Images de page
PDF
ePub

public, sous de faux noms, pour faire opérer par son ministère un faux par supposition de personnes, dans un acte public, est coupable 'une tentative de faux, lorsque, par une circonstance indépendante de sa volonté, l'acte n'a été signé ni des parties, ni de l'officier public [1]. La même décision s'appliquerait à la tentative de l'usage de la pièce fausse.

Les crimes de corruption, d'avortement, d'attentat à la pudeur, forment encore des exceptions aux règles de la tentative. Ainsi la corruption tentée envers un fonctionnaire public n'est punissable d'une peine infamante qu'autant qu'elle a eu son effet (art. 179). Ainsi l'avortement de la femme enceinte n'est incriminé par l'art. 317, du moins à l'égard de la femme elle-même, que dans le cas où l'avortement a été consommé. Enfin, et d'après la jurisprudence de la Cour de cassation [2], la tentative violente de l'attentat à la pudeur renferme en elle-même les circonstances exigées par l'art. 2, ou plutôt existe légalement indépendamment de ces circonstances [*]. Nous aurions à examiner ici si cette jurisprudence est fondée; nous aurions à examiner encore si la tentative de l'avortement, lorsqu'elle est exécutée par toute autre personne que la femme enceinte, peut être poursuivie criminellement. Mais ces questions, qui ont divisé les plus célèbres criminalistes, exigent des développe ments qui seraient entièrement étrangers à la matière spéciale de la tentative; nous renvoyons donc leur examen à nos chapitres de l'avortement et des attentats à la pudeur.

La dernière exception, qui comprend le crime de subornation de témoins, dérive du texte même de la loi; et en effet, aux termes des art. 361 et 365 du Code pénal, l'on ne peut poursuivre ni punir la tentative de subornation, puisque la subornation n'est passible d'une peine que dans le cas où les témoins subornés ont déposé contre la vérité. Le législateur a pensé sans doute que, jusqu'à la déposition, le suborneur peut arrêter le faux témoin; et puis, si le témoin ne dépose pas faussement, le șu

[1] Arr. cass., 9 juill. 1807; Sirey, 1809, 1, 84. [2] Arr. cass., 14 mai 1813. et 3 fév. 1821. Merlin. Rép., vo Tentative, § 8; Favard de Langlade, 1o Tentative, no 8; Dalloz, t. 7, p. 31; Carnot, De l'Instr. crim., sur l'art, 337, no 19; Bourguignon, sur l'art. 2; Legraverend, t. 1, p. 122.

[*] La déclaration du jury que l'accusé est conpable d'attentat à la pudeur non consommé, mais

borneur n'est coupable que d'un projet criminel sans commencement d'exécution.

Telles sont les exceptions que les règles de la tentative reçoivent dans le Code pénal. Nous passons maintenant à l'examen de quelques difficultés que fait naître l'application de ces règles.

Lorsque l'accusé est renvoyé devant la Cour d'assises comme coupable d'un crime consommé, la question de la tentative peut-elle être posée au jury? En général, l'affirmative n'admet aucun doute. En effet, la tentative d'un crime n'est qu'une modification du crime même; l'accusation du crime consommé comprend donc nécessairement l'accusation de la tentative de ce crime. Cependant cette solution peut, dans certains cas, n'être pas exempte de difficultés. C'est ainsi que la question de la tentative ne devrait pas être posée sans quelque distinction à l'égard de l'accusé de meurtre. En effet, la nuance qui sépare les coups et blessures de la tentative de meurtre ou d'assassinat est difficile à saisir. Il n'y a pas tentative de meurtre, par cela seul que les blessures ont été graves, ou qu'elles ont été faites avec une arme meurtrière: il est nécessaire qu'il y ait eu dessein de tuer [3]. La question de la tentative ne doit donc être posée que lorsqu'il résulte des débats que l'attaque a été effectuée avec la volonté de tuer, et elle doit renfermer cette circonstance au cas contraire, la question ne doit porter que sur les blessures. En ce cas, c'est un devoir pour le président des assises d'appeler l'attention des jurés sur les nuances qui pourraient leur échapper, si elles ne leur sont pas indiquées, parce qu'elles résultent de dispositions qu'ils peuvent ignorer.

