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peine portée par la loi contre ce scul fonction naire [1]; ceux qui ont aidé un père ou une mère dans les faits qui ont facilité un attentat aux mœurs sur la personne de leur fille, partagent la peine qui atteint dans ce cas les parens [2]; enfin, les complices du fils qui a tué son père sont punis de la peine des parricides [3]. Une jurisprudence aussi inflexible, une règle aussi rigoureuse ne peut se justifier que par le texte formel de la loi. Mais ce texte ne soulève-t-il donc aucune incertitude? Lorsqu'un crime est commis par plusieurs personnes qui y prennent une part égale, les coupables sont coauteurs et non complices. Or, dans ce cas, la qualité de l'un d'eux déterminera-t-elle l'aggravation à l'égard des autres? L'art. 59 ne s'ap plique qu'aux complices relativement aux auteurs, et non aux auteurs entre eux. Voudra-t-on considérer les coauteurs comme complices?Il n'y aura aucune raison pour aggraver la peine de ceux-ci plutôt que pour atténuer la peine de celuilà. Nulle disposition pénale n'inflige à plusieurs auteurs d'un crime l'obligation de subir l'aggravation qui peut être due à l'un d'eux. Or, si cette aggravation ne doit pas peser sur les coauteurs, les complices doivent-ils la supporter?

Ce que l'art. 59 a voulu dire, c'est que les complices seraient punis de la peine portée contre le crime même, c'est qu'ils seraient punis comme s'ils en étaient les auteurs. Telle est la traduction littérale d'une locution vicieuse, par cela seul qu'elle est trop vague. Ainsi, les circonstances inhérentes au fait, et qui en aggravent le caractère, doivent peser sur les complices, quoiqu'ils les aient ignorées, parce que leur participation les répute auteurs eux-mêmes de ce fait. Mais celles qui n'appartiennent

1813 (Dalloz, t. 6, p. 271 et 272); 24 août 1827 (Bull. n® 225).

[1] Arr. cass.. 9 fév. 1811 el 25 oct. 1813 (Dalloz, t. 6, p. 267); 22 janv. 1835 (Jurisp. gén., 35, 1, 421).

point au fait, et qui n'aggraveraient point leur crime, même quand ils en seraient les auteurs, comment les en rendre responsables? Ces circonstances n'appartiennent point au crime; elles n'entrent point non plus dans le calcul ordinaire de la peine; elles dérivent de la seule qualité d'une personne; elles sont personnelles, et l'aggravation qu'elles entraînent ne peut être étendue.

Il est à remarquer que les orateurs du gouvernement, en exposant les motifs du Code, n'ont parlé que de l'aggravation résultant des circonstances concomitantes du fait, et nullement de celles qui dérivent de la qualité de l'un des auteurs. Et, en effet, n'y a-t-il pas une flagrante injustice à punir comme le domestique infidèle, comme le fonctionnaire dilapidateur, comme le fils parricide, le complice qui, en se rendant coupable d'un crime, n'a du moins trahi ni la foi d'un maître, ni les devoirs de ses fonctions, ni les sentimens les plus sacrés de la nature? Si les devoirs de l'un et de l'autre n'étaient pas égaux, comment le crime peut-il être égal [4]?

Il serait impossible, au reste, d'appliquer l'art. 59 dans le sens littéral de ses termes. Car, l'auteur et le complice devaient, dans tous les cas, être punis de la même peine, il faudrait que ce dernier profitât de l'atténuation que la qualité de l'auteur peut motiver, de même qu'il supporte l'aggravation qu'elle peut entraîner. Ainsi, lorsque cet auteur principal a moins de seize ans, l'atténuation de peine que son âge justifie, devrait rigoureusement profiter à son complice. Cependant on ne l'a jamais prétendu, et la Cour de cassation a jugé avec raison que, dans ce cas, la peine du crime devrait être in

point devant la justice naturelle ou politique, puisque le système contraire conduirait fréquemment à l'impunité des complices, et que beaucoup de crimes sont commis à cause de la facilité même de trouver des complices. Legraverend, t. 1, p 146, [2] Arr. cass., 22 nov. 1816 (Dalloz, tom. 6, et Carnot, t. 1, p. 140, s'élèvent avec force contre cette doctrine.

pag. 213).

