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Nous ne croyons pas qu'on puisse sérieusement soutenir que le mandant est toujours et complètement responsable du fait du mandataire; car, si celui-ci s'est entièrement écarté du mandat, soit dans le choix des moyens, soit dans l'objet du crime, comment imputer au mandant un fait qu'il n'a point voulu? Il nous semble qu'on doit reprendre une distinction proposée par les anciens jurisconsultes : si le mandant a pa prévoir l'événement, si cet événement était la suite probable de la commission qu'il donnait ; par exemple, si cette commission avait pour objet de faire une blessure à quelqu'un, et que cette blessure se trouve mortelle, il doit répondre de ce résultat, il est coauteur du meurtre [1].

Mais si c'est un nouveau crime qu'il n'avait pas même imaginé, qui n'était nullement la conséquence naturelle du fait qu'il avait voulu commettre comme si, par exemple, il avait chargé quelqu'un d'enlever une femme, et que celui-ci ait attenté à sa pudeur; de séquestrer une personne, et que l'exécuteur ait soumis cette personne à des tortures et lui ait ôté la vie; pourrait-on soutenir que le commettant peut devenir responsable de ces nouveaux faits, qu'il est coupable de viol ou d'assassinat? Sa complicité se borne évidemment au rapt et à la séquestration; les crimes postérieurs sont le fait personnel de l'agent et l'on ne pourrait, sans une flagrante injustice, les lui attribuer.

Les jurisconsultes rangent, en général, dans la classe des auteurs principaux ceux qui servent de médiateurs entre le mandant et le mandataire, en favorisant leur entrevue ou leur correspondance, en portant leur lettres [2]. Cette décision est évidemment trop rigoureuse. Si ces agents ont connu le projet et y ont sciemment coopéré, cette coopération n'est cependant que secondaire, car elle n'a point été la cause déterminante et prochaine du crime.

On participe encore au crime par le conseil ou l'exhortation de le commettre. Grotius cite une ancienne loi d'Athènes qui punit de la même peine que l'auteur celui qui avait conseillé de commettre un crime [3]; plusieurs philosophes

de l'antiquité regardaient même le conseiller comme plus coupable que l'auteur [4]. La loi romaine renferme sur ce point des textes contradictoires [5]; les docteurs ne punissaient le conseiller de la peine même du crime que dans le cas où le conseil avait été la cause principale de ce crime [6].

Il faut remarquer d'abord qu'il ne s'agit ici que de ceux qui n'emploient ni autorité, ni dons, ni promesses pour exciter à commettre le crime: Consilium dare videtur qui persuadet, im pellit atque instruit [7]. De là cette distinction entre l'ordre ou le mandat et le conseil. Les premiers ont principalement pour but l'intérêt particulier de celui qui les donne, tandis que le conseil n'est censé avoir d'autre objet que l'intérêt de celui auquel il est donné: Consilium respicit gratiam et utilitatem delinquentis, mandatum mandantis [8]. Carmignani critique cette distinction, parce qu'il lui paraît impossible qu'un individu puisse conseiller un crime sans y avoir un intérêt grave et personnel [9] ; il assimile en conséquence le conseiller et le mandant. Mais il reste toujours cette différence énorme entre les deux agents, que le dernier se sert de moyens corrupteurs pour entraîner la coopération de l'exécuteur, tandis que l'autre n'emploie que la persuasion de sa parole.

M. Rossi [10], embrassant l'opinion proposée par les anciens jurisconsultes et répétée par Muyart de Vouglans [i], ne considère le conseiller comme passible d'une peine que dans le cas où le conseil, d'ailleurs frauduleux [12], a été la cause ou l'une des causes de l'action criminelle; mais alors aussi il le considère comme codélinquant.

Nous pensons également que le conseil et la suggestion qui n'ont exercé qu'une influence secondaire sur l'auteur du crime, qui n'ont point été l'une des causes déterminantes de l'action, ne doivont être frappés d'aucune peine. Mais dans le cas même où le conseil a été suivi d'effet, où il a pu déterminer l'action, l'auteur de ce conseil doit-il être considéré comme auteur principal du crime? Nous ne saurions

[1] Farinacius, quæst 135, no 168; Julius Clarus, dec. 262; Farinacius, quæst. 129, uo let suiv. uæst. 89, no 5.

