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spéciaux? Mais il faudrait prouver alors que l'enfant, dont l'intelligence est trop débile pour concevoir la criminalité d'un délit commun, a toute l'intelligence nécessaire pour apprécier et comprendre les délits spéciaux; il faudrait admettre qu'inhabile à discerner la culpabilité d'un vol ou d'un assassinat, sa conscience lui révélerait sans peine la criminalité d'un délit de douanes, d'une contravention aux lois sur la chasse, d'une infraction à la police sanitaire. Or, n'est-il pas évident que les délits spéciaux, qui varient chez les divers peuples suivant les besoins et les mœurs, et qui puisent leur criminalité relative dans la loi et non dans la conscience humaine, sont plus difficiles à saisir que des infractions communes que les plus simples notions de la morale révèlent plus ou moins vivement? A la vérité, dans certaines matières spéciales, le fait matériel constitue à lui seul la contravention. Aussi nous n'hésitons point à reconnaître, avec la Cour de cassation [1], que les contraventions purement matérielles échappent à l'application de notre règle. Mais toutes les contraventions qui admettent la fraude comme élément constituent de véritables délits, et c'est surtout en ce qui concerne les infractions de cette nature que la présomption de non-discernement devrait protéger les mineurs de 16 ans. On objecte, avec plus de puissance, l'impossibilité où sont les juges de modifier les peines. Mais il faut prendre garde que nous ne prétendons point transporter hors du Code son art. 67 et les catégories de peines atténuantes qu'il établit en faveur des mineurs de 16 ans qui ont agi avec discernement; il ne s'agit point ici de l'excuse qui peut militer pour cette classe de prévenus, il s'agit uniquement de présomption favorable qui doit planer sur tout prévenu de cet âge, et de l'obligation de renvoyer des poursuites celui qui a commis le fait imputé, mais sans discernement. On oppose, enfin, l'article 484 du Code pénal qui maintient toutes les lois pénales relatives à des matières sur les quelles ce Code n'a pas statué. Mais le seul but de cette disposition a été de ne pas mettre obstacle aux poursuites qui sont dirigées en vertu de ces lois particulières; et il ne peut en résulter que l'art. 66, qui pose un principe général d'excuse, de même que les art. 59 et 60 ont posé un principe général de responsabilité criminelle, ne puisse étendre son empire sur tous les délits, soit ordinaires, soit spéciaux,

[1] Arr. cass., 28 nov. 1811.

[2] Arr. cass., 15 janv. 1825 (Bull. no 4.)

commis par les mineurs. Nous pensons donc que c'est un devoir pour les juges, de quelque nature que soit le délit poursuivi, de poser et de résoudre la question de discernement en faveur du prévenu de moins de 16 ans, avant toute application de la peine.

Les peines modifiées, dont les prévenus de moins de 16 ans, qui ont agi avec discernement, sont passibles, ont fait naître plusieurs difficultés.

Quelques tribunaux avaient pensé que le tiers de la peine qui leur est applicable, d'après le 3o § de l'art. 67, devait s'entendre du tiers du maximum de cette peine, abstraction faite de son minimum. Ce système était absurde, puisque, lorsqu'il se serait agi, par exemple, des travaux forcés à temps, la détention correctionnelle n'aurait pu être moindre de six ans et huit mois, et qu'ainsi le mineur eût été, quant à la durée de la peine, plus rigoureusement traité qu'un individu au-dessus de cet âge. La Cour de cassation a donc déclaré avec raison: « Que l'art. 67, en déterminant la peine à infliger aux mineurs de 16 ans qui avaient commis avec discernement des crimes emportant les travaux forcés à temps et la réclusion, a modifié ces deux peines, non-seulement quant à la gravité de leur nature, en les remplaçant par la détention correctionnelle, mais aussi quant à leur durée, en restreignant celle-ci à la limite du tiers de la moitié; et que, d'après les art. 19 et 21 du même Code pénal, la durée, soit des travaux forcés à temps, soit de la réclusion, pouvant n'être que de 5 ans, il s'ensuit, par une conséquence uécessaire des dispositions dudit art. 67, que la durée de la détention correctionnelle d'un mineur de 16 ans peut n'être que du tiers de cinq ans, c'est-à-dire de 20 mois [2]. »

Il a été également reconnu par la jurisprudence qu'il est contraire au vœu de l'art. 69 d'appliquer au condamné pour délit correctionnel, qui a agi avec discernement, la moitié de la peine qu'il aurait précisément subie s'il avait eu seize ans accomplis. Il est nécessaire que la peine appliquée soit au-dessous de la moitié de celle qu'il aurait dû subir s'il avait eu cet âge [3]. Cette solution n'est que l'application textuelle de la loi.

