territoire par suite des traités. La jurisprudence a consacré ces diverses solutions [7].

Ici se termine l'explication des diverses dispositions de l'art. 56; nous avons vu que leur ap. plication est subordonnée à l'existence d'une précédente condamnation, au cas où cette condamnation est devenue définitive; enfin à la prononciation d'une peine afflictive et infamante. Nous croyons avoir donné à ces trois règles un développement suffisant. Quant aux pénalités énumérées par l'article, elles y sont clairement énoncées, et il ne nous paraît pas qu'il puisse s'élever de sérieuses difficultés sur leur application.

Toutefois, on doit rappeler que l'art. 341 du Code d'instruction criminelle prescrit la position d'une question sur l'existence de circonstances atténuantes, en toute matière criminelle, mêmeen cas de récidive [8]. Cette importante innovation atténue la rigueur apparente de l'échelle d'aggravation, et en corrige les effets. « Le principe de l'aggravation obligée de la peine, a dit le rapporteur de la chambre des députés, eût rencontré quelques objections, si l'admission des circonstances atténuantes ne remédiait aux injustices que le principe peut quelquefois entraîner. » En effet, la gradation des peines, autre

[4] Merlin, quest. de droit, vo Jugement, § 14. Sirey, 1827, 1, 513.

[5] Arr. cass., 27 nov. 1828. Sirey, 1829, 1, 16. [6] Arr. cass., 6 août 1829. Sirey, 1829, 1, 347. [7] Arr. cass., 19 avr. 1819. Bull. civ., no 31.) La question a été décidée dans le même sens par un arrêt de la Cour de cassation de Bruxelles, du 1er mars 1819; J. de Br., 1819, 1, 179.

[8] M. Bourgnon de Layre, dans son intéressant Essai sur le Code pénal, pag. 76, avait demandé l'application de l'art. 463 à la récidive.

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fois inflexible, s'assouplit aujourd'hui, et peut se mesurer au degré de la culpabilité. L'aggravation était nécessaire, elle n'est plus qu'une faculté; nous n'hésitons pas à penser que c'est surtout à l'égard des récidives, que ce système peut produire de salutaires effets; car la loi de l'aggravation de la peine s'appuie sur la présomption d'une perversité plus intense. Or, cette présomption peut souvent s'évanouir devant les faits; la récidive n'est pas toujours la conséquence d'une plus grande immoralité: elle peut n'être due qu'à des causes accidentelles. La loi ne devait donc pas imposer au juge la nécessité d'aggraver la peine dans tous les cas; c'est à lui d'apprécier la criminalité de l'agent: c'est donc à lui de peser si la raison de l'aggravation se rencontre ou non dans cet agent.

Cependant une ligne sépare toujours les accusés en récidive des autres accusés : la déclaration de l'existence des circonstances atténuantes n'a pas les mêmes effets pour les uns et les autres. A l'égard des accusés qui n'ont pas encore failli, elle fait descendre la peine d'un et même de deux degrés. A l'égard des accusés en récidive, elle prévient seulement l'aggravation, et ne laisse ensuite au juge que la faculté d'abaisser la peine d'un seul degré; car l'aggravation étant le droit commun, s'incorpore avec la peine simple ; et c'est sur cette peine aggravée que s'exerce l'effet de la déclaration des circons tances atténuantes.

c'est avec intention que le législateur a gardé le silence. « Il est évident, dit M. le professeur Hauss [2], que l'individu qui retombe d'un délit dans un crime, ne mérite point de subir une aggravation de peine et d'être mis sur une même ligne avec celui qui, après avoir été condamné pour crime, se rend coupable d'un nouveau crime. Ensuite quelques peines criminelles, telles que la détention temporaire, la réclusion et les travaux forcés à temps, présentent entre le maximum et le minimum, une latitude suffisanie pour proportionner la punition à la récidive. Enfin, un premier délit n'est pas sans doute un motif assez puissant pour aggraver la peine de la détention perpétuelle ou celle des travaux forcés à perpétuité, que le coupable a encourue par le second crime. » Nous ajouterons que la règle est d'ailleurs générale, puisqu'un délit n'est point réputé commis en récidive parce qu'il a été précédé d'une contravention, et la véritable raison en est que l'aggravation est absorbée dans ce cas par la peine plus grave encourue par le deuxième fait.