[2] Farinacius, quæst. 132, no 41, 135, no 14;

Jousse, t. 1, p. 26:

[3] De jure helli et pacis, t. 2, p. 112. [4] Arist. Rhetor., lib. 1, cap. 7, p. 126.

[5] L. 1, C. si rector provinciæ, et Instit. de

oblig. quæ et delicto nasc., § 11.

[7] L. 50, Dig. de furtis.

[8] Farinacius, quæst. 129, no 8.

[9] Teoria delle leggi della sicurezza sociale, t. 2, p. 386.

[10] Traité du Droit pénal.

[11] Lois crim., p. 24.

[12] Consilii non fraudulentis nulla est obligatio.

[6] Julius Clarus, quæst. 88, no 1 et 2; Boerius, 1. 47, Dig. de reg. juris.

l'admettre. Il existe une notable différence, aux yeux de la morale, entre celui qui, à prix d'or, achète le bras d'un assassin, ou l'arme en abusant de son autorité, et celui qui ne fait que suggérer l'idée d'un crime, ou qui y pousse par ses discours l'individu qui, tout en en nourrissant la pensée, hésitait à le commettre. Dans les deux premiers cas, la puissance du provocateur est immense seul, pour ainsi dire, il commet le crime; l'agent n'est qu'un instrument entre ses mains. Dans la troisième hypothèse, au contraire, s'il suggère, s'il approuve le crime, il n'y précipite le coupable ni par de corruptrices promesses, ni par l'abus de son pouvoir. Son impulsion n'a point le même entraînement pour l'exécution du crime; elle n'a point la même gravité dans le fond de la conscience. Il nous paraît donc que l'instigateur, le conseiller doivent être punis, si les conseils et les instigations ont été la cause du crime, mais punis d'une peine inférieure; qu'ils doivent même, dans ce cas, être considérés, non commme auteurs principaux, mais comme auteurs secondaires.

ne peut constituer un acte de complicité; car l'inaction ou le silence n'aide ni ne provoque la perpétration d'un crime. S'il y a délit, c'est un délit sui generis. Tel est aussi le caractère que le Code de 1810 lui avait conféré. Les articles 103 et suivans de ce Code incriminaient le fait de non-révélation, mais comme un fait distinct et non comme un fait de complicité. Mais ces articles ont été retranchés par la loi du 28 avril 1832, par le motif que les pénalités qu'ils portaient donnaient à un devoir de patriotisme les apparences d'une obligation de police.

Quant à l'acte de n'avoir pas empêché le crime, on distinguait dans le droit romain entre celui qui avait pu l'empêcher sans danger personnel, et celui qui n'aurait pu y mettre obstacle sans courir ce danger; le premier seul était puni : Qui prohibere potuit, tenetur si non fecit [6]; nullum crimen patitur is qui non prohibet, cùm prohibere non potest [7]. Ces distinctions peuvent avoir quelque valeur dans le for de la conscience, mais le législateur ne peut élever au rang des crimes l'inaction et la négligence : l'intention du crime est un élément de son existence.

Un mode de participation avant le crime est la participation qui se manifeste par aide et assistance dans les préparatifs. Les auteurs rangent dans cette catégorie les actes de ceux qui prêtent les armes, le poison, l'échelle, les instruments nécessaires pour commettre le crime, ou qui offrent leur maison pour l'exécution, ou qui indiquent la demeure de la victime, ou qui retiennent la personne menacée jusqu'à l'arrivée de l'auteur principal. Ces actes d'assistance suffisent, sans nul doute, pour faire réputer leurs auteurs complices; mais suffisent