Il ne peut être douteux, au reste, que la peine d'emprisonnement portée par les articles 67 et 69 ne puisse, outre l'atténuation que motive l'âge de l'accusé, recevoir, s'il existe des cir

[3] Arr. Bordeaux, 26 août 1830 (Journ. du droit crim., 1830, p. 359.)

constances atténuantes, l'application de l'article 463, et être réduite par conséquent, même à une peine de simple police. En effet, la minorité, considérée comme circonstance d'excuse, convertit les peines afflictives et infamantes encourues par les mineurs, en peines correctionnelles. Mais, à côté de cette excuse, d'autres circonstances peuvent se rencontrer dont il est impossible de ne pas leur tenir compte comme à tous les prévenus passibles de peines correc tionnelles; d'ailleurs l'art. 463 s'applique, d'après son dernier paragraphe, dans tous les cas où la peine d'emprisonnement est prononcée par le Code pénal, et dès lors aucun motif ne saurait soustraire les prévenus de moins de seize ans au bénéfice de cette règle générale. Nous avons examiné précédemment [1] la question de savoir si le mineur qui a commis un crime et qui a été renvoyé devant les tribunaux correctionnels à raison de son âge, est passible de l'aggravation de peine portée contre la récidive, s'il se rend coupable d'un nouveau crime. Cette question, long-temps controversée, se trouve aujourd'hui résolue négativement par la nouvelle rédaction de l'art. 56 du C. P. Le mineur, indépendamment des peines qu'il peut encourir, peut encore être condamné aux frais de la procédure et même à des dommages-intérêts envers la partie civile. Un auteur a remarqué à ce sujet que cette condamnation pécuniaire n'exigeait pas la présence du tuteur, parce qu'en matière criminelle le mineur peut procéder comme s'il était majeur [2]. L'usage semble justifier cette opinion; cependant deux arrêts des Cours d'assises de la Moselle et du HautRhin ont adopté une solution contraire[3], et des motifs puissans viennent à l'appui de ces arrêts. La maxime Minor in delictis major habetur ne repose que sur une raison puérile dont les anciens jurisconsultes ont souvent abusé, quia malitia supplet ætatem. Mais cette maxime même ne peut pas s'appliquer à l'action en dommages-intérêts de la partie civile; car cette action est essentiellement civile, et si l'article 3 du Cod. d'inst. crim. permet de poursuivre l'action civile en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique, il n'est pas moins incontestable qu'elle demeure soumisc

[1] Tom. 1, p. 127 el 130.

[2] Traité des minorités, par M. Magnin, no 1511. Le mineur qui a chassé en temps permis sur le terrain d'autrui, sans le consentement du propriétaire, peut être poursuivi à la requête de la partie civile, sans que celle-ci soit tenue de met.

aux règles du droit civil; or, l'une de ces règles est que le mineur ne peut défendre à une action civile que sous l'autorisation de son tuteur. Et en effet, pourquoi les intérêts du mineur seraient-ils moins protégés devant les tribunaux criminels que devant les tribunaux civils? Pourquoi la même action ne conserverait-elle pas les mêmes formes devant l'une et l'autre juridiction? Le tuteur est le défenseur légitime du mineur; il supplée à l'infirmité de son âge; il complète sa personn civile. Sa présence est essentielle partout où les intérêts du pupille sont mis en péril, pour le diriger de ses conseils, pour lui prêter ses lumières, pour le défendre. La condition de la partie civile serait-elle donc exonérée par cette présence? Nullement; puisque son obligation consisterait uniquement à mettre en cause devant la Cour d'assises, comme elle l'eût fait devant le tribunal civil, le tuteur avec le pupille, le défenseur légal avec le prévenu. Cette formalité d'ailleurs est de l'essence de toutes les causes civiles où figurent des mineurs ; la partie civile ne pourrait s'en plaindre, car ce serait demander une exception au droit commun.

