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pables, ou qui recélaient les objets volés, étaient encore rangés dans la même classe [1]; mais la sévérité de ce principe était tempérée par de nombreuses exceptions. Nous en rappellerons quelques exemples. La loi 4 Dig. adlegem Aquiliam avait dit : Qui consilium furti dedit, non tenetur, nisi consilium effectum habuit. Justinien a élargi cette exception dans les Institutes Qui ad furtum faciendum tantùm consilium dedit atque hortatus est, non tenetur furti [2]. Ainsi le conseil est absous, quelqu'en soit le résultat. Une exception semblable protégeait celui qui, témoin du crime, ne l'avait pas empêché [3], celui qui avait prêté les instrumens du crime sans connaître l'usage auquel ils devaient être employés [4], celui qui avait favorisé la fuite du coupable, mais sans lui donner asile [5], etc. Nous reprendrons plus loin cette règle et ces exceptions en discutant les interprétations et les décisions des docteurs.

L'ancien droit français avait adopté le même principe. Louis IX, dans ses Établissemens, punit de la même peine les complices et les auteurs principaux, et, par une rigueur étrange, il inflige une peine plus grande aux femmes qui font société avec les criminels [6]. On retrouve cette assimilation des complices et des auteurs du crime dans une ordonnance du 22 décembre 1477, qui soumettait à la même peine le conspirateur, les agens qu'il fait mouvoir, et l'homme qui, instruit du complot, ne le revèle pas; dans une ordonnance de mars 1815, qui inflige la même pénalité aux délinquans en matière de chasse et aux acheteurs de gibier pris en délit; dans une troisième ordonnance de décembre 1559, qui punit comme complices et d'une peine égale ceux qui ont latité un condamné; enfin dans l'ordonnance de 1670, tit. XVI, art. 4, qui prohibe les lettres d'abolition pour les duels et lesassassinats tant aux principaux auteurs qu'à ceux qui les auraient assistés, ni à ceux qui, à prix d'argent ou autrement, se louent ou s'engagent pour tuer ou traquer, excéder, ni à ceux qui les auront

loués ou indultés pour ce faire, encore qu'il n'y ait eu que la seule machination ou attentat, et que l'effet n'en soit ensuivi. Néanmoins la jurisprudence des parlemens modifiait cette rigueur, en appliquant les distinctions établies par les lois romaines et les docteurs [7].

Le Code pénal de 1791 continua cette règle sévère d'assimilation. Les rédacteurs de ce Code placèrent sur la même ligne et frappèrent d'une peine uniforme celui qui a provoqué le crime, celui qui a procuré au coupable les instrumens ou les armes qui ont servi à le commettre, celui qui a aidé et assisté l'auteur dans les préparatifs ou l'exécution, enfin celui qui achète ou recèle sciemment les objets volés [8]. Cette disposition forma plus tard l'art. 80 de notre Code pénal.

Cependant les législateurs étrangers n'ont point adopté un système aussi absolu. La loi anglaise admet plusieurs distinctions: elle sépare d'abord les coopérateurs en principaux et accessoires (principals and accessaries). Les principaux eux-mêmes se divisent en deux classes : le principal in the first degree est l'exécuteur du crime, le principal in the second degree est celui qui l'a aidé ou assisté dans l'exécution (a person present aiding and abetting). En général, la peine est la même pour les uns et les autres, notamment en matière de vol, de fausse monnaie, de faux; cependant la peine capitale n'est applicable qu'aux principaux au premier degré, elle se convertit en transportation à l'égard des autres [9]. Les accessoires sont les adhérents qui n'étaient pas présents à l'exécution. On distingue ceux qui ont prêté leur concours avant ou après l'exécution. Les accessoires avant le fait, c'est-à-dire ceux qui l'ont ordonné, conseillé ou préparé, sont punis comme les auteurs principaux, dans les cas de meurtre, de vol, de faux ; dans les autres crimes, ils sont punis soit de la transportation, soit de l'emprisonnement aux travaux de force. Les accessoires après le fait, c'est-à-dire ceux qui, sachant qu'un crime a été commis, reçoi

[1] L. 1, Dig. de recept.; l. 1, C. de his qui la- nant compagnie qui les consentissent, et ne em

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vent, assistent et recèlent les coupables ou les objets volés, ne sont punis que d'une peine inférieure de la transportation, s'il s'agit d'un meurtre; d'un emprisonnement de deux ans, s'il s'agit d'un vol [1]. La loi pénale de l'état de New-York aà peu près conservé ces dispositions; les principaux au deuxième degré et les accessoires avant le fait sont punis comme les auteurs principaux au premier degré; les accessoires après le fait sont punis d'un emprisonnement qui ne peut excéder cinq ans, ou d'une amende qui ne peut excéder 500 dollars [2].