Les criminalistes distinguent encore une sorte de participation morale, c'est la participation négative de celui qui a connu le projet du crime et qui ne l'a pas empêché ou ne l'a pas révélé. Toutefois ils n'hésitent pas à reconnaître que, dans le for intérieur, nul n'est obligé de révéler ou de prévenir le crime qui se prépare [1]; mais ils établissent des exceptions à l'égard des crimes de lèse-majesté, et de ceux qui sont commis contre l'époux, le père, ou le fils du prévenu [2]; quelques-uns même ont voulu étendre cette exception au crime projeté contre un ami [3]. Cette règle avait passé dans notre ancienne législation Louis XI punissait de mort celui qui avait né-ils pour les faire considérer comme des auteurs gligé de révéler un complot [4]. Louis XIV rangeait dans la classe des complices les spectatateurs accidentels d'un duel [5]. Cette incrimination se retrouve encore dans plusieurs législations modernes appliquées aux matières politiques. Elle se fonde sur une erreur évidente. Il est visible, en effet, que la non-révélation

[1] Julius Clarus, quæst. 87, noa 1 et 3; Menochius, de arbitrar. jud., cas. 355, no 7; Farinacius, quæst. 51, no 7.

principaux ? M. Rossi se prononce pour l'affirmative il considère comme codélinquants tous ceux qui, par un fait matériel quelconque, prêtent une aide pour l'exécution du crime [8]. Les anciens auteurs étaient moins absolus: ils distinguaient ceux dont l'assistance avait été la cause prochaine ou la cause éloignée du fait,

[6] L. 45, Dig. ad legem Aquiliam.
[7] L. 109. Dig. de reg. juris.

[8] Rossi traité du Droit pénal, C'était aussi

[2] Boerius, déc. 262, no 9; 1. 6, Dig. ad leg. la décision de Gaïus : « Qui ferramenta sciens Pomp. de parric.

[3] Farinacius, quæst. 51, no 40, ct 134, no 91. 141 Ord. de déc. 1477.

[5] Ed. d'août 1879, art. 17.

commodaverit ad efficiendum ostium, vel armarium vel scalam sciens commodaverit, furti tenetur. » L. 54, § 4, Dig. de furtis.

c les premiers seuls étaient punis de la même peine que les auteurs; or, les actes d'assistance que nous venons d'énumérer n'étaient point regardés comme une cause actuelle et déterminante du crime [1]. Et, en effet, il est évident que, sur le refus de cette assistance, les individus qui avaient résolu le crime se seraient procuré ailleurs d'autres armes, d'autres échelles, d'autres instruments. Il semblerait injuste de placer sur la même ligne le serrurier qui a fabriqué les fausses clefs et le voleur qui en a fait usage. Il y a là deux degrés bien distincts de criminalité la justice doit mesurer deux peines.

Nous passons maintenant aux actes d'exécution. En général les diverses législations s'accordent pour considérer comme coauteurs tous ceux qui ont coopéré à l'exécution du crime, par un fait immédiat et direct 121. M. Rossi ne ait lui-même aucune distinction dans cette classe de complices. Il range dans la même catégorie celui qui retient, celui qui égorge, celui qui soutient l'échelle, celui qui saisit l'objet du vol, celui qui force la serrure, celui qui pénètre dans la maison, celui qui, posté en sentinelle, surveille les approches, et enfin ceux qui, sans donner aucun secours, prêtent leur présence pour faire nombre et effrayer: tous sont coauteurs, les uns d'un meurtre, les autres d'un vol avec escalade et effraction. Nous croyons cependant, que même parmi les exécuteurs immédiats du crime, on peut trouver des degrés différents d'audace et de corruption, des nuances distinct de criminalité.

C'est ainsi que les jurisconsultes ont successivement controversé la culpabilité, comme auteur principal, de celui qui fait le guet pendant l'exécution du crime 131, de celui qui garde les hardes ou les effets des auteurs dans le même temps 141, de celui qui surveille la voiture qui doit servir à la consommeation du rapt, enfin de celui qui, présent à l'action, n'y a prêté cependant aucune assistance 15. Ils faisaient en faveur de ces différents complices exception à la règle générale, et émettaient l'avis qu'une peine secondaire et même légère pour rait suffire à la répression de ces actes.

