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avec intention de nuire, soit absous, parce que cette soustraction, d'après ses circonstances intrinsèques, ne constituerait ni crime ni délit, la criminalité du recélé s'effacerait aussitôt [1]. C'est l'application de la règle que nous avons posée précédemment, et d'après laquelle il n'y a de complice que là où il existe un fait principal; mais cette règle reçoit ici une plus étroite application, puisqu'aux termes de l'article 62, le recélé n'existe qu'à l'égard des choses enlevées à l'aide d'un crime ou d'un délit. C'est par suite de ce principe qu'il a été jugé, dans des circonstances récentes, que le recélé commis en France par des Français d'objets provenant d'un vol commis à l'étranger au préjudice d'étrangers, ne peut être l'objet d'une poursuite criminelle en France, parce qu'un vol de cette espèce ne peut être poursuivi en France aux termes des articles 5, 6 et 7 du Code d'inst. crim., que le recélé fait sciemment des objets volés se rattache nécessairement au vol et ne peut exister sans lui; parce qu'enfin les tribunaux français seraient incompétents pour appliquer aux recéleurs les mêmes peines que les lois étrangères auraient infligées à l'auteur principal [2].

La fiction qui répute le recélé acte de complicité du vol, reçoit encore une autre limite qui dérive de la nature même des choses. En effet, la loi n'a pu faire que ce fait ne fût postérieur au vol, qu'il n'en fût indépendant; elle n'a pu l'assimiler à l'assistance, à la coopération. De là plusieurs corollaires. En premier lieu, le fait de la complicité forme, en général, une circonstance aggravante des crimes et des délits, parce que l'association qu'elle suppose imprime à ces délits et à ces crimes un caractère plus grave. Or, cette circonstance cesse d'être aggravante lorsque les deux complices sont, l'un l'auteur du crime, l'autre le recéleur; car il ne résulte nullement d'une telle complicité que le vol ait été commis par plusieurs. La Cour de cassation a jugé dans ce sens en décidant que deux individus prévenus, l'un d'avoir commis un vol la nuit, l'autre d'avoir recélé les objets volés, ne

[1] Arr. cass. 7 vent, an vii.

[2] Arr. cass. 17 octobre 1834 : Sirey, 1835, 1, 33. - Le Belge qui s'est rendu coupable, hors du territoire du royaume, d'un crime autre que ceux mentionnés aux art. 5 et 7 du Code d'instruction criminelle, ne peut être poursuivi, jugé ni puni par les tribunaux belges.—Si le crime est un vol, la circonstance que les objets volés ont été transportés et recelés sur le territoire de ce royaume, ne rend point

doivent subir que la peine du vol simple [3].

En second lieu, le recélé commis par un domestique d'objets volés à son maître par un tiers, ne le rend passible que de la peine du vol simple, si ce vol a éte commis sans circonstances aggravantes: car ce recélé, postérieur au vol, ne peut changer de caractère, et la circonstance de la domesticité, personnelle au recéleur, ne peut dès lors exercer aucune influence sur l'auteur principal [4].

Enfin, il importe encore de remarquer que le recélé n'est point en lui-même un fait moral indivisible qui, relativement au vol auquel il se rattache, se consomme sans pouvoir être renouvelé; c'est un fait matériel, caractérisé par l'intention, qui peut exister et se reproduire par différents actes. La Cour de cassation a donc pu décider que l'accusé de complicité par recélé d'un vol, peut, après avoir été acquitté de cette accusation, être placé de nouveau en prévention pour avoir recélé, postérieurement à cet acquittement, les effets provenant du même vol [5]. En effet, si cette nouvelle prévention porte encore sur un recélé qui se rattache au même vol, elle n'a pas pour base le même fait que celui qui a été l'objet du premier débat, elle est relative à un fait postérieur à ce débat et à l'acquittement qui s'en est suivi; ces deux faits sont distincts et indépendants: l'accusé peut avoir été acquitté sur le premier, sans qu'il puisse en résulter qu'il ne soit pas devenu coupable sur le second.

Telles sont les difficultés que la complicité par recélé a soulevées; cette matière était trop grave pour que nous ayons pu en omettre quelques-unes. En terminant ce chapitre, nons rappellerons encore deux règles qui s'appliquent à tous les modes de complicité.

La première est que les caractères généraux de la complicité que les art. 59, 60, 61 et 62 ont définis, et que nous avons successivement examinés dans ce chapitre, ne s'appliquent qu'aux crimes et délits, et nullement aux contraventions; c'est ce qu'établissent formellement les textes mêmes de ces articles, et la jurisprudence n'a eu qu'à le proclamer [6]. Une dernière règle,

le Belge justiciable des tribunaux de ce pays, à raison du recélé. Br. cass., 12 août 1819; J. de Br., 1819,,1, p. 200.