[3] Arr. cass., 3 décembre 1812 (Dalloz, t. 6, p. 274); 20 avr. et 20 sept.1827 (Jur. gén.27, 1, 407 et 431). Ulpien avait donné une décision semblable. Ait Mecianus etiam conscios eádem pœná adficiendos, non solùm parricidas: proindè conscii etiam extranei eúdem pœná adficiendi sunt, L. 6, Dig. ad leg. Pomp. de parricidiis.

Ces principes, dit M. Ranter, no 119, peuvent paraître durs ; mais ils sont fondés sur le texte du Code pénal, et ils se justifient jusqu'à un certain

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[4] Le Code pénal de la Chine (ta-tsing. leu-lée) contient une disposition (Int. 30, t. 1, p. 66) ainsi conçue: «Quand la position relative de ceux qui ont commis un délit met de la différence dans leur sujétion à la peine, le plus coupable la subira comme principal dans le délit qu'il a commis lui-même, et les complices ne seront punis comme accessoires que pour la portion de culpabilité qu'ils ont dans le délit. »

fligée aux complices [1]. D'où il suit que, dans cette hypothèse, cette cour donne à ces mots de l'art. 59: la même peine que les auteurs, l'interprétation que nous lui donnons nous-mêmes: la même peine que s'ils en étaient les auteurs. Les complices ne doivent ni profiter des priviléges, ni souffrir des causes d'aggravation qui existent dans la personne de l'au teur principal: la loi a pu les considérer comme les auteurs du crime, mais elle n'a pu aller audelà, et les punir à raison d'une qualité qui ne leur appartient pas.

Enfin, on reconnaît encore que, si l'auteur ou l'un des auteurs est en état de récidive, l'aggravation que cette position produit à son égard est toute personnelle, et ne peut atteindre ni les coauteurs, ni les complices [2]. Et, en effet, il serait absurde que l'aggravation qui puise ses motifs dans les habitudes dépravées d'un condamné, pût s'étendre à des complices dans lesquels aucune condamnation antérieure ne révèle les mêmes habitudes. Mais le même raisonnement a-t-il donc moins de poids lorsqu'il s'applique à la condition toute personnelle aussi du tuteur, du fonctionnaire, des père et mère? Peut-on imputer au complice la perversité plus grande que ces agens ont manifestée en trahissant des obligations plus étroites?

Notre opinion est donc que la Cour de cassation s'est écartée du véritable esprit de l'article 59, qui n'a voulu, dans l'assimilation qu'il fait des complices et des auteurs, que punir les complices comme s'ils étaient eux-mêmes les auteurs des faits.

Au surplus, la jurisprudence a admis que l'aggravation de peine qui descend de l'auteur principal au complice, ne remonte pas du complice à l'auteur. C'est toujours la peine encourue par l'auteur que le complice doit subir, encore bien que celui-ci ait une qualité qui, s'il était l'auteur principal, donnerait lieu à une aggravation de la peine; par exemple, s'il est fonctionnaire [3], attaché au service de la personne volée [4], ou fils de la victime [5]. Mais ici encore, il nous semble qu'en s'attachant trop au

texte de la loi on en a méconnu l'intention: ce n'est point une égalité absolue dans la peine qu'elle a voulu établir; cette égalité serait injuste, soit que la peine du complice fût aggravée par suite de l'aggravation personnelle à l'auteur, soit qu'elle fût diminuée parce qu'on ne lui tiendrait pas compte de la qualité qui augmente sa culpabilité relative. La loi n'a fait qu'assimiler les complices aux auteurs, mais elle n'a point fait abstraction des circonstances qui peuvent modifier la position respective de chacun d'eux.

Enfin, il a encore été reconnu que si l'auteur principal, dont la qualité de notaire, de commis, d'officier ministériel, eût motivé l'aggravation de la peine, est acquitté, le complice est affranchi de cette aggravation, et ne peut encourir que la peine ordinaire du crime [6]. Cette dernière décision, que nous sommes loin de contredire, n'est peut-être pas cependant en harmonie avec le système de la Cour de cassation, qui vent en général, comme on l'a vu, que les complices soient punis de la peine applicable aux auteurs eux-mêmes.