Et comment, en effet, penser que les huit ou dix complices qui prennent part à un assassinat ou à un vol à main armée, soient tous éga

[1] Baldus, in l. 1, C. De nili agger., Farinac. cius, quæst. 130, no 8 à 53 ; Jul. Clarus, quæst. 9.

n° 90.

[2] Voy. suprà, p. 64 et suiv.

lement coupables, criminels au même degré; que les rôles qui se distribuent dans ce drame du crime, exigent une hardiessè égale, une même énergie? La conscience n'aperçoit-elle pas quelque intervalle entre le meurtrier qui trempe ses mains dans le sang, et l'individu qui, repoussant cette horrible commission, se borne à une participation indirecte, moins peut-être pour commettre le crime que pour veiller à la sûreté des hommes auxquels le sort l'a lié ? Ces hommes, soit par leur audace, soit par leur corruption, menacent-ils donc la société du même péril? lui doivent-ils la même expiation?

Nous ne présentons point comme exemples d'une participation secondaire, dans un sens absolu, ces espèces citées par les criminalistes du complice qui fait le guet, qui garde les effets, qui attend avec une voiture ou des chevaux. Il est évident que ces actes de participation cesseraient d'être secondaires, s'ils avaient été non choisis, mais imposés par les complices, si ces divers postes avaient d'ailleurs un péril égal aux postes principaux. Mais il suffit en général qu'un seul des actes de la participation matérielle à l'action du crime ne soit pas empreint du même degré de criminalité, pour détruire l'assimilation absolue de tous les actes que les criminalistes les plus distingués ont posée en règle. Aussi nous n'avons pas compris comment ces criminalistes, après avoir rappelé cette observation de Beccaria, qui veut des échelons divers dans les peines, afin que les complices ne soient pas également compromis et qu'ils hésitent à se charger des premiers rôles, n'aient ensuite établi qu'une seule classe de coupables, parmi tous ceux qui, d'une manière quelconque, ont coopéré à l'action [6], n'est-ce pas méconnaître une théorie qu'ils avaient eux-mêmes préconisée ?

S'ensuit-il qu'il faille analyser un à un tous les actes de la participation à l'exécution du crime, pour discerner les nuances qui peuvent les séparer ? Une telle analyse serait impossible, et donnerait lieu à des erreurs plus injustes que l'injustice même du principe que nous repoussons. Le législateur doit se borner à distinguer, dans deux catégories, les actes de coopération et les actes d'assistance, en énumérant les caractères principaux de ces actes: tous les faits

[3] Jousse, t. 1, p. 23.

[4] Farinacius, quæst. 130, no 61, 39 et 40. [5] Muyart de Vouglans, no 8; Jousse, t. 1, p. 24. [6] M. Rossi, Traité du Droit pénal.

viendront naturellement se grouper dans l'une et l'autre de ces classes.

Nous arrivons aux faits de complicité qui sont postérieurs à l'exécution du crime ces faits consistent dans les secours ou l'asile donnés aux coupables, dans le recel des instruments ou des objets volés, dans le partage de ces objets, dans le recel du cadavre de la victime, enfin dans l'approbation ou ratification donnée à l'action.

Les secours donnés au coupable, avec la connaissance de son crime, ne peuvent être inculpés par la loi. On peut répéter avec la loi romaine: Furtum non committit qui fugitivo iter monstravit [1]. Mais l'asile qui lui est offert a un caractère différent, car il a pour but de dérober un malfaiteur au glaive de la justice sociale. Ce recel peut-il constituer un acte de complicité? La loi romaine n'admettrait aucun doute à cet égard: Eos qui secum alieni criminis reos occultando eum eamve associȧrunt, par ipsos et reos pœna expectat [2]. Or on voyait dans le recel la présomption d'une association antérieure, et c'est cette association que l'on frappait. Les docteurs pensaient que la peine devait être moindre si l'association n'était pas postérieure à l'exécution [3]; mais la participation, soit principale, soit même accessoire, suppose des actes qui précèdent ou accompagnent l'action et qui en font partie. Sans doute on peut se rendre coupable de faits posté rieurs à un fait consommé et qui s'y rattachent d'une manière plus ou moins directe; mais ces faits ne constituent pas une participation à ce crime; et ne peuvent dès lors être punis comme des actes de complicité: telle est aussi la théorie consacrée dans les art. 248 et 359 du Code pénal. M. Livingston n'a fait que suivre le Code lorsqu'il n'a puni les recéleurs que d'une peine légère dans son Code de la Louisiane, et même quand il a ajouté que cette infraction, commise à l'égard d'un parent, pouvait être un acte de vertu. Une exception a toutefois été placée par notre Code à l'égard de ceux qui recèlent habituellement les malfaiteurs (art. 61), mais c'est parce que cette habitude fait pré sumer une association criminelle antérieure au délit.