M. Livingston, dans le projet du Code pénal de la Louisiane, sépare les auteurs principaux, les complices et les accessoires : il considère comme auteurs principaux ceux qui ont pris une part active quelconque à la consommation du crime; comme complices, ceux qui ont donné l'ordre ou la commission de le commettre, qui ont promis leur concours, qui ont encouragé son exécution par leurs paroles ou l'appât d'une récompense, qui ont préparé les armes ou les instruments nécessaires pour l'accomplir; enfin comme accessoires, ceux qui, instruits de l'exécution d'un crime, recèlent les coupables ou leur donneat des secours. La même peine atteint les complices et les principaux coupables. Les accessoires seuls sont punis d'une peine légère : leur action, suivant l'expression de M. Livingston, si elle n'est pas absolument vertueuse, tient de trop près à la vertu pour méritre la qualification de crime; elle est exempte de toute peine lorsqu'elle est commise par l'époux ou les parents du coupable [3]. Le Code du Brésil sépare également les au teurs et les complices : les premiers sont ceux qui commettent les crimes, ou qui contraignent un autre à les commettre, ou le lui ordonnent; les complices sont tous les autres individus qui concourent directement à leur exécution: les recéleurs sont considérés comme complices. Les complices sont punis des mêmes peines que les auteurs, moins un tiers de durée dans chaque degré; la peine de mort est commuée à leur égard en celle des galères perpétuelles, et cette dernière en vingt ans de galères ou de prison [4].

Nous retrouvons encore la même distinction dans le Code pénal d'Autriche. La participation est directe ou indirecte: elle est directe dans celui qui a provoqué le crime, ou qui a prêté à son auteur aide et assistance dans l'exécution; elle

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est indirecte de la part de celui qui, pár un mandat, des conseils ou des instructions, ou son approbation, facilite le fait, ou donne occasion de le commettre, ou en procure les moyens. Ceux qui n'ont participé qu'indirectement au crime sont punis d'une peine inférieure. Le recélé et l'assistance donnés au délinquant sont des délits distincts qui sont également frappés d'une peine différente; toutefois ces sages distinctions cessent d'exister à l'égard des crimes de haute trahison: il suffit d'avoir eu connaissance d'un tel crime pour être considéré comme coauteur [5].

Enfin, le Code prussien distingue les auteurs immédiats et les auteurs secondaires : les premiers sont ceux qui ont pris une part immédiate à l'exécution du crime, ceux qui se servent d'un autre pour le consommer, ceux qui font un objet de lucre du recèlement des coupables ou de leur gain illicite; les auteurs secondaires sont ceux qui n'ont pas participé immédiatement à l'exécution, ceux qui, sans convention préalable, ont prêté assistance au moment de cette exécution, ceux qui ont donné des instructions ou des conseils pour le commettre, enfin ceux qui, après la consommation, en ont partagé les fruits sciemment et volontairement, mais sans convention préalable: ces derniers sont punis de la peine immédiatemeut inférieure à celle imposée au crime [6].

Nous ne suivrons pas plus loin cet aperçu des législations étrangères; il doit suffire pour démontrer que tous les législateurs ont plus on moins essayé à introduire quelques différences entre les individus qui participent à l'exécution d'un crime. Remontons maintenant aux règles élémentaires de la matière, et tâchons de préciser les distinctions qu'il convient d'adopter ou de rejeter.

C'est une proposition que nous ne chercherons point à démontrer, que la culpabilité de tous ceux qui coopèrent à un même crime peut n'être pas la même. Dès qu'un crime est commis par suite d'un complot, d'une association, d'un plan concerté, il est évident que chacun des complices y prend une part plus ou moins active, suivant son caractère et la nature du rôle qu'il est appelé à y remplir: celui-là, qui manifeste le plus d'audace, se charge du poste le plus périlleux; celui-ci, qui éprouve plus de repentir et d'hésitation, se con

[4] Code crim. du Brésil, art. 4, 5, 6, 34 et 35. [5] Code pén. général d'Autriche, art. 5, 6, 105, 106, 119, 120, 190.

[6] Code prussien, art. 64 à 84.

tenter de veiller à la sûreté de ses associés; un autre est entraîné sans comprendre la portée de son action; un autre agit sous l'empire d'une provocation, d'une contrainte; un autre enfin a pu donner des instructions pour l'exécution, mais sans y assister: tous ont concouru à accomplir le même crime, mais tous révèlent à l'observateur attentif des nuances plus ou moins tranchées, des différences plus ou moins vives dans le caractère de leur parsicipation.