On doit même regretter peut-être que le tuteur ne soit pas appelé, dans les préventions criminelles, à côté de son pupille, pour l'éclairer dans sa défense, pour écarter des déclarations mensongères, pour combattre de pernicieux conseils. Outre l'administration de la fortune, le tuteur n'a-t-il pas encore la surveillance de la personne ? et le péril du mineur devant la justice ne serait-il pas une cause legitime de son intervention? L'empereur Justinien avait prévu ce danger des mineurs, et il y avait pourvu par l'une de ses plus belles lois : « Sancimus omninò debere et agentibus et pulsatis in criminalibus causis minoribus viginti quinque annis adesse tutores vel curatores.... ne ex suâ imperitiâ vel juvenili calore aliquid vel dicant vel taceant quod si fuisset prolatum vel non expressum, prodesse eis poterat et à deteriore calculo eos eripere [4]. »

L'art. 33 de la loi française du 17 avril 1832, sur la contrainte par corps, dipose que les arrêts et jugemens portant condamnation, au

tre le tuteur en cause. Brux. cass., 6 nov. 1822; J. de Br., 1822, t. 2, p. 53.

[3] Voy. Journ, du droit crim., 1829, p. 283, et 1831, p. 261.

[4] L. 4 C. de autorisat, præstandá,

profit de l'Etat, à des amendes, restitutions, dommages-intérêts et frais, en matière criminelle, correctionnelle et de police, peuvent être exécutés par la voie de cette contrainte. Cette disposition doit-elle s'appliquer aux condamnés mineurs? La Cour de cassation a résolu affirmativement cette question, sans donner aucuns motifs de sa décision; son arrêt porte « que le mineur de seize ans qui a été déclaré par le jury avoir agi sans discernement, et a été acquitté, soit qu'il ait été envoyé dans une maison de correction, soit qu'il n'y ait pas été envoyé, doit être condamné aux frais envers l'Etat, puisque, dans l'un comme dans l'autre cas, il a toujours par son fait donné lieu à la poursuite; que les frais liquidés par l'arrêt dans l'espèce s'élèvent à plus de 300 fr.; que dès-lors il y avait lieu, aux termes de l'art. 40 de la loi du 17 avril 1822, de fixer, à l'égard de l'accusé, la durée de la contrainte par corps, dans les limites tracées par l'art. 7 de ladite loi (d'un à dix ans) [1]».

Il faut reconnaître, d'abord, que la loi est conçue en termes généraux, et qu'elle ne fait aucune distinction en faveur des mineurs. Néanmoins de sérieuses objections peuvent être opposées à cette décision. Le principe général de la matière se trouve dans l'art. 2064 du Code civil, qui dispose que « la contrainte par corps ne peut être prononcée contre les mineurs. » La loi du 17 avril 1832 a reproduit une exception à ce principe, déjà posé par la loi du 15 germinal an vi, à l'égard des engagemens de commerce. Mais quel est le motif de cette exception? C'est que le gage de la dette commerciale est le fonds même de commerce dont le mineur a, dans ce cas, la libre disposition. Or, ce motif n'existe point en matière de condamnation pécuniaire par les tribunaux criminels. Le mineur se trouve, soit vis-à-vis de l'Etat, soit vis-à-vis de la partie civile, dans la position commune où l'ont placé la nature et la loi : dénué de biens le plus souvent, privé du moins de leur administration, quel sera donc le but de la contrainte qui lui sera infligée? Ensuite, même en matière criminelle, la contrainte par corps conserve son caractère propre, et ne participe nullement de la nature répressive des peines qu'elle accompagne elle ne constitue qu'une voie d'exécution, un simple` moyen de recouvrement [2]. L'emploi de cette voie semble donc devoir être

[1] Arr. cass. 27 juill. 1835 (Bull, no 261; Journ. du droit crim., 1835, p. 361.) [2] Voy. t. 1, p. 114.