Le second cas d'une récidive mixte est celui où le crime a précédé le délit : c'est l'hypothèse de l'article 57 [3]. Plusieurs observations sont nécessaires pour expliquer cet article.

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Nous passons maintenant à la récidive appli- que ayant été condamné à une peine afflicquée aux matières correctionnelles.

Deux cas de récidive mixte, c'est-à-dire, formée par le concours d'un crime et d'un délit, se présentent d'abord à notre examen.

Le premier est celui où un crime a été commis par un individu précédemment condamné à une peine correctionnelle. Le Code général est muet sur ce cas de récidive : les art. 56 et 57 supposent l'un et l'autre le cas d'une première condamnation pour crime, et l'art. 58 le cas où la récidive est formée par deux délits correctionnels. Le silence de la loi ne permet donc pas l'aggravation de la peine dans cette hypothèse : elle ne constitue par une récidive légale ; les auteurs et la jurisprudence sont d'accord sur ce point [1]; mais ils s'accordent aussi pour y voir une lacune dans la loi. Il nous paraît, au contraire, que

[1] Carnot, sur l'art. 58, no 6; Favard, vo Récidive, n° 13; Legraverend, tom. 4, pag. 180; arr. cass.. 2 oct. 1818; Dalloz, t. 23, p. 302.

tive ou infamante. Or, de cette différence d'expressions, doit-on induire un sens différent dans ces deux articles? Tandis que, dans l'art. 56, on s'attache pour reconnaitre l'existence de la récidive, à la nature de la peine prononcée, fautil, dans l'article 57, continuer à la fonder sur la qualification du premier fait?

Nous avons déjà rappelé les motifs de la modification qu'a subie l'art. 56. La jurisprudence avait abusé de ces mots condamné pour crime, en prenant pour base de la récidive tous les faits auxquels la loi avait donné cette qualification, alors même que les juges la leur avaient enlevée en ne leur appliquant, par suite d'excuses ou de circonstances atténuantes, qu'une peine correctionnelle. Cette interprétation trop rigoureuse était, d'ailleurs, contraire au système général du

[3] « Art. 57: Quiconque ayant été condamné pour un crime aura commis un délit de nature à être puni correctionnellement, sera condamné au

[2] Observations sur le projet du Code pénal maximum de la peine portée par la loi, et cette belge, 1835, tom. I, pag. 192.

peine pourra être élevée jusqu'au double, »

Code qui fait dépendre la qualification des faits punissables de la peine dont il les punit. La révision est venue la rectifier, en expliquant les termes de cet article; elle a déclaré que ces mots condamné pour crime étaient équivalens de condamné à une peine afflictive ou infa

mante.

A la vérité, cette interprétation n'a été énoncée qu'à l'égard de l'art. 56. Mais, dès qu'elle révèle l'esprit de la loi, dès que les deux espèces sont parfaitement identiques, comment refuser de l'étendre à l'art. 57? Cette omission d'une révision trop hâtive s'explique facilement : c'est dans l'art. 56 que sont les principales règles de la récidive ; c'est là qu'il était le plus urgent de porter la réforme. L'art. 57 n'est qu'une exception dont les applications sont rares et dès lors d'une importance secondaire.

Au surplus, le véritable sens de ces mots condamné pour crime, nous conduirait au même résultat. En effet, d'après la théorie du Code pénal, la qualification criminelle du fait se tire de la peine qui lui est applicable [1]. Ainsi l'art, 1er déclare d'une manière absolue que l'infraction que les lois punissent d'une peine correctionnelle est un délit, et que celle que les lois punissent d'une peine afflictive ou infamante est un crime. Mais la peine elle-même se détermine d'après le degré de la culpabilité; car deux élémens concourent à former un crime, le fait matériel et l'intention criminelle. Or, si cette intention n'a pas été entachée d'une perversité profonde, l'un des élémens du crime se trouve modifié, et la peine abaissée proclame cette modification afflictive ou infamante, elle maintient la qualification originaire du fait; correctionnelle, elle le transforme en un simple délit.