[1] L. 62, Dig. de furtis.

[2] L. 1. C. de his qui latron.

[3] Paul de Castro et Baldus, in l. furtum, § 3, de furtis; Barthole, ibid.; Farinacius, quæst. 132, no 75 et suiv. ; Jul. Clarus, quæst. 90, no 9.

[4] Voyez, dans le même sens, Carnot, sur

La même règle s'applique au recel ou partage des objets volés : c'est un fait nouveau, un délit distinct, mais ce n'est pas un acte de complicité, car la complicité suppose nécessairement une participation quelconque au crime; or on ne peut participer à un crime qui est consommé. Le recéleur n'a qu'un but, c'est de tirer profit du crime; mais quand ce crime est devenu un fait accompli, comment le déclarer complice d'un meurtre par cela seul qu'au moment du recel il a su que les objets recelés étaient le fruit de ce meurtre? « Un homme, a dit »> M. Rossi, un homme puni comme complice » de meurtre parce qu'il en est informé! Com» plice de meurtre, parce que, dans sa cupi» dité, il profite d'un crime qu'il n'est plus en » son pouvoir d'empêcher ni de défaire! La >> fiction est forte, surtout lorsqu'on veut s'en >> servir pour envoyer un homme à l'échafaud.>> Nous reviendrons tout à l'heure sur cette doctrine en expliquant les dispositions du Code pénal; posons maintenant en principe que le recéleur d'une chose volée peut être un voleur, mais ne peut être considéré comme un assassin par cela seul que le vol a été accompagné d'as`sassinat; le recel fait sciemment doit donc être puni, mais d'une peine inférieure et comme un délit distinct du crime [4].

Un dernier acte également réputé, dans quelques législations, constitutif de la complicité, mais purement moral, est l'approbation donnée au crime. Les jurisconsultes ont beaucoup disserté à ce sujet; ils étaient dominés par cet axiome de la loi romaine: In maleficio ratihabitio mandato comparatur ; d'où l'on déduisait la conséquence que la ratification était un acte de complicité comme l'ordre et le mandat. Quelques-uns cependant avaient limité l'application de cette règle au seul cas où le crime avait été commis par l'ordre ou d'après la commission de celui qui ratifiait [5]; cette doctrine, plus spécieuse que solide, a été facilement combattue par M. Rossi [6] et M. Carmignani [7]. La loi romaine ne s'appliquait évidemment qu'aux intérêts civils, qu'à l'action en dédommagement au profit de la partie lésée; mais transportée hors de ces limites, la règle qu'elle pose serait d'une injustice évidente. Sans doute

l'article 63, no 6; Rossi et Haus, page 200. [5] Farinacius, quæst. 235, no 43 et 51; Julius Clarus, quæst. 87, no 5; Covarruvias, in Elementis, si furiosus, part. 2, § 1, no 5.

[6] Loc. cit.

[7] Teoria delle leggi della sicurezza, t. 2.

la ratification pourrait être incriminée, si elle était accompagnée d'une récompense accordée au coupable, si elle contenait la preuve d'un ordre ou d'un mandat précédent pour commettre le crime; mais, considéré en soi-même, cet acte ne peut constituer un acte de complicité, car il est étranger et à la résolution et à l'exécution du crime. L'auteur de la ratification peut ètre taxé d'immoralite, mais on ne peut par une fiction étrange le faire coopérer aujourd'hui à un fait consommé hier. Enfin on peut approuver un fait irrévocable, on peut en profiter, et toutefois on eût reculé peut-être devant l'idée de commettre ce fait au moment de son exécution. L'approbation ou la ratification ne peuvent donc, dans aucun cas, faire considérer leur auteur comme complice du crime.