La tentative de coups et blessures est punissable, toutes les fois que les violences constituent un crime. Ainsi les poursuites pour simple tentative de blessures seraient légitimes, si cette tentative s'était exercée envers les pères et mères et autres ascendants (art. 314 C. P.). Quelques doutes s'étaient manifestés à cet égard, mais les termes de l'art. 2 ne permettent d'exception qu'autant qu'elle résulte d'un texte formel de la loi, et la Cour de cassation a confirmé cette opinion [4].

tenté avec violence, suffit pour donner lieu à l'application de l'art. 331 du Code pénal. Br. cass. 20 déc. 1832; Bull. de cass., 1833, p. 23.

[3] Arr. cass., 14 déc. 1820; Dalloz, t. 27, p. 248; Legraverend, t. 3, p. 111; Bourguignon, sur l'art. 2 du Code pén., 3; mais voy. Sirey, 1828, 1, 376; Dalloz, t. 28 p. 245.

[4] Arr. cass., 3 fév. 1821; Sirey, 1821, 1, 216.

Les complices de la tentative doivent être punis comme les complices du crime consommé; cela résulte et de l'art. 2 qui assimile au crime même la tentative qui se produit avec les circonstances prévues par la loi, et de l'art. 60 qui frappe les complices des mêmes peines que les auteurs principaux.

où le crime qui était l'objet des conspirateurs n'aurait pas été commis. » D'où l'on aurait pu induire qu'en règle générale il n'y a complicité punisable que là où le crime a été consommé, puique la loi a cru nécessaire de formuler une exception pour des crimes spéciaux; mais cette exception n'est point écrite avec assez de netteté pour qu'on puisse en tirer, par la seule voie de l'induction, une règle génerale qui semble repoussée par les différent textes de l'article 60; les dernières expressions de cet article paraissent s'appliquer spécialement à la provocation, et il serait trop hasardeux d'y puiser un principe que le système général du Code ne paraît pas admettre. La criminalité de l'assis

De ce principe découle une double conséquence. Si la tentative n'est pas accompagnée des circonstances qui la constituent, le complice, quelle que soit la part qu'il y ait prise, est à l'abri de toute peine. Ainsi le mandant qui a chargé un individu de commettre un crime, qui a manifesté cette volonté par des actes extérieurs, qui n'a rien fait pour en empêcher l'exécution, est protégé par la loi, si le mandataire n'a pas agi ; car cette ten-tance aux actes préparatoires est subordonnée tative n'est qu'un projet tant qu'elle n'a pas été suivie d'un commencement d'exécution. C'était aussi la décision des docteurs: Mandans aliquod délictum non videtur puniendus, si illud non sequatur [1].

Au contraire, si la tentative effectuée par l'agent réunit les caractères qui la rendent punissable, la peine atteint les complices, quel que légère que soit la part qu'ils aient prise à la préparation du crime, et lors même qu'ils n'auraient pas trempé dans l'exécution commencée. Cette décision rigoureuse n'est que l'application de l'article 60 du Code, qui a voulu que l'assistance donnée avec connaissance dans les faits préparatoires du crime constituât la complicité par elle-même et indépendamment de toute participation des complices au commencement d'exécution du fait principal. En effet, aux termes de cet article, l'un des faits caractéristiques de la complicité, c'est d'avoir aidé ou assisté avec connaissance l'auteur d'une action qualifiée crime dans les actes qui l'ont préparée; et ce fait caractérise la complicité dans les tentatives comme dans les crimes consommés, puisque la tentative du crime, lorsqu'elle réunit les circonstances fixées par l'article 2, forme un crime principal. Or, de même que l'intention de son auteur a toujours été de consommer le crime, de même aussi c'est à cette consommation que s'est référée l'assistance donnée dans les actes préparatoires. Toutefois, le dernier § de l'art. 60, relatif aux crimes politiques, a pris soin d'exprimer que les complices de ces crimes seraient punis de peines spéciales, « même dans le cas

[1] Farinacius, quæst. 124, no 90; voy. aussi l'affaire Levaillant, Sirey, t. 2, 2o part., p. 410, et infrà le chapitre de la complicité.