dominé par les règles du droit civil; la loi criminelle a pu l'attacher à l'exécution de certaines condamnations, mais cette exécution demeure soumise aux dispositions communes de la loi civile, tant qu'aucune dérogation, comme en matière de commerce, ne vient en arrêter les effets. Enfin, la loi pénale elle-même a voulu préserver les mineurs du souffle contagieux des prisons, elle a voulu qu'ils restassent purs de la lèpre morale dont le séjour de ces maisons les eût infectés. C'est pour atteindre ce but qu'elle les a rendus à la correction de la famille, toutes les fois qu'elle l'a pu sans péril, toutes les fois qu'ils avaient agi sans discernement. Cependant quel sera le résultat de la jurisprudence de la Cour de cassation? C'est que le prévenu de moins de seize ans, même acquitté, même rendu à sa famille, conservé encore dans les prisons à raison des frais de procédure auxquels cette Cour persiste à le condamner malgré son acquittement. Chargé de ces frais et des dommages-intérêts qu'il a pu encourir par suite de son action, il sera condamné à expier cette dette par des années de détention. L'intention humaine de la loi sera donc trompée, son but ne sera pas atteint.

sera

Nous avons vu que, d'après l'art. 1er de la loi du 25 juin 1824, qui forme aujourd'hui l'art. 68 du Code pénal, une règle générale est que les prévenus àgés de moins de seize ans, alors même qu'ils sont poursuivis pour crime, sont justiciables de la juridiction correctionnelle : cette règle reçoit plusieurs exceptions.

La Cour d'assises devient compétente pour connaître des crimes ou délits commis par des prévenus de moins de seize ans, 1o lorsque le fait est qualifié crime par la loi et que le prévenu a des complices présens âgés de plus de seize ans, à cause de l'indivisibilité de la procédure (art. 66 du Cod. pén.); 2o si le crime dont il est prévenu est passible de la peine de mort, de celle des travaux forcés à perpétuité, de la déportation ou de la détention (art. 68 C. P.) : [*] la gravité du crime ou sa nature politique ont motivé cette exception, 3o si le fait, quoique qualifié délit, a été commis pr voie de publication, ou s'il est d'une nature politique (art. 13 de la loi du 26 mai 1819 et 1er de celle du 8 octobre 1830): la loi a placé sous la protection du jury la conservation des droits politiques et la liberté de la presse [**],

[*] Voy la loi Belge du 29 févr. 1832, art. 1or, [**] D'après la Constitution belge, art.98, le jury est établi en toutes matières criminelles et pour

Enfin, la Cour d'assises, devant laquelle un accusé de moins de seize ans serait renvoyé à raison de l'incertitude de son âge, ne pourrait se déclarer incompétente, après avoir reconnu qu'il a moins de seize ans. La jurisprudence de la Cour de cassation est constante sur ce point [1], et elle se fonde sur le motif que les arrêts des chambres d'accusation, qui ne sont qu'indicatifs de juridiction à l'égard des tribunaux correctionnels, sont attributifs de cette juridiction pour les Cours d'assises, qu'ils lient irrévocablement. Il est d'ailleurs de principe que les Cours d'assises sont investies de la plénitude la juridiction criminelle, et qu'elles ne doivent jamais se déclarer incompétentes, soit à raison de la qualité des personnes, soit à raison de la nature des faits qui leur sont déférés [2].

jeunes esprits plus ignorans que pervertis, plus égarés que coupables. Nous sommes heureux de proclamer que cette sainte obligation a commencé à exciter la sollicitude de l'administration: des mesures récentes prises en faveur des jeunes détenus, et dans le but de leur assurer un état, promettent des résultats féconds. Une maison spéciale a même été élevée à Paris pour les seuls condamnés de moins de seize ans, et toutes les règles pénitentiaires que l'expérience a sanctionnées y sont appliquées avec autant de sagacité que de dévoùment. Le succès de cette entreprise doit vivement appeler l'attention des criminalistes; il y a là une pensée d'humanité; il y a aussi une pensée d'avenir pour la législation pénale [*].