Nous avons achevé de parcourir les principales espèces de participation au crime. En ré⚫ sumant les considérations qui précèdent, nous formulerons le système que nous avons essayé d'exposer.

Une justice rigoureuse exigerait que les divers coopérateurs d'un crime pussent être distribués en de nombreuses classifications, suivant toutes les nuances qui modifient leur culpabilité; quelques criminalistes ont essayé cette division, et nous avous vu plusieurs législateurs former trois ou quatre catégories parmi les mêmes accusés. Mais ces distinctions; lorsqu'elles se multiplient, soit par des définitions qu'elles nécessitent, soit par la difficulté de saisir les différences qui les séparent, peuvent empreindre la loi de confusion et d'obscurité.

Il suffirait, suivant nous, de reconnaître que toute participation, qu'elle soit antérieure ou concomitante au fait, morale ou matérielle, est de deux espèces, principale et secondaire. Les coupables par participation principale seraient les auteurs; les coupables par participation secondaire, les complices. Les premiers seraient ceux qui auraient été la cause ou l'une des causes du crime; les autres seraient ceux qui lui anraient prêté leur aide ou leur assistance, mais sans que leur concours en eût déterminé l'exécution.

On devrait considérer comme auteurs principaux ou coauteurs :

Ceux qui donnent l'ordre d'exécuter le crime à des personnes qui sont soumises à leur autorité; Ceux qui, à l'aide de dons, de promesses ou de menaces, provoquent une autre personne le commettre;

à

Eufin ceux qui participent d'une manière directe et immédiate à son exécution.

On devrait considérer comme complices:

Ceux qui provoquent au crime, mais sans employer les dons, les promesses et les menaces; Ceux qui ont préparé les armes et les instru mens nécessaires pour le commettre, sans participer à son exécution;

Ceux même qui participent à cette exécution, mais d'une manière indirecte ou accessoire. Enfin on devrait considérer, non comme complices, mais comme coupables d'un fait nouveau, d'un crime distinct :

Ceux qui donnent asile aux coupables; Ceux qui, sciemment, recèlent ou partagent les objets volés.

Ces distinctions simples semblent suffisantes pour constater les principales nuances de criminalité qui se trouvent entre les divers coupables d'un crime. Les coauteurs seuls seraient punis de la peine infligée par la loi au crime; les complices subiraient la peine immédiatement inférieure; enfin les adhérens après le crime, c'est-à-dire les recéleurs, seraient passibles d'une peine distincte, celle du vol, s'il s'agit du recel d'objets volés. Ainsi la mesure de la peine serait en rapport avec la gravité du crime, et cette gravité dépendrait de la culpabilité de l'agent et du mal causé par le délit.

A la vérité, les différences qui se révéleraient, soit parmi les coauteurs, soit parmi les complices, soit parmi les divers recélcurs d'un même vol, échapperaient à cette distinction: la même peine pèserait sur chacune de ces trois classes de coupables; mais cette injustice apparente disparaîtrait dans l'exercice du système des circonstances atténuantes. Ce système, admirable quand il se renferme dans la sphère qui appartient au jury, peut seul compléter la justice distributive en égalisant les peines d'après les inégalités nécessaires au crime; inhabile à tracer les grandes catégories de la criminalité, parce que son exercice est capricieux et sans règle, il sait merveilleusement, au contraire, discerner et saisir les nuances qui éclatent dans tous les criminels de la même classe, parce que la décision se puise alors dans le fait lui-même, et non dans des motifs que le législateur peut seul comprendre et apprécier.

Telles sont les règles qui doivent résumer, suivant nous, la théorie de la complicité. C'est à l'aide de ces premiers principes que nous allons examiner maintenant le sytème et les dispositions de notre Code pénal.

§ II.

Le Code pénal distingue les auteurs et les complices; mais cette distinction, purement théo

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