[2] Arr. cass., 6 fév. 1812; Dalloz, t. 27, p. 143;

au caractère définitif de l'action principale; elle disparaît, si cette action n'a pas dépassé la limite où elle devient un crime; elle se maintient, au contraire, si le commencement d'exécution lui a imprimé ce caractère [2].

Nous ne pousserons pas plus loin l'examen des questions que cette matière a soulevées ; celles que nous aurons omises, trouveront une facile solution dans les règles que nous avons posées. Mais jusqu'ici nous n'avons suivi l'application de ces règles qu'aux seules tentatives du crime; il nous reste à parler des tentatives de délits.

On doit se demander d'abord si les tentatives des délits correctionnels doivent être punies par la loi.

En effet, l'intérêt de la société à la répression de ces délits n'est évidemment que secondaire, et cet intérêt devient plus faible encore lorsqu'il ne s'agit que d'une simple tentative. Ce n'est plus un mal réel produit par le délit consommé que l'on poursuit; c'est un péril, une alarme, qui sont fort légers, puisqu'ils se proportionnent à l'exiguité du fait. Et puis, parmi ces tentatives, si les unes échappent à la répression sociale par leur faible importance, les autre s'y dérobent par la difficulté de déterminer leurs caractères et d'en faire ressortir la criminalité. « In levibus delictis, disaient les docteurs, non punitur affectus seu conatus, effectu non secuto [3]. » En règle générale, la tentative d'un simple delit ne doit donc faire la matière d'aucune poursuite, soit à cause de la difficulté des preuves, soit à cause de l'exiguité

Merlin, vo Tentative; Favard, eod. verbo; Legraverend, t. 1, p. 131; Bourguignon, t. 3, p. 6, sur l'art. 2 du Code pénal.

[3] Farinacius, quæst. 124, no 52.

du péril social [1] ; et ce n'est que dans quelques cas spéciaux où ce péril est plus appréciable, où les preuves sont faciles, que cette criminalité peut être justifiée. Telle est aussi la théorie que le Code pénal a consacrée ; son article 3 est ainsi conçu : « Les tentatives de délits ne sont considérées comme délits que dans les cas déterminés par une disposition spéciale de la loi. »

On lit dans les procès-verbaux du Conseil d'état que Napoléon, ayant demandé aux rédacteurs du projet de Code les motifs de la restriction de l'art. 3, M. Berlier répondit « qu'il n'y a nulle parité entre la tentative d'un crime et celle d'un délit, ni surtout dans les actes qui caractérisent le commencement d'exécution en des espèces si différentes. Ainsi un homme est surpris crochetant la serrure d'une porte; son but ultérieur est bien connu par ce seul fait: mais s'il s'agit d'une rixe, punira-t-on celui qui aura levé la main, et dont des tiers ont arrêté les coups, comme celui qui aurait frappé? La société n'a pas le même intérêt de réprimer, et il ne faut pas étendre indiscrètement les peines [2]. »

M. Treilhard a ajouté dans l'exposé des motifs : « Cette diposition ne peut pas être si généralement adoptée pour les délits, parce que les caractères n'en sont pas aussi marqués que les caractères du crime; leur exécution peut trèsbien avoir été préparée et commencée par des circonstances et des démarches qui en elles-mêmes n'ont rien de répréhensible, et dont l'objet n'est bien connu que lorsque le délit est consommé; il a donc été sage de déclarer que les tentatives du délit ne seraient considérées et punies comme le délit même, que dans les cas particuliers déterminés par une disposition spéciale de la loi. »

Quelques difficultés se sont élevées sur l'application de l'art. 3. La plus grave est de savoir si la tentative qu'il prévoit ne peut être punie qu'autant qu'elle est accompagnée de toutes les circonstances mentionnées dans l'article 2. On cite pour la négative un arrêt de rejet de la Cour de cassation, portant: «qu'on ne peut invoquer les règles générales du Code pénal sur les circonstances constitutives de la tentative de crime, dans les cas particuliers où la tentative de délit est assimilée au délit même; que c'est un

[1] M. Rossi, ¡Traité du Droit pénal.