Nous passons maintenant aux règles relatives aux complices par recélé. On se rappelle qu'il existe deux espèces de recélé : celui des personnes, et celui des choses provenant du délit. Nous allons nous en occuper successivement.

Trois conditions sont nécessaires, aux termes de l'article 61, pour que les recéleurs des personnes puissent être réputés complices. Il faut qu'ils aient connu la conduite criminelle des malfaiteurs; qu'ils leur aient fourni volontairement logement, lieu de retraite ou de réunion; enfin, que ces secours aient été, non pas accidentels, mais habituels [7].

Cette dernière circonstance est surtout consstitutive de la complicité, parce qu'elle suppose une connaissance particulière des crimes, et une assistance prêtée pour les commettre: sans l'habitude de donner asile, il n'y a pas de crime. Il n'est pas besoin d'ajouter qu'il en est de même si l'asile n'a pas été volontairement donné. Ce que la loi a voulu atteindre, ainsi qu'on l'a vu précédemment, ce sont les repaires où se ras

[1] Arr. cass., 9 août 1813 et 21 avril 1815 pag 275); arr. cass., en sens contraire, 15 déc. Dalloz, tom. 6, pag. 276).

[2] Arr. cass. juillet 1806 (Dalloz, tom. 6, pag. 276).

1814 (Dalloz, t. 6 pag. 274).

[6] Arr. cass., 24 déc. 1825, 20 sept. 1828, 19 juin 1829 et 22 juill. 1830 (J. de Br., 1829, 2, 37; [3] Arr. cass. 23 mars 1827 (Jurisp. génér., 2, Legraverend, 1, 50; Dalloz, t. 6. p. 231; Jur. gén.

395.

[4] Arr. cass. 29 mars 1827 (Jurisp. gén., 27, 1,397).

26, 1, 148, 28, 1, 424, 29, 1, 277, 30, 1, 327).
[7] Eos qui secum alieni criminis reos occultando,
eum eamve sociârunt, par ipsos et reos pœna ex-

[5] Arr. cass, 27 avril 1815 (Dalloz, tom. 6, spectet. L. 1, C. de his qui latrones.

semblent les malfaiteurs épars; les individus qu'elle a voulu punir, ce sont ceux qui font métier de tenir ces lieux de retraite où se recrutent les associations criminelles.

M. Carnot émet l'opinion [1] que l'art. 61 ne s'applique qu'au fait de recevoir une association de malfaiteurs faisant métier de brigandages ou de violences, et non un rassemblement d'individus réunis pour commettre un crime isolé. Cette opinion, qui aurait pour effet de limiter singulièrement l'application de cet article, ne nous semble nullement justifiée par son texte. La loi n'exige point, en effet, comme condition de la complicité des recéleurs, que les malfaiteurs recélés forment une bande ou une association : les mots lieux de retraite ou de réunion sont séparés par une particule disjonctive, et dès lors il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu réunion de malfaiteurs. Sans doute, l'asile donné à des individus réunis pour un crime isolé, ne constituerait pas un fait de complicité dans le sens de l'art. 61; mais ce n'est pas parce que ces individus formeraient une association faisant métier de brigandages, c'est parce qu'il n'y aurait pas alors chez le recéleur habitude de fournir logement à des malfaiteurs. Ainsi il ne nous paraît point nécessaire d'examiner ici, comme l'ont fait M.Carnot [2] et après lui M.Dalloz [3], dans quels cas il y a réunion, et de quel nombre de malfaiteurs elle doit se composer. Il y a complicité de la part des recéleurs dès qu'il ya habitude, et cette habitude peut se constituer aussi bien en donnant logement successivement à des malfaiteurs isolés qu'en fournissant un lieu de réunion à des bandes organisées.

Au reste, M. Carnot fait remarquer avec raison que le fait de fournir la nourriture et autres secours aux malfaiteurs ne constituerait point la complicité prévue par cet article; l'asile donné en est le seul élément. On doit ajouter que cette complicité n'atteint que le maître de la maison, car lui seul en dispose et peut lui assigner cette destination.