Enfin, ce n'est pas assez d'instruire, pendant la durée de leur peine, les condamnés de moins de seize ans. Une considération fondamentale de tout système pénal amélioré est que les sujets libérés ne soient point jetés sur le pavé sans sur

En terminant nos observations sur les jeunes prévenus, nous dirons quelques mots sur les tentatives récemment faites pour les arracher, par le bienfait de l'éducation, aux mal-veillance et sans appui; c'est à ce besoin, aussi heureuses habitudes qui les conduisent au crime. C'est surtout à l'égard de cette classe de condamnés que les heureux effets du système pénitentiaire n'éprouvent nulle incertitude, car à cet âge les habitudes ne sont point enracinées, les sentimens ne sont point pervertis; c'est un terrain qui ne manque que de culture.

Il résulte des comptes annuels de l'administration de la justice criminelle, que la plus grande partie des prévenus au-dessous de seize ans ne sont poursuivis que pour vagabondage ou pour vol simple. Ces jeunes enfans, abondonnés de leur famille, ou séduits par l'idée d'une vie aventureuse, adoptent une existence vagabonde et oisive qui les mène immédiatement à dérober les objets de leur convoitise ou de leurs besoins. Ce qu'il faut à ces enfans, ce n'est pas la prison qui achèverait de les précipiter dans le crime, c'est l'éducation; ce n'est pas une peine, c'est une profession. Le premier soin de l'administration doit être de substituer une maison de correction, une maison de travail et d'instruction, et de répandre le bienfait d'un enseignement élémentaire et moral dans ces

délits politiques et de la presse. (décret organique du 29 juill. 1831.)

[1] Arr. cass, 20 avril., 13 juill. et 14 sept. 1827 (Bull. no 182 et 240); 5 juill. 1832 (Journ. du droit crim., 1832, p. 184).

profond peut-être que le premier, qu'une société fondée par une philantropique pensée à repondu [3]; son but est de prendre sous sa protection les jeunes libérés à leur sortie de la maison de correction, de leur choisir une profession suivant leurs penchants, de les placer en apprentissage, et de les surveiller. Puisse cette paternelle tutelle, étendue sur tous les points de la France, offrir à tous les jeunes détenus un frein salutaire, un appui protecteur! Puisse cette généreuse tentative embrasser peu à peu toutes les classes des condamnés!

§ II.

Il nous reste à parler de l'influence de l'âge relativement aux vieillards.

Les anciens accordaient plusieurs priviléges à la vieillesse,car, ainsi que l'a ditle poète : Magna fuit quondam capitis reverentia cani. La loi romaine diminuait les peines en sa faveur [4], elle voyait même dans un âge avancé une sorte d'excuse: Ignoscitur his qui ætate defecti sunt [5]. Les jurisconsultes avaient adopté cette dernière opinion: Senectus est, dit Ti

[*] Voy. les notes de l'éditeur belge.

[3] La Société des jeunes détenus, fondée à Paris par M. Moreau (Christophe), philantrope aussi éclairé que modeste.

[4] L. 2, Dig. de termino moto; l. 4, Dig. ad leg.

[2] Arr. cass 2 oct. 1828 (Journ. du crim, 1829, Jul. pecul. ; I. 108, Dig. de reg. juris.

p. 56).

[5] L. 3. § 7, Dig. de senat. cons. Sillan.

raqueau, veluti altera pueritia [1]; et Farinacius donne le même motif à l'affaiblissement des peines: Senes sunt diminuti sensu et intellectu ità quod repuerastere incipiant [2]. Toutefois, cette excuse n'avait pour effet que d'affaiblir la peine, elle ne l'effaçait pas [3]; elle ne s'appliquait, d'ailleurs, qu'aux peines corporelles et non aux condamnations pécuniaires [4]. distinction qui paraît contraire au caractère de l'excuse. Quant à l'âge où le privilége pouvait être invoqué par la vieillesse, cet âge est incertain; quelques jurisconsultes indiquent l'âge de 60 ans, d'autres de 70 [5] : les lois parlent de la vieillesse, sans la définir.

Le Code pénal du 25 septembre - 6 octobre 1791 avait également vu dans la vieillesse une cause d'excuse, puisqu'il lui donnait le privilége de faire cesser la peine; aucune peine ne pouvait être prononcée pour plus de cinq ans, lorsque le condamné avait atteint 75 ans, et il était mis en liberté lorsqu'il était parvenu à l'âge de 80 [6].