[3] Arr. cass. 11 sept. 1828, Sirey, 1829, 1, 76. [4] Arr. cass.. 16 avril 1818 (Bull. p. 136); 22 juin 1832; Dalloz, 32, t. 1, p. 401.

[5] Arr. cass. 29 décembre 1814; Dalloz, t. 6, p. 284.

[6] Arr. cass. 21 avril 1826 (Bull. no 80).

enfin, est que les dispositions du Code pénal relatives à la complicité s'appliquent à tous les genres de criminalité déterminés par les diverses lois pénales, même postérieures à ce Code, parce que, suivant l'expression de la Cour de cassation, << il est de droit naturel et public que le complice d'un crime ou d'un délit, s'il est coupable, doit

"

être puni [1]. » Cette maxime exerce donc son empire tant qu'il n'y a pas été dérogé par une loi formelle; elle forme le droit commun qui domine toutes les législations spéciales, à moins qu'une exception n'y soit écrite. La jurisprudence a appliqué ce principe aux délits de la presse [2] et au délit d'habitude d'usure [3].

CHAPITRE XII.

ANALYSE

DES EXCUSES. — DISTINCTION : DES Excuses d'Age. — § Ier DE L'IMPUTABILITÉ CRIMINELLE CHEZ
LES MINEURS.-ÉPOQUE OU DOIT COMMENCER LA RESPONSABILITÉ DE L'HOMME.
DES LÉGISLATIONS ANCIENNES Et modernes.—DISCUSSION DE Cette question, et RÈGLES
GÉNÉRALES. THÉORIE DU CODE. MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA LOI DU 28 AVRIL 1832
— compétence des Juridictions a L'ÉGARD DES CRIMES ET DÉLITS COMMIS PAR DES MINEURS
DE 16 ANS.—QUESTIONS RELATIVES A CETTE COMPÉTENCE.-APPLICATION DES PEINES MODIFIÉES
EXAMEN DES Difficultés auxquelles cetTE APPLICATION A
DONNÉ LIEU. -QESTIONS RELATIVES A LA RÉCIDIVE, AUX CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES, AUX
LOIS SPÉCIALES, A LA CONDAMNATION AUX FRAIS, ETC. MODE D'EXÉCUTION DES PEINES
PRONONCÉES CONTRE LES MINEURS. — § II. ATTÉNUATION DE LA PEINE A L'ÉGARD DES SEPTUA-
GÉNAIRES.-Effets de cette ATTENUATION. (COMMENTAIRE DES ART. 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71
ET 72 DU CODE PÉNAL).

EN FAVEUR DES MINEURS.

La criminalité des auteurs d'une action punissable peut se modifier d'après leur position personnelle, et d'après les circonstances qui ont accompagné cette action.

Cette criminalité s'affaiblit si la vie de l'accusé est restée pure jusqu'à son crime, s'il a été poussé à le commettre par les angoisses de la misère ou le délire de la passion, si son repentir et ses larmes l'ont expié déjà; cette atténuation prend un caractère plus grave, si l'agent a eté provoqué par l'outrage, si la faiblesse de son àge lui voilait l'immoralité de son action, si une ivresse involontaire troublait sa raison; enfin la criminalité s'efface entièrement s'il n'a fait qu'user du droit de légitime défense ou se conformer à l'ordre d'un supérieur, s'il était subjugué par une irrésistible contrainte, ou dominé par les égaremens de la démence.

[1] Arr. cass., 14 oct. 1826; Sirey, 1827, 1, 143. [2] Arr. cass, 31 janv. 1817 (Bull. no 8).

De là la distinction des circonstances atténuantes, des causes d'excuse et des faits justificatifs; un rapport intime lie entre elles ces diverses excuses, et toutefois une différence profonde les sépare.

Les circonstances atténuantes ne sont pas, comme les autres excuses, spécialement définies par la loi; tous les motifs qui affaiblissent la culpabilité de l'agent ou la criminanalité de l'acte sont des circonstances atténuantes. Vagues et insaisissables, elles échappent aux prévisions de la loi, et leur appréciation est laissée au jury ou aux tribunaux correctionnels. Sans limites et sans exceptions,elles dominent toutes les dispositions du Code, elles s'appliquent, pour en diminuer les peines, à tous les crimes et délits. Nous n'avons point à nous occuper ici de ces causes d'excuse que,

[3] Arr. cass., 14 octobre 1826; Sirey, 1827, 1,

143.

par une singulière inadvertance, le Code a rejetées dans ses derniers articles (art. 463), au lieu de les réunir aux excuses légales.

de même de la provocation et de la légitime défense, causes d'excuse ou de justification spé ciales aussi pour le meurtre et les coups et bleslé-sures, et dont le Code ne s'est lui-même occupé qu'à raison de ces crimes.