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:

La Cour de cassation n'a point adopté cette doctrine elle s'est strictement attachée à la qualification exterieure du fait en faisant abstraction des divers degrés de culpabilité de son auteur. C'est ainsi qu'elle a successivement jugé qu'un accusé poursuivi pour un fait qualifié crime, est réputé condamné pour un crime, encore bien qu'à raison de son âge, il n'ait encouru qu'une peine correctionnelle [3]; que l'excuse de la légitime défense admise par le jury, ne dé

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pouille point le meurtre du caractère de crime, quoique la peine appliquée soit celle de l'empri sonnement [3]; enfin que la déclaration des circonstances atténuantes ne modifie nullement la nature du fait, alors même qu'elle abaisse la peine jusqu'aux pénalités correctionnelles [4].

Mais cette jurisprudence n'est pas elle-même exempte de contradictions. Car la même Cour a décidé qu'un fait, bien que qualifié crime par la loi, ne constituait cependant qu'un délit, lorsque le prévenu, âgé de moins de seize ans, avait été renvoyé en police correctionnelle [5]; de sorte que, le même fait passible de la même peine, revêtirait tour à tour le caractère de crime ou de délit, suivant la juridiction devant laquelle il aurait été renvoyé. La Cour de cassation a encore décidé que la prescription, déterminée pour les matières correctionnelles, doit s'appliquer au fait qualifié crime que la déclaration du jury ne rend passible que d'ure peine correctionnelle [6], et le motif de cette décision est que « la déclaration du jury, intervenue après des débats contradictoires, fixe seule d'une manière irrévocable le véritable caractère des faits. » D'où il suit que le même fait serait considéré à la fois comme un crime et comme un délit : comme un crime pour l'application de l'aggravation de la récidive, comme un délit, pour l'application de la prescription. Le principe qui veut que l'excuse ou les circonstances atténuantes ne dépouillent pas le fait de son caractère de crime, peut exister, mais c'est seulement devant la chambre d'accusation, parce que cette juridiction ne peut apprécier souverainement les circonstances du fait qui tendent à modifier son caractère; mais devant la juridiction qui est investie du droit de juger ce fait, quelque soit son caractère, il n'y a plus de motifs d'adopter un principe qui ne peut être invoqué qu'en matière de compétence, et qui ne serait qu'une inutile fiction lorsqu'il s'agit de l'apprécier définitivement pour lui infliger la peine.

Nous pensons done que l'art. 57 ne doit être appliqué que dans le cas où la première condamnation a prononcé une peine afflictive ou infamante. Nous trouverons plus loin, en nous

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occupant de l'art. 58, des raisons nouvelles à l'appui de cette opinion.

Des expressions de l'art, 57 : délit de nature à être puni correctionnellement, M. Carnot a conclu que le nouveau délit doit entraîner la récidive, alors même que quelques circonstances atténuantes le feraient rentrer dans les termes de l'art. 463 [1]. Il n'est pas possible, selon nous, de tirer une conséquence aussi rigoureuse d'une disposition aussi vague. Il fallait bien exprimer que le deuxième fait devait être un délit correctionnel pour que la récidive existât; et c'est là le sens unique de ces expressions.

Les questions que présente l'application des peines aggravantes de l'art. 57 se représente ront plus loin au sujet de l'article suivant. Toutefois ces deux articles diffèrent en ce que la peine de la surveillance prononcée dans le cas prévu par l'art. 58, ne l'a pas été dans celui de l'art. 57; quelques auteurs ont aperçu dans cette différence une lacune, et M. Legraverend, s'appuyant sur l'analogie incontestable des deux hypothèses, enseigne que la surveillance doit être appliquée de plein droit dans l'une comme dans l'autre. Cette proposition est évidemment erronée une peine ne peut jamais être suppléée par voie d'analogie; au surplus, M. Carnot paraît avoir expliqué le véritable motif du silence de la loi lorsqu'il dit : « Si l'art. 57 n'a pas poussé plus loin sa prévoyance, c'est que le législateur a supposé que le condamné, à raison du délit dont il s'est rendu coupable par récidive d'un crime, se trouve déjà sous la sur veillance par suite de sa première condamnation [2]. »

Il reste maintenant à parler de la récidive formée par la succession de deux délits correctionnels; c'est la troisième espèce de récidive; c'est l'hypothèse prévue par l'art. 58 [3].