Cependant la vieillesse ne nous paraît point en elle-même une cause d'excuse, car l'âge seul, quelque avancé qu'il soit, n'est point incompatible avec la criminalité; à la vérité, la vieillesse produit souvent un affaiblissement des facultés intellectuelles, mais cet affaiblissement, tant qu'il ne dégénère pas en un état d'imbécillité, n'exclut pas la culpabilité. Le vieillard est même souvent plus coupable, puisqu'il a contre lui les leçons méprisées d'une longue expérience, les habitudes morales de toute sa vie, et l'amortis sement des passions.

La présomption de discernement pèse donc sur le vieillard: il ne peut invoquer le privilége des mineurs au-dessous de 16 ans. Ce ne serait que dans le cas où il aurait agi sans connaissance, avec cet esprit de torpeur morale qui engourdit les sens et l'intelligence d'une vieillesse trèsavancée, que la question de discernement pourrait être posée en sa faveur; mais cette question se confondrait alors avec celle de la volonté; ce

[1] De pænis temperandis, p. 29. [2] Quæst. 92, no 23.

ne serait plus une excuse, mais un motif de justification; l'admettre, ce serait déclarer qu'il n'y a ni crime ni délit.

Cependant la loi doit adoucir les punitions qu'elle inflige aux vieillards, non parce que leur âge atténue l'action criminelle, mais à cause de l'excessive gravité qu'auraient certaines peines dans leur application à un individu d'un âge trop avancé.

Tels sont les principes qui ont dirigé le législateur du Code pénal. «Nous avons pensé, porte l'exposé des motifs, après avoir rappelé les dispositions du Code de 1791, qu'il serait plus convenable de ne rien changer à la durée des peines, mais d'y substituer la réclusion, comme mieux appropriée à l'état du vieillard. Les travaux forcés seraient trop rigoureux pour la plupart des septuagénaires: il n'en est pas ainsi de la réclusion; et comme le but de la loi ne peut être de faire rentrer dans la société le coupable qui a 70 ans, plutôt qu'un autre coupable moins âgé, comme il s'agit uniquement d'empêcher qu'il ne succombe par l'effet de travaux et de fatigues excessives, on a donné la préférence au mode proposé [7]. >>

Le système du Code se borne done uniquement à substituer les peines de la détention ou de la réclusion à celles des travaux forcés à perpétuité ou à temps et de la déportation, quand ces dernières peines sont encourues par des septuagénaires [8]. C'est une atténuation dans le mode de la peine, mais non dans sa durée.

L'art. 70 est muet sur la peine de mort; il en résulte qu'à quelqu'âge que le coupable ait commis son crime, c'est toujours cette peine qui doit lui être appliquée, si le crime qu'il a commisen est passible. Peut-être eût-on pu épargner 1 échafaud aux cheveux blancs du vieillard; il y a quelque chose qui répugne à trancher cette vie expirante, à achever des jours épuisés et à demi éteints. Et qu'est-ce que la mort, d'ailleurs, comme peine, à cette époque où la nature ouvre la tombe devant l'homme? La société n'est-elle

moment du jugement. » — Art. 71 « Ces peines seront remplacées, à leur égard, savoir: celle dé

[3]Gomezius,de delict., c.68; Jul.Clarus, quæst.60. la déportation, par la détention à perpétuité, et les

[4] Farinacius, quæst. 92, no 36.

[5] Farinacius, ibid., no 37.

[6] 2 part., tit. 3, art. 6 et 7.

[7] Rapp. de M. Faure; Locré, t.15, édit. Tarlier. [8] Voici le texte du Code, art. 70: « Les peines des travaux forcés à perpétuité, de la déportation et des travaux forcés à terme, ne seront prononcées contre aucun individu âgé de 70 ans accomplis au

autres, par celle de la réclusion, soit à perpétuité, soit à temps, selon la durée de la peine qu'elle remplacera». Art.72: «Tout condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité ou à temps, dès qu'il aura atteint l'âge de 70 ans accomplis, en sera relevé, et sera renfermé dans la maison de force pour tout le temps à expirer de la peine, comme s'il n'eût été condamné qu'à la réclusion. »

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