Ces dernières excuses, que l'on qualifie gales, parce qu'elles sont spécialement définies par la loi, se divisent en excuses proprement dites et en faits justificatifs. Les excuses n'excluent pas l'imputabilité pénale, elles l'affaiblissent seulement et l'effacent en partie; elles peuvent réduire la peine à de moindres termes, mais elles n'affacent pas entièrement la culpabilité : nous avons cité pour exemples la jeunesse des prévenus, la provocation involontaire, l'ivresse. Les faits justificatifs excluent toute intention criminelle; ils établissent l'innocence de l'agent, ils éloignent l'application de toute peine: tels sont la folie, l'obéissance à un supérieur dans l'ordre hiérarchique, la nécessité actuelle de la défense, l'alibi invo-qué par le prévenu, etc.

Dans quelques circonstances, il n'est pas sans difficulté de tracer des limites précises à cette distinction; les moyens d'excuse peuvent sembler se confondre avec les moyens de justification. Ainsi l'enfant qui a agi sans discernement est justifié, car il n'avait nulle intention criminelle; s'il a agi, au contraire, avec discernement, il n'est excusé qu'à raison de son âge. Ainsi le soldat qui n'a fait qu'exécuter les ordres de son chef est, en général, justifié; cependant, si ces ordes étaient tellement illégaux qu'il ne dût pas visiblement y obéir, ils ne constituent qu'une excuse qui affaiblit la criminalité, mais sans l'anéantir. Le caractère dis!inctif des uns et des autres est dans leur effet même si le fait allégué atténue la criminalité sans effacer le crime, on doit le considérer comme une excuse; s'il est de nature à détruire, au contraire, le crime lui-même, il rentre dans les causes de justification. Cette distinction a de l'importance dans la procédure, et nous y reviendrons plusieurs fois dans le cours de cet ouvrage.

Nous nous occuperons, d'abord, des faits d'excuse, ensuite des faits justificatifs. Mais, pour suivre le plus fidèlement qu'il nous est possible l'ordre du Code, nous renvoyons à l'examen des diverses dispositions où elles sont exprimées, les excuses spéciales qui se rattachent à certains crimes ou délits [1]; il en sera

[1] Voy. les art. 100, 108, 114, 116, 135, 138, 163, 190, 213, 247, 237, § 2, 284, 288, 321, 322, 328, 320, 343. 348, § 3, 357, 370, 380, 441 et 483 du Code pénal.

Plaçons d'abord en avant, comme dominant toute cette matière, la règle générale que pose l'art. 65 : « Nul crime ou délit ne peut être excusé, ni la peine mitigée, que dans les cas et dans les circonstances où la loi déclare le fait excusable, ou permet de lui appliquer une peine moins rigoureuse. »

Les excuses n'étaient point définies sous l'ancienne législation; il en résultait que des questions étaient posées sur tous les faits que l'accusé invoquait pour sa défense, tels que l'ivresse, par exemple. C'est un abus que le législateur de 1810 a voulu proscrire. Les juges doivent aujourd'hui se renfermer dans les limites de la loi. Mais il est évident que cette règle a perdu la plus grande partie de sa puissance par l'admission du système des circonstances atténuantes, car toutes les excuses militent à la fois dans la déclaration qui proclame ces circonstances; seulement elles ne sont pas spécialement énoncées, elles se confondent dans la foule des motifs d'atténuation.

L'article 65 n'a conservé d'importance, relativement aux excuses, que dans le seul cas où l'accusé proposerait des faits qui n'auraient pas ce caractère aux yeux de la loi; car, aux termes de l'art. 339 du Code d'inst. crim., le président n'est tenu de poser la question, à peine ̧ de nullité, qu'autant que le fait constitue une excuse légale.

La jurisprudence a fait encore une application fréquente de cet article dans les matières spéciales où l'infraction est prouvée par le procès-verbal, et où cependant les juges ne peuvent se défendre de l'excuser, quand la bonne foi et l'ignorance des prévenus leur sont démontrées. La Cour de cassation a constamment annulé de telles décisions, par le motif que la loi a déterminé les cas d'excuse, et que le juge ne peut en créer de nouveaux [2].