Dans le système de cet article, deux élémens d'une même nature, mais d'une valeur inégale, constituent la récidive. Le premier de ces élémens est une condamnation à un emprisonnement de plus d'un an. Ainsi tous les délits ne deviennent pas indifféremment la base de l'aggravation pénale; ceux qui sont passibles d'un emprisonnement de plus d'un an peuvent seuls entrer dans la constitution de la récidive, et

[1] Sur l'art. 57. no 1.

parmi ceux-là, ceux qui ont été frappés de cette peine sont seuls compris dans la disposition de l'art. 58. La raison en est qu'à l'égard des délits qui ont été punis d'une peine inférieure, les limites des peines correctionnelles sont assez larges pour y puiser un châtiment suffisant en cas d'infraction nouvelle, et le délit est trop léger pour que son immoralité puisse réfléchir sur un fait postérieur et en aggraver le caractère.

Mais lorsque la loi demande au premier délit une certaine gravité pour servir d'élément à la récidive, n'y a-t-il pas quelque contradiction à n'en exiger aucune du second? ainsi le délit le plus léger suffit pour former la récidive lorsqu'il est précédé d'un délit plus grave, et il n'y entrerait pas comme élément s'il avait été commis le premier; de sorte qu'en renversant l'ordre chronologique des deux condamnations, l'aggravation disparaîtrait. Ajoutons toutefois que le système des circonstances atténuantes a corrigé en partie les vices de cette combinaison. L'aggravation de la peine n'est plus obligée, elle est facultative, elle peut se mesurer sur la gravité du délit.

Une seconde observation est que, dans cet article, comme dans l'art. 56, c'est le seul fait de la peine prononcée, abstraction faite de la qualification légale de l'action incriminée, qui forme la base de la récidive. C'est la ligne tracée par cette peine qui sépare, dans la classe des délits, ceux qui entrent dans la composition de cette récidive, et ceux dont la répétition n'entraîne jamais d'aggravation pénale. Elle est prise comme la mesure d'un certain degré d'immoralité; il importe peu que cette immoralité se puise dans tel ou tel ordre de délits.

Ainsi, la première règle posée par l'art. 58 est que l'aggravation de la peine ne s'étend qu'aux seuls prévenus qui ont été précédemment condamnés à un emprisonnement de plus d'une année.

L'article ajoute: condamnés correctionnellement. Cette dernière expression pourrait être diversement entendue; s'applique-t-elle, en effet, aux condamnés par voie correctionnelle, ou pour délit correctionnel? C'est dans ce dernier sens qu'elle doit être comprise;

damnés au maximum de la peine portée par la loi.

[2] Comment. du Cod. pén., tom. Ier, sur l'arti- et cette peine pourra être élevée jusqu'au double : cle 57, no 3.

[3] « Art 58: Les coupables condamnés correctionnellement à un emprisonnement de plus d'une année, seront aussi, en cas de nouveau délit, con

ils seront, de plus, mis sous la surveillance spéciale du gouvernement pendant au moins deux années et dix ans au plus. »