La loi déclare que les recéleurs seront punis comme complices. Mais de quels crimes? Evi

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demment de ceux qui ont été con.mis pendant le temps de l'asile donné. Cependant il semble qu'on doit limiter leur responsabilité aux faits que cet asile a pu faciliter ou favoriser ; et elle cesse d'exister à compter du moment où l'asile a cessé [4].

Il reste à parler du recélé des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit.

La loi romaine qualifiait sévèrement les recéleurs: Pessimum genus est receptatorum [5]. Nous avons vu qu'elle les assimilait complètement aux voleurs eux-mêmes: Crimen non dissimile est rapere, et ei qui rapuit, raptam rem, scientem delictum, servare[6], Nous ne rappelons cet ancien adage, que les docteurs avaient vainement tenté d'adoucir par d'ingénieuses distinctions [7], que parce que c'est ce principe même, transporté dans le Code dans toute sa nudité primitive, que nous allons expliquer.

En effet, la règle générale de cette matière est que le recélé fait sciemment de choses obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit, est réputé un acte de complicité de ce crime ou de ce délit. Nous avons précédemment combattu cette fiction de la loi; il s'agit maintenant de faire connaître dans quelles limites elle s'exerce.

La connaissance que la chose recélée provenait d'un crime, est la circonstance constitutive du recélé. Ainsi ce recélé ne constituerait ni crime ni délit, s'il n'était déclaré par le jury ou les juges qu'il a été commis sciemment; la jurisprudence a sévèrement maintenu ce principe [8]. C'est ainsi qu'il a été jugé qu'il ne suffit pas pour autoriser la condamnation de l'accusé de complicité par recélé, d'une déclaration portant qu'il s'est rendu coupable de recélé ; mais qu'il est indispensable d'ajouter que le recélé a été fait sciemment [9]. Et en effet, le mot coupable ne se réfère qu'à l'action d'avoir reçu la chose volée, tandis que c'est uniquement la connaissance acquise que cette chose provient d'une soustraction frauduleuse qui constitue les recélé punissables. Toutefois, il faut

[7] Farinacius, quæst. 123, no 11; Julius Clarus, quæst. 90, no 9; Gomezins, de delictis, c. 3, no 16; Barthole, Baldus et Paul de Castro, in l. furtum, Dig. de furtis.

[8] Arr. cass. 12 sept. 1812, 29 mai 1813, 28 sept. 1817, 12 janv. 1833 (Journ. du Droit crim.,

[3] L. 1, Dig. de recept. Cette loi ajoute : pu- 1833, p. 94). aiuntur atque latrones.

6] I. 9, C. ad leg. Jul. de vi.

[9] Arr. cass., 14 sept. 1832 (Journ. du Droit crim, 1832, p. 221).

ajouter que le mot sciemment n'est point un terme sacramentel, et qu'il peut être suppléé par des expressions équivalentes, pourvu qu'elles aient bien la même valeur et la même signification.

La loi n'exige point que le recéleur ait profité de la chose qu'il a reçue; loin de là, elle place sur la même ligne, implicitement dans l'art. 62, et dans l'art. 380 explicitement, ceux qui ont recélé ou appliqué à leur profit les objets volés. La circonstance que le prévenu de recélé a reçu en simple dépôt la chose volée, ou même en a payé le prix, n'altérerait donc nullement le caractère criminel du recélé. La seule justification intentionnelle serait qu'il n'a recélé les objets que pour les remettre à leur véritable propriétaire; mais cette excuse rentrerait dans la question de la culpabilité [1]. Cependant i est évident que les juges doivent porter une extrême attention aux preuves d'une complicité par recélé qui planerait sur un individu qui n'avait aucun intérêt au crime, car il n'est pas à présumer qu'on veuille assumer la responsabilité d'un crime sans en profiter.