Enfin cette règle ne s'applique pas seulement aux crimes et aux délits, comme on pourrait le supposer d'après ses termes restrictifs; elle est générale, et comprend par conséquent jusqu'aux simples contraventions.

[2] Arr. cass., 15 niv. an 1x (Bull, no 88 ) ; 2 vend. an xı (Bull. no 1); 30 oct. 1817; (Bull. no 103); 11 juin 1818 (Bull. no 76).

La première excuse légale, et la seule qui s'étende à tous les faits prévus par le Code, est celle qui résulte de l'âge des prévenus: cette excuse a des effets différens selon qu'on l'applique à des jeunes enfans ou à des vieillards. Nous allons l'examiner dans deux paragraphes distincts.

§ Ier.

La raison de l'homme ne s'éveille pas douée tout-à-coup de toute sa puissance. Elle participe de la longue faiblesse du corps; elle en suit pas à pas les progrès et les développemens. Assoupie dans la première enfance, faible et vacillante chez les adultes, ce n'est que lorsque le corps a pris toute sa force que l'intelligence jette toute sa lumière. La conscience, où se développe le sens moral, se forme avec la même lenteur, mûrit son jugement avec la même peine et parcourt les mêmes degrés. Ce n'est enfin qu'après de longs essais et d'inhabiles efforts que l'intelligence parvient à saisir la portée et les suites d'une action; la conscience, à en peser la valeur morale.

L'enfance, dans ses premières années, quand sa raison bégaie encore, ne peut donc être responsable de ses actes, car elle n'en a pas l'intelligence, elle n'en comprend pas la moralité. Infantem innocentia consilii tuetur.

Mais à quelle époque se développe son intellignece et s'éclaircit sa raison? A quel âge la loi doit-elle faire peser sur l'enfant la responsabilité de ses actes? Telle est la grande et difficile question dont toutes les législations ont tenté la solution.

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non doli capax [2]; mais si la même présomption continuait de l'accompagner jusqu'à l'âge de puberté (12 ou 14 ans suivant son sexe), la preuve contraire était alors admise, suivant la maxime malitia supplet ætatem, et l'impubère pouvait être puni si proximus pubertati sit et ob id intelligat se delinquere [3]. Toutefois la peine était moindre: Pupillus mitiùs punitur [4]. Depuis la puberté jusqu'à dix-huit ans, où le pubère devenait mineur, et même jusqu'à vingt-trois ans, époque de la majorité, la loi n'établissait plus d'autre différence que dans la quotité et la nature de la peine, toujours plus faible pour les mineurs [5]. Il est inutile d'ajouter que ces différentes distinctions étaient muettes et sans puissance dans les crimes atroces; la loi présumait que l'immoralité de ces crimes devait frapper l'intelligence même d'un enfant.

Notre ancienne jurisprudence avait à peu près conservé les règles tracées par les jurisconsultes romains [6]. On trouve dans le Journal des Audiences un arrêt du 16 mars 1630, qui infirme un décret de prise de corps décerné contre un impubère, âgé de onze ans et six mois, et prévenu de meurtre. Les auteurs citent plusieurs autres arrêts rendus dans le même sens, et qui font défense de procéder extraordinairement contre les impubères à l'avenir [7]. On rapporte même un arrêt du 3 mars 1661 qui condamne un écolier de 15 ans, coupable de meurtre, en une amende de 120 livres parisis, applicable au pain des prisonniers de la Conciergerie, et à 800 livres parisis d'intérêts civils. C'était plutôt une réparation civile qu'une peine. Cependant, au cas de vol, l'usage était d'arrêter les impubères et de les retenir en prison, à cause des complices; on les condamnait même quelquefois, et dans les cas les plus graves, d'après la maxime romaine malitia supplet ætatem, au fouet sous la custode, ou à être enfermé à temps ou pour toujours, même à être exposés à une potence, pendus sous les aisselles, suivant les circonstances [8]. Le Code pénal de 1791 a établi le premier les atténuations pénales que notre Code a perfectionnées. La législation anglaise, de même que la loi

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romaine, pose en principe qu'au-dessous de 7 ans un enfant ne peut être l'objet d'aucune poursuite. Depuis cet âge jusqu'à 14, il est, suivant l'expression du statut anglais, primâ facie doli incapax, mais il est sujet à la maxime malitia supplet ætatem; néanmoins les peines sont moins rigoureuses à son égard. Depuis 14 ans, le mineur perd le bienfait de cette présomption favorable, et devient passible des mêmes peines que le majeur. La loi n'a introduit une exception à cette règle, jusqu'à l'âge de 21 ans, qu'à l'égard de certaines contraventions qui consistent dans des omissions de faire (consisting of mere non feazance), parce que le mineur de 21 ans, n'ayant pas la disposition de ses biens, ne pourrait satisfaire à l'amende [1].