car il serait impossible d'induire d'une aussi vague expression, que l'application de l'art. 58 doit être restreinte aux seuls délits de la compétence des tribunaux correctionnels. Telle est aussi l'opinion que la Cour de cassation a consacrée, lorsqu'elle a déclaré « que la loi, en prononçant une aggravation de peine en cas de récidive, n'a point eu en vue la compétence ni le mode de procéder du tribunal qui a statué la première fois, mais qu'elle n'a pris en considération que la nature'du délit en lui-même, et surtout celle de la peine dont il a été puni [1]. » Cette règle a plusieurs corollaires. Le premier est que la qualification légale du fait qui a été l'objet de la première condamnation, est indifférente dans la constitution de la récidive: la seule condition est que ce fait ait été puni d'une peine correctionnelle, et que cette peine excède une année d'emprisonnement. Ainsi, lorsque le prévenu d'un délit a été condamné précédemment, même pour un fait qualifié crime, à plus d'un an d'emprisonnement, l'aggravation de l'art. 58 doit lui être appliquée. Nous avons vu plus haut que la jurisprudence de la Cour de cassation, au contraire, conserve au fait qualifié crime son caractère criminel, alors même que le jury, soit en écartant les circonstances aggravantes, soit en admettant des excuses, l'a revêtu du caractère d'un simple délit. Mais il y a d'autant moins lieu de rcvenir sur cette discussion que l'un et l'autre système se fondent ici dans le même résultat, puis que les peines des art. 57 et 58 sont identiques. Une deuxième conséquence de la même règle est que la juridiction dont la première peine est émanée, n'exerce aucune influence sur l'application de l'article 58.

Ainsi, rien ne s'oppose à ce que la peine de plus d'un an d'emprisonnement prononcée par un tribunal militaire, ne serve de base à l'aggravation de la récidive. La scule condition est que cette peine ait été encourue pour un délit commun; car le deuxième paragraphe de l'art. 56 déclare, en termes formels, qu'il est nécessaire « que la première condamnation ait été prononcée pour des crimes ou délits punissables d'après les lois pénales ordinaires. »

Les peines des travaux publics et du boulet, encore bien qu'elles ne soient ni afflictives ni infamantes, ne pourraient servir d'élément à l'aggravation; car l'art. 58 n'a parlé que d'un

[1] Arr. cass., 19 oct. 1833. Sirey, 1834, 1, 46. [2] Arr. cass., 19 oct. 1823. Sirey, 1834, 1, 46. [3] Arr. cass, 4 oct. 1821. Dalloz, t. 7, p. 226;

emprisonnement correctionnel. Au reste, ces peines exclusivement militaires ont été réservées pour des délits spéciaux.

Les condamnations émanées des chambres législatives, dans le cas où elles sont appelées à connaître des offenses dirigées contre elles, en vertu de l'article 15 de la loi du 25 mars 1822, peuvent, par le même motif, servir à l'application de l'art. 58, dès qu'elles prononcent un emprisonnement de plus d'une année. Ce point a été reconnu par la Cour de cassation. [2].

Du reste, il suffit, pour l'existence de la récidive, que le prévenu ait précédemment encouru une condamnation de plus d'une année d'emprisonnement, et qu'il se rende coupable d'un nouveau délit : l'intervalle qui sépare les deux condamnations, ni le caractère différent des deux délits, ni la distance des lieux où ils ont été commis, pourvu qu'ils l'aient été en France, ne font obstacle à l'application de cette règle générale [3].

Toutefois, la loi pénale admet quelques restrictions.

Lorsqu'un fait qui suppose l'état de récidive est puni par la loi d'une peine déterminée, cette peine doit seule être appliquée : aucune aggravation ne peut être prononcée. Le Code pénal offre deux exemples de cette règle exceptionnelle dans les articles 45 et 245. Le premier prévoit l'infraction du han par un condamné à la surveillance, et le second l'évasion des détenus par bris de prison ou par violences. Or, ces deux infractions supposent également la récidive, puisqu'elles sont commises par des individus qui se trouvent frappés de condamnations. Cette circonstance est donc essentielle au délit luimême, dès lors, elle ne peut aggraver une peine qui a été mesurée à raison de son existence même [4].

Une autre raison est qu'il s'agit moins ici d'un délit moral que d'une contravention matérielle. La rupture du ban et l'évasion ne révèlent point dans le délinquant une perversité plus dangereuse; ce sont de simples infractions à des mesures de police et de sûreté. Or, l'aggravation de la peine se fonde sur une présomption de l'immoralité plus grande du condamné.

Une deuxième exception à la disposition générale de l'art. 58 a lieu lorsqu'une disposition particulière a prévu le cas de récidive d'un délit et a gradué la peine d'après cette circon

[4] Arr. cass., 22 fév. 1828; arr. Grenoble, 11 déc. 1833; arr. Paris, 29 avril 1835; Sirey, 1828,

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