M. Carnot soulève la question si la connaissance du crime, qui constitue le recélé punissable, doit précéder le moment où la chose a été reçue [2], et il se prononce pour l'affirmative en se fondant sur l'article 63, qui n'est qu'un corollaire de l'art. 62, et qui ne prononce certaines peines contre les recéleurs qu'autant qu'ils ont eu, au temps du recélé, connais sance des circonstances aggravantes du crime. Cette interprétation, que ce texte appuie en effet, nous semble également devoir être adoptée; car il y a peut-être moins d'immoralité dans celui qui, déjà chargé d'un dépôt, ne le rend pas lorsqu'il découvre sa source criminelle, que dans la personne qui connaît à l'avance le crime et se charge d'en céler les produits. Celuici adhère volontairement au crime, l'autre n'y donne qu'une adhésion forcée en quelque sorte par sa position précédente. Il ne suffirait done pas, à notre avis, que l'accusé eût conservé la chose depuis qu'il a appris qu'elle était le résultat d'un vol, pour être passible des peines du recélé; il faudrait qu'il fût constaté qu'il a connu ce vol au moment même où il a consenti à en devenir dépositaire.

[1] Arr. cass. 27 pluv.an 1x (Jurisp. gén., 3, 637). [2] Comment. du Code pén., t. 1, p. 196,sur l'ar

ticle 63.

[3] Arr. cass., 7 fév. 1834 (Journ. du Droit crim., 1834, p. 77).

La Cour de cassation a décidé, par un arrêt récent [3], que le fait de s'être approprié les deniers provenant d'un vol, après avoir été chargé de les recueillir dans une cachette par l'auteur du vol, constitue le recélé punissable. Il eût été plus rationnel de voir dans un tel fait les caractères d'un nouveau vol; car son auteur avait moins pour objet de dérober à la justice les effets qu'il recueillait, que de se les approprier frauduleusement.

La femme qui recèle les effets volés par son mari doit-elle être réputée complice? La Cour de cassation ajugé l'affirmative [4]. Cependant, la femme, suivant la remarque de MM. Legraverend [5] et Bourguignon [6], devant obéissance à son mari et étant obligée d'habiter avec lui, est-il juste et moral de la punir d'une peine infamante pous avoir recélé dans la maison conjugale des objets volés par son mari seul? Ne peut-on pas penser qu'en recélant ces objets elle n'a voulu que soustraire des pièces de conviction qui exposeraient celui-ci à la vindicte publique, qu'elle n'a fait que remplir un devoir de piété conjugale? Le motif sacré qui a dicté l'article 248, par lequel l'époux qui a recélé son époux coupable d'un crime est exempté de toutes peines, ne peut-il pas être invoqué? La femme devra-t-elle donc dénoncer son mari, sous peine d'être considérée comme un complice? Toutefois nous ne saurions admettre, avec ces auteurs, que l'état de femme en puissance de mari rendit une accusée incapable d'être déclarée coupable de recélé d'effets détournés par celui-ci. Les dispositions des art. 217 el 1421 du Code civil ne sont point applicables aux matières criminelles ; ils règlent la constitution civile de la société conjugale, et non la responsabilité légale que peuvent encourir, pour crime ou délit, les époux, non comme époux, mais comme individus. Mais alors, du moins, il ne suffit pas que les objets volés par le mari soient déposés dans la maison maritale, pour que la femme puisse être accusée de recélé ; il est nécessaire que les objets aient été recélés par ellemême, sciemment et volontairement, circonstances qui rentrent sourtout dans l'appréciation du jury.

La règle posée par l'art. 62 reçoit une modification en matière de banqueroute frauduleuse;

[4] Arr. cass., 13 mars 1821, et 14 oct. 1826; Sirey, 1827, 1, 143.

[5] Lég. crim., t. 1, p. 141.

[6] Jurisp. des Codes crim., t. 3, p 67, sur l'article 62.

l'art. 597 du Code de commerce ne déclare, en effet, complices que «les individus qui sont convaincus de s'être entendus avec le banqueroutier pour recéler ou soustraire tout ou partie de ses biens meubles ou immeubles. » Or, on doit conclure de cette disposition que le fait isolé de recélé ne constitue pas la complicité, et qu'il faut que ce recélé ait été le résultat d'un concert frauduleux entre l'auteur du fait et son complice. Cette exception à la règle générale a été reconnue par plusieurs arrêts [1].