Le système du Code pénal autrichien se rapproche, sous plusieurs rapports, de celui qui précède. Cependant, par une disposition empruntée à la loi romaine, les actions punissables des enfants qui n'ont pas accompli leur dixième année sont abandonnées à la correction domestique. Aucune responsabilité pénale ne pèse sur eux. Depuis onze jusqu'à quatorze ans, les délits qu'ils commettent ne sont considérés et punis que comme des infractions de police. Mais, de même que dans la loi anglaise, ces distinctions cessent à cette époque, et les enfans de plus de 14 ans encourent les mêmes peines que les hommes mûrs [2]. *

Le Code criminel du Brésil a tracé des limites plus profondes. Au-dessous de 14 ans, les mineurs ne sont point considérés comme coupables des crimes qu'ils ont commis; seulement ils sont tenus de réparer sur leurs biens le préjudice qu'ils ont causé; et, s'il est prouvé qu'ils ont agi avec discernement, ils peuvent être renfermés dans des maisons de correction jusqu'à leur dix-septième année seulement. A 14 ans, la présomption favorable cesse pour le mineur; mais, s'il est reconnu coupable, le juge peut lui infliger une peine inférieure d'un tiers à la peine réservée au crime. Enfin, jusqu'à 21 ans, son âge seul constitue une circonstance atténuante qui doit entraîner une diminution des châtiments [3].

Nous nous arrêterons encore sur le projet du Code de la Louisiane. Nul acte commiş par

[1] Blakstone, Comm. sur le Code crim. d'Angleterre, t. 1, p. 29; Henry Stephen, Summary of the criminal law, p. 3.

un enfant au-dessous de dix ans ne peut être incriminé. Nul acte commis par un enfant de dix à quinze ans ne peut constituer un délit, à moins qu'il ne soit prouvé qu'il avait assez de discernement pour connaître la nature et l'illégalité de cet acte [4]: même dans l'intervalle de ces années, il est excusé, s'il a commis le crime sur l'ordre ou d'après les instigations des personnes qui ont autorité sur lui. Enfin, au-dessus de quinze ans, et jusqu'à la majorité, la peine est réduite à moitié, et cette peine est commuée en un apprentissage sous la surveillance du gardien de la prison d'état, qui le fait instruire dans une profession. Si nous résumons ces diverses législations, nous trouverons qu'elles fixent un âge d'irresponsabilité pour l'enfant. Cet àge s'étend à 10 ans 1/2 dans le droit romain, à 7 ans dans la loi anglaise, à 10 ans dans le Code autrichien et dans celui de la Louisiane, enfin jusqu'à 14 ans dans la loi du Brésil; d'une autre part, l'époque où la présomption favorable à l'enfant cesse de militer en sa faveur est à 14 ans dans les lois de Rome, d'Angleterre et d'Autriche, à 13 ans aux Etats-Unis, à 17 ans au Brésil. Quelques législations ont livré ces questions à la sagacité des juges, en les chargeant de mesurer les peines suivant l'intelligence des pré

venus.

Recherchons maintenant les principes qui doivent déterminer la solution de cette question.

Et d'abord, il faut reconnaître en fait qu'il est impossible de fixer une borne certaine entre la légèreté de l'enfant et la maturité de l'homme, de calculer l'époque précise où la raison commence à éclairer nos actions, où l'intelligence en pèse les conséquences, où la conscience en juge la moralité. La diversité des décisions des législateurs sur ce point en offre déjà une première preuve.

Et comment prétendre à un résultat exact, lorsque nos moyens d'observation sont nécessairement incomplets? En effet, quels sont les moyens d'apprécier le degré d'intelligence d'un enfant? Cette appréciation ne peut se faire que par voie d'induction. C'est par la comparaison des idées et des actes de l'enfant avec nos actes et nos idées, que nous jugerons s'il comprend le mal, s'il discerne le bien. C'est

[3] Art. 10, 11, 13 et 18.

[4] «To know the nature and illegality of the act which constituted the offence.» (Art. 29 et 30 Code

[2] Code pén. gén. d'Autriche, 1re part., art. 2, of crimes and punishments ) el 2o part, art 4.

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