Nous avons déjà fait observer que le législa– teur n'est point astreint à apprécier la valeur morale de chacune de ces nuances, qu'il ne doit point une justice absolue, que les moyens dont il dispose sont incertains et limités, et que, dans le cercle même où elles sont enfermées, ses preuves restent souvent confuses et infructueuses. La mission de la loi doit se borner à remarquer les différences assez profondes pour entraîner des peines d'un degré différent; c'est aux juges qu'il appartient ensuite de descendre à une appréciation plus intime, et de distribuer inégalement, soit entre les auteurs principaux, soit entre les complices d'un même crime, la peine égale dont la loi a dû les frapper.

Il ne s'agit donc que de tracer les degrés principaux qui séparent les uns des autres les auteurs d'un crime; nous avons dit que la stricte justice réclamait une telle distinction, ajoutons qu'un grave intérêt social l'exige.

«Lorsque plusieurs hommes, a dit Beccaria, s'unissent pour affronter un péril commun, plus le danger sera grand, plus ils chercheront à le rendre égal pour tous. Si les lois punissent plus sérieusement les exécuteurs du crime que les simples complices, il sera plus difficile à ceux qui méditent nn attentat de trouver parmi eux un homme qui veuille l'exécuter, parce que son risque sera plus grand en raison de la différence des peines [1]. »

Et en effet, les complices forment avec les auteurs du délit une sorte d'association. Convient-il de rendre égales pour tous les chances de l'entreprise criminelle? On dirait, dans ce cas, ainsi que l'a remarqué M. Rossi [2], une loi suggérée par des malfaiteurs. L'intérêt de la justice est qu'il y ait des rôles principaux et des rôles secondaires la distribution de ces rôles sera moins facile, les dissensions des associés plus fréquentes.

lorsque le législateur prononce une même peine contre tous les coopérateurs d'un crime? N'estil pas évident que l'injustice d'une telle assimilation a dû multiplier les acquittements, par l'hésitation des jurés à faire peser le niveau d'une peine égale sur des culpabilités si différentes? Dans une juste mesure à l'égard de l'un des coupables, cette peine est énorme vis-à-vis d'un complice, et c'est l'exagération des peines qui conduit à l'impunité.

Mais quelles distinctions, quels degrés admettre dans la complicité? Faut-il séparer, comme l'ont proposé quelques criminalistes, et pour les punir d'une peine inégale, la participation morale et la participation matérielle? Doit-on, avec le législateur de la Louisiane, discerner les auteurs principaux, les complices, et les adhérents après le fait ? Faut-il, comme les Codes d'Autriche et de Prusse, distinguer une participation directe ou indirecte, immédiate ou secondaire? Doit-on enfin, comme la loi anglaise et celle de New-York, ne tracer qu'une seule distinction entre ceux qui ont coopéré au crime d'une manière quelconque et ceux qui, après le crime commis, y ont participé par recélé ou autrement?

La distinction de la participation morale et matérielle ne paraît pas propre à devenir la base d'une différence dans la pénalité. Cependant quelques publicistes l'ont proposée ; ils ont considéré la participation morale, même la plus directe, comme purement accessoire et secondaire [3].

Ils allèguent que l'inventeur d'un projet criminel, qui ne veut pas l'exécuter de ses propres mains, trouverait plus difficilement un agent pour cette exécution, si celui-ci savait qu'il va courir un danger plus grave que celui auquel l'instigateur s'expose. A cette raison politique, ils ajoutent que le rôle de l'agent qui, séduit par de l'or ou des promesses, se charge d'exécuter un crime, suppose le plus souvent une audace plus grande, une corruption plus éhontée, que celui de l'instigateur lui-même qui peut agir sous l'empire des passions. A l'égard de celui-ci, la limite qui sépare le projet criminel du crime lui-même est incertaine et confuse : tout se borne à la déclaration verbale qu'il a donnée. L'agent qui a accepté la commission devient aussi coupable pour cette seule adhésion, et cependant il n'est puni qu'à raison de ses ac

Et puis, la répression est-elle plus assurée tes d'exécution. Et puis, il y a loin de la concep

[1] Des délits et des peines, p. 96.

[2] Traité du droit pén.

CHAUVEAU, T. I.

[3] Carmignani, Teoria delle leggi della sicurezza sociale.