:

Les recéleurs étant réputés complices du crime, il s'ensuit que la même peine qui frappe les auteurs doit les atteindre ainsi le recéleur d'objets soustraits par un vol qualifié doit être poursuivi par la voie criminelle [2]; et si ces effets ont été escroqués à l'aide d'un faux, il doit être puni comme le faussaire [3]. Il n'est pas même nécessaire que les recéleurs aient connu les circonstances aggravantes du crime pour devenir passibles des peines que motivent ces circonstances, il suffit qu'ils aient su que les effets provenaient d'un crime [4] : ainsi il serait inutile de poser au jury la question de savoir si l'accusé avait, au temps du recélé, connaissance des circonstances aggravantes [5], et la peine prononcée contre l'auteur principal devrait lui être appliquée, dans le cas même où le jury aurait déclaré qu'il n'avait pas connaissance de ces circonstances [6].

Mais ce principe a des exceptions. La loi a reculé devant son application, lorsque la peine de l'auteur principal est la peine de mort ou une peine perpétuelle comme si la nature de la peine pouvait modifier l'injustice de la règle; comme si la même raison qui repousse l'égalité de la peine entre les auteurs et les recéleurs, quand cette peine est capitale ou perpétuelle, ne la repoussait pas également quand cette peine n'est que temporaire.

La première exception est relative à la peine de mort. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation avaient jugé, avant le Code pénal, que le recéleur d'un objet provenant d'un vol accompagné de meurtre n'était pas passible de la peine de mort,

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attendu qu'en recélant l'objet volé le recéleur se rend coupable de meurtre et non d'homicide [7]. Depuis le Code, plusieurs Cours d'assises persistèrent dans cette jurisprudence ; mais, la Cour de cassation ayant cessé de la maintenir [8], la question fut portée en référé au Conseil d'état, qui décida, par un avis approuvé le 18 décembre 1813, que, lorsqu'un vol a été commis à l'aide ou par suite d'un meurtre, les personnes qui ont recélé les effets volés, avec connaissance du meurtre qui a précédé le vol, doivent être considérées comme complices du meurtre. Il est sans objet de nous arrêter à faire remarquer l'excessive rigueur de cette décision qui, par une terrible fiction, suppose dans le recéleur une participation à des actes, à des circonstances qu'il n'a connus que depuis le crime et au moment du recélé. La loi du 28 avril 1832 a implicitement abrogé cet avis du Conseil d'état par cette disposition qui forme le premier § de l'art. 63 : « Néanmoins, la peine de mort, lorsqu'elle sera applicable aux auteurs des crimes, sera remplacée à l'égard des recéleurs par celle des travaux forcés à perpétuité. »

Une deuxième exception est relative à la peine des travaux forcés à perpétuité et à celle de la déportation; aux termes du deuxième paragraphe du même art. 63, elles ne peuvent être, dans tous les cas (et par conséquent dans le cas même où la première de ces peines est substituée à la peine de mort), appliquées aux recéleurs qu'autant qu'ils sont convaincus d'avoir eu, au temps du recélé, connaissance des circonstances auxquelles la loi les a attachées; sinon ils ne subissent que la peine des travaux forcés à temps. II est donc nécessaire que le jury, dans l'une et l'autre hypothèse, s'explique formellement sur cette connaissance des circonstances aggravantes au moment du recélé; il ne suffirait plus alors d'énoncer que le recélé a été fait sciemment [9]. Toutefois, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que l'existence du crime principal est la condition essentielle du crime de recélé. Si donc l'auteur principal était, soit acquitté, parce que la soustraction n'aurait pas été faite

[3] Arr. cass. 16 mai 1828.

[4] Arr. cass. 25 juin 1812, 10 juill. 1817, 22 août 1819; Dalloz, t. 6, p. 290 et suiv.

[5] Arr. cass. 25 fév. 1819; Dalloz, t. 6, p. 291. [6] Arr. cass. 22 mai 1817 et 22 juin 1827; Sirey, 1828, 1, 28.

[7] Arr. cass. 17 frim. an Ix; Dalloz, t. 6, p. 288. [8] Arr. cass. 12 avril 1813; Dalloz, t. 6, p. 282. [9] Arr. cass. 21 mai 1812: Dalloz . t. 6, p. 289.

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