[2] Séance du 21 fév. 1809, Locré, t. 15, édit. Tarlier.

[3] Arr. 26 sept. 1828.

[4] Comm. du Code pénal t. 1, p. 21.

fait spécial que le législateur n'a point assujé– ti, dans l'art. 3 du Code pénal, aux règles posées dans l'art. 2 du même Code [3]. »

Mais il nous paraît, comme l'a remarqué M. Carnot, que si l'art. 3 ne le dit pas d'une manière formelle, il le suppose nécessairement. « Il serait absurde, en effet, dit ce magistrat, d'imaginer que la tentative d'un crime pourrait être plus favorisée que la tentative de simples délits [4]. » Il suffit d'ailleurs de rapprocher les art 2 et 3 pour s'assurer que le dernier article n'a eu qu'un objet, c'est de restreindre, à l'égard des délits la règle que l'art. 2 étend à tous les crimes; il en resserre le cercle, il en limite l'application; mais la règle reste la même et cette règle qui domine toute la législation pénale, c'est qu'il n'y a de tentative punissable qu'autant qu'il y a eu commencement d'exécution, qu'autant qu'elle n'a été suspendue que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.

A la vérité, les tribunaux de police correctionnelle étant juges du fait et du droit, on a pensé qu'il suffisait qu'ils reconnussent un prévenu coupable d'une tentative de délit, et que cette déclaration proclamait implicitement l'existence de circonstances constitutives de cette tentative [5]. Nous ne saurions encore adopter cette opinion. Latentative d'un délit, dans le cas même où la loi l'incrimine, n'est punissable qu'autant qu'elle est caractérisée; il est donc nécessaire que le jugement qui applique la peine constate les caractères qui seuls justifient cette application. Autrement le délit ne serait pas qualifié, puisqu'on chercherait vainement dans le jugement les circonstances constitutives du fait que la loi a voulu atteindre et punir [6].

Lesart. 179, 241, 245, 388, 400, 401, 405, 414 et 415 du Code pénal, sont les seuls qui contiennent des dispositions particulières sur les tentatives de délits.

On a cependant voulu étendre l'application de l'art. 3 à quelques autres dispositions; mais la Cour de cassation a successivement jugé, 1o que les coalitions qui avaient pour but d'opérer la hausse ou la baisse d'une marchandise n'étaient punissables qu'autant que le délit avait été consommé, c'est-à-dire que la hausse ou la baisse

[5] Arr. cass., 21 oct. 1814, 26 sept. 1828 (Bull. n° 285).

[6] Voy. dans ce sens arr. Bordeaux 31 janvier 1833. Legraverend, t. 1er, p. 121; Dalloz, t. 28. p. 249, et t. 27. p. 141.

avait été opérée [1]; 2° que la tentative du délit de coupe d'herbages échappe à la répression, puisqu'elle n'est pas du nombre de celles qui sont considérées comme le délit lui-même [2].

Les dispositions spéciales qui incriminent la tentative de divers délits ne fixent pas toujours avec précision les limites de ces incriminations.

Quelques difficultés se présenteront plus loin à cet égard; mais comme elle tiennent moins à la nature de la tentative qu'au caractère de ces délits, et surtout au texte des articles qui les répriment, il nous a paru plus convenable d'en renvoyer l'examen aux chapitres où ces matières sont traitées.

CHAPITRE X I.

de la complicité. —exposé général et dIVISION.—§ Ier. THÉORIE GÉNérale de la COMPLICITÉ.SYSTÈME DES DIVERSES LÉGISLATIONS.· - DROIT ROMAIN. —DROIT INTERMÉDIAIRE. —LÉGISLATION ÉTRANGÈRE.—principes gÉNÉRAUX. —DIStinction de la PARTICIPATION MATÉRIELLE. EXAMEN DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE PARTICIPATION.—PAR ORDRE OU COMMANDEMENT;—PAR MANDAT; — PAR CONSEILS OU EXHORTATION; —PAR AIDE OU ASSISTANCE DANS LES ACTES PRÉPARATOIRES, PAR COOPÉRATION OU ASSISTANCE AUX ACTES D'EXÉCUTION; —PAR RATIFICATION OU APPROBATION;-PAR SECOURS DONNÉS AUX COUPABLES; — PAR RECÉLÉ OU PARTAGE DES OBJETS DU CRIME. — RÉSUMÉ.

[ocr errors]

DISTINCTION DE CES ACTES EN PAR

TICIPATION PRINCIPALE OU SECONDAIRE.—PÉNALITÉ.—§ II. SYSTÈME ET MOTIFS DU CODE PÉNAL.-ANALYSE ET EXAMEN DE SES DISPOSITIONS.-DISTINCTION DES AUTEURS ET DES COMPLICES.—MODES DE COMPLICITÉ. —Caractère et peines du recélé.—§ III. INTERPRÉTATION DU CODE PÉNAL.-EXAMEN DES PRINCIPES POSÉS PAR LA JURISPRUDENCE. CARACTÈRE DE LA COMPLICITÉ. FAITS DESQUELS ELLE RÉSULTE.- NÉCESSITÉ DE L'INTENTION COUPABLE.-DECLARATION DU JURY. PROVOCATION ET INSTRUCTION POUR COMMETTRE LE CRIME.-MENTION DU MODE D'ASSISTANCE ET DE LA CONNAISSANCE.—NÉCESSITÉ DE L'EXISTENCE DU FAIT PRINCIPAL.TENTATIVE DE COMPLICITÉ. -EFFETS DE L'ACQUITTEMENT DE L'AUTEUR PRINCIPAL, RELATIVEMENT AUX CIRCONSTANCES AGGRAVANTES ET AUX CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES.-RECÉLÉ DES PERSONNES. RECÉLÉ DES OBJETS VOLĖS.

La théorie de la complicité est l'une des matières les plus épineuscs du droit pénal, c'est celle aussi qui a le plus vivement excité la méditation des criminalistes. Un problème immense est encore à résoudre : c'est de graduer les peines entre les divers coupables qui ont participé à un même crime, proportionnellement à la part que chacun d'eux a prise à ce crime; problème grave et difficile qui a reçu les solutions les plus

[1] Arr. cass., 24 décembre 1812, 29 janvier 1813, 17 janvier 1818, 1er février 1834; Dalloz, t. 27, p. 148.

diverses dans les théories des publicistes et dans les lois.

Lorsqu'un crime a été commis par plusieurs personnes, on conçoit que la participation de chacune de ces personnes peut n'être pas la mêm‹. L'une a pu en concevoir la pensée et en provoquer l'exécution; l'autre préparer cette exécution, l'autre l'accomplir, l'autre enfin dérober à la justice les coupables et les vestiges

[2] Arr. cass., 21 oct. 1824, et arr. Orléans 21 fév. 1829. Sirey, 1825, 2, 101, et 1829, 2, 103; Dalloz, t. 16, p. 398.

du crime. En ne s'arrêtant même qu'au moment de l'exécution, il est évident que les actes qui se réunissent pour l'achever n'ont pas tous la même valeur morale, ne révèlent pas la même perversité. Il suit de cette observation que chacun des actes de la participation comporte des degrés différens, des nuances distinctes de criminalité. Or, c'est une loi de la responsabilité humaiue que chaque prévenu ne soit puni qu'à raison de la part qu'il a prise au délit ; c'est une loi de la justice distributive que la peine soit mesurée entre les coupables suivant la culpabilité relative de chacun d'eux..

Mais comment apprécier la criminalité de chaque espèce de participation au délit ? Comment classer à l'avance dans les dispositions pénales les caractères de ces diverses complicités? définir et les formes de la participation, et les circonstances dans lesquelles elle se produit, et les modifications qu'elle peut revêtir? mesurer la peine à chaque degré de participation? La justice sociale, avec son action limitée, sa marche incertaine, a-t-elle le pouvoir d'apprécier et de punir avec certitude ces nuances multipliées, n'a-t-elle pas des bornes auxquelles elle doit s'arrêter?

Il ne faut point s'étonner de ce que le légis lateur de 1810, au lieu de pénétrer dans les entrailles de ces difficultés, au lieu d'essayer quelques distinctions propres à les résoudre, se soit déterminé à poser une règle absolue, uniforme, par laquelle les complices sont punis, sans exception, de la même peine que les auteurs mêmes du délit. Cette règle générale, inflexible, sur tous les individus qui ont participé à l'action criminelle, quelle que soit la part de chacun d'eux, que cette part soit matérielle ou morale, principale ou accessoire, légère ou complète, cette règle éludait toutes les difficultés, tranchait toutes les questions dont cette matière est hérissée; mais répond-elle aux besoins de la justice morale qui demande des degrés dans les châtimens quand elle en aperçoit dans les crimes?

Sans doute, la loi ne doit point s'égarer dans des classifications multipliées; il y aurait péril à fonder des distinctions sur des nuances morales qu'il serait difficile de bien caractériser dans la pratique, et trop de subdivisions nuisent à la clarté qui doit luire dans la loi pénale.

[1] L. 15, Dig. ad leg. Cornel. de sicariis ; 1.7, § 6, Dig. ad leg. Pomp. de parricidiis; l. 1, Dig. de recept.; l. 1, C. de his qui latrones; l. 9, C. ad leg. Jul. de vi; etc.

D'ailleurs le législateur ne peut atteindre aux dernières limites de la justice absolue. Mais il y a loin d'une classification trop nombreuse à la simplicité qui rassemble dans une même catégorie des délits évidemment inégaux et leur inflige la même peine; le devoir du législateur est d'examiner si les diverses espèces de participation présentent le mème degré de criminalité, et de soumettre à des pénalités différentes celles dont le caractère distinct et bien tranché est susceptible d'être clairement défini.

Pour exposer avec méthode les principes et les difficultés de cette matière, nous diviserons ce chapitre en trois paragraphes: dans le premier, nous examinerons les règles qui doivent, en général, s'appliquer à la punition des complices; dans le deuxième, nous rapprocherons ces règles des textes du Code pénal; enfin le troisième paragraphe renfermera l'examen des nombreuses interprétations que ces textes ont reçues de la jurisprudence.

[ocr errors]

Les lois des différens peuples renferment les dispositions les plus diverses sur la complicité; il nous semble nécessaire de jeter, avant toute discussion, un rapide coup-d'œil sur ces législations.

La loi romaine offre sur cette matière un dédale presque inextricable de dispositions que les immenses travaux des jurisconsultes n'ont point complètement éclaircies; l'interprétation de ces textes souvent obscurs, contradictoires quelquefois, a partagé les écoles et produit des luttes parmi les commentateurs. Cependant un principe qui domine la législation romaine, c'est l'assimilation des auteurs principaux (rei) et des complices (participes vel socii); la même peine les atteint [1]. La loi considère comme complices tous ceux qui ont assisté le coupable ope et consilio. La définition de ces dernières expressions a donné lieu à une interminable controverse. On les trouve appliquées successivement, dans les fragmens du Digeste, à la participation morale qui consiste dans l'ordre, la commission ou le conseil même de commettre un crime [2], et à la participation maté– rielle aux actes qui ont préparé ou accompli ce crime.[3] Ceux qui donnaient asile aux cou

[2] L. qui servo, Dig. de furtis; 1. 36, 50 ct 52, ibid.; 1. 4, Dig. ad leg. Aquil.

[3] L. 54, § 4, Dig. de furtis; l. 15, Dig. ad leg. Corn, de sicariis

« PrécédentContinuer »