11.

tion d'une entreprise à son exécution, de la parole à l'action: la parole est imprudente et légère; l'action ne la suit qu'à pas lents, et médite avant d'éclater. L'instigateur et l'agent ne devraient donc pas être réunis dans le même châtiment [1]. Cette opinion pourrait difficilement être adoptée. Comment établir une règle absolue pour punir, dans tous les cas, l'homme qui a conçu ou combiné le crime, d'une peine inférieure à celle de l'agent qui l'a exécuté? N'est-il pas plusieurs hypothèses où l'instigateur est plus coupable que ses complices? Imaginez un homme qui commande à un enfant de s'armer d'une torche incendiaire, ou qui compte de l'or à un meurtrier évadé d'un bagne pour commettre un nouveau meurtre; un père qui pousse son fils au crime; un vieillard qui excite les passions d'un jeune homme, et le dresse comme un instrument docile au forfait qu'il médite. Dans ces diverses hypothèses, la participation morale domine le crime; la culpabilité de l'instigateur est la plus grave. Or il suffit que ces deux sortes de participation ne soient pas, dans tous les cas, séparées par la même distance; il suffit que l'une ou l'autre puisse alternativement être considérée comme la plus grave, pour que cette distinction ne soit pas de nature à justifier un degré particulier dans l'échelle pénale.

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Il faut remonter à un principe plus juste et plus vrai la distinction d'une participation quelconque, principale et secondaire. La difficulté est dans la désignation des caractères de l'une et de l'autre participation.

On distingue, en général, trois sortes de coopération an crime avant sou exécution, pendant et après cette exécution.

Avant l'exécution, par commandement, par mandat, par instigation, provocations ou conseils, par concours dans les actes préparatoires du crime;

le caractère de participation principale ou secondaire.

On participe à un crime par l'ordre ou le commandement de le commettre.

Il est évident que celui qui ordonne un crime doit être considéré comme auteur principal de ce crime, puisque, suivant l'expression des docteurs, il en est la cause prochaine [2]. Aussi, dans l'ancien droit, il était de principe que l'ordonnateur et l'exécuteur du même crime étaient punis de la même peine [3]. Toutefois la loi romaine faisait une distinction: si celui qui donnait l'ordre avait autorité sur l'agent, il était puni comme auteur; s'il n'avait aucune autorité, l'exécuteur seul était atteint. Actio legis Aquiliae cum eo est qui jussit, si jus imperandi habuit; quòd si non habuit, cum eo agendum est qui feoit [4]. Le commandement, en effet, suppose l'autorité et l'obéissance; si cette autorité n'existe pas, l'ordre n'a plus aucun poids, il cesse d'être la cause déterminante, prochaine du crime; sa criminalité disparaît avec sa puissance, ou du moins on ne doit plus le considérer que comme un mandat ou un conseil.

L'agent qui commet le crime en exécutant l'ordre qu'il a reçu, doit-il être considéré comme coauteur? L'affirmative est évidente. «Tous délits sont personnels; en crime il n'y a point de garant [5]. » Cependant la loi romaine avait élevé une exception à cette maxime en faveur des enfants et des esclaves, si vel domino vel his qui vice dominorum sunt, veluti tutoribus et curatoribus, obtemperaverint [6]. Dans ce cas l'exécuteur est regardé comme un instrument; c'est la crainte ou l'obéissance qui l'ont fait agir. Velle non creditur qui obsequitur imperio patris vel domini. Cette règle a été suivie par le Code pénal, qui déclare, dans son article 64, qu'il n'y a ni crime ni délit

Pendant l'exécution, par aide et assistance lorsque le prévenu a été contraint par une force données à l'exécution;

Après l'exécution, par approbation, se cours donnés au coupable, partage ou recélé des objets volés.

Nous allons parcourir ces divers modes de participation, afin d'attribuer à chacun d'eux

[1] Carmignani, p. 374 à 376.

On entendait par cause prochaine du crime, celle sans laquelle le crime n'eût pas eté comms; et par cause éloignée, celle qui n'a exercé qu'une influence secondaire sur la perpétration. Farinacius, quæst. 130, nos 54 et 55; Julius Clarus, quæst. 90, nos 1 et 2.

à laquelle il n'a pu résister. Nous renvoyons le développement de ce principe à notre chapitre 13, où nous examinerons la doctrine de l'obéissance passive.

On participe, en deuxième lieu, à un crime par mandat, en donnant des instructions pour

[3] Voy. Julius Clarus, quæst. 83; Farinacius, quæst. 135, no 1; Coutume de Bretagne, art. 625 ; Ord. de Blois, art. 195; Ord. de 1670, tit. 18, art. 4.

[4] L. 37. Dig. ad leg. Aquil.

[5] Loisel, Inst. cont, l. 8, tit. 1, max. 8. [6] L. 157, Dig. de reg. juris.

le commettré, en faisant des dons ou des promesscs pour déterminer l'agent. Le mandat diffère de l'ordre ou commandement en ce que le mandant n'a aucune autorité sur le mandataire; c'est par l'appât d'une récompense qu'il provoque le crime. Ce mode de participation suppose deux agents parfaitement libres, deux contractants qui stipulent spontanément une convention criminelle. Mais il est évident que l'existence de cette convention doit être clairement établie pour que des poursuites puissent être dirigées contre le mandant; car nous ne supposons pas, comme l'a fait M. Carmignani [1], que celui-ci puisse être inculpé sur une phrase imprudente ou équivoque. Il faut un consentement formel, il faut plus qu'un consentement: le mandat est une provocation directe au crime; il est nécessaire que cette provocation soit établie avec toutes les circonstances qui ont pu la rendre efficace. Ramenée à ces termes, la participation du mandant est-elle moins criminelle que celle de l'ordonnateur? A nos yeux elle est la même : l'un abuse de son autorité, l'autre se sert de moyens corrupteurs pour arriver au crime tous les deux en sont également la cause; ils doivent être rangés parmi les auteurs.

Mais doivent-ils subir la même peine que les exécuteurs? Nous avons reconnu tout à l'heure que la participation purement morale peut faire présumer en général moins d'audace et de corruption que l'exécution matérielle; et que l'ordre ou la commission de commettre un crime ne constitue en soi qu'un acte extérieur qui se confond même souvent avec le simple projet. Néanmoins nous pensons que la même responsa bilité doit peser sur le provocateur et l'auteur matériel : si l'un a exécuté le crime, l'autre l'a conçu, l'a médité, a fait naitre la résolution de l'exécuter; il s'est servi de l'agent comme d'un instrument; en lui donnant ses instructions, il s'est approprié ses actes, il en est responsable. L'intérêt social et la justice exigent que tous ceux dont la participation a été la cause déterminante du crime, subissent la peine réservée à ce crime par la loi; or, la provocation directe

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par ordre, mandat, dons ou promesses, quand elle a été suivie d'effet, rentre nécessairement dans cette catégorie [2].

Toutefois il est évident que la proposition du commettant, si elle n'est pas agréée, ne peut constituer qu'un acte préparatoire qui n'est pas de nature à faire l'objet d'une disposition pénale [3]. Si la proposition avait été agréée, et qu'elle fût ensuite révoquée, la solution est moins facile. Il faut distinguer si l'exécution du crime a été commencée, ou si elle ne l'a pas été; dans le dernier cas, aucune responsabilité ne doit peser sur le provocateur, puisque le crime n'existe pas encore: il n'est coupable que d'une provocation qui est restée sans effet. Dans la première hypothèse, on doit distinguer encore: si le mandataire a eu connaissance de la révocation, le lien de la complicité s'est brisé, il est réputé l'unique auteur du crime [4]; s'il ne l'a pas connue, le mandant demeure responsable du crime exécuté, car il en a été la cause volontaire ; il doit s'imputer les retards qu'il a mis à faire connaître son changement de volonté [5]. Une question plus difficile est de savoir si le mandant est responsable des faits du mandataire, lorsque celui-ci a excédé les bornes du mandat. Ainsi, par exemple, une homme a donné commission de frapper une personne, et les coups ont produit la mort ; un autre a donné la commission de commettre un vol simple, et ce vol a été exécuté avec des circonstances aggravantes : l'instigateur est-il tenu de toutes les conséquences de l'action criminelle?

Jousse [6] et Muyart de Vouglans [7] ne le pensent pas. Lorsque le mandataire, disent ces criminalistes, vient à excéder les bornes du mandat, comme si, par exemple, il avait tué celui qu'on l'avait seulement chargé de battre, il devrait être puni avec plus de rigueur que le mandant qu'on peut dire, dans ce cas, avoir moins procuré la cause que l'occasion de l'homicide. M. Legraverand n'admet pas cette distinction, et professe l'opinion que dans tous les cas le mandant est responsable du crime avec toutes ses circonstances [8].

provocateur est passible d'une peine inférieure. Menochius, illic; Farinacins, quæsi. 132, no 6; Carrerius, Prax. criminalis, quæst. 352, no 81; Covarruvias, in Element., part. 2, no 2, vers. 6

[5] Farinacius, quæst. 135, no 183–185.
[6] Traité de just. crim., t. 1, p. 28.
[7] Lois crim., p. 14.

[8] Legraverend, t. 1, p